Publicité Lindt : une contrefaçon des illuminations des Champs-Elysées ?

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Publicité Lindt : une contrefaçon des illuminations des Champs-Elysées ?
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Poursuivi par le comité d’organisation de l’illumination de l’Avenue des champs élysées, Lindt a échappé à la contrefaçon . Les prises de vue de la vidéo publicitaire des chocolats Lindt diffère significativement de l’aspect réel des illuminations en cause (contrefaçon écartée). Les caractéristiques originales de l’œuvre ne sont pas reproduites et la contrefaçon alléguée n’est pas démontrée.

Les illuminations bénéficient toutefois de la protection du droit d’auteur en raison de leur originalité : guirlandes des leds en forme biseautée ascendante constituant un éclairage public, enveloppant verticalement les arbres de part et d’autre d’une avenue, comportant des Leds blancs purs scintillants à l’extrémité du cheminement, en tant qu’elles donnent l’impression homogène qu’une avenue est parcourue, de part et d’autre, de flûtes de Champagne surmontées de mousse.

Ces éléments d’expression établissent l’existence de l’œuvre originale revendiquée, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Le parasitisme n’a pas non plus été retenu. Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le parasitisme est constitué par l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (v. en ce sens Com. 26 janvier 1999, n°96-22.457). Il suppose en particulier de démontrer la volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui afin de bénéficier de la valeur économique générée par son activité (v. en ce sens Com. 4 février 2014, n°13-10.039 et Civ. 1ère, 22 juin 2017, n°14-20.310).

Aux termes de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

Les dispositions qui précèdent transposent la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

La Cour de justice de l’Union européenne rappelle dans sa décision du 13 novembre 2018, Levola Hengelo BV, dans l’affaire C-310/17 que « 33. (…) la directive 2001/29 dispose, à ses articles 2 à 4, que les États membres prévoient un ensemble de droits exclusifs portant, pour les auteurs, sur leurs « œuvres » (…) [notion qui] doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, points 27 et 28, ainsi que du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C-201/13, EU:C:2014:2132, points 14 et 15) (…). 35. À cet égard, pour qu’un objet puisse revêtir la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, il importe que soient réunies deux conditions cumulatives. 36. D’une part, il faut que l’objet concerné soit original, en ce sens qu’il constitue une création intellectuelle propre à son auteur (arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 97 ainsi que jurisprudence citée). 37. D’autre part, la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009 Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, point 39, ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 159) ».

Par cette même décision la Cour de justice rappelle que « 39. (…) l’article 2, paragraphe 1, de la convention de Berne, les œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression. De plus, conformément à l’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et à l’article 9, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, mentionné au point 6 du présent arrêt et qui fait également partie de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, SCF, C-135/10, EU:C:2012:140, points 39 et 40), ce sont les expressions et non les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels, qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2012, SAS Institute, C-406/10, EU:C:2012:259, point 33). 40. Partant, la notion d’« œuvre » visée par la directive 2001/29 implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente ».
29. L’originalité d’une création visuelle déterminant l’existence d’une œuvre de l’esprit peut être démontrée abstraction faite d’un événement public à l’occasion duquel elle est commandée (v. en ce sens Civ. 1ère, 3 mars 1992, n°90-18.081).

Résumé de l’affaire

L’association Comité [Adresse 6] a engagé une action en justice contre les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG pour contrefaçon des Illuminations de l'[Adresse 6]. Le Comité demande l’interdiction d’exploiter toute représentation des Illuminations, des dommages-intérêts et la publication du jugement sur les sites internet et réseaux sociaux des sociétés Lindt. Les sociétés Lindt demandent la nullité des assignations, le rejet des demandes du Comité et des dommages-intérêts pour procédure abusive. Le tribunal doit rendre sa décision le 16 mai 2024.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

16 mai 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 20/06340
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrées à : Me JACQUEY #L112
Copie certifiée conforme délivrée à : Me BAUD #J1

3ème chambre
1ère section

N° RG 20/06340
N° Portalis 352J-W-B7E-CSMHT

N° MINUTE :

Assignation du :
06 février 2020

JUGEMENT
rendu le 16 mai 2024

DEMANDERESSE

Association COMITE [Adresse 6]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Emmanuel BAUD du PARTNERSHIPS JONES DAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0001

DÉFENDERESSES

S.A.S. LINDT ET SPRÜNGLI
[Adresse 2]
[Localité 3]

Société CHOCOLADEFABRIKEN LINDT ET SPRÜNGLI AG
[Adresse 10]
[Localité 5] (SUISSE)

Société LINDT ET SPRÜNGLI INTERNATIONAL AG
[Adresse 10]
[Localité 5] (SUISSE)

représentées par Me Jehan-Philippe JACQUEY de la SELARL GILBEY LEGAL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0112

Décision du 16 mai 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 20/06340
N° Portalis 352J-W-B7E-CSMHT

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 29 janvier 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 mars 2024.
Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 16 mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

1. L’association Comité [Adresse 6] se présente comme conduisant et coordonnant les actions des enseignes riveraines de l’[Adresse 6] à [Localité 9] en faveur de la promotion de la notoriété internationale de l’[Adresse 6]. A cette fin, l’association explique avoir entrepris en qualité d’organisateur-producteur, d’illuminer à l’occasion des fêtes de fin d’année tout ou partie de ladite avenue, à l’aide de dispositifs électriques et de matériels électroniques.

2. Le Comité [Adresse 6] a appris, à la fin du mois de novembre 2019, l’existence d’une campagne promotionnelle des boîtes de chocolats « Lindt [Adresse 6] », utilisant une représentation des Illuminations de l’[Adresse 6] telles qu’elles étaient présentées de 2014 à 2017, à savoir la Version Scintillance des Illuminations. Le 6 décembre 2019, Me [J], huissier de justice à [Localité 9], a été mandaté pour procéder à des opérations de constat.

3. Le Comité [Adresse 6], a, par acte du 10 décembre 2019, fait assigner les sociétés Lindt France et Lindt Suisse devant le juge des référés du tribunal Judiciaire de Paris. Par ordonnance contradictoire rendue le 23 décembre 2019, le juge des référés, après avoir constaté la cessation de la campagne litigieuse a considéré qu’il ne pouvait se prononcer avec l’évidence nécessaire sur l’originalité de l’œuvre revendiquée et la matérialité de la contrefaçon et a donc débouté le Comité [Adresse 6] de ses prétentions à ce titre.

4. Par la suite, le Comité [Adresse 6] a fait procéder, le 7 janvier 2020, à une saisie-contrefaçon dans les locaux du siège social de la société Lindt France, autorisée le 9 décembre 2019.

5. Par ordonnance de référé-rétractation rendue le 5 juin 2020, le juge ayant rendu la requête a débouté la société Lindt France de l’intégralité de ses demandes tenant à l’annulation de la saisie-contrefaçon pratiquée.

6. Par actes d’huissier de justice des 6 février et 4 mars 2020, l’association Comité [Adresse 6] a fait assigner les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG devant le tribunal judiciaire de Paris, en de contrefaçon de la « version Scintillante des illuminations des [Adresse 6] ».

7. Après une première ordonnance de clôture dont le rabat a été prononcé, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 7 décembre 2023, rejeté la demande de nullité de l’assignation formulée par les défenderesses.

