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La société a été jugée en faveur de l’annulation du redressement réalisé par l’URSSAF sur deux points. Tout d’abord, les comédiens employés par la société ont été reconnus comme des artistes du spectacle, ce qui leur permet de bénéficier du taux réduit de cotisations. Ensuite, la société a également obtenu le droit de bénéficier de la déduction forfaitaire spécifique pour les activités artistiques. Le jugement de première instance a été confirmé sur ces points. En ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles, l’URSSAF a été condamnée à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE : CONTENTIEUX PROTECTION SOCIALE
COLLÉGIALE
RG : N° RG 21/06025 – N° Portalis DBVX-V-B7F-NYLD
Organisme URSSAF
C/
S.A.S. [3]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Pole social du TJ de LYON
du 25 Juin 2021
RG : 15/02600
AU NOM DU PEUPLE FRAN’AIS
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE D
PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU 31 JANVIER 2024
APPELANTE :
Organisme URSSAF
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Nicolas ROGNERUD de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me MERIEN de la SELARL AXIOME AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.S. [3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Sophie BONNET-SAINT-GEORGES, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 28 Novembre 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Présidée par Vincent CASTELLI, Conseiller et Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère, magistrats rapporteurs (sans opposition des parties dûment avisées) qui en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistés pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR:
Etienne RIGAL, Président
Vincent CASTELLI, Conseiller
Nabila BOUCHENTOUF, Conseillère
Assistés pendant les débats de Anais MAYOUD, Greffière.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 31 Janvier 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Etienne RIGAL, Président et par Anais MAYOUD, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
L’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [Localité 5] (l’URSSAF) a procédé à un contrôle portant sur l’assiette des cotisations et contributions de sécurité sociale de la société [3] (la société), concernant notamment l’établissement de [Localité 4], pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.
L’URSSAF a notifié à la société une lettre d’observations datée du 11 mars 2015, mentionnant un rappel de cotisations et contributions sociales d’un montant total de 5 909,00 euros.
Aux termes de la lettre d’observations, ce rappel était motivé par :
l’application erronée des taux réduits de cotisations applicables aux artistes du spectacle concernant respectivement les années 2012 et 2013,
les frais professionnels, déduction forfaitaire spécifique, conditions d’accès aux artistes du spectacle respectivement pour les années 2012 et 2013.
Le 28 septembre 2015, la société a saisi la commission de recours amiable de l’URSSAF d’une contestation de l’ensemble des chefs de redressement.
Le 16 novembre 2015, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Lyon en contestation de la décision de rejet implicite de la commission de recours amiable.
Le 29 janvier 2016, la commission de recours amiable de l’URSSAF a rejeté le recours de la société.
Par jugement du 25 juin 2021, le tribunal judiciaire de Lyon, devant lequel s’est poursuivie l’instance :
– annule les chefs de redressement objets des points 1 « taux réduit artistes du spectacle » (3 038 € en cotisations), et 2 « frais professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique ‘ conditions d’accès aux artistes du spectacle » (2 871 € en cotisations) de la lettre d’observations du 11 mars 2015,
– Infirme la décision de la commission de recours amiable du 29 janvier 2016, notifiée le 24 février suivant,
– rejette la demande reconventionnelle en paiement de l’URSSAF [Localité 5],
– rejette les demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamne l’URSSAF [Localité 5] aux dépens.
Le 20 juillet 2021, l’URSSAF a relevé appel de ce jugement.
Dans ses conclusions reçues au greffe le 5 septembre 2022, oralement soutenues à l’audience des débats sans ajout ni retrait, l’URSSAF demande à la cour d’infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
– confirmer les chefs de redressement objets des points 1 « taux réduit artistes du spectacle » (3 038 € en cotisations), et 2 « frais professionnels ‘ déduction forfaitaire spécifique ‘ conditions d’accès aux artistes du spectacle » (2 871 € en cotisations) de la lettre d’observation du 11 mars 2015,
– confirmer la décision de la commission de recours amiable du 29 janvier 2016, notifiée le 24 février suivant,
– condamner la société [3] au paiement de la somme de 4 637 euros de cotisations et contributions sociales, outre 851 euros de majorations de retard,
– condamner la société [3] au paiement de la somme de 1 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [3] aux dépens.
Dans ses conclusions reçues au greffe le 31 janvier 2023 (via RPVJ), oralement soutenues à l’audience des débats sans ajout ni retrait, la société demande à la cour de confirmer le jugement et, y ajoutant, de :
– condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter l’URSSAF de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions contraires,
– condamner l’URSSAF aux dépens.
En application de l’article 455 du Code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
L’arrêt est contradictoire.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la pièce n°10 de la société
Il résulte de l’article R.243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2013-1107 du 3 décembre 2013, applicable à la période de contrôle litigieuse, que la procédure de contrôle des cotisations sociales est soumise au principe de la contradiction.
L’URSSAF sollicite que la pièce n°10 produite par la société soit écartée des débats au motif que celle-ci ne lui a pas été communiquée pendant la phase du contrôle, mais postérieurement, à l’occasion de l’instance judiciaire devant le tribunal judiciaire.
Toutefois, la société justifie, par un courrier à l’URSSAF daté du 3 avril 2015 ainsi que par une réponse de l’URSSAF du 14 avril 2015, soit pendant la phase de contrôle, de ce qu’elle a transmis à l’organisme social une clé USB contenant des enregistrements sonores des prestations réalisées par ses salariés, soit un contenu identique ou similaire à celui stocké sur la clé USB produite aux débats en sa pièce n°10.
