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Des publicités comparatives qui mettent l’accent sur la comparaison des prix des offres de VINI et de VODAFONE, alors que celles-ci présentaient des différences substantielles en termes de durée d’engagement et de couverture géographique, tombent sous le coup de la concurrence déloyale.
Quoique la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 et l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 qui ont établi la licéité de la publicité comparative n’aient pas été rendues applicables en Polynésie française, laquelle dispose de sa propre compétence en ce domaine, il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un mode de publicité qui n’est pas en soi illicite.
Les articles L121-1 à L121-7 du code de la consommation relatifs aux pratiques commerciales déloyales ne sont pas en vigueur en Polynésie française, non plus que les dispositions du droit de l’Union européenne directement applicables ou transposées par la France dans son droit interne.
Et, ainsi que l’a retenu le jugement déféré, la loi du pays n° 2010-17 du 7 décembre 2010 tendant à encourager la publicité et l’information comparatives n’est pas non plus en vigueur. En effet, son article LP . 8 dispose que : «La présente loi du pays entrera en vigueur lorsque l’État adoptera un dispositif législatif qui introduira en Polynésie française, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de l’article L. 121-13 du code de la consommation métropolitain.»
Étant observé qu’à la date de cette loi du pays, les dispositions du code de la consommation métropolitain relatives à la publicité comparative se trouvaient dans les articles L121-8 et suivants. Et qu’il n’a pas été donné suite en Polynésie française à l’article 40 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs qui disposait que : «Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures permettant, d’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.»
Les publicités comparatives diffusées de septembre à décembre 2018 en Polynésie française par la société PMT relèvent donc uniquement, s’il y a lieu, des dispositions de l’article 1382 du code civil en vigueur en Polynésie française : «Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
Il est bon de rappeler que la jurisprudence antérieure à la loi de 1992 et à l’ordonnance de 2001 avait fini par admettre la publicité comparative pour les prix, jusqu’alors jugée illicite, seulement lorsque la comparaison était exacte, et qu’elle portait sur des produits identiques vendus dans les mêmes conditions par des commerçants différents (Com. 22 juill. 1986 n° 84-12.829).
L’action en concurrence déloyale a pour objet d’assurer la protection de celui qui ne peut pas se prévaloir d’un droit privatif tel qu’un droit de propriété intellectuelle (Com. 3 oct. 1978 n° 77-10.915). Elle est ouverte aux opérateurs qui sont en concurrence sur un marché, sur le fondement de la responsabilité civile. Il s’agit d’une responsabilité pour faute, même simple, qui oblige son auteur à réparer intégralement le dommage qu’il a directement causé au concurrent. La charge de la preuve repose sur celui qui exerce l’action.
La faute peut notamment consister dans le dénigrement d’un concurrent dans une publicité. Le dénigrement est défini comme «l’action de décrier ouvertement un concurrent (identifié ou identifiable), ou un produit rival, de rabaisser sa renommée dans l’esprit de la clientèle, de le discréditer, médisance publique (souvent publicitaire) qui, sauf la tolérance d’une critique modérée, constitue un acte de concurrence déloyale» (G. Cornu, Dictionnaire juridique PUF 8e éd. 2007).
En l’espèce, par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d’appel incident de la société PMT, et que la cour adopte, la décision entreprise a justement caractérisé les fautes en raison desquelles l’opérateur de communications téléphoniques PMT-VODAFONE a engagé sa responsabilité civile à l’égard de son concurrent ONATI-VINI.
Le contexte de la campagne de publicité en cause, au dernier trimestre 2018, a été largement rappelé tant par les parties que par l’Autorité polynésienne de la concurrence dans sa décision précitée. Il est constant que VODAFONE, qui est arrivé sur le marché polynésien des télécommunications lorsqu’a pris fin le monopole de l’opérateur historique l’OPT, a été dans la situation de concurrencer VINI, issue de l’OPT, tout en étant dépendante du réseau de télécommunications de ce dernier. Il en est résulté de nombreux contentieux, dont le présent litige est un exemple, et l’APC a enjoint en juin 2018 à VINI de faire évoluer ses offres pour faire cesser des pratiques dont elle a constaté qu’elles étaient anticoncurrentielles.
Ce contexte est exclusif de la bonne foi de PMT-VODAFONE dans le lancement de la campagne de publicité qui a suivi cette décision. Il explique que, dans un objectif de prises de parts de marché dans un marché polynésien de télécommunications mobiles perçu comme étant à somme nulle, PMT-VODAFONE ait choisi de lancer des publicités si agressives qu’elles s’en sont trouvées, en l’espèce, faussement comparatives et par là même dénigrantes. La société PMT conclut d’ailleurs que la comparaison porte sur des offres présentant des caractéristiques largement identiques «sans , il est vrai, qu’il y ait une identité parfaite entre elles”.
Le tribunal a tiré les justes conséquences des offres de VODAFONE telles qu’elles étaient décrites dans les constats d’huissier précités, dont la matérialité n’est pas contestée. Contrairement à ce que soutient PMT, l’information des consommateurs a été tronquée et faussée au détriment des offres de VINI. Le double subterfuge consistant à comparer des offres matériellement différentes (durée d’engagement, couverture géographique), en les corrigeant par des renvois en petits caractères qui ne sont pas clairs et lisibles, est un procédé en soi trompeur et déloyal, d’autant qu’il s’agissait d’affiches vues de loin par des automobilistes ou d’écrans défilants. Ces soi-disant comparaisons ne tendaient qu’à illustrer le slogan de la campagne : «Vodafone c’est vraiment moins cher» en langue tahitienne, lequel caractérise le dénigrement des offres concurrentes de VINI.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu qu’en réalisant des publicités comparatives trompeuses et dénigrantes pour la SAS ONATI, aussi bien s’agissant des forfaits que des cartes, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a commis une faute qui engage sa responsabilité à l’égard de la SAS ONATI.