8. Aux termes de ses conclusions du 28 novembre 2023, le Comité [Adresse 6] demande au tribunal de :

-interdire aux sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG d’exploiter sous quelque forme et quelque support que ce soit (en ce compris sur des vidéos, brochures, catalogues, sites internet, applications mobiles sur tous types de systèmes d’exploitation (Ios, Android etc.), publications Instagram, Facebook ou tout autre réseau social et sur toutes chaînes de télévision) tout ou partie des Illuminations de l’[Adresse 6] et/ou une représentation réaliste de l’événement des Illuminations de l’[Adresse 6], organisé et financé chaque année par le Comité [Adresse 6], quelle que soit la version, en ce compris la Version Scintillance dans le cadre de la Vidéo Litigieuse, sous astreinte de dix mille (10.000) euros par infraction constatée et par jour de retard à compter d’un délai de cinq (5) jours suivant la signification du jugement à intervenir,
-ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, dans un délai de trois (3) jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de dix mille (10.000) euros par jour de retard, sur les pages d’accueil du site Internet https://www.lindt.fr, du compte Facebook https://www.facebook.com/LindtFrance/ et du compte Instagram https://www.instagram.com/lindtfrance/ exploités par la société Lindt & Sprüngli, pendant le délai de un (1) mois,
-ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir, accompagné d’un message objectif et explicatif, dans cinq (5) journaux ou revues au choix du Comité [Adresse 6], en France et/ou à l’international, aux frais avancés solidairement par les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG , sans que le coût n’excède la somme de cinq mille (5.000) euros hors taxes par insertion,
-condamner solidairement les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG à payer au Comité [Adresse 6] la somme de 300.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon,
-condamner solidairement les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG à payer au Comité [Adresse 6] la somme de 600.000 euros, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de parasitisme,
-se réserver la liquidation des astreintes ordonnées aux termes du jugement à intervenir,
-rejeter les irrecevabilités et demandes des société Lindt,
-condamner solidairement les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG aux entiers dépens d’instance et à payer au Comité [Adresse 6] la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

9. Aux termes de leurs conclusions du 13 mars 2023, les sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG demandent au tribunal de :

-dire et juger que les assignations que le Comité a fait délivrer aux sociétés Lindt sont nulles et constater le dessaisissement du tribunal,
-dire la demande du Comité [Adresse 6] irrecevable,
-débouter le Comité [Adresse 6] de ses demandes,
-prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 janvier 2020,
-condamner le Comité [Adresse 6] à verser aux sociétés Lindt la somme de 30.000 euros pour procédure abusive,
-ordonner également à titre de complément de dommage et intérêt, la publication a minima du dispositif du jugement à intervenir, sur la page d’accueil du site Internet https://www.comite-[Adresse 6].com/, et sur la page Facebook du Comité, https://www.facebook.com/Comite[Adresse 6]/?ref=page_internal, et ce dans une police de charactères identique au contenu de ces pages, sans qu’il ne soit nécessaire d’utiliser le menu déroulant de ladite page d’accueil, et ce pour une durée d’un mois, et sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard, le Tribunal se réservant le droit de liquider directement l’astreinte,
-subordonner l’exécution d’éventuelles mesures d’interdiction à la constitution par le Comité [Adresse 6], d’une garantie qui ne saurait être inférieure à 675.000 euros,
-condamner le Comité [Adresse 6] à verser aux sociétés Lindt, la somme totale de 40.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-condamner le Comité [Adresse 6] aux dépens.

10. L’instruction a été close le 8 décembre 2023.

MOTIVATION

11. A titre liminaire, il est constaté que par ordonnance du 7 décembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande de nullité de l’assignation. La demande de nullité, maintenue à défaut de nouvelles conclusions au fond présentées par les société Lindt est donc irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à l’ordonnance de mise en état et, en tout état de cause, de la compétence exclusive du juge de la mise en état fixée à l’article 789 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de la demande

Moyens des parties :

12. Les sociétés Lindt soulèvent un moyen tiré de la forclusion par tolérance fondé sur l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle indiquant que la marque de l’Union européenne n°009170119 déposée le 11 juin 2010 dont elle est titulaire est exploité depuis plus de cinq ans, ce dont le Comité [Adresse 6] a connaissance, selon elles.

13. Le Comité [Adresse 6] réplique que son action est recevable, l’article L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle s’appliquant aux actions en contrefaçon de marque alors que la présente instance est une action en contrefaçon de droits d’auteur.

Sur ce :

14. L’article L. 716-4-5 du code de la propriété intellectuelle, reprenant les dispositions de l’ancien article L. 716-5 du même code, dispose qu’« est irrecevable toute action en contrefaçon introduite par le titulaire d’une marque antérieure à l’encontre d’une marque postérieure : 1° Lorsque le titulaire de la marque antérieure a toléré pendant une période de cinq années consécutives l’usage de la marque postérieure en connaissance de cet usage et pour les produits ou les services pour lesquels l’usage a été toléré, à moins que son dépôt n’ait été effectué de mauvaise foi (…) ».

15. La fin de non-recevoir qui précède porte sur les actions en contrefaçon de marque et non sur les actions en contrefaçon de droit d’auteur.

16. La fin de non-recevoir est dès lors écartée.

Sur le procès-verbal de saisie-contrefaçon

Moyens des parties :

17. Les sociétés Lindt demandent le prononcé de la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 janvier 2020 sans développer aucun argument de droit ou de fait au soutien de cette prétention.

18. Le Comité [Adresse 6] ne réplique par aucun moyen de droit ou de fait.

Sur ce :

19. Vu les articles 9, 113 et 114 du code de procédure civile,

20. En l’absence d’argumentation juridique fondant la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon est rejetée.

Sur la contrefaçon de droit d’auteur

Sur l’originalité

Moyens des parties :

21. Le Comité [Adresse 6] soutient que la qualification d’œuvre est une notion autonome de l’Union européenne (citant CJUE 13 novembre 2018, Levola Hengelo, aff. C-310/77) qui suppose que l’objet concerné soit original ; que la jurisprudence interne a déjà reconnu un caractère original à une scène lumineuse selon un raisonnement qu’il estime applicable au cas des guirlandes lumineuses ; que la version scintillante des illuminations des [Adresse 6] est une œuvre selon plusieurs caractéristiques relevant de choix libres indépendants de toute nécessité fonctionnelle et qui seront résumés ci-après ; que l’oeuvre a une physionomie propre portant l’empreinte de la personnalité de son auteur ; qu’un réel talent artistique existe au regard des effets visuel, esthétique et décoratif recherchés ; que des contraintes techniques existent tenant à la longueur et la largeur de l’avenue, la conservation de la perspective, le nombre et le diamètre des arbres, la luminosité ambiante et la fréquentation accrue pendant les fêtes, mais sont résolues selon lui par un rideau lumineux led par led sur mesure ; que les sociétés Lindt ne tiennent pas compte de la grande diversité du patrimoine existant ; que la presse a constaté la qualité de sa version scintillante ; que les antériorités présentées par les sociétés Lindt ne reprennent pas sa version scintillante mais d’autres illuminations.

22. Les sociétés Lindt estiment que la version scintillante de l'[Adresse 6] n’est pas originale ; que la jurisprudence relative aux éclairages de la [Adresse 11] citée en demande n’est pas transposable à l’espèce ; que la description proposée par le Comité [Adresse 6] est vague et imprécise ; que le fait d’illuminer une avenue est une simple idée, un concept, d’une grande banalité, s’appliquant à de nombreuses voies publiques ; que le demandeur ne caractérise pas l’effort créatif, la société Blachère exécutant une prestation bridée par le cahier des charges ; que les arbres enveloppés et les branches recouvertes relèvent de la même idée, les guirlandes lévitant dans les airs sont une contrainte technique, la répétition systématique des illuminations sur chaque arbre est une nécessité de cohérence, le défilement de lumière n’est pas prouvé, l’effet féérique ou d’embrasement ainsi que l’impression en constellation d’étoile « n’engagent que le Comité [Adresse 6] » ; que la version scintillante arguée d’originalité est quasi-identique aux illuminations précédentes ; qu’elle dit produire des antériorités par ses emballages.

Sur ce :

23. Aux termes de l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (…) ».

24. Selon l’article L. 112-4 du code de la propriété intellectuelle « le titre d’une oeuvre de l’esprit, dès lors qu’il présente un caractère original, est protégé comme l’oeuvre elle-même. / Nul ne peut, même si l’œuvre n’est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une œuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion ».

25. Aux termes de l’article L. 123-1 du code de la propriété intellectuelle « la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée ».

26. Les dispositions qui précèdent transposent la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information

27. La Cour de justice de l’Union européenne rappelle dans sa décision du 13 novembre 2018, Levola Hengelo BV, dans l’affaire C-310/17 que  « 33. (…) la directive 2001/29 dispose, à ses articles 2 à 4, que les États membres prévoient un ensemble de droits exclusifs portant, pour les auteurs, sur leurs « œuvres » (…) [notion qui] doit normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, points 27 et 28, ainsi que du 3 septembre 2014, Deckmyn et Vrijheidsfonds, C-201/13, EU:C:2014:2132, points 14 et 15) (…). 35. À cet égard, pour qu’un objet puisse revêtir la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, il importe que soient réunies deux conditions cumulatives. 36. D’une part, il faut que l’objet concerné soit original, en ce sens qu’il constitue une création intellectuelle propre à son auteur (arrêt du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 97 ainsi que jurisprudence citée). 37. D’autre part, la qualification d’« œuvre », au sens de la directive 2001/29, est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création intellectuelle (voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, point 39, ainsi que du 4 octobre 2011, Football Association Premier League e.a., C-403/08 et C-429/08, EU:C:2011:631, point 159) ».

