Quelle protection pour l’univers du champagne ?  

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Quelle protection pour l’univers du champagne ?  
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Appellation d’origine Champagne

L’appellation d’origine Champagne ne permet pas de s’opposer à toute utilisation du vocable de l’univers du Champagne. Le Comité du vin de champagne (C.I.V.C) a de nouveau été débouté de son action en concurrence déloyale contre un producteur de « champagne » non alcoolisé ayant fortement axé sa communication, y compris sur les réseaux sociaux, autour de l’univers du Champagne (usage des hashtags  #FrenchChampagne,  #VirginChampagne, reprise de la forme de la bouteille, usage du vocabulaire évocateur de l’univers de luxe, de prestige et de fête : « seau à champagne », « flûtes », « cépages », « cuvée » …)

Article 103 du Règlement du 17 décembre 2013

Le Champagne est protégé au titre des appellations d’origine (AOP). L’article 103 du Règlement UE n°1308/2013 du 17 décembre 2013 pose qu’une AOP et une indication géographique protégée (IGP) peuvent être utilisées par tout opérateur commercialisant un vin produit conformément au cahier des charges correspondant. Une AOP et une IGP ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre i) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée (pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ou dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique) ; ii) contre toute usurpation, imitation ou évocation même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que ” genre “, ” type “, ” méthode “, ” façon “, ” imitation “, ” goût “, ” manière ” ou d’une expression similaire, iii) contre toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, à l’origine, à la nature ou aux qualités substantielles du produit figurant sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit vitivinicole concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un contenant de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit, iv) contre toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Le règlement précité interdit l’utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination protégée, i) pour les produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à ladite dénomination, ou ii) dans la mesure où cette utilisation exploite la réputation d’une appellation d’origine ou indication géographique.

En l’espèce, le CIVC ne reprochait pas à la société en défense l’évocation de l’appellation « Champagne » dans la dénomination de la boisson qu’elle vend, mais l’usage de la dénomination de l’appellation d’origine « Champagne » dans l’argumentaire promotionnel et commercial de sa boisson sans alcool. Or, une boisson pétillante non alcoolisée n’est pas juridiquement un produit comparable avec les vins bénéficiant de l’appellation d’origine « Champagne ».

Le vocable de l’univers du Champagne a été jugé non susceptible d’appropriation et l’usage de l’expression « Champagne Alternative » a été considéré comme une utilisation ponctuelle ne constituant pas un usage commercial direct ou indirect de l’appellation Champagne au sens de l’article 103 du règlement.

Le fait pour le fabricant de présenter son produit comme une alternative aux boissons alcoolisées pendant le temps de la grossesse pour les femmes « amatrices de champagne ou de crémant », en associant ces deux appellations, désigne les boissons effervescentes alcoolisées dans leur ensemble, et ne révèle pas une exploitation de la réputation de l’appellation  d’origine.

Pas d’évocation fautive

Les AOP et les IGP sont protégées, par l’article L103 2.b) du règlement n°1308/2013, contre « toute usurpation, imitation ou évocation même si l’origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d’une expression telle que ” genre “, ” type “, ” méthode “, ” façon “, ” imitation “, ” goût “, ” manière ” ou d’une expression similaire.

La CJUE a jugé (arrêt C-87/97, 4 mars 1999), s’agissant de l’application du règlement 2081/92 du Conseil, que la notion d’évocation  recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner le produit incorpore une partie de la dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du produit, est amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation. Elle a également jugé (arrêt C-75/15, 21 janvier 2016), en application du règlement 110/2008, qu’ afin d’apprécier l’existence d’une « évocation », il incombe au juge national de vérifier si le consommateur, en présence de la dénomination était amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’IGP.

Si ces décisions n’ont pas été rendues en application du règlement 1308/2013, elles ont été prononcées au vu respectivement du règlement 2081/92 du 14 juillet 1992 relatif à la protection des IGP et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires et du règlement 110/2008 du 15 janvier 2008 concernant la définition, la désignation, la présentation, l’étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses, qui portent ainsi sur la même problématique de la protection des appellations d’origine des indications géographiques.

La CJUE a également jugé que l’utilisation d’une AOP comme partie de la dénomination sous laquelle est vendue une denrée alimentaire qui ne répond pas au cahier des charges relatif à cette AOP, mais qui contient un ingrédient répondant au cahier des charges, ne constitue pas une usurpation, ou une évocation, ce qui révèle une interprétation stricte de la notion d’évocation. L’EUIPO partage cette appréciation stricte, puisqu’elle retient qu’il y a évocation d’une AOP lorsque la marque en incorpore la partie géographiquement significative, ou comporte un adjectif ou nom équivalent qui indique la même origine géographique, lorsque l’AOP/IGP est traduite ou encore lorsque la marque inclut une expression de « délocalisation » en plus de l’AOP/IGP ou son évocation.

En l’occurrence il n’y avait, dans la dénomination du produit en cause (So Jenny) aucune reprise, totale ou partielle, de l’appellation Champagne. Au surplus il faut, pour qu’il y ait évocation selon l’article 103 §2.b du règlement 1308/2013, que le consommateur, en présence du nom du produit, soit amené à avoir à l’esprit, comme image de référence, la marchandise bénéficiant de cette dénomination. Or, la boisson en cause est réalisée à partir de jus de raisin, il ne peut être reproché à la société intimée, pour en faire la promotion, d’utiliser le champ lexical de la vigne et du raisin, qui ne peut être réservé aux seuls producteurs de champagne. Il en est de même du vocabulaire propre à la dégustation de boissons effervescentes ou à base de raisin, comme de ses accessoires tels les seaux à glaces ou les flûtes. Par ailleurs, l’appellation Champagne ne dispose pas du monopole de l’évocation des événements festifs et du luxe.

Question de l’étiquetage

A noter que la mention « Châlons en Champagne » sur l’étiquette du produit So Jenny correspond à l’indication de la commune dans laquelle la société avait son siège social, de sorte qu’il ne s’agissait pas non plus d’une fausse indication d’origine du produit.

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