Publicité électronique des médicaments : censure partielle du dispositif légal

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Publicité électronique des médicaments : censure partielle du dispositif légal

Annulation partielle de l’article L. 5125-39 du code de la santé publique

Les dispositions légales restreignant la promotion des médicaments par les officines de pharmacies sur leur propre site internet ont été censurées par le Conseil d’Etat. En revanche, les dispositions relatives au référencement des sites des officines, à la mention des prix, à l’hébergement des données de santé et au chiffrement des correspondances patients / pharmaciens. De façon générale, le nouveau dispositif légal n’impose pas au commerce électronique de médicaments des exigences disproportionnées au regard de l’objectif de protection de la santé publique poursuivi par le législateur.

Interdiction disproportionnée

Le Gouvernement a prévu à tort que les médicaments présentés sur les sites de vente en ligne des officines autorisées doivent être classés par catégorie générale d’indication (douleurs, fièvre, nausées, toux…) puis de substances actives. À l’intérieur de ces catégories, le classement devait être établi par ordre alphabétique, sans artifice de mise en valeur, afin d’éviter toute forme de promotion. Or, en interdisant ainsi sur un site internet autorisé de commerce électronique de médicaments d’une officine toute forme de promotion pour les médicaments proposés à la vente, y compris les médicaments de médication officinale, le ministre a adopté à l’égard de la vente en ligne de médicaments, sans justification, des dispositions plus restrictives que celles existant pour la vente au comptoir de l’officine. Par suite, ces dispositions ont été déclarées illégales par le Conseil d’État.

Pour rappel, les articles L. 5122-1 et s. du code de la santé publique encadrent la publicité pour les  médicaments vendus en ligne. Sont concernées toutes les formes d’incitation qui visent à promouvoir la vente de médicaments en ligne. La publicité auprès du public est en principe possible pour les médicaments qui ne sont pas soumis à prescription médicale et ne sont pas remboursables, sous réserve i) que leur autorisation de mise sur le marché ou leur enregistrement ne comporte pas d’interdiction ou de restriction en la matière, ii) que soit obtenue une autorisation préalable de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et iii) que soient respectées certaines conditions, liées à la nature particulière des médicaments et aux précautions qui doivent entourer leur prise, telles que les obligations de présenter le médicament ou produit de façon objective, de favoriser son bon usage, ou de prévoir un message de prudence et de renvoi à la consultation d’un médecin en cas de persistance des symptômes.

D’autre part, les dispositions du code de déontologie des pharmaciens (articles R. 4235-22, R. 4235-30, R. 4235-64 et R. 4235-65 du code de la santé publique) imposent au pharmacien un comportement conforme à la dignité de la profession et lui font obligation de procéder avec tact et mesure lorsqu’il peut mettre en valeur certains produits et en fixer les prix, afin, notamment, de ne pas inciter ses patients, par quelque procédé ou moyen que ce soit, à une consommation abusive de médicaments.

Validation des autres dispositions légales

En revanche, le Conseil d’État a validé les autres dispositions du Code de la santé publique et notamment l’interdiction du référencement payant des sites internet de commerce électronique de médicaments.  Le référencement commercial d’un site de commerce électronique de médicaments sur un moteur de recherche sur internet a pour finalité d’attirer plus particulièrement vers lui, contre rémunération, des patients qui effectuent des recherches sur internet et revêt ainsi un caractère publicitaire. D’une part, en mentionnant dans l’arrêté attaqué que « La recherche de référencement dans des moteurs de recherche ou des comparateurs de prix contre rémunération est interdite », le ministre de la santé s’est borné à rappeler les dispositions légales qui restreignent la publicité en faveur des officines de pharmacie et de leur site internet de commerce électronique de médicaments.

En effet, la publicité en faveur des officines de pharmacie ne peut être faite que dans les conditions prévues par l’article R. 5125-26 du code de la santé publique : i) la création, le transfert, le changement de titulaire d’une officine, ainsi que la création d’un site internet de l’officine peuvent donner lieu à un communiqué dans la presse  écrite limité à l’indication du nom du pharmacien, de ses titres universitaires, hospitaliers et scientifiques, l’adresse du site internet de l’officine, le nom du prédécesseur, l’adresse de l’officine avec, le cas échéant, la mention d’activités liées au commerce des marchandises ; ii) les pharmaciens peuvent faire paraître dans la presse  écrite des annonces en faveur de leurs activités d’une dimension maximale de 100 centimètres carrés, comportant leur nom et adresse ainsi que les numéros de téléphone et de télécopie et les heures d’ouverture des officines.