Il n’est pas allégué au demeurant par l’URSSAF que le contenu des clés ci-avant mentionnées soit distinct, de même qu’il n’est pas allégué que l’organisme ait adressé à la société des demandes de pièces auxquelles celle-ci aurait répondu tardivement.
Il n’y a pas lieu, au vu de ces éléments, d’écarter des débats la pièce n°10 de la société.
Sur le redressement
Sur le taux réduit des cotisations des artistes du spectacle
Selon l’article 1er de l’arrêté du 24 janvier 1975 fixant le taux des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales au titre de l’emploi des artistes du spectacle, dans sa rédaction issue de l’arrêté n°2006-12-12 publiée au journal officiel de la République française du 30 décembre 2006, applicable en l’espèce, les taux des cotisations d’assurances sociales, d’accidents du travail et de maladies professionnelles et d’allocations familiales dues au titre de l’emploi des artistes du spectacle visés au 15° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, sont fixés à raison de 70 % des taux du régime général des salariés.
L’article L.311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, applicable à la date du contrôle litigieux, vise les artistes du spectacle et les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des articles L.762-1 et suivants, L.763-1 et L.763-2 du code du travail.
Selon l’article L.762-1, alinéa 4, du code du travail, abrogé au 1er mai 2008 et remplacé par l’article L.7121-2 dans une rédaction identique, sont considérés comme artistes du spectacle, notamment l’artiste lyrique, l’artiste dramatique, l’artiste chorégraphique, l’artiste de variétés, le musicien, le chansonnier, l’artiste de complément, le chef d’orchestre, l’arrangeur-orchestrateur et, pour l’exécution matérielle de sa conception artistique, le metteur en scène.
Il résulte de cette énumération non limitative que doivent être qualifiés d’artistes du spectacle les personnes participant à une manifestation destinée à un public et faisant appel à leur talent personnel, la participation artistique n’impliquant pas nécessairement l’originalité mais pouvant consister dans le fait de se livrer, par la voix ou le geste, à un jeu de scène impliquant une interprétation personnelle (Civ. 2e, 14 déc. 2004, n°03-30.387).
En l’espèce, les parties s’opposent quant à la reconnaissance de la qualité d’artistes du spectacle aux comédiens embauchés par la société, et, partant, sur le taux de cotisations qui leur est applicable.
Selon les contrats produits, la société emploie des personnes en qualité de « comédiens » pour réaliser des prestations dites de « voix off ». Il est constant qu’il s’agit d’enregistrements sonores destinés à être diffusés dans des musées ou institutions culturelles, par le biais d’audio-guides, visio-guides, tablettes ou applications diverses.
L’URSSAF, pour dénier la qualité d’artistes du spectacle aux personnes ainsi embauchées, considère que leurs prestations, dépourvues de caractère artistique manifeste, ne peuvent s’assimiler à une activité réalisée au sein d’un spectacle, où l’artiste apporte une contribution personnelle à l”uvre exécutée.
Cependant, l’écoute des enregistrements produits aux débats permet à la cour de se convaincre que ces bandes sonores mettent en scène différents personnages fictifs, de différentes époques, auxquels les comédiennes et comédiens embauchés prêtent leur voix, véhiculant des émotions au public des musées et institutions culturelles par l’interprétation personnelle qu’ils font des textes.
Et il importe peu, comme le relève la société, que la manifestation culturelle destinée à ce public soit enregistrée et non exécutée en direct.
C’est donc à juste titre et par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu la qualité d’artistes du spectacle au profit des comédiens recrutés par la société, auxquels le taux réduit de cotisation doit dès lors s’appliquer.
Il y a lieu d’annuler le redressement réalisé par l’URSSAF sur le premier point.
Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la déduction forfaitaire spécifique pour les activités artistiques
Selon l’article 9 de l’arrêté du 20 décembre 2002, dans sa rédaction issue de l’arrêté du 25 juillet 2005, publié au journal officiel de la République française le 6 août 2005, relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, les professions, prévues à l’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, qui comportent des frais dont le montant est notoirement supérieur à celui résultant du dispositif prévu aux articles précédents peuvent bénéficier d’une déduction forfaitaire spécifique.
L’article 5 de l’annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, prévoit que les contribuables exerçant les professions désignées dans le tableau ci-dessous ont droit à une déduction supplémentaire pour frais professionnels, calculée d’après les taux indiqués audit tableau.
Artistes dramatiques, lyriques, cinématographiques ou chorégraphiques : 25 %.
[‘]
Pour des motifs identiques à ceux précédemment développés, il y a lieu de retenir la qualité d’artistes dramatiques à l’égard des comédiens embauchés par la société, et partant d’annuler le redressement réalisé par l’URSSAF sur le second point.
Le jugement est également confirmé de ce chef.
Sur dépens et les frais irrépétibles
La société ne sollicitant pas la réformation du jugement quant aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance, le jugement est confirmé sur ces points, ainsi que le sollicite l’URSSAF.
En considération de l’équité, l’URSSAF est condamnée à verser à la société la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d’appel.
La demande de l’URSSAF de ce chef est rejetée.
L’URSSAF est tenue aux dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [Localité 5] à verser à la société [3] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Rejette la demande de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [Localité 5] de ce chef,
Condamne l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales [Localité 5] aux dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT