Publicité du Haut Débit

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Publicité du Haut Débit
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L’opérateur SFR vient d’être condamné à payer 1 million d’euros au groupe Iliad pour le trouble commercial généré par une publicité sur la fibre qualifiée de pratique commerciale déloyale.  La confusion entretenue avec la technologie de la fibre a indiscutablement conduit les consommateurs à souscrire à l’une ou l’autre des offres SFR dans la croyance que leur logement était raccordé de bout en bout et qu’ils étaient bénéficiaires d’une connectivité filaire la plus performante du marché.

Câble coaxial et fibre optique

La présentation graphique de l’ensemble des affiches SFR mettait en évidence la fibre optique et la rapidité du débit par rapport au prix de l’abonnement présenté comme compétitif mais elle ne permettait pas à un consommateur normalement avisé et attentif d’apprécier que cette offre de très haut débit s’appuyait sur un raccordement jusqu’à l’abonné par un câble coaxial.

Information illisible

En effet, le renvoi par un numéro ou un astérisque à cette information, développée au bas de l’annonce en très petits caractères, à peine lisible ne satisfait pas à l’exigence d’informer le consommateur sur la composition du service fourni, quand la terminaison coaxiale est indiscutablement l’une des qualités substantielles du service de la fibre en ce qu’elle l’une des composantes déterminante de la vitesse et de la stabilité du débit attendu.

La notion relative de très haut débit

Pour rappel, le très haut débit est une notion relative à la notion actuelle de haut débit, compte tenu de l’amélioration et de l’enrichissement des offres et des usages permis par le très haut débit par rapport au haut débit actuel. La notion de très haut débit ne dépend pas a priori uniquement des seuls débits descendants et remontants des offres d’accès. Les offres de très haut débit fixe sont des offres de services de communications électroniques en situation fixe proposées sur le marché de détail avec un débit crête descendant supérieur à 30 Mbit/s incluant un service d’accès à internet ou un service d’interconnexion de sites.

Sur cette problématique, l’ARCEP a précisé que « les offres haut débit actuelles sont limitées en bande passante, notamment sur la voie remontante, ce qui peut constituer un frein au développement de certains nouveaux usages. Seul le très haut débit reposant sur les réseaux en fibre optique est à même de répondre à terme, par des débits nettement supérieurs, aux nouvelles attentes des utilisateurs en favorisant le développement de services enrichis, notamment dans le domaine de l’audiovisuel (…) ».  

La pratique commerciale consistant à recourir au terme « Fibre » seul sans référence au câble coaxial a d’ailleurs conduit l’ARCEP, dès avant l’arrêté ministériel du 1er mars 2016 imposant aux opérateurs détenant des terminaisons coaxiales de le préciser dans leur message d’accroche, à s’exprimer dans le journal Les Echos du 30 septembre 2015 à s’interroger sur la nécessité de règles claires pour l’utilisation du mot H indiquant «’ A l’ARCEP nous avons fait le choix de ne plus utiliser le terme de H coaxiale. Nous préférons l’expression câble coaxial’» précisant qu’un courrier a été envoyé à D-E pour expliciter la position du régulateur.

Notion de pratiques commerciales déloyales

Il suit des articles L 120-1 du code de la consommation en vigueur du 6 août 2008 au 1er juillet 2016, seules applicables à la période litigieuse couvrant les années 2014 et 2015 jusqu’au mois d’avril 2016 que’: «’les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service(‘)

Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1. Selon les dispositions de l’article L 121-1 « I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service. »

A noter que les pratiques commerciales litigieuses se situent sur la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la fin de l’année 2016, soit pour partie antérieures à l’arrêté ministériel du 1er mars 2016 relatif à l’information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d’accès à l’internet en situation fixe filaire, entré en vigueur le 1er juin 2016, pour tout message publicitaire et le 1er mars 2017, pour tout document commercial, imposant au fournisseur de services de délivrer au consommateur une information distincte relative à la ligne souscrite portant notamment sur’:

1° Le support physique de cette ligne comprenant la nature du raccordement jusque dans le logement, ainsi que la ou les technologies auxquelles sa ligne est éligible chez le fournisseur de services, en précisant, le cas échéant, celle qu’il compte privilégier ;

2° Les catégories de services qui sont susceptibles de ne pas pouvoir être délivrés sur cette ligne

3° Une estimation des débits montants et descendants accessibles sur cette ligne

5° les niveaux de qualité des débits.

________________________________________________________________________

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 15 OCTOBRE 2021

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/15689 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B55JD

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 29 Janvier 2018 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 15/48303

Jugement du 12 Février 2018 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 18/07061

APPELANTES

SA E – SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 343 059 564

représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

assitée de Me Thibaud d’ALÈS et Me Laura TERDJMAN, avocats plaidants du barreau de Paris, toque : K 112

SASU E H (anciennement dénommée NC D)

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Meaux sous le numéro 400 461 950

représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

assitée de Me Thibaud d’ALÈS et Me Laura TERDJMAN, avocats plaidants du barreau de Paris, toque : K 112

INTIMEES

SA I J

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 794 661 470

représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

assitée de Me Thibaud d’ALÈS et Me Laura TERDJMAN, avocats plaidants du barreau de Paris, toque : K 112

SAS B

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 421 938 861

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

assistée de Me Olivier FREGET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : L0261

SAS B C

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 488 095 803

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

assistée de Me Olivier FREGET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: L0261

SA X

prise en la personne de ses représentants légaux

[…]

[…]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 342 376 332

représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125,

assistée de Me Olivier FREGET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque: L0261

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 Mai 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre

M. Denis ARDISSON, Président de la chambre

Mme Isabelle PAULMIER-CAYOL, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI

ARRÊT :

— contradictoire,

— par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

— signé par Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

La société anonyme du Radiotéléphone, dite SFR est une filiale du groupe I depuis le 27 novembre 2014, date à laquelle la société D (également filiale du groupe I) a acquis l’intégralité du capital de E.

Elle a pour activité l’exploitation d’un réseau de radiotéléphonie publique numérique et dans ce cadre, diffuse et commercialise des abonnements à son réseau dont, pour le réseau fixe, différentes offres « Box », « H » et « Box THD » comprenant la fourniture de service médias, de téléphonie et d’accès à Internet via les technologies ADSL ou VDSL sur le réseau cuivre, et en matière de très haut débit fixe, via un réseau H (FttH) ou via un réseau hybride constitué d’un c’ur de réseau en H optique et d’une terminaison en câble coaxial (FttLA ou FttB).

La société NC D (devenue E H), exploite historiquement un réseau constitué de câble coaxial fournissant des services d’accès à Internet, à la télévision et à la téléphonie fixe en très haut débit.

La société I J (anciennement D-E puis E Group), filiale d’I EUROPE, est une société holding issue du rapprochement entre les sociétés E et NC D opérant dans le secteur des communications électroniques.

La société X est la société mère d’un groupe créé en 1991 par Monsieur Z A.

La société B, filiale de la société X, a été créée en 1994 afin de se lancer dans le marché de la fourniture d’accès à internet et des opérateurs mobile français.

La société B C a été créée en 2006. Elle a pour activité le développement et la construction d’un réseau de H optique, toutes prestations de services dans le domaine de la communication, notamment en tant qu’opérateur et en tant que fournisseur d’accès à Internet. Elle exerce également d’autres activités liées à la commercialisation d’offres de services de communication audiovisuelle.