Les juges administratifs ont considéré qu’une telle restriction ne peut être regardée comme soumettant le commerce électronique de médicaments à des contraintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi de protection de la santé publique.

Information sur le régime de prix

Les dispositions relatives au régime du prix du médicament vendu par un  site internet de commerce électronique de l’officine ont également été validées. Les officines ont ainsi  l’obligation de rappeler le régime de prix applicable aux médicaments : la présentation de chaque médicament doit être assortie de la précision selon laquelle le prix de vente au public est ou non librement fixé.

Ce principe se réfère à la distinction entre les médicaments remboursables par l’assurance maladie, dont le prix est fixé par convention entre l’entreprise exploitant le médicament et le Comité économique des produits de santé et les médicaments non remboursables.  Cette précision permet d’informer le patient quant à la possibilité de trouver la même spécialité ailleurs à un prix différent.

Agrément de l’hébergeur des données de santé

L’ensemble du dispositif légal sur l’hébergement des données de santé a été jugé conforme. Ainsi, toute personne qui héberge des données de santé à caractère personnel recueillies à l’occasion d’activités de prévention, de diagnostic, de soins ou de suivi social et médico-social, pour le compte de personnes physiques ou morales à l’origine de la production ou du recueil desdites données ou pour le compte du patient lui-même, doit être agréée à cet effet (article L. 1111-8 du code de la santé publique).

Les données de santé à caractère personnel recueillies à l’occasion du commerce électronique de médicaments ne peuvent donc être hébergées par un tiers que si celui-ci a été agréé par le ministre chargé de la santé. Une telle exigence, justifiée par la nécessité de garantir la protection des données de santé des patients, n’est pas disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi de protection de la santé publique.

Chiffrement des correspondances pharmacien / patient

L’arrêté du 28 novembre 2016 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments dans les pharmacies d’officine, impose le chiffrement des correspondances entre patients et pharmaciens. Le dialogue individualisé entre le pharmacien de l’officine concernée et le patient doit donc impérativement être mis en place, par des moyens sécurisés propres à préserver la confidentialité des échanges entre le pharmacien et le patient (courriel et la boîte de dialogue en ligne). Cette exigence est justifiée par la nécessité de garantir que l’ensemble des sites internet de commerce électronique de médicaments permettent aux pharmaciens d’exercer leur devoir de conseil tout en assurant la protection des données de santé des patients. D’autre part, le pharmacien a le choix de la technique de communication favorisant un échange simultané qu’il juge la plus appropriée et n’est pas tenu de permettre au patient l’usage du courriel s’il estime que le chiffrement, dans ce cas, est techniquement trop complexe à mettre en oeuvre.

Conformité au droit européen

Exception faite de l’interdiction générale de promotion, le nouveau dispositif légal a été jugé conforme aux articles 34 et 35 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne qui interdisent les restrictions quantitatives à l’importation et à l’exportation entre les Etats membres ainsi que toutes mesures d’effet équivalent. Les interdictions ou restrictions en cause ne constituent ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membre. Pour rappel, les nouvelles dispositions opèrent la transposition du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (directive 2011/62/UE du 8 juin 2011).

La directive 2011/62/UE et la jurisprudence européenne Apothekerkammer des Saarlandes et autres contre Saarland (CJUE, 19 mai 2009, affaires C-171/07 et C-172/07) a entendu prendre en considération le caractère très particulier des médicaments, dont les effets thérapeutiques les distinguent substantiellement de toute autre marchandise, et la responsabilité des États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique et la manière dont ce niveau doit être atteint. Les Etats membres ne peuvent imposer des conditions pour assurer la protection de la santé publique lors de la délivrance au détail de médicaments offerts à la vente à distance au moyen de services de la société de l’information que dans le respect des stipulations du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

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