. Par cette même décision la Cour de justice rappelle que « 39. (…) l’article 2, paragraphe 1, de la convention de Berne, les œuvres littéraires et artistiques comprennent toutes les productions du domaine littéraire, scientifique et artistique, quel qu’en soit le mode ou la forme d’expression. De plus, conformément à l’article 2 du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur et à l’article 9, paragraphe 2, de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, mentionné au point 6 du présent arrêt et qui fait également partie de l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, SCF, C-135/10, EU:C:2012:140, points 39 et 40), ce sont les expressions et non les idées, les procédures, les méthodes de fonctionnement ou les concepts mathématiques, en tant que tels, qui peuvent faire l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2012, SAS Institute, C-406/10, EU:C:2012:259, point 33). 40. Partant, la notion d’« œuvre » visée par la directive 2001/29 implique nécessairement une expression de l’objet de la protection au titre du droit d’auteur qui le rende identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, quand bien même cette expression ne serait pas nécessairement permanente ».
29. L’originalité d’une création visuelle déterminant l’existence d’une œuvre de l’esprit peut être démontrée abstraction faite d’un événement public à l’occasion duquel elle est commandée (v. en ce sens Civ. 1ère, 3 mars 1992, n°90-18.081).

30. En l’espèce, le Comité [Adresse 6] revendique l’originalité de la « version scintillante de l'[Adresse 6] » selon la combinaison des caractéristiques suivantes :

« -la composition de jeux de lumière destinés à envelopper du bas vers le haut individuellement chacun des arbres constituant l’allée principale de l’[Adresse 6] ;
-le positionnement des guirlandes lumineuses, dans le même sens que les branches ascendantes des arbres et recouvrant intégralement les branches de manière à effacer celles-ci par l’effet du jeu de lumière et à donner une impression de bulles dans une flûte de champagne ;
-la disposition sur mesure des Leds en rideaux lumineux de forme biseautée pour créer un dynamisme pictural conférant à chaque arbre un effet visuel d’embrasement ;
-la disposition de Leds blancs purs scintillants à l’extrémité du cheminement de manière à créer des effets de flash en haut de chaque arbre, comme une mousse qui se formerait en haut d’une flûte de Champagne ;
-la répétition systématique, sur chaque arbre, de la même composition de jeux de lumière et du même positionnement des guirlandes créant un défilement de lumières montant vers la cime de chaque arbre tout le long de la perspective de l’[Adresse 6], produisant une atmosphère homogène ;
-le tout donnant l’impression recherchée d’une avenue longée par des flûtes de champagne aux bulles ascendantes et féériques ».

Il précise que la version scintillante est créée par la société Blachère qu’il a engagée et son directeur artistique Monsieur [Z] [L] qui « a souhaité renouer avec la tradition des illuminations festives de fin d’année mais dans une modernité subtile, proposant un dispositif alliant beauté et innovation où se mêlent rêve et réalité » par un « un premier effet magique de scintillement féerique et un deuxième effet subliminal suscitant l’enthousiasme d’une flûte de champagne », « effet de scintillement [qui] se diffuse sur l’avenue depuis la baguette magique d’une fée ». La scénographie est ainsi décrite « la joie s’installe, dans l’ivresse lumineuse. Les arbres transformés en flûte de champagne incitent à la gaité, au bonheur et aux rires. Les filants lumineux montent comme des bulles dans une flûte de champagne pour exploser à la surface créant un halo lumineux de mousse blanche ».

31. L’éclairage de l'[Adresse 6] procède en lui-même d’une nécessité technique que le droit d’auteur ne protège pas. Il en va également ainsi, au cas présent, de l’avenue elle-même, ou de son image, sur laquelle, à l’évidence, le Comité [Adresse 6] ne démontre aucun droit privatif.