La société PMT a contesté l’irrecevabilité de l’appel pour dépôt tardif, mais la société ONATI a prouvé que l’appel a été enregistré avant l’expiration du délai, le rendant recevable.
Le tribunal a retenu que les publicités comparatives de la société PMT étaient trompeuses et dénigrantes envers la société ONATI, violant ainsi l’article 1382 du code civil.
Le tribunal a reconnu un préjudice d’image pour la société ONATI, fixant l’indemnisation à 10 000 000 F CFP. En revanche, le préjudice commercial n’a pas été retenu faute de preuves suffisantes.
Les demandes incidentes de la société PMT ont été rejetées car elles ne se rattachaient pas à la prétention originaire de la société ONATI.
Le jugement a été confirmé dans l’ensemble, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour le préjudice d’image. Aucune modification des dépens n’a été décidée.
1. Il est important de respecter les délais d’appel fixés par la loi. Dans le cas présent, la société ONATI a justifié de l’envoi de sa requête d’appel par voie électronique avant l’expiration du délai, ce qui a permis à l’appel d’être déclaré recevable. Il est donc essentiel de s’assurer de respecter les délais légaux pour éviter l’irrecevabilité de l’appel.
2. Lors de la réalisation de publicités comparatives, il est crucial de veiller à ce qu’elles soient objectives et ne contiennent pas de dénigrement envers un concurrent. Dans le cas présent, la société PMT a été condamnée pour avoir diffusé des publicités trompeuses et dénigrantes envers la société ONATI. Il est donc primordial de respecter les règles en matière de publicité comparative pour éviter toute responsabilité civile pour concurrence déloyale.
3. En cas de litige commercial, il est essentiel de fournir des preuves solides pour étayer ses demandes de réparation. Dans le cas du préjudice commercial subi par la société ONATI, il a été déterminé que les pertes de clients ne pouvaient pas être directement imputées aux publicités de la société PMT. Il est donc crucial de disposer de données et d’éléments de calculs précis pour étayer ses demandes de réparation en cas de litige commercial.
– Code de Procédure Civile de la Polynésie Française (C.P.C.P.F.)
– Code Civil
– Loi du pays n° 2010-17 du 7 décembre 2010
– Loi n° 92-60 du 18 janvier 1992
– Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001
– Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008
– Articles L121-1 à L121-7 du code de la consommation
– Article 1382 du code civil
– Article LP . 8 du code de la consommation métropolitain
– Article LP200 du code de la concurrence
– Me Vaitiare ALGAN
– Me Sylvain JUSTIER
– Me François QUINQUIS
– Recevabilité de l’appel
– Délai d’appel
– Transmission électronique de la requête d’appel
– Enregistrement de la requête d’appel
– Responsabilité
– Faute de dénigrement dans la publicité
– Comparaison des offres de VODAFONE et VINI
– Durée d’engagement des offres
– Périmètres géographiques de communication
– Publicité trompeuse
– Publicité dénigrante
– Loi sur la publicité comparative en Polynésie française
– Responsabilité civile
– Préjudice subi par ONATI
– Préjudice commercial
– Préjudice d’image
– Montant des dommages et intérêts
– Mesures de cessation du trouble
– Demandes incidentes de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM
– Publicité affichée par ONATI
– Refus de communiquer une convention d’itinérance data
– Refus de communiquer les tarifs d’utilisation du câble NATITUA
– Surfacturation dans le cadre du contrat TIX
– Astreinte pour la diffusion des publicités
– Montant des dommages et intérêts pour le préjudice d’image
La recevabilité de l’appel se base sur le respect du délai d’appel et la transmission électronique de la requête d’appel, qui doit être enregistrée. La responsabilité est engagée en cas de faute de dénigrement dans la publicité, de publicité trompeuse ou dénigrante, en vertu de la loi sur la publicité comparative en Polynésie française. Les préjudices subis par ONATI, tels que le préjudice commercial et d’image, peuvent donner lieu à des dommages et intérêts. Des mesures de cessation du trouble peuvent être demandées, ainsi que des astreintes pour la diffusion des publicités. Les demandes incidentes de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM concernent notamment le refus de communiquer certaines informations, comme une convention d’itinérance data ou les tarifs d’utilisation du câble NATITUA, ainsi que la surfacturation dans le cadre du contrat TIX.
– La SA PACIFIC MOBILE TELECOM est condamnée à payer à la SAS ONATI la somme de 10 000 000 F CFP au titre du préjudice d’image
– Chaque partie est laissée à la charge de ses dépens d’appel
– La Sas Onati
– La Sa Pacific Mobile Télécom
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° 83
GR
————-
Copie exécutoire
délivrée à :
– Me Algan,
le 18.03.2024.
Copie authentique délivrée à :
– Me Quinquis,
le 18.03.2024.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 14 mars 2024
RG 21/00199 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 2021/39, rg n° 2019 000006 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 12 mars 2021 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 11 juin 2021 ;
Appelante :
La Sas Onati, société par actions simplifiées, immatriculée au Rcs de Papeete sous le 18 359 B, ayant absorbé la Sas Vini dont le siège social est sis à [Adresse 5], prise en la personne de son représentant légal ;
Ayant pour avocat la Selarl FMA Avocats, représentée par Me Vaitiare ALGAN, avocat au barreau de Papeete et la Société d’Avocats Magenta, représentée par Me Sylvain JUSTIER, avocat au barreau de Paris ;
Intimée :
La Sa Pacific Mobile Télécom, exerçant sous l’enseigne Vodafone, société par actions simplifiées, immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 0974 B et n° Tahiti 897983 dont le siège social est sis à [Adresse 2] ;
Ayant pour avocat la Selarl Jurispol, représentée par Me François QUINQUIS, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 28 avril 2023 ;
Composition de la Cour :
La cause ait été débattue et plaidée en audience publique du 9 novembre 2023, devant M. RIPOLL, conseiller désigné par l’ordonnance n° 64/ORD/PP.CA/23 du premier président de la Cour d’Appel de Papeete en date du 25 août 2023 pour faire fonction de président dans le présent dossier, Mme BRENGARD, président de chambre, Mme MARTINEZ, conseiller, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. RIPOLL, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES :
La cour se réfère à la décision dont appel pour l’exposé du litige et de la procédure antérieure. La chronologie est la suivante :
L’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) a été saisie le 30 mars 2016 par la société SAS PACIFIC MOBILE TELECOM (PMT) à l’enseigne VODAFONE au sujet des pratiques mises en ‘uvre dans le secteur des télécommunications par l’OFFICE DES POSTES ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS (OPT) et par sa filiale la société VINI.