Pour les besoins du litige, ces entités seront dénommées respectivement E et B.

De manière constante ces sociétés en tant que fournisseurs d’accès à internet ( FAI) exploitent deux types de réseau d’accès’:

— le réseau DSL (Digital subscriber line, ou encore xDSL (signifiant «’ligne d’accès numérique’» ou «’ligne numérique d’abonné’») permet le transport numérique de l’information sur une ligne de raccordement filaire téléphonique ou liaisons spécialisées.

— le réseau H :

*FttLA( Fiber To The Last Amplifier ),la H optique relie le réseau de l’opérateur à un […]

*FttB'( Fiber to the Building), la H optique relie le réseau à un boîtier situé au pied de l’immeuble

Dans ces deux cas, la partie terminale du réseau est constituée de câbles coaxiaux sur les derniers mètres jusqu’à l’abonné’: cette technologie permet l’accès à internet à large bande, en utilisant les réseaux câblés de télévision

*FttH, ( Fiber To The Home)’: la H optique est utilisée de bout en bout entre le n’ud de raccordement optique (NRO) et l’abonné, appelé également « boucle locale optique’».

Ces trois raccordements sont considérés comme établissant une liaison à très haut débit.

En 2014, le rachat de l’opérateur E par D a conduit à un changement dans la dynamique du développement du réseau par H jusqu’au domicile, D pouvant, dans les zones équipées pour la télévision par câble, se passer de la boucle locale en cuivre et donc de sa location à Orange, grâce à ses réseaux câblés, historiquement utilisés pour la télévision par câble.

Se prévalant de l’important plan de déploiement des réseaux FttH à partir de 2006 et de la part de marché de 14’% détenue par B sur la technologie H fin 2015 dans les zones denses d’une part et, dans les zones moins denses, de l’accord cadre signé avec ORANGE pour co-financer les déploiements FttH dans une cinquantaine d’agglomérations, les sociétés B, B C et X ont assigné, par acte du 31 juillet 2015 devant le tribunal de commerce de PARIS, les sociétés E GROUP, E et NC D aux fins de constater la mise en oeuvre de pratiques de concurrence déloyale et de parasitisme liées à la commercialisation dans les années 2014 et 2015, comme ayant tous les avantages de la H optique, des offres RED H, BOX H STARTER, BOX H POWER, BOX H FAMILY, qui ne portaient pas sur de la H de bout en bout.

Le jugement critiqué, prononcé le 29 janvier 2018, rectifié le 12 février 2018, a’:

Dit les demandes recevables à l’encontre des sociétés E et NC D

Mis hors de cause la société SA E GROUP, anciennement D-E

Condamné in solidum les sociétés E et NC D à payer aux sociétés B, B C et ILLIAD la somme de’:

—  1 000 000 euros au titre de leur préjudice moral

Enjoint aux sociétés E et NC D de’:

Utiliser le terme «’ H’» en rapport avec un équipement directement relié à un point de terminaison optique à la box de l’abonné

Utiliser pour leurs offres «’ Très Haut Débit’» le terme «’H’» en précisant où cette technologie s’arrête au sein de l’C de réseau

Cesser toute publicité nationale présentant le réseau comme une C technologiquement homogène

Préciser en fonction des zones dans lesquelles leurs communications commerciales peuvent être reçues, les caractéristiques exactes de l’C réseaux utilisées dans ladite zone’;

Communiquer à chaque client ayant souscrit auprès de E ou de D, quatre vingt dix jours à compter de la signification du présent jugement, une offre comportant le terme «’H’» dans son appellation ( hors offre FttH ) sur support électronique et sur support papier, des informations concernant (i) la nature précise de sa connexion, à savoir la distance le séparant du point de connexion en H optique (ii) le nombre d’abonnés partageant la connexion coaxiale et (iii) les débits moyens constatés en heures pleines et en heures creuses

Informer leurs clients ayant souscrit auprès de E ou de D dans les quatre vingt dix jours à compter de la signification du présent jugement, à une offre comportant le terme «’H’» dans son appellation ( hors offre FttH) qu’ils bénéficient d’une possibilité de résiliation unilatérale, avec effet immédiat en raison du défaut d’information préalable sur les caractéristiques exactes’;

Débouté les sociétés B, B C et X de leurs autres demandes’;

Condamné in solidum les sociétés E et NC D à payer à la société SAS B la somme de 120 000 euros au titre des frais irrépétibles

Condamné n solidum les sociétés E et NC D aux dépens.

Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu, en premier lieu, sur la recevabilité’:

— que les demanderesses visent précisément les offres incriminées et ne demandent pas au tribunal des mesures générales et abstraites

— qu’il n’est pas démontré que D E ait participé aux publicités incriminées

en second lieu sur le fond’:

— au vu du constat selon lequel E a décidé, à partir de mi-2014, de ne commercialiser que les offres très haut débit sur le réseau câblé, un document de E daté du 5 juin 2014 indiquant que lorsqu’un abonné était éligible aux offres sur le réseau câblé et le réseau FttH, seules les offres câbles lui étaient proposées’;

— que, quel que soit le haut ou très haut débit proposé aux clients, il n’est pas contestable que les performances techniques de la H sont supérieures à celles de l’ADSL et du câble’; que le Plan Très Haut Débit des pouvoirs publics a pour finalité de promouvoir la technologie «’ H’» dès lors que celle-ci représente selon eux une véritable rupture technologique par rapport à l’ADSL et au câble, notamment au regard de la stabilité des réseaux et de l’évolutivité de cette technologie’;

qu’ainsi l’utilisation du terme «’ H’» dans les offres incriminées est, dans ces conditions, un défaut d’information constitutif d’une pratique contraire à l’article L 121-3 du code de la consommation dès lors qu’elles ont omis de mentionner une des qualités substantielles du produit ou du service à savoir la terminaison coaxiale finale, le comportement des consommateurs ayant pu être altéré du fait de leur certitude de souscrire à des offres utilisant la technologie Très Haut Débit la plus performante techniquement alors disponible sur le marché.

La SA E et la SAS E H, anciennement D ont interjeté appel selon déclaration reçue au greffe le 27 juin 2018.

Par des conclusions d’appel n°3 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 1er mars 2021 la SA E, la SAS E H et la société I J demandent à la cour’:

Vu l’arrêté ministériel relatif à l’information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d’accès internet en situation fixe filaire dans ses versions,

du 13 décembre 2013 et du 1er mars 2016,

Vu l’article L.121-3, et suivants du Code de la consommation,

Vu l’article 31 du Code de procédure civile et l’article 1382 (ancien) du Code civil,

‘ Dire et juger que les publicités et offres incriminées ne sont pas trompeuses au sens de

l’article L.121-3 du Code de la consommation ;

‘ Dire et juger que les publicités et offres incriminées ne sont pas de nature à induire en

erreur les consommateurs ;

‘ Dire et juger que les publicités et offres incriminées ne constituent pas des agissements

de concurrence déloyale ;

‘ Dire et juger que les publicités et offres incriminées ne constituent pas des agissements

parasitaires ou pratiques fautives de produits d’appel ;

‘ Dire et juger que la violation alléguée de l’article L.430-8 II du Code de commerce n’a

causé aucun préjudice à B, B C et X ;

‘ Constater que les sociétés B, B C et X ne justifient d’aucun préjudice ;

En conséquence,

‘ Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018, rectifié par jugement du 12 février 2018, en ce qu’il a mis la société I J (anciennement E Group) hors de cause ;

‘ Réformer pour le surplus l’intégralité du jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018, rectifié par jugement du 12 février 2018.