32. A ce titre, les éléments sont revendiqués comme originaux sous une appellation ambiguë de « version scintillante de l'[Adresse 6] ».

33. Or, contrairement à plusieurs décisions de juridictions de fond discutées par les parties, l’œuvre revendiquée n’a pas ici vocation à s’incorporer spécifiquement à un monument, mais ne relève que d’un agencement particulier de l’éclairage d’une avenue au moment des fêtes .

34. L’installation de la société Blachère et de Monsieur [L], son préposé, évoque trois tensions opposant, tradition et modernité, beauté et innovation, puis rêve et réalité. Celles-ci sont mises en évidence par un aspect de « scintillement féérique » entraînant « l’enthousiasme d’une flûte de champagne » porté par l’aspect de l’éclairage litigieux en période de fêtes. Ces apports de l’auteur constituent une création intellectuelle.

35. Parmi les éléments précis et objectifs argués d’originalité, seuls réalisent l’expression de cette création intellectuelle : de guirlandes des leds en forme biseautée ascendante constituant un éclairage public, enveloppant verticalement les arbres de part et d’autre d’une avenue, comportant des Leds blancs purs scintillants à l’extrémité du cheminement, en tant qu’elles donnent l’impression homogène qu’une avenue est parcourue, de part et d’autre, de flûtes de Champagne surmontées de mousse.

36. Ces éléments d’expression établissent l’existence de l’œuvre originale revendiquée, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Sur la contrefaçon

Moyens des parties :

37. Le Comité [Adresse 6] se fonde sur l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle pour dire que la représentation intégrale ou partielle de son œuvre sans son autorisation est une contrefaçon de droit d’auteur, peu important le procédé réalisé. Il soutient qu’une vidéo publicitaire des sociétés Lindt fait figurer une prise de vue de l’avenue avec la version scintillante dont elle se prévaut ; que sont reproduits l’enveloppe biseautée de chacun des arbres du haut vers le bas par des guirlandes donnant l’aspect d’une flûte de champagne, y compris par des leds blancs purs scintillants en leur sommet et leur aspect homogène ; que sont également reproduits un dynamisme picturale créant un aspect d’embrasement ; que le caractère fugace ou flou n’est pas de nature à écarter la contrefaçon ; que les conditions de l’exception de panorama décrites à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle ne sont pas réunies en particulier un placement en permanence sur la voie publique, une reproduction par des personnes physiques et à l’exclusion de tout usage commercial.

38. Les sociétés Lindt contestent le caractère contrefaisant de la prise de vue figurant dans leur vidéo publicitaire. Elles soutiennent que l’œuvre est mal définie par le demandeur ; que [Adresse 7] et l'[Adresse 6] sont dans le domaine public ; que l’aspect de flûte de Champagne ne se retrouve pas dans sa vidéo dont les images, pouvant être conçues par ordinateur, sont floues et parasitées par une poudre dorée ; que l’exception de panorama prévue à l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle trouve à s’appliquer en l’espèce.

Sur ce :

39. Aux termes de l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation, l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ».

40. Aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle « l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. / Ce droit est attaché à sa personne. / Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. / Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur. / L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires ».

41. En l’espèce, le contenu de la vidéo publicitaire est versé aux débats et constaté par procès-verbal de Maître [H] [J], huissier de justice, du 6 décembre 2019 :

42. La prise de vue de l'[Adresse 6] figure dans une publicité d’environ 29 secondes divisées en quatre séquences :
-la vision de chocolatiers préparant des chocolats dans un atelier (11 secondes),
-la prise de vue des [Adresse 6] reproduite ci-dessous (1 seconde),
-une réception ou plusieurs personnes font la fête en dégustant des chocolats ou des boissons (15 secondes),
-la présentation de boites de chocolats avec une prise de vue de [Adresse 8] (1 à 2 secondes).