Dans sa décision n° 2018-PAC-01 du 6 juin 2018, l’APC a notamment relevé que :
VINI est née en 2013 de la fusion des filiales à 100 % de l’OPT TNT (télévision), Mana (internet) et Tikiphone (téléphonie mobile). VINI n’a véritablement été concurrencée qu’à l’entrée de PMT (Vodafone) sur le marché en 2013. VINI détenait 85 % de part de marché en volume sur le marché de détail des services de téléphonie mobile, et ne conteste pas détenir une position dominante sur ce marché. VINI bénéficie de l’adossement du groupe historique et public de l’OPT qui demeure en monopole légal sur les services obligatoires des télécommunications. VINI est en monopole sur les marchés des terminaisons d’appel mobile vocal et SMS à destination de son réseau (n° 112-115).
La politique d’engagement initial et de réengagement de la clientèle dans le cadre d’une migration en cours de contrat et le programme de fidélité Ura mis en ‘uvre sur le marché de détail des services de téléphonie mobile par VINI étaient susceptibles de constituer des pratiques prohibées par l’article LP200-2 du code de la concurrence (n° 170).
Dans sa décision, l’APC a accepté les engagements pris par VINI en ce qui concerne le marché de détail de services de téléphonie mobile à destination des clients résidant en Polynésie française. Il s’agissait de faire évoluer les offres de VINI sur le plan tarifaire et des avantages offerts aux clients s’abonnant ou se réabonnant. VINI s’est aussi notamment engagée à remettre à l’APC un rapport annuel de suivi de ses engagements (annexe 2.5), et à lui communiquer sa documentation contractuelle et commerciale clarifiée pour approbation (2.4).
Le 5 octobre 2018, la SAS VINI a fait constater par Me [K], huissier de justice que :
-Une affiche apposée sur un panneau publicitaire en bord de route comparait les forfaits proposés par les opérateurs VINI et VODAFONE et informait les consommateurs du tarif le moins cher. Les messages en caractères gras étaient visibles de loin par les automobilistes qui empruntaient la RDO. Le visuel rouge choisi (lettres blanches sur fond rouge et noir avec éclair jaillissant) était conçu pour attirer l’attention des passants. Le message indiquait en langue tahitienne que Vodafone est vraiment moins cher.
-Le message véhiculé était court et comparait deux offres : Vini Like incluant 2 Go et 1 h d’appels pour un coût de 2 860 F, et Vodafone Smile offrant 2 Go et 1 h d’appels pour un coût 2 300 F.
-Si le message en caractère gras était visible de loin, le message secondaire en caractères réduits n’était pas lisible, y compris par les automobilistes à l’arrêt dans les embouteillages.
-Le message en petits caractères mentionnait que la durée d’engagement n’était pas la même : 12 mois pour Vini Like et 24 mois pour Vodafone Smile. La mention relative à la durée d’engagement n’était pas indiquée clairement par la société VODAFONE et ne permettait donc pas aux consommateurs d’apprécier l’offre dans sa globalité et de prendre une décision commerciale en connaissance de cause.
L’huissier a ensuite examiné une brochure de publicité comparative éditée par VODAFONE. Il a constaté que :
-L’offre Vini Open 4 h était comparée à l’offre Vodafone Prestige 8 h.
-L’offre Vini Open 16 h était comparée à l’offre Vodafone Prestige 20 h.
-L’offre Vini IZI 30 mn était comparée au forfait Vodafone Smile Ho’e.
-L’offre Vini like medium était comparée à l’offre Vodafone Smile Toru.
-Si, dans tous les cas de figure, l’offre proposée par la société VODAFONE était moins onéreuse, la durée d’engagement mentionnée en petits caractères n’était pas la même. Elle était de 12 mois pour VINI et de 24 mois pour VODAFONE.
L’huissier a constaté la présence d’une affiche identique à la précédente à l’entrée de la commune de [Localité 7] et non loin de l’hypermarché Carrefour.
À nouveau mandé par la SAS VINI, Me [K] a dressé un second constat le 8 octobre 2018 sur les sites internet de VODAFONE. Il a relaté que :
-Le site Facebook de VODAFONE présentait un message comparatif associé à des liens pour les offres Smile et Prestige.
-Le site YouTube contenait un message comparatif associé aux offres Vodafone Smile et Vini Like publié le 20/09/2018. Il s’agissait d’une vidéo montrant une conversation mise en scène entre un abonné de Vodafone et un abonné de Vini. L’abonné Vodafone disait à l’abonné Vini : «J’ai tout comme toi, j’ai les appels illimités le soir vers les 89 et je paye 2 300 F seulement. Alors c’est qui Smile».
-Le générique de fin disait : «Vodafone lance ses nouveaux forfaits Smile, alors à vous de choisir. Vodafone : Mea Mama Roa (c’est vraiment moins cher)».