Et, statuant à nouveau,

‘ Débouter les sociétés B, B C et X de l’ensemble de leurs demandes,

fins et prétentions ;

‘ Subsidiairement, si la Cour devait confirmer les injonctions prononcées par le Tribunal,

constater que E et E H les ont correctement exécutées ;

En tout état de cause,

‘ Donner acte aux sociétés E et E H qu’elles se réservent le droit de solliciter

réparation du préjudice qu’elles ont subi au titre de l’exécution des injonctions prononcées

par le jugement du 29 janvier 2018 (rectifié par jugement du 12 février 2018), suite aux

initiatives prises par les sociétés B en ce sens ;

‘ Condamner les sociétés B, B C et X à payer aux sociétés E et E H, la somme de 150.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

‘ Condamner les sociétés B, B C et X aux entiers dépens.

Par des conclusions n°3 signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 31 mars 2020 les sociétés X, B et B C demandent à la cour de’:

Vu les articles L. 121-1, L. 121-2 et L. 121-3 du code de la consommation

Vu la décision n°16-D-24 de l’Autorité de la concurrence du 8 novembre 2016

Vu l’article 1240 du code civil,

A titre principal,

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018 en ce qu’il a retenu que la communication des sociétés E et E H sur leurs offres « Box H» constituait une pratique commerciale trompeuse, constitutive de pratique de concurrence déloyale engageant leur responsabilité au titre de l’article 1240 du code civil ;

Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 29 janvier 2018 en ce qu’il a retenu que la violation par I J du II de l’article L. 430-8 du code de commerce était constitutive d’une faute engageant sa responsabilité au titre de l’article 1240 du code civil ;

Confirmer le jugement du Tribunal de Paris du 29 janvier 2018 en ce qu’il a condamné les sociétés E et E H à payer aux sociétés B, B C et X la somme de 1 million d’euros en réparation de leur préjudice moral résultant de ces pratiques ;

Confirmer les injonctions prononcées par le jugement du Tribunal de Paris du 29 janvier 2018 ;

Débouter les sociétés E et E H de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;

A titre incident,

Dire et juger que les sociétés B, B C et X justifient d’un intérêt à agir à l’encontre d’I J ;

Dire et juger qu’I J a engagé sa responsabilité au titre de l’article 1240 du code civil pour avoir, au même titre que ses filiales, exercé des pratiques commerciales trompeuses constitutives de pratiques de concurrence déloyale ;

Dire et juger que les sociétés I J, E et E H ont également engagé leur responsabilité au titre de l’article 1240 du code civil du fait des pratiques de produits d’appel et de parasitisme des investissements des sociétés B, B C et X ;

Dire et juger que les pratiques commerciales trompeuses, les pratiques de produit d’appel et les pratiques de parasitisme mises en oeuvre par les sociétés I J, E et E H, ainsi que la commercialisation anticipée des offres « Box H » de E résultant de la violation par I J du II de l’article L.430-8 du code de commerce, ont causé un préjudice économique aux sociétés B, B C et X

En conséquence,

Réformer le jugement du Tribunal de Paris du 29 janvier 2018, mais seulement en ce qu’il a mis hors de cause la société I J, a refusé de caractériser les pratiques de produits d’appel et de parasitisme des sociétés I J, E et E H et a refusé de caractériser un lien de causalité entre les fautes des sociétés I J, E et E H et le préjudice économique en résultant pour les sociétés B, B C et X ;

Statuant à nouveau,

Condamner les sociétés I J, E et E H à verser la somme de 52,3 millions d’euros aux sociétés B, B C et X en réparation du préjudice économique causé par les fautes dénoncées par celles-ci ;

En toute hypothèse,

Condamner les sociétés I J, E et E H au paiement de la somme de 350 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Les condamner aux entiers dépens.

SUR QUOI,

LA COUR

Sur la mise en cause de la société E GROUP devenue I J

Les sociétés X, B et B C font grief au jugement entrepris d’avoir prononcé la mise hors de cause de la société E GROUP( anciennement D E) devenue I J alors que l’implication de celle-ci dans l’opération de communication consistant à entretenir la confusion dans l’esprit du consommateur entre la H FttLA soumise à un raccordement coaxial et la H FttH, de bout en bout jusqu’au domicile de l’abonné, est avérée par le déroulement de la prise de contrôle de D et le désengagement simultané de E du déploiement de la H de bout en bout à quoi les appelantes opposent que les opérations critiquées ne mettent pas en cause I J, ex E GROUP, l’intérêt à agir des sociétés intimées à l’encontre de cette dernière,comme l’a souligné le jugement n’étant aucunement établi.

*******

Il est constant qu’I J a formulé son offre d’acquisition de E le 5 avril 2014, l’opération a été notifiée à l’Autorité de la concurrence au titre du contrôle des concentrations le 4 juin 2014 qui l’a autorisée le 30 octobre 2014, sous réserve du respect de plusieurs engagements, dont notamment «’l’obligation pour le nouvel ensemble de mettre à disposition des opérateurs tiers, une offre d’accès en « bitstream » au réseau coaxial de D’» qui a été publiée par cette dernière le 29 juillet 2015.

La Décision de l’Autorité de la concurrence 14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de E par le Groupe I page 19, 59 65 relève en point 71 que’: «’l’opération implique deux acteurs majeurs du très haut débit, le leader du segment D prenant le contrôle d’un concurrent potentiel majeur E, et entraîne par conséquent des risques pour le déploiement FttH dans lesquels E s’était engagé avant l’opération.

Un tableau comparatif des parcs de Très Haut Débit 2012-2013 de E et B étaye cette observation montrant une croissance «’pour E de + 70-80’% et pour D de + 5-10’% contre +20-30’% pour B.’»

Cette même décision relève’:

— au point 313′:’«’ En toute hypothèse, les investissements de la nouvelle entité dans les réseaux FttH pourront être limités en zone câblée aux montants strictement nécessaires pour respecter les engagements minimaux pris par E avant l’opération vis-à-vis d’Orange. Le Directeur Exécutif Grand Public et Professionnels de E, a publiquement expliqué que le nouvel ensemble adopterait cette stratégie. »

— au point 820 : « L’opération remet en cause l’incitation de E à respecter ces deux contrats en zone câblée, la nouvelle entité n’ayant pas intérêt à construire une C très haut débit concurrente de son réseau câblé.’»

E oppose dans ses conclusions ( page 78) que la prise de contrôle d’I J n’a en rien influé sur sa stratégie antérieure de déploiements de réseaux FttH, qui a bien été maintenue, l’ARCEP ayant constaté une hausse des lignes «’raccordables’» FttH de E sur l’ensemble de la période litigieuse mais cette observation vient justement au soutien du moyen qu’elle veut combattre puisqu’elle démontre l’absence d’effectivité du raccordement jusqu’à l’abonné tandis que l’ARCEP dans da décision n°2017-1347 du 14 décembre 2017 souligne l’engagement de E GROUP dans le cadre de la concentration avec D E, autorisée par l’Autorité de la concurrence, à publier deux offres d’accès central à son réseau câblé, les accès câble/FTTLA de D et les accès DSL de E pour la création d’un nouvel opérateur national à des destinations des entreprises..