43. Cette prise de vue est à comparer avec l’œuvre originale précitée, constituée des seuls éclairages, que le demandeur décrit par référence à plusieurs photographies de l’avenue et de son éclairage dont l’une est reproduite ci-dessous :

44. Sur le plan visuel, il est relevé que :
-les éclairages respectifs figurent sur les arbres et ont un aspect homogène sur les deux cotés de l’avenue, selon une prise de vue du bas de l’avenue convergeant vers [Adresse 7],
-les éclairages sont constitués de plusieurs centaines d’ampoules ou leds pouvant avoir un aspect féérique,
-la forme biseautée des éclairages par des guirlandes apparaît clairement sur la photographie de l’œuvre mais n’est identifiable que de façon sporadique dans la vidéo publicitaire (partie basse de certains arbres, premier arbre à gauche),
-les guirlandes verticales apparaissent clairement sur l’œuvre mais ne sont pas identifiables sur la vidéo publicitaire dont l’impression d’ensemble est que les leds suivent l’aspect désordonné des branches et non une forme longiligne et verticale,
-le sommet des éclairages débute à mi-hauteur de leurs branches sur l’œuvre mais ne se retrouve qu’au sommet pour la vidéo publicitaire,
-le sommet des éclairages occupe la moitié des branche des arbres par un aspect blanc scintillant sur l’œuvre alors qu’il n’apparait pas dans la vidéo publicitaire.

45. Sur le plan conceptuel, la troisième partie de la vidéo publicitaire qui figure une réception dans un appartement parisien relève d’une atmosphère de fête qui rejoint l’enthousiasme et la féérie que porte l’œuvre. Les prises de vues de l'[Adresse 6] ne reproduisent pas spécifiquement cette atmosphère mais correspondent à l’emballage figurant sur les boites de chocolat. Surtout, les éléments visuels qui précèdent démontrent que l’alignement des arbres comme un ensemble de flûtes de Champagne surmontées de mousse n’est pas reproduit et ne peut donc être l’élément communiquant la féérie du scintillement et l’enthousiasme de la fête.

46. S’agissant de la dernière prise de vue de [Adresse 8] celle-ci représente aussi une quinzaine d’arbres de l'[Adresse 6]. Leur aspect est flou mais permet de deviner les guirlandes ascendantes et verticales. En revanche, l’aspect bi-colore des illuminations n’est pas reproduit et la vue sur ces arbres n’occupe qu’une part minime de l’écran d’un aspect très distant et marginal par rapport aux deux éléments principaux que sont les boites de chocolat et [Adresse 7]. Il en résulte que l’atmosphère de féérie et d’enthousiasme de la fête ne repose pas sur cet élément.

47. Il ressort de ces circonstances que les caractéristiques originales de l’œuvre ne sont pas reproduites et la contrefaçon alléguée n’est pas démontrée.

48. Les demandes fondées sur la contrefaçon de droit d’auteur sont rejetées.

Sur la concurrence déloyale et parasitaire

Moyens des parties :

49. Le Comité [Adresse 6] soutient que les sociétés Lindt ont profité de ses investissements de façon parasitaire en reprenant une vue des illuminations de l'[Adresse 6] comportant ses illuminations ; que plusieurs exemples en jurisprudence se fondent sur la reprise d’éléments caractéristiques d’évènements festifs ou sportifs attachés à la notoriété du produit sanctionnant ce qu’il nomme l’ « ambush marketing » ou « marketing en embuscade » ; qu’il dit bénéficier d’une grande renommée depuis 20 ans pour ses illuminations qualitative et prestigieuses ; que Lindt s’est appuyé pendant des années sur une vue fictive sous forme d’un croquis de l'[Adresse 6] sans reprendre de vues réelles ; qu’en reprenant une telle vue réelle ces sociétés bénéficient de ses investissements ; qu’il justifie de nombreux partenariats démontrant que son équilibre économique ainsi que le financement des illuminations dépend de ces contrats, par exemple celui signé avec la société Ferrero qui disposerait ainsi d’une exclusivité d’exploitation ; que la prise de vue litigieuse est obtenue par une technique graphique dite de « matte-painting » mélangeant peinture numérique, assemblage de photos et de retouches 3D désormais courant dans la publicité ; qu’il est, selon son argument « fort probable » que l’image obtenue par cette technique soit issue d’une photographie réelle de ses illuminations.