– Un message défilant indiquait : «SMS illimités vers Vini et Vodafone 24h/24 pour Vini Like Medium et Smile Toru. SMS Smile Toru sur Tahiti, [Localité 3] et [Localité 1] + 20 SMS toute Polynésie. Vini Like Medium inclut aussi 1 h de Wifi Vini Spot. Conditions spécifiques de vente sur www.vini.pf etwww.vodafone.pf.»
-Le site YouTube contenait aussi un message comparatif des offres Vini Open (4 h 3 Go 4900 F*) et Vodafone Prestige (8 h 6 Go 4900 F**) qui mentionnait en petits caractères des durées d’engagement différentes (* 12 mois, ** 24 mois).
Par courrier de son conseil daté du 26 septembre 2018, la société VINI avait mis en demeure la société PMT VODAFONE de cesser immédiatement la diffusion des publicités constitutives selon elle de concurrence déloyale pour utiliser des tableaux comparatifs et un argumentaire commercial totalement trompeurs.
La société PMT VODAFONE a répondu par son avocat le 28 septembre 2018 qu’elle ne partageait pas cette analyse et que la campagne de publicité prendrait fin prochainement selon son calendrier initial.
Saisi par VINI d’une demande de cessation de troubles, le juge des référés, par ordonnance rendue le 29 octobre 2018, a renvoyé celle-ci à mieux se pourvoir au motif que la campagne publicitaire de VODAFONE avait cessé, et qu’aucun élément du dossier ne permettait de considérer que les faits allégués se reproduiraient à l’identique.
Mais, à la fin de l’année 2018, la société VINI a de nouveau mandé Me [K] qui, dans deux constats dressés le 28 décembre 2018, a relaté que :
-Une affiche apposée sur un panneau publicitaire à Faa’a comparait les forfaits proposés par les opérateurs VINI et VODAFONE. Les messages en caractères gras étaient visibles de loin par les automobilistes qui empruntaient la RDO. Le visuel rouge choisi était conçu pour attirer l’attention. Le message était clair avec le slogan en langue tahitienne que Vodafone est vraiment moins cher («Mea mama roa»).
-Le message en caractère gras comparait une offre prépayée de VINI incluant 1 Vinicard à 850 F et 1000 F de crédit avec une offre prépayée de VODAFONE incluant 1 Vodacard à 650 F et 1500 F de crédit.
-Il était suivi d’un message en caractères réduits qui n’était pas lisible de loin, y compris par les automobilistes à l’arrêt dans les embouteillages.
-Les petits caractères indiquaient que la durée de validité du crédit, bien qu’identique, se limitait à Tahiti, [Localité 3] et [Localité 1]a pour Vodafone.
-La mention relative à la validité du crédit n’était pas indiquée clairement par la société VODAFONE et ne permettait donc pas aux consommateurs d’apprécier l’offre dans sa globalité et de prendre une décision commerciale en connaissance de cause.
L’huissier a constaté qu’un panneau publicitaire comportant la même affiche sur un côté se trouvait à l’entrée de la commune de [Localité 7] non loin de l’hypermarché Carrefour. L’autre côté de ce panneau, visible par les automobilistes circulant en sens inverse, comportait une affiche différente qui faisait clairement ressortir l’offre de VODAFONE comme étant la moins chère et la plus complète en termes de prestations.
-Ce message comparait l’offre de VINI : 1 Vinicard à 1750 F 40 mn d’appels SMS illimités soir et week-ends (+ 20 SMS locaux vers #87 # 89), avec l’offre de VODAFONE : 1 Vodacard à 1500 F 40 mn d’appels SMS illimités 24h/24 7j/7 vers #87 #89 et appels illimités soir et week-ends vers #89).
-Comme l’affiche précédente, celle-ci comportait un message en petits caractères relative à la validité du crédit et à la couverture géographique.
L’huissier a constaté que la seconde de ces affiches se trouvait également apposée sur un panneau publicitaire à proximité de la station Shell [Adresse 6] située à [Localité 4].
Il a également procédé à des constatations sur les sites internet de VODAFONE :
-Le catalogue VODAFONE de décembre 2018 contenait des publicités comparatives avec VODAFONE. Les mentions légales affichées en petits caractères au bas des pages n’étaient pas très lisibles sauf à zoomer. Les mentions relatives à la durée d’engagement ainsi que la couverture géographique n’étaient pas indiquées clairement par VODAFONE. Les durées d’engagement différaient (12 mois / 24 mois) ainsi que la couverture géographique (seulement Tahiti, [Localité 1] et [Localité 3] pour VODAFONE). La société VODAFONE ne fait mention que des conditions avantageuses de ces offres, les conditions moins avantageuses sont reléguées dans les mentions légales en petits caractères.
Par courrier de son conseil en date du 10 décembre 2018, la société VINI avait mis en demeure la société PMT VODAFONE de cesser immédiatement la diffusion des publicités comparatives pour ses offres Prestige et Smile, ainsi que les publicités pour les cartes prépayées. VINI a indiqué que VODAFONE, en poursuivant sa campagne de publicité comparative dans des conditions trompeuses et déloyales, n’avait pas respecté son engagement pris devant la juridiction des référés.
La société PMT VODAFONE a répondu par son conseil le 12 décembre 2018 qu’elle contestait l’existence d’une tromperie des consommateurs et d’actes de concurrence déloyale. Elle a indiqué que «la restriction de zone géographique dans les offres Vodafone résulte du tarif prohibitif imposé à PMT par VINI dans le cadre du contrat d’itinérance, lequel crée un avantage concurrentiel indu à l’opérateur historique et empêche la société PMT de répliquer.»