Ces éléments étayent l’implication directe d’I dans une stratégie certes, de déploiement de la H mais privilégiant le déploiement de la H à terminaison coaxiale à celle de la H de bout en bout.

Partant, et indépendamment du bien fondé des demande dirigées à son encontre, ces éléments justifient, sur infirmation, la mise en cause d’I J.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

Les intimées font grief aux appelantes’d’avoir assimilé les réseaux FttLA et FttB aux réseaux FttH incluant dans une même offre H une technologie mettant en oeuvre un sous répartiteur qui n’est pas en H optique, s’agissant d’un câble coaxial, alors que cette différence influence de manière déterminante la qualité du service, le signal circulant sur une onde lumineuse à l’intérieur de la H lorsqu’il va jusqu’au foyer de l’abonné, pouvant atteindre une performance de débit 10 Gbits/s très supérieure à celle passant par le raccordement coaxial.

Elles font valoir qu’en ne mentionnant pas sur ses offres publicitaires la terminaison coaxiale finale les sociétés appelantes ont altéré le comportement du consommateur en lui donnant la certitude de souscrire à une offre THD plus performante alors que E exploite un réseau câblé aux caractéristiques et performances hétérogènes’; que la réglementation autorisait l’emploi du terme « H » sans autre mention spécifique avant l’entrée en vigueur de l’Arrêté du 1er mars 2016 réglementant l’usage du terme « H », les publicités afférentes aux quatre offres « H » incriminées, toutes diffusées avant le 1 er juin 2016, étaient donc uniquement régies par le droit commun de la consommation’; qu’avant l’entrée en vigueur de l’Arrêté, les autorités de régulation, de même que la presse spécialisée, utilisaient d’ailleurs le terme « H », peu important qu’il s’agisse de la technologie FttH ou FttB’: l’ARCEP visait le réseau « en H optique avec terminaison en câble coaxial » de E H, admettant ainsi l’usage du terme générique « H » et l’Autorité de la concurrence visait également « le déploiement de la H optique par D », en précisant ultérieurement que « la partie terminale était assurée pour le moment par le câble coaxial préexistant »’; que la technologie utilisée par le FAI n’était pas une information substantielle pour le consommateur lors de la période litigieuse, le recours à la technologie FttH ou FttB étant indifférent à la majorité des consommateurs et encore plus à l’époque litigieuse 2014-2016.

Elles soulignent qu’ à partir du 7 juin 2016, conformément à l’Arrêté du 1er mars 2016, les offres en H optique avec terminaison coaxiale (anciennement « Box H ») ont été renommées « Box THD » et « Box 4K », comment l’admettent d’ailleurs les sociétés B dans leurs écritures« En outre, le récapitulatif des tarifs des offres de E consacrait un tableau distinct aux offres »H« à technologie FttH et un tableau aux offres »Box THD et 4K« à terminaison coaxiale, marquant nettement la distinction opérée entre les deux technologies, changements intervenus à peine 5 jours après l’entrée en vigueur de l’Arrêté et que c’est donc à tort que le Tribunal a relevé dans le Jugement entrepris que le défaut d’information »persiste à la date du présent jugement« soit le 29 janvier 2018, alors même qu’à cette date, les offres de E / E H utilisant la technologie FttB avaient été renommées »Box THD« ou »Box 4K” depuis le 7 juin 2016.

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Il suit des articles L 120-1 du code de la consommation en vigueur du 6 août 2008 au 1er juillet 2016, seules applicables à la période litigieuse couvrant les années 2014 et 2015 jusqu’au mois d’avril 2016 que’: «’les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service(‘)

II.- Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1.’»

Selon les dispositions de l’article L 121-1 précitées en vigueur à cette période’: «’ I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service.

Les pratiques commerciales litigieuses se situent sur la période comprise entre le 1er janvier 2014 et la fin de l’année 2016, soit pour partie antérieures à l’arrêté ministériel du 1er mars 2016 relatif à l’information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d’accès à l’internet en situation fixe filaire, entré en vigueur le 1er juin 2016, pour tout message publicitaire et le 1er mars 2017, pour tout document commercial, imposant au fournisseur de services de délivrer au consommateur une information distincte relative à la ligne souscrite portant notamment sur’:

1° Le support physique de cette ligne comprenant la nature du raccordement jusque dans le logement, ainsi que la ou les technologies auxquelles sa ligne est éligible chez le fournisseur de services, en précisant, le cas échéant, celle qu’il compte privilégier ;

2° Les catégories de services qui sont susceptibles de ne pas pouvoir être délivrés sur cette ligne

3° Une estimation des débits montants et descendants accessibles sur cette ligne

5° les niveaux de qualité des débits.

Les pratiques critiquées s’inscrivent dans la période d’analyse prospective du marché des offres d’accès aux infrastructures physiques constitutives de la boucle locale filaire ayant donné lieu à la Décision 2014-0733 de l’ARCEP du 26 juin 2014, selon laquelle la mise en oeuvre d’une régulation de ce marché est apparue pertinente pendant une durée de trois ans, au regard de l’absence d’évolution prévisible vers une situation de concurrence effective.

En page 10/161 l’ARCEP souligne le développement en J du haut débit fixe basé sur les technologies DSL grâce à la possibilité donnée aux opérateurs de communications électronique alternatifs de dégrouper la boucle d’accès haut débit plaçant «’la J dans le peloton de tête en Europe comme au niveau mondial , le dégroupage couvrant plus de 89,8’% de la population au 31 mars 2014.’»

Le très haut débit fixe est défini au paragraphe 1.3.1.2 page 11/161′: «’Le très haut débit est une notion relative à la notion actuelle de haut débit, compte tenu de l’amélioration et de l’enrichissement des offres et des usages permis par le très haut débit par rapport au haut débit actuel. La notion de très haut débit ne dépend pas a priori uniquement des seuls débits descendants et remontants des offres d’accès. (‘) Sans préjudice d’une définition ultérieure plus fine du très haut débit, il est ici entendu par « offres de très haut débit fixe », ci-après « offres très haut débit », les offres de services de communications électroniques en situation fixe proposées sur le marché de détail avec un débit crête descendant supérieur à 30 Mbit/s incluant un service d’accès à internet ou un service

d’interconnexion de sites.’»