50. Les sociétés Lindt répliquent que le Comité [Adresse 6] ne justifie d’aucun droit de propriété intellectuelle pour fonder son « droit à redevance » ; qu’elles communiquent depuis de nombreuses années en utilisant ces images ; que l’avenue est illuminée depuis à tout le moins 1991 ; qu’elle exploite, y compris sous forme de marque, sa représentation de l'[Adresse 6] de façon notoire depuis de nombreuses années dans un secteur hautement concurrentiel et saisonnier ; que la reproduction réaliste de l'[Adresse 6] y compris par la technique du « matte-painting » n’est constitutive d’aucune faute et n’usurpe aucune valeur.

Sur ce :

51. Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

52. Le parasitisme est constitué par l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire (v. en ce sens Com. 26 janvier 1999, n°96-22.457). Il suppose en particulier de démontrer la volonté de s’inscrire dans le sillage d’autrui afin de bénéficier de la valeur économique générée par son activité (v. en ce sens Com. 4 février 2014, n°13-10.039 et Civ. 1ère, 22 juin 2017, n°14-20.310).

53. En l’espèce, la vidéo publicitaire en débat comporte une prise de vue nocturne de l'[Adresse 6] figurant deux rangées d’arbres comportant des illuminations scintillantes.

54. Le Comité [Adresse 6] ne justifie d’aucun droit privatif sur l’image de l'[Adresse 6], de [Adresse 7] ou de l’angle de vue spécifique partant du bas de l’avenue.

55. Ainsi qu’il a été développé lors de l’examen du moyen fondé sur la contrefaçon de droit d’auteur, la prise de vue de la vidéo publicitaire diffère significativement de l’aspect réel des illuminations de l’avenue.

56. L’origine des illuminations figurant sur la prise de vue litigieuse est débattue. Les parties conviennent qu’elle est issue d’une technique de conception et de retouche d’image dite de « matte-painting », ce qui est d’ailleurs déclaré par les préposées des sociétés Lindt lors des opérations de saisie-contrefaçon.

57. Rien ne prouve, en l’état des pièces versées aux débats, que les illuminations produites par cette technique de conception sont issues d’une prise de vue ou d’une reproduction des illuminations conçues pour le Comité [Adresse 6], dont les modalités de financement ne relèvent pas du droit de la responsabilité civile.

58. Le moyen fondé sur le parasitisme est écarté.

59. La demande est rejetée.

Sur la demande reconventionnelle

Moyens des parties :

60. Les sociétés Lindt soutiennent que l’action est abusive car mue par l’intention de leur nuire et de les contraindre dans le cadre d’une stratégie de défense agressive. Elles expliquent que plusieurs actions sont intervenues en référé et en nullité de leurs marques dans ce cadre.

61. Le Comité [Adresse 6] qualifie cette prétention de fantaisiste et d’audacieuse et relève que les sociétés Lindt n’ont pas joué « franc-jeu » en diffusant une nouvelle campagne télévisuelle sans son accord et l’ont assigné pour faire pression sur lui.

Sur ce :

62. Selon l’article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

63. Selon l’article 32-1 du code de procédure civile « celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés ».

64. Il ressort des circonstances de l’espèce que les droits en litige ont fait l’objet d’un débat sans dégénérer en abus. L’intention de nuire du Comité [Adresse 6] n’est pas démontrée au cas présent. La demande indemnitaire comme la demande de publication sont rejetées.

Sur les demandes accessoires

65. Le Comité [Adresse 6], partie perdante, est condamné aux dépens et à payer aux sociétés Lindt la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme raisonnable et proportionnée au cas présent, appréciée en équité à défaut de justificatif ou d’accord des parties sur son montant.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL

Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

DÉCLARE irrecevable l’exception fondée sur la nullité de l’assignation,

ÉCARTE la fin de non-recevoir fondée sur la forclusion par tolérance,

DÉCLARE la demande recevable,

REJETTE la demande en nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 janvier 2020,

DÉBOUTE le Comité [Adresse 6] de ses demandes,

REJETTE les demandes reconventionnelles,

CONDAMNE le Comité [Adresse 6] à payer aux sociétés Lindt & Sprüngli, Lindt & Sprüngli (International) AG et Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG la somme de 8 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le Comité [Adresse 6] aux dépens,

Fait et jugé à Paris le 16 mai 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS


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