Par requête enregistrée le 7 janvier 2019, la SAS ONATI a saisi le tribunal mixte de commerce de Papeete pour qu’il juge que les publicités de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM sont trompeuses, illicites, dénigrantes et constituent des actes de concurrence déloyale. La SAS ONATI a demandé de :
condamner la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à lui verser les sommes de 308 739 881 francs CFP au titre du préjudice commercial et 20 716 582 francs CFP au titre du préjudice d’image subi par elle ;
interdire la diffusion des publicités quels qu’en soient la forme et le support, sous astreinte de 60 000 francs CFP par jour et par infraction constatée que le tribunal se réservera de liquider ;
ordonner les mesures de publications détaillées dans les écritures et ce dans les 5 jours qui suivent la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 600 000 francs CFP par jour de retard et par infraction constatée que le tribunal se réservera de liquider ;
condamner la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à lui verser la somme de 7 200 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
La SA PACIFIC MOBILE TELECOM a soutenu, à titre principal, que ses publicités ne sont pas fautives en ce qu’elles opèrent une comparaison objective des caractéristiques essentielles des offres, en faisant expressément référence à leurs différences et qu’elles ne causent aucun préjudice à la demanderesse. À titre reconventionnel, dès lors que la publicité affichée par la société ONATI dans le hall d’arrivée de l’aéroport de [8]a, sur son site, et sur les hypermarchés de la place est mensongère en ce qu’elle laisse accroire que VINI serait le seul opérateur de téléphonie mobile à opérer dans tous les archipels de la Polynésie française, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a demander de condamner la demanderesse à lui verser la somme de 30 000 000 francs CFP en réparation du préjudice subi, montant à parfaire en fonction de l’évolution du préjudice.
À titre reconventionnel, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a demandé ensuite de constater que le refus d’ONATI de communiquer aux autres opérateurs de téléphonie mobile une convention d’itinérance data dans les archipels éloignés, de refuser de communiquer les tarifs d’utilisation du câble NATITUA et enfin de procéder à une surfacturation dans le cadre du contrat TIX constituent des faits caractérisant une concurrence déloyale qui justifient la condamnation de la demanderesse au paiement de la somme de 160 000 000 francs CFP.
À titre reconventionnel, enfin, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a demandé d’ordonner à la SAS ONATI de lui soumettre une convention d’itinérance en application de l’article D 211 du code des Télécommunications. En tout état de cause, elle a sollicité qu’il soit ordonné l’exécution provisoire de la décision et la condamnation de son adversaire à lui payer la somme de 3 000 000 francs CFP au titre des frais irrépétibles.
Par jugement rendu le 12 mars 2021, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
Condamné la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à payer à la SAS ONATI la somme de 20 717 582 francs CFP au titre du préjudice d’image ;
Interdit la diffusion des publicités quels qu’en soient la forme et le support, sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour et par infraction constatée que le tribunal se réservera de liquider ;
Déclaré la SA PACIFIC MOBILE TELECOM irrecevable en toutes ses demandes incidentes ;
Ordonné l’exécution provisoire ;
Condamné la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à payer à la SAS ONATI la somme de 1 000 000 francs CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile ;
Condamné la SA PACIFIC MOBILE TELECOM aux dépens.
La SAS ONATI ayant absorbé la SAS VINI a relevé appel par requête enregistrée au greffe le 11 juin 2021.
Il est demandé :
1° par la SAS ONATI, dans ses conclusions récapitulatives visées le 2 février 2023, de :
Vu l’article 1382 du code civil, vu les pièces,
in limine litis :
déclarer VINI recevable et bien fondée en son appel partiel du jugement du Tribunal mixte de Papeete en date du 12 mars 2021 en ce qu’il a rejeté sa demande visant à indemniser son préjudice commercial ;
sur le fond :
juger que les publicités de Vodafone sont trompeuses, illicites, dénigrantes et constituent des actes de concurrence déloyale à l’encontre de VINI ;
confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté (i) le caractère illicite des publicités diffusées par Vodafone, (ii) l’existence d’une faute engageant la responsabilité de Vodafone, (iii) l’existence d’un double préjudice subi par VINI et découlant de cette faute et ordonné en conséquence l’indemnisation du préjudice d’image subi par VINI à hauteur de 20.717.582 XPF au titre de son préjudice d’image ;
infirmer le jugement du 12 mars 2021 en ce qu’il a rejeté la demande d’indemnisation du préjudice commercial subi par VINI du fait des publicités trompeuses sanctionnées ;
En conséquence, statuant de nouveau sur le chef du jugement infirmé :
juger que VINI a subi un préjudice commercial du fait des pratiques de concurrence déloyale mises en ‘uvre par Vodafone par le biais de la diffusion répétée des publicités ;
condamner Vodafone à verser à VINI la somme, sauf à parfaire, de 308.739.881 XPF au titre du préjudice commercial subi par VINI ;
En tout état de cause ;
condamner Vodafone à verser à VINI la somme de 7.200.000 francs au titre des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de Polynésie française ;
condamner Vodafone aux entiers dépens ;
2° par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM (PMT) à l’enseigne VODAFONE, dans ses dernières conclusions visées le 30 mars 2023, de :
Dire et juger irrecevable l’appel de la société ONATI contre le jugement du 12 mars 2021 comme ayant été formé hors délai, soit le lendemain de l’expiration de celui-ci ;
En toutes hypothèses,
Dire que la société PMT n’a pas commis de faute à l’occasion des publicités litigieuses ;
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société ONATI de ses demandes au titre du préjudice commercial ;
Débouter en conséquence, la société ONATI de toutes ses demandes ;
Faisant droit à l’appel incident de la société PMT,
Dire et juger inexistant, ou en tous cas, non prouvé le préjudice d’image allégué par la société ONATI ;
Débouter, là encore, la société ONATI de ses prétentions de ce chef ;
Condamner la société ONATI au versement d’une somme de 1.000.000 CP au titre des frais irrépétibles ;
La condamner aux dépens.