L’ARCEP observe encore’: «’ Les offres haut débit actuelles sont limitées en bande passante, notamment sur la voie remontante, ce qui peut constituer un frein au développement de certains nouveaux usages. Seul le très haut débit reposant sur les réseaux en H optique sera à même de répondre à terme, par des débits nettement supérieurs, aux nouvelles attentes des utilisateurs en favorisant le développement de services enrichis, notamment dans le domaine de l’audiovisuel (…) Sur un plan technologique, le déploiement du très haut débit consiste à rapprocher la H optique de l’abonné. Une première option consiste à réutiliser une partie des réseaux en cuivre ou en câble coaxial sur la partie terminale, la plus proche des abonnés. C’est le choix retenu par le câblo-opérateur qui a engagé un plan de déploiement de H optique jusqu’au niveau du dernier amplificateur de son réseau de câble coaxial (FttLA pour H to the Last Amplifier), ce qui lui permet aujourd’hui, sur la base de la technologie DOCSIS 3.0, d’offrir un débit descendant de 100 Mbit/s, pouvant atteindre 200 Mbit/s en fonction des mises à niveau du réseau. Les autres opérateurs ont fait le choix de déployer leurs réseaux en H optique jusqu’à l’abonné (FttH pour H to the Home), ce qui leur permet d’offrir aujourd’hui généralement 100 Mbit/s à chaque abonné à la fois en débit montant et descendant (débit symétrique) et, dans certains cas, des débits descendants pouvant atteindre plusieurs centaines de Mbit/s voire 1 Gbit/s. En outre, dans le cas d’un utilisateur final titulaire d’une ligne courte 3 et raccordé à un répartiteur, collecté en H optique, de la boucle ou de la sous-boucle locale de cuivre, l’introduction de la technologie VDSL2, dont la commercialisation est autorisée depuis le 1er octobre 2013, pourrait permettre d’atteindre des débits descendants de l’ordre de 30 à 80 Mbit/s pour les abonnés les plus proches du point d’injection des signaux.’»

A l’aune de ces premières constatations l’ARCEP souligne (page 12/161)’: «’ À l’horizon de la présente analyse, il apparaît difficile d’opérer une distinction claire entre haut débit et très haut débit au niveau des marchés de détail. Il existe en effet un continuum de débits entre les offres de détail fondées sur le DSL, le câble et la H, et aucune application spécifique au très haut débit ne semble susceptible d’induire à elle seule une rupture dans le comportement des utilisateurs à court terme. En effet, à ce stade, les services permis par le très haut débit ne sont pas encore significativement différents de ceux permis par le haut débit.’»

Il s’évince de ce constat qu’à l’époque litigieuse, le déploiement de la H jusqu’au niveau du dernier amplificateur de son réseau de câble coaxial ( FttLA), permettant d’offrir un débit descendant situé entre 100 et 200 Mbits était considéré comme une des deux options possible de déploiement de la H optique dans le cadre d’une offre Très Haut Débit.

C’est donc à partir de l’analyse qui était faite à l’époque soit entre 2014 et 2016, des qualités substantielles de l’offre H FttLA/TttB raccordée à l’abonné par un câble coaxial, que doivent être examinées les pratiques commerciales dont le caractère déloyal est invoqué.

1-La période antérieure à l’Arrêté du 1er mars 2016

En l’espèce sont expressément mis en cause les affichages publicitaires suivant’:

— L’affichage publicitaire de E du mois de juin 2015 « La H à partir de 25,99′ /mois pendant un an au lieu de 39,99’ » qui contient un renvoi numéroté explicitant « (1) Offre box H de E disponible sous réserve d’éligibilité technique et géographique et de raccordement à la H optique avec terminaison coaxiale »’;

— Les affichages publicitaires de E diffusés du 20 au 27 avril 2016 “Et voilà la H dans une rue de plus !” contiennent un renvoi au moyen d’un astérisque explicitant [‘] H avec terminaison coaxiale ou optique selon éligibilité” ;

— La campagne publicitaire de E parue dans la presse nationale du 30 mars au 6 avril 2016 “Quand

on nous cherche sur la H, on nous trouve”, contient un renvoi au moyen d’un astérisque renvoyant à la mention explicative «’H avec terminaison coaxiale ou optique selon éligibilité”

— L’affichage publicitaire de E et E H diffusé au niveau national en mai 2015 « Vivez à pleine vitesse et au meilleur prix – La H à partir de 25,99′ /mois pendant 1 an » contient un renvoi numéroté qui explicite ” (1) Offre box H de E sous réserve d’éligibilité technique et géographique et de raccordement à la H optique avec terminaison coaxiale [‘] Débit théorique descendant maximum disponible selon l’Offre souscrite et l’adresse de raccordement de 30Mb/s, 100 Mb/s, 200 Mb/s, 400 Mb/s ou 800 Mb/s (avec l’option booster de débit +2’/mois) et débit théorique montant disponible de 1Mb/s et jusqu’à 40 Mb/s maximum”

La présentation graphique de l’ensemble de ces affiches met en évidence la H otique et la rapidité du débit par rapport au prix de l’abonnement présenté comme compétitif mais elle ne permet pas à un consommateur normalement avisé et attentif d’apprécier que cette offre de très haut débit s’appuie sur un raccordement jusqu’à l’abonné par un câble coaxial.

En effet, le renvoi par un numéro ou un astérisque à cette information, développée au bas de l’annonce en très petits caractères,à peine lisible sur les copies d’impression versées aux dossiers tant papier que numérisés) ne satisfait pas à l’exigence d’informer le consommateur sur la composition du service fourni, quand la terminaison coaxiale est indiscutablement l’une des qualités substantielles du service de la H en ce qu’elle l’une des composantes déterminante de la vitesse et de la stabilité du débit attendu.

Ce même constat s’impose à l’examen des campagnes publicitaires diffusées au mois de juillet et d’octobre 2015 sous forme de mailings aux abonnés qui distingue la H jusqu’au domicile de la H jusqu’au quartier de l’immeuble par un renvoi numéroté qui précise “(1) Offre disponible sous réserve d’éligibilité technique et géographique et de raccordement à la H optique avec terminaison coaxiale du domicile du client.

S’agissant du site Internet de E’les constats d’huissier datant de mai et juin 2015 permettent de retracer le parcours de navigation et le système de renvoi de page des sites Internet de E / E H :

‘ Le menu « Tarifs et conditions » figure en bas de chaque page du site Internet, le consommateur ayant la possibilité de télécharger tous les documents contractuels de E et notamment la brochure tarifaire, les conditions générales d’inscription et la fiche d’information standardisée des offres « box de E »

‘ A la suite du test d’éligibilité effectué par le client intéressé, celui-ci se voit indiquer son éligibilité à la H “jusqu’à 100 Mb/s en réception*« . Cet astérisque renvoie à une mention »(En savoir plus)« qui permet, en cliquant, d’accéder à une page Internet intitulée »Informations pédagogiques« qui différencie dans deux rubriques séparées et illustrées les technologies de »H optique jusqu’au domicile« et »H optique à terminaison coaxiale« et distingue ces technologies en ce qui concerne leurs débits ( »Jusqu’à 1 Gb/s« contre »Jusqu’à 200 Mb/s”), leurs conditions d’accès aux services et les perturbations possibles.

Là encore le même constat s’impose : le renvoi par un astérisque à une information substantielle ne satisfait pas à l’exigence de loyauté impartie par les dispositions de l’article L 12à6 1 précitées.

S’agissant du site Internet de E H (anciennement NC D) :

— Le menu “Brochure tarifaire & conditions générales de vente” figure en bas de chaque page du site Internet. En cliquant dessus, la brochure tarifaire, les conditions générales d’inscription et la fiche d’information standardisée des offres D s’affichent et peuvent être téléchargées.

— La page « Informations pédagogiques », n’est accessible depuis le site Internet qu’en cliquant sur le lien éponyme figurant en bas de chaque page du site, indique dans la rubrique « accès au service » : « La boucle locale du réseau D est constituée de H optique pour la plus grande longueur et de câble coaxial pour la partie terminale ». Il en va de même de la rubrique « perturbations de la ligne » : « La H optique avec terminaison coaxiale n’est pas sensible à l’installation électrique du logement desservi ».

Ces informations, dites pédagogiques, sur les caractéristiques du réseau ne sont pas mises en exergue, sur la page de présentation , elles ne sont consultables que par un lien annexe et créent une confusion évidente entre la H de bout en bout et la H raccordée à l’abonné par une terminaison coaxiale susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en lui donnant la certitude de souscrire à l’offre THD la plus performante.

— La page « Qu’est-ce que la H optique ‘ » du site internet de NC D, est à cet égard un exemple de confusion entre le FttH et le FttB en indiquant dans un encadré dédié apparaissant en milieu de page, que si la H est un fil de verre, “lorsqu’il s’agit d’amener « la H optique » chez l’abonné, il est en fait question de déploiements de « câbles à H optique »« notion dont les intimées soulignent avec raison le caractère trompeur, les »câbles à H optique” induisant une confusion manifeste dans l’esprit du consommateur avec le câble à terminaison coaxiale.

Les publicités sur les lieux de vente :

— le visuel de E de mai 2015 – décliné en banderole et en poster – « La puissance de la H à prix renversant ‘ En exclu dans votre magasin à partir de 25,99’ /mois pendant 1 an » contient un renvoi numéroté indiquant « Débit théorique descendant maximum disponible selon l’adresse du raccordement de 30Mbit/s, 100Mbit/s ou 200Mbit/s, et débit théorique montant disponible de 1Mbit/s jusqu’à 10Mbit/s maximum. H Optique avec terminaison coaxiale. »

— le visuel de E et E H daté d’octobre 2015 indique’: “La puissance de la H est dans votre ville, transformez l’essai !« contient le renvoi numéroté suivant »Offre disponible sous réserve d’éligibilité et de raccordement à la H optique avec terminaison coaxiale du domicile du client”.

La cour constate que ces mentions ne font pas clairement référence à la nature coaxiale de la technologie proposée puisqu’elles procèdent par un renvoi numéroté à une mention stipulée en petits caractères à peine lisible occultées par la taille des annonces qui seules attirent l’oeil.

Sans qu’il soit nécessaire d’examiner plus avant le détail de l’argumentation de B il convient de retenir que l’ensemble des supports commerciaux précités pour les offres RED H, BOX H,STARTER, BOX H POWER et BOX H FAMILY mettent en évidence une présentation opérant une confusion sur la mise à disposition d’une connectivité en H optique jusqu’au domicile de l’abonné et une connectivité portée par un réseau hybride H/câble coaxial alors que de manière constante à la même époque, le débit de crête descendant escompté par le recours au câble coaxial se situait entre 100 et 200 mégaBits pour 1 gigaBit escompté pour la H FttH.

La pratique commerciale consistant à recourir au terme H seul sans référence au câble coaxial a d’ailleurs conduit l’ARCEP, dès avant l’arrêté ministériel du 1er mars 2016 imposant aux opérateurs détenant des terminaisons coaxiales de le préciser dans leur message d’accroche, à s’exprimer dans le journal Les Echos du 30 septembre 2015 à s’interroger sur la nécessité de règles claires pour l’utilisation du mot H indiquant «’ A l’ARCEP nous avons fait le choix de ne plus utiliser le terme de H coaxiale. Nous préférons l’expression câble coaxial’» précisant qu’un courrier a été envoyé à D-E pour expliciter la position du régulateur.

La confusion entretenue a indiscutablement conduit les consommateurs à souscrire à l’une ou l’autre des offres précités dans la croyance que leur logement était raccordé de bout en bout et qu’ils étaient bénéficiaires d’une connectivité filaire la plus performante du marché.

Cette pratique commerciale à laquelle E a eu recours à partir de 2014 et jusqu’à l’Arrêté ministériel du 1er mars 2016 est donc indiscutablement déloyale et engage in solidum les responsabilités des sociétés E, E D et I J qui ont mis en oeuvre ensemble la stratégie de déploiement de l’offre H FttLA /FttB avec câble coaxial.

Le jugement sera donc infirmé du chef des parties responsables, I J étant responsable in solidum avec les sociétés E et E H.

2- La période postérieure à l’arrêté du 1er mars 2016

Pour soutenir l’effectivité des pratiques déloyales pour la période postérieure du 20 février au 1er avril 2016 B produit une enquête effectuée par le cabinet SORGEM «’ International market Research’» qui a recueilli un échantillon de réponses ayant donné lieu à 346 interventions dans 171 boutiques et 175 appels téléphoniques au 1090 en deux vagues, les seconde du 20 février au 1er avril 2016.

B soutient que cette enquête est loyale au regard du principe de liberté de la preuve en matière commerciale observant que la jurisprudence encadre mais reconnaît la validité de ce type d’enquête dès lors que l’objectif est proportionné au but poursuivi et qu’en tout état de cause la cour de cassation sanctionne le recours à l’huissier comme n’étant pas un gage de la loyauté.

La preuve est un acte ou un fait juridique versé au soutien d’une prétention pour fonder les allégations des parties au litige et, en matière commerciale, elle est encadrée par le principe du respect de la vie privée posé par l’article 9 du code civil et par le principe de loyauté procédurale qui impose de ne prendre en considération que les éléments de preuve recueillis dans le respect de ce principe.

Outre le peu de sérieux du moyen tenant à la sanction par la jurisprudence du recours à l’huissier de justice qui n’est «’sanctionnable’» qu’autant que ce dernier dissimule son identité au cours d’une enquête dont il relate le contenu, il convient de rappeler que les dispositions des articles L 450-1 du code de commerce et L 215-3 du code de la consommation invoquées par B sont inapplicables au cas d’espèce puisqu’elles concernent les enquêtes menées par les agents des services d’instruction habilités mentionnés par ses articles, notamment l’Autorité de la concurrence et la Direction de la répression des fraudes, au rang desquels ne figure pas le cabinet SORGEM.

En l’espèce l’enquête produite intitulée enquête «’ Mystère’» ne mentionne pas l’identité des enquêteurs sondeurs, rédacteurs du rapport, ne permettant pas de vérifier les modalités et le contenu des questions posées, alors que l’existence, les modalités et les finalités de l’enquête ont été dissimulées aux vendeurs de la plate-forme commerciale de la Box H E dont les propos ont été retranscrits à leur insu tandis que E souligne avec raison que la professionnalisation de ces deux clientes mystère qui ont également été mandatées dans cette même instance, pour évaluer le préjudice économique invoqué par B, en relation avec les pratiques déloyales, est de nature à faire douter de leur parfaite neutralité dans l’établissement des témoignages produits.

Il s’en suit que ce moyen de preuve qui ne satisfait pas à l’exigence de la loyauté des débats sera écarté, la cour constatant en conséquence l’absence de preuve de pratiques commerciales déloyales pour la période postérieure au 1er mars 2016.

Le bien fondé des injonctions délivrées par le tribunal

E fait grief au tribunal d’avoir délivré des injonctions à la demande du Group X tiers à la commercialisation des offres, qui excèdent la portée de l’Arrêté Ministériel du 1er mars 2016, qui sont inutiles dès lors que la technologie est précisément décrite dans ses offres, infondées en ce qu’elles s’adressent aux abonnés qui sont des tiers à la présente instance.

Cependant en matière de pratiques anti concurrentielles et déloyales lorsque l’atteinte à la concurrence est décelée, le juge est fondé à délivrer une injonction de faire pour assurer le respect de ses engagements par la partie condamnée et répondre à la nécessité de protéger le consommateur directement visé par les pratiques déloyales.