La société PMT a formé le 18 janvier 2022 un incident de communication de pièces et a conclu le 24 mars 2022que la société ONATI avait produit les pièces requises.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 avril 2023.
Les parties ont été autorisées à déposer une note en délibéré. La société ONATI a déposé la sienne le 20 décembre 2023.
Il est répondu dans les motifs aux moyens et arguments des parties, aux écritures desquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité de l’appel :
La société PMT excepte de l’irrecevabilité de l’appel pour avoir été enregistré au greffe de la cour le 15 juin 2021 alors que le délai d’appel expirait le 14 juin 2021 à minuit.
La société ONATI conclut qu’elle a adressé sa requête d’appel au greffe par la voie de la communication électronique le 11 juin 2021 ainsi qu’en atteste un accusé de réception.
Sur quoi :
Le délai pour interjeter appel des jugements contradictoires est de deux mois francs, se calculant de quantième à quantième, à compter de leur signification (C.P.C.P.F., art. 336 et 337). Le jugement entrepris a été signifié le 14 avril 2021.
En matière, comme en l’espèce, de procédure contentieuse avec représentation obligatoire, l’appel doit être formé par une requête remise à la juridiction par voie électronique (art. 440-1 & 440-6). Cette transmission fait l’objet d’un avis électronique de réception adressé par le destinataire, qui indique la date et, le cas échéant, l’heure de celle-ci. Cet avis tient lieu de visa, cachet et signature ou autre mention de réception qui sont apposés sur l’acte (art. 430-3).
La société ONATI produit (P 52) une édition des événements du dossier enregistrés dans le système de communication électronique. Il y est indiqué que la déclaration d’appel a été faite le 11 juin 2021 par ce moyen.
Il est ainsi justifié que l’appel a été formé avant l’expiration de son délai. En effet, c’est l’enregistrement du dépôt de la requête par le greffe qui saisit la juridiction (art. 21 al. 2 & 440-1). Et cet enregistrement a eu lieu au moment où la requête d’appel a été reçue par le greffe par la voie électronique, soit le 11 juin 2021. Au demeurant, cette date du 11 est bien celle qui figure sur le cachet d’enregistrement au greffe de la cour de la requête d’appel qui figure au dossier de la procédure.
L’appel est donc recevable.
Sur la responsabilité :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur la demande principale de la SAS ONATI :
-Le tribunal est d’accord avec la SAS ONATI pour considérer que son action doit être jugée au regard de l’article 1382 du code civil et non dans le cadre de la loi du pays n° 2010-17 du 7 décembre 2010 tendant à encourager la publicité et l’information comparatives, cette loi du pays n’étant jamais entrée en vigueur par suite du défaut d’introduction en Polynésie française du dispositif tiré de l’article L. 121-13 du code de la consommation métropolitain.
-Il est alors constant que, si au nom de la concurrence qui est un principe nécessaire du commerce, la publicité est parfaitement admissible, en revanche les usages déloyaux employés dans une publicité pour nuire à un concurrent afin de détourner sa clientèle constituent une faute qui engage la responsabilité de leur auteur. Plus précisément, la frontière entre ce qui est admis et ce qui est fautif a été déjà clairement posé et nul ne l’ignore : «N’est pas illicite une publicité qui se borne à la comparaison des prix auxquels des produits identiques sont vendus, dans les mêmes conditions, par des commerçants différents, contribuant ainsi à assurer la transparence d’un marché soumis à la concurrence. Une telle publicité est par contre illicite, si elle est trompeuse ou de nature à induire en erreur et le concurrent qui estime en être victime, est fondé à demander qu’il soit mis un terme au trouble qu’il subit.» (cour d’appel de Papeete, 30 octobre 2014).
-En l’espèce, constituent une faute le fait pour la SA PACIFIC MOBILE TELECOM d’avoir conçu et diffusé les publicités suivantes :
À compter du 3 septembre 2018, la campagne publicitaire comparant les offres PRESTIGE et SMILE de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM avec les offres IZI +, LIKE et OPEN de la SAS ONATI.
À compter de novembre 2018, la campagne publicitaire portant sur les cartes prépayées qui comparent les offres VODACARD de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM avec les offres VINICARD de la SAS ONATI.
-La faute tient au fait que ces publicités comparent des prestations qui ne sont pas comparables et de les avoir ainsi conçues afin de nuire aux offres VINI.
-En effet, les offres VODAFONE et VINI qui font l’objet de comparaison sont tellement différentes qu’il n’est pas sérieux de vouloir les comparer, sauf si l’auteur de la publicité a l’intention de dénaturer l’offre du concurrent pour le dénigrer aux yeux du public et donc in fine lui porter préjudice.
-Première différence majeure entre les produits VODAFONE et VINI: la durée d’engagement. Il est évident que, commercialement, la durée d’engagement constitue une caractéristique majeure d’un forfait. Or, en l’espèce, les publicités sur les forfaits comparent les offres de VODAFONE soumises à engagement de 24 mois avec les offres de VINI soumises à engagement de 12 mois. Le fait de comparer des produits qui n’ont pas la même durée (et en l’occurrence, les durées comparées vont du simple au double) constitue une présentation non objective. L’intérêt de cette présentation faussée est d’affirmer que l’offre VODAFONE a des tarifs au moins aussi intéressants que l’offre VINI, ce qui est évidemment inexact puisque rapportées aux mêmes durées les offres VODAFONE sont plus chères. En outre, puisqu’il est établi que VODAFONE aurait parfaitement pu proposer une comparaison sur une durée égale, dès lors que ses offres PRESTIGE et SMILE sont également disponibles sur une durée de 12 mois, il est clair que l’auteur de la publicité en question, à savoir la SA PACIFIC MOBILE TELECOM, a volontairement trompé le public en lui imposant de comparer des offres qui ne sont pas comparables dans l’intention de se présenter comme moins cher.