En l’espèce, les injonctions délivrées sont justifiées par l’obligation de réparer auprès du consommateur, tiers dont le comportement est altéré par les pratiques anticoncurrentielles, les conséquences de la présentation confuse de l’offre H à terminaison coaxiale, en lui délivrant une information claire sur les qualités substantielles de cette offre et en lui assurant la possibilité d’exercer, le cas échéant son droit de rétractation, quand par ailleurs E ne tire aucune conséquence procédurale du moyen tiré de ce qu’X serait un tiers aux injonctions délivrées.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a retenu le caractère déloyal des pratiques commerciales précitées et délivré les injonctions visées dans son dispositif à l’encontre des sociétés E et E NUMERICABLES, seules concernées par la mise en oeuvre des mesures préconisées à caractère commercial qui ne ressortissent pas de l’objet social de la société Holding I J.

La pratique déloyale de produits d’appel

B reproche à E d’avoir mis en place des opérations publicitaires portant sur des produits dont le distributeur ne disposait pas en quantité suffisante pour satisfaire la demande de sa clientèle’ mais l’argument manque de sérieux quand E, avant son acquisition par D ( cf B observatoire ARCEP 1er semestre 2016 et E -pièce 3- ARCEP déploiement des réseaux en H optique ) se positionnait comme le second opérateur déployant la FttH et que ce n’est qu’en conséquence de son acquisition qu’elle a fait le choix de privilégier le raccordement H en zone câblé par le raccordement coaxial.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté B de ce chef.

Le parasitisme

B fait grief à E d’avoir parasité : “l’image très positive de la H optique auprès des consommateurs [‘] qui constitue ainsi la valeur économique de ces opérateurs« , alors que ses investissements relatifs aux réseaux de H optique jusqu’aux logements déployés, constituaient un »véritable « actif à parasiter »”

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Le parasitisme est un comportement par lequel un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire L’objet de l’appropriation fautive, qui n’est pas autre chose que la valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel et qui peut même résider dans la notoriété.

Les éléments produits aux débats par E établissent néanmoins qu’entre 2014 et 2016, le réseau FttH du Groupe X était situé en troisième position derrière Orange et E un article paru sur le site internet Freenews le 5 décembre 2012 soulignait que : “depuis quelque temps déjà, B a changé de posture vis-à-vis de la H optique. En 2011, l’opérateur se désengageait du déploiement vertical dans un grand nombre d’immeubles, et bien qu’il se défende de réduire ses investissements sur la H, son discours s’est ajusté : en septembre dernier [2012], Maxime Lombardini, DG d’X, soulignait la faible rentabilité de la H, affirmant que « l’appétit n’est pas si grand que ça » auprès du public”.

Dans un autre article paru dans la revue B news le 27 juillet 2013, il était noté’: «’ B est ainsi restée « très lent sur le déploiement de son réseau » en 2013 , se contentant « des miettes » du marché du FttH en 2014, là où E recensait déjà près de 200.000 abonnés FttH’» et alors que la revue Nextimpact le 13 mars 2014 décrivait «’ORANGE et E comme les deux opérateurs captant la quasi totalité du marché FttH.’»

Par conséquent il ne peut sérieusement être soutenu par B que E, leader après ORANGE du marché de la H de bout en bout, se soit placée dans le sillage de B en profitant indûment des efforts, du savoir faire et de la notoriété que cette dernière, assurément, était loin d’avoir encore acquis à cette époque, dans ce segment de marché.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté B de ce chef.

Les préjudices

1-le préjudice économique

B revendique un détournement de clientèle et une perte de chance d’obtenir de nouveaux clients directement imputable aux pratiques déloyales’:

— le gain manqué lié à la perte de clientèle, même potentielle, est avéré selon les intimées Le premier chef de préjudice subi par B englobe les clients que B a perdus en raison des pratiques illicites et des offres trompeuses commercialisées par les appelantes.

En premier lieu, l’ensemble des abonnements souscrits par les consommateurs aux offres « box H » de E pendant la période comprise entre novembre 2014 et l’expiration d’un délai de 6,5 mois à partir du 29 juillet 2015, date à laquelle l’offre de référence d’I J a été validée, l’ont été de façon illicite. Selon les intimées, si I J et E avaient respecté la législation applicable et les engagements souscrits par I J dans le cadre de la décision de l’Autorité de la concurrence n°14-DCC-160, E n’aurait en effet jamais pu proposer d’offres « box H » sur cette période. Les clients ayant souscrit aux offres « box H » de E pendant cette période ont ainsi été illicitement détournés des offres HD ou THD concurrentes, de sorte que E devra réparer l’intégralité du préjudice en résultant pour les sociétés B, correspondant aux revenus qu’elles ont perdu du fait de ce détournement pendant cette période.

En second lieu, de nombreux consommateurs ont été détournés des offres ADSL ou FttH de B par les offres « Box H » (devenues « box THD 4K ») de D et E, parce que les consommateurs pensaient légitimement que ces offres leur permettaient d’accéder à une technologie 100 % H optique, aux qualités égales aux offres FttH de B. Entre le 1er novembre 2014 et le 1er juin 2016, D et E ont ainsi dépensé au total plus de 215 millions d’euros pour la promotion de leurs offres « Box H » dans les médias, sans compter les dépenses liées à la conception et l’exploitation de leurs sites internet1. Ces sommes démontrent la publicité massive engagée par D et E qui n’a pu qu’avoir un impact direct et majeur sur les consommateurs, ce que les appelantes ne peuvent contester ‘ c’est d’ailleurs ce qui les a incité à mettre en oeuvre une telle campagne publicitaire ‘, et détourner au détriment de B la clientèle.

— La perte de chance subie dans la conquête de la clientèle du fait des agissements’déloyaux’ doit également être réparé selon les intimées, le préjudice subi s’étendant au-delà de la clientèle détournée pour englober également tous les bénéfices futurs qu’aurait pu réaliser l’entreprise victime en l’absence de mise en oeuvre de telles pratiques par ses concurrents.Les intimées se réfèrent à la Décision n°14-DCC-160 du 30 octobre 2014 relative à la prise de contrôle exclusif de E par le groupe I, point’199′ soulignant : «’le risque concurrentiel […] consiste moins dans une exploitation d’un pouvoir de marché sur le segment du très haut débit que dans un risque de préemption de la clientèle adressable sur ce segment pendant la période de déploiement des réseaux en H optique. Le risque que les concurrents du nouvel ensemble ne puissent animer la concurrence du fait de l’opération, faute d’une offre très haut débit comparable à celle de la nouvelle entité, ressort donc de l’examen des effets verticaux de l’opération’».

Elles en déduisent que ces pratiques ont réalisé une véritable préemption du marché et constituent ainsi une perte de chance pour B de conquérir ces clients3. Cette préemption du marché par E/D est étayée par le rapport d’activité 2014 de l’ARCEP qui illustre que 47’% des offres THD étaient des offres d’accès sur des réseaux à terminaison coaxiale4.