-Seconde différence majeure entre les produits VODAFONE et VINI : les périmètres géographiques de communication.
Il est tout aussi évident que, commercialement, les périmètres géographiques de communication téléphonique et d’internet constituent une caractéristique majeure d’un forfait. Or, en l’espèce, les publicités sur les forfaits comparent les offres de VODAFONE, qui sont limitées à trois îles de Polynésie française (Tahiti, [Localité 3] et [Localité 1]) avec les offres de VINI disponibles sur toute la Polynésie française.
Le fait de comparer des produits qui ont un périmètre géographique aussi différent constitue une présentation outrancièrement non objective. L’intérêt de cette présentation faussée est de mettre en évidence les avantages de l’offre VODAFONE en omettant de signaler que ces avantages sont limités à une zone géographique d’une ampleur bien moindre que celle de son concurrent VINI.
-N’est pas sérieux l’argument avancé par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM consistant à souligner que les publicités en cause mentionnent bien les différences substantielles qui existent entre produits (la durée d’engagement et les périmètres géographiques de communication). En effet, il n’est pas admissible, encore une fois, de soumettre au jugement du consommateur une comparaison portant sur des produits différents. En tout état de cause, si ces mentions figurent effectivement (12 mois/24 mois et couverture géographique), elles apparaissent marginalement en caractère disproportionnés de sorte qu’elles sont presqu’illisibles et en tout état de cause sont présentées de façon à les noyer au milieu des autres informations. Surtout, elles illustrent bien l’objectif du concepteur de la publicité de présenter sous son meilleur jour ses produits en dénigrant les produits concurrents.
-N’est pas sérieux, évidemment, le fait de revendiquer le choix d’avoir comparé des produits différents à cause de la faute de son concurrent. Ainsi, s’agissant de la durée des forfaits, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a la franchise d’admettre avoir comparé des offres 12 mois avec des offres 24 mois par le fait qu’«on peine à comprendre pourquoi ONATI ne propose pas des forfaits sur une durée identique de 24 mois. Cette abstention de leur part ne saurait être reprochée à PMT.» (page 17 des conclusions du 28 août 2020). Ce raisonnement est répété encore plus brutalement toujours s’agissant de l’offre 24 mois : «L’offre 24 mois VODAFONE prestige ne pouvait au demeurant être comparée à une offre 24 mois VINI dans la mesure où cette dernière ne commercialise pas d’offre de cette durée …» (page 17). Ce raisonnement fallacieux est bien la preuve que la SA PACIFIC MOBILE TELECOM savait pertinemment qu’elle diffusait une publicité comparative portant sur des produits différents.
-S’agissant de la couverture géographique, le raisonnement de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM est également d’imputer à son adversaire une faute première qui justifierait en retour son comportement : «l’impossibilité de la société PACIFIC MOBILE TELECOM de déployer son propre réseau dans les archipels éloignés provient largement du fait que la société exposante n’a pu se développer normalement au regard des multiples verrous anticoncurrentiels mis en ‘uvre par la société VINI et l’OPT.» (page 18 des conclusions précitées). Il n’appartient pas au tribunal d’apprécier la situation de concurrence ici décrite par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM. En revanche, le tribunal ne peut que sanctionner le principe de concevoir des publicités qui comparent des produits qui offrent une couverture géographique aussi différente. Certes, encore une fois, les mentions de restriction géographiques des forfaits VODAFONE figurent bien dans le corps des annonces mais s’agissant d’une caractéristique majeure, le tribunal ne peut que considérer qu’elles ne sont pas suffisamment mises en évidence dans l’intérêt du consommateur et cela dans l’intention de rendre crédible une comparaison entre les deux opérateurs et donc, in fine, nuire à l’offre VINI évidemment plus chère compte tenu de la nécessité de garantir la couverture complète du territoire.
-N’est pas davantage sérieux, le fait de défendre les publicités en cause en faisant observer qu’elles ne contiennent aucun terme désobligeant ou violent, dès lors qu’est suffisamment caractérisée comme fautive la publicité trompeuse ou de nature à induire en erreur. Et cette intention de tromperie résulte de la man’uvre qui consiste à comparer des offres distinctes alors qu’il suffisait à la SA PACIFIC MOBILE TELECOM de présenter ses offres sans les comparer à celles de son concurrent ou alors, si la décision de se livrer à une opération de publicité comparative était prise, de ne présenter que des offres aux caractères similaires. Tel n’a pas été le choix retenu par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM.
-Le fait que le juge des référés, saisi par la SAS ONATI afin de faire cesser la première campagne, l’a déboutée est ici indifférent, dès lors, d’une part, que lorsque le juge des référés a jugé, le trouble avait cessé suite à l’opportune décision de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM d’arrêter -suspendre- sa campagne et, d’autre part, qu’il n’est pas contesté que ces publicités ont été reprises immédiatement après par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM.
-Ainsi que le rappelle fort à propos la SA PACIFIC MOBILE TELECOM, la fonction première de la publicité est de mettre en avant les qualités de ses produits et services (page 18 de ses conclusions du 28 août 2020). Certainement pas de dénigrer son concurrent. Aussi, en réalisant des publicités comparatives trompeuses et dénigrantes pour la SAS ONATI, aussi bien s’agissant des forfaits que des cartes, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a commis une faute qui engage sa responsabilité à l’égard de la SAS ONATI.