Pour étayer ses revendications d’indemnisation à hauteur de l’intégralité des préjudices exposés ci-dessus résultant des comportements illicites et des pratiques de concurrence déloyale de E/D, B invoque le rapport du cabinet SORGEM produit en première instance puis mis à jour pour répondre aux critiques du cabinet CRA, mandaté par les appelantes, qui démontre, selon les intimées, que les pratiques de E/D leur ont permis de gagner indûment 321.600 abonnés entre le 4e trimestre 2014 et le 3e trimestre 20167 et ont fait perdre à B 20.300 abonnés FTTH et 47.800 abonnés ADSL sur cette période. Compte tenu de la valeur d’un abonné (calculée en tenant compte notamment de la durée de vie d’un abonné, de l’ARPU, du taux de marge brute ainsi que du taux d’imposition et des coûts associés), le cabinet SORGEM évalue le préjudice total subi par B sur cette période à la somme de 52,3 millions d’euros, s’agissant d’une hypothèse basse d’évaluation.

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La réparation du préjudice économique s’entend, au regard des dispositions de l’article 1149 du code civil, dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige, des dommages et intérêts dus à raison de la perte faite et du gain manqué lequel, actuel et futur sous réserve d’être certain, s’évalue par référence à une marge sur coûts correspondant aux coûts directs ou variables que l’entreprise peut éviter si elle subit un ralentissement ou un arrêt de son activité.

La décision de l’Autorité de la concurrence n°16-D-24 du 8 novembre 2016, qui a sanctionné le Groupe I pour avoir réalisé l’opération de concentration avec E avant la date d’autorisation de cette opération, en infraction aux dispositions de l’article L 430-8 II du code de commerce est sans emport sur le présent litige’: en effet, si elle relève que l’Autorité a considéré dans sa décision n°14-DCC-160, la nécessité de mettre en place un engagement d’accès au réseau câblé, la combinaison de l’étendue du réseau de D avec la puissance commerciale de E conduisant à un «’mécanisme de préemption’de la clientèle par la nouvelle entité et de verrouillage de l’accès au réseau câblé pour les concurrents’», la sanction financière prononcée par l’Autorité ne se fonde que sur l’illicéité de l’opération, et le trouble commercial généré par la pratique illicite n’induit pas en soi la démonstration d’un préjudice économique réparable pour un opérateur en particulier.

B n’est donc pas fondée à déduire un préjudice réparable du chef des abonnements souscrits par les consommateurs aux offres « box H » de E pendant la période comprise entre novembre 2014 et l’expiration d’un délai de 6,5 mois à partir du 29 juillet 2015 et du chef du détournement de consommateurs des offres ADSL ou FttH de B en résultant, sans faire la démonstration de l’imputabilité de la perte du parc d’abonnés qu’elle revendique à ces souscriptions et au détournement allégué.

Selon la jurisprudence, seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable.

La réparation de la perte de chance de conquérir des clients dans le cadre des offres FttH et ADSL de

B suppose donc la réunion d’un fait générateur de responsabilité, avéré en l’espèce par les pratiques déloyales, la probabilité de l’éventualité favorable de la conquête des parts de marché FttH et ADSL par B et la disparition de la probabilité de réalisation de cette éventualité favorable du fait des pratiques déloyales.

Le cabinet SORGEM dont le rapport étaye la demande, apprécie la perte du marché des abonnés imputable à la pratique déloyale en partant de l’hypothèse que B et E D sont les deux seuls acteurs en concurrence et que les abonnés H de E D «’auraient ‘pu être des abonnés FttH ou ADSL B’».

Ce faisant, le cabinet SORGEM érige en certitude ce qui n’est qu’une hypothèse de marché, à évaluer à l’aune des autres concurrents de l’offre H FttH notamment Orange, leader du marché et Bouygues Telecom qui se positionnait également à la même époque derrière B sur l’offre H de bout en bout, tandis que d’autres technologies comme le VDSL 2 cuivre, dans laquelle B avait précisément investi méritaient également d’être analysées.

Partant, la méthode de calcul de la perte des abonnés en n’intégrant qu’une partie des acteurs du marché et en limitant celui-ci à deux technologies de raccordement manque de pertinence et ne peut être retenue pour fonder l’assiette du préjudice.

Pour évaluer ensuite la valeur des abonnés, le cabinet SORGEM retrace le flux de trésorerie perdue sur la base de 67 000 abonnés supplémentaires limitant l’évaluation des coûts fixes à 1’% et retient un taux de marge brut compris entre 65’% en zone non dense et 80’% en zone dense, soulignant que B «’ a déployé ses réseaux FttH très majoritairement dans les zones denses et que le niveau élevé des coûts de déploiement de la FttH par foyer est établi par la Recommandation de la Commission Européenne.

Cependant cette analyse du taux de marge brute en zone dense, est radicalement contredite par la presse spécialisée de l’époque et particulièrement l’article publié dans la revue FreeNews le 26 juillet 2013 qui souligne le retard important pris par B pour le raccordement de 60 000 abonnés en H optique au rappel des réserves expressément formulées par son fondateur Z A exprimant que la H «’ est un investissement dégueulasse au regard de sa rentabilité négative en zone dense’».

Ce retard pris par B dans le déploiement de la H optique a été également relayé par le journal Libération qui souligne le 7 juin 2013 son engagement dans «’la technologie VDSL2, signaux transportés par une paire de fils en cuivre 10 fois moins cher que la H optique’» citant à cet égard les mêmes propos tenus par Z A.

Aucun détournement de clientèle n’étant caractérisé, la perte de clientèle alléguée sur la base des évaluations du cabinet SORGEM qui ne communique pas le plan d’affaires permettant d’apprécier les modalités de commercialisation des offres FttH et ADSL de B sur le marché à l’époque ni le plan de charges du service de production, accompagné des données économiques affectant l’activité impactée au regard de l’évolution de la concurrence, au demeurant non étayées par les prévisions de trésorerie certifiées par un expert comptable agrée permettant de mesurer le résultat de l’activité des offres Très Haut Débit et ADSL de B antérieurement à la période litigieuse, avec celle, contrefactuelle, qui aurait été constatée en l’absence de pratiques déloyales , est dépourvue de force probante.

Ce rapport ne peut par conséquent valablement servir la demande de réparation de la perte de chance de conquérir des clients alors que la probabilité de l’éventualité favorable de la conquête des parts de marché FttH et ADSL par B n’est aucunement établie et a fortiori la disparition de la probabilité de réalisation de cette éventualité à raison des pratiques commerciales déloyales dans la période 2014-2016.

Par conséquent B sera déboutée de ce chef et le jugement confirmé en ce qu’il a rejeté la réparation du préjudice économique.

2-Le préjudice moral

Le trouble commercial généré par les pratiques déloyales a été justement réparé par le tribunal à hauteur de la somme de 1 000 000 euros et le jugement sera confirmé sur ce point.

Les frais irrépétibles

Les sociétés E, E H et I J seront condamnées in solidum à régler aux société X, B et B C une somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions excepté en ce qu’il a mis hors de cause la société la SA E GROUP, anciennement D-E devenue I J’;

Statuant à nouveau’;

Déclare fondée la mise en cause de la société E GROUP, anciennement D-E devenue I J’;

Condamne in solidum les sociétés E, E H et I J à payer aux sociétés B, B C et ILLIAD la somme de’:

—  1 000 000 euros au titre de leur préjudice moral

—  50 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel’;

Condamne les sociétés E, E H et I J in solidum aux dépens’de première instance et d’appel;

La Greffière, La Présidente,


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