Au soutien de son appel incident, la société PMT fait valoir que : la comparaison porte sur des offres présentant des caractéristiques largement identiques sans, il est vrai, qu’il y ait une identité parfaite entre elles ; il s’agit de services qui doivent être considérés comme substituables par le destinataire de la publicité ; PMT a pris soin de porter expressément et de manière bien visible à leur connaissance les différences entre les offres ; c’est le cas de la différence entre la durée des offres ; la restriction de zone géographique des offres Vodafone résulte du tarif prohibitif imposé à PMT par ONATI dans le cadre du contrat d’itinérance des Îles-sous-le-vent, lequel crée un avantage concurrentiel indu à l’opérateur historique et empêche PMT de répliquer ; les publicités ne sont pas dénigrantes, il n’y a eu aucune dénaturation de l’offre d’ONATI ni emploi de termes péjoratifs.
La société ONATI conclut à cet égard que : les publicités pour les forfaits et pour les cartes sont illicites et déloyales ; elles ne mentionnent pas certaines caractéristiques essentielles des offres comparées qui diffèrent, ce qui les prive de toute objectivité et les rend trompeuses ; elles sont dénigrantes puisqu’elles tendent à persuader le consommateur polynésien que «Vodafone est vraiment moins cher» en faisant semblant de comparer des offres qui sont différentes.
Sur quoi :
Quoique la loi n° 92-60 du 18 janvier 1992 et l’ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 qui ont établi la licéité de la publicité comparative n’aient pas été rendues applicables en Polynésie française, laquelle dispose de sa propre compétence en ce domaine, il n’est pas contesté qu’il s’agit d’un mode de publicité qui n’est pas en soi illicite.
Les articles L121-1 à L121-7 du code de la consommation relatifs aux pratiques commerciales déloyales ne sont pas en vigueur en Polynésie française, non plus que les dispositions du droit de l’Union européenne directement applicables ou transposées par la France dans son droit interne.
Et, ainsi que l’a retenu le jugement déféré, la loi du pays n° 2010-17 du 7 décembre 2010 tendant à encourager la publicité et l’information comparatives n’est pas non plus en vigueur. En effet, son article LP . 8 dispose que : «La présente loi du pays entrera en vigueur lorsque l’État adoptera un dispositif législatif qui introduira en Polynésie française, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de l’article L. 121-13 du code de la consommation métropolitain.»
Étant observé qu’à la date de cette loi du pays, les dispositions du code de la consommation métropolitain relatives à la publicité comparative se trouvaient dans les articles L121-8 et suivants. Et qu’il n’a pas été donné suite en Polynésie française à l’article 40 de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs qui disposait que : «Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures permettant, d’une part, de rendre applicables, avec les adaptations nécessaires, les dispositions de la présente loi à Mayotte et dans les îles Wallis et Futuna, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que dans les Terres australes et antarctiques françaises.»
Les publicités comparatives diffusées de septembre à décembre 2018 en Polynésie française par la société PMT relèvent donc uniquement, s’il y a lieu, des dispositions de l’article 1382 du code civil en vigueur en Polynésie française : «Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.»
Il est bon de rappeler que la jurisprudence antérieure à la loi de 1992 et à l’ordonnance de 2001 avait fini par admettre la publicité comparative pour les prix, jusqu’alors jugée illicite, seulement lorsque la comparaison était exacte, et qu’elle portait sur des produits identiques vendus dans les mêmes conditions par des commerçants différents (Com. 22 juill. 1986 n° 84-12.829).
L’action en concurrence déloyale a pour objet d’assurer la protection de celui qui ne peut pas se prévaloir d’un droit privatif tel qu’un droit de propriété intellectuelle (Com. 3 oct. 1978 n° 77-10.915). Elle est ouverte aux opérateurs qui sont en concurrence sur un marché, sur le fondement de la responsabilité civile. Il s’agit d’une responsabilité pour faute, même simple, qui oblige son auteur à réparer intégralement le dommage qu’il a directement causé au concurrent. La charge de la preuve repose sur celui qui exerce l’action.
La faute peut notamment consister dans le dénigrement d’un concurrent dans une publicité. Le dénigrement est défini comme «l’action de décrier ouvertement un concurrent (identifié ou identifiable), ou un produit rival, de rabaisser sa renommée dans l’esprit de la clientèle, de le discréditer, médisance publique (souvent publicitaire) qui, sauf la tolérance d’une critique modérée, constitue un acte de concurrence déloyale» (G. Cornu, Dictionnaire juridique PUF 8e éd. 2007).
En l’espèce, par des motifs exacts en fait et bien fondés en droit, que ne remettent pas en cause les moyens d’appel incident de la société PMT, et que la cour adopte, la décision entreprise a justement caractérisé les fautes en raison desquelles l’opérateur de communications téléphoniques PMT-VODAFONE a engagé sa responsabilité civile à l’égard de son concurrent ONATI-VINI.
Le contexte de la campagne de publicité en cause, au dernier trimestre 2018, a été largement rappelé tant par les parties que par l’Autorité polynésienne de la concurrence dans sa décision précitée. Il est constant que VODAFONE, qui est arrivé sur le marché polynésien des télécommunications lorsqu’a pris fin le monopole de l’opérateur historique l’OPT, a été dans la situation de concurrencer VINI, issue de l’OPT, tout en étant dépendante du réseau de télécommunications de ce dernier. Il en est résulté de nombreux contentieux, dont le présent litige est un exemple, et l’APC a enjoint en juin 2018 à VINI de faire évoluer ses offres pour faire cesser des pratiques dont elle a constaté qu’elles étaient anticoncurrentielles.
Ce contexte est exclusif de la bonne foi de PMT-VODAFONE dans le lancement de la campagne de publicité qui a suivi cette décision. Il explique que, dans un objectif de prises de parts de marché dans un marché polynésien de télécommunications mobiles perçu comme étant à somme nulle, PMT-VODAFONE ait choisi de lancer des publicités si agressives qu’elles s’en sont trouvées, en l’espèce, faussement comparatives et par là même dénigrantes. La société PMT conclut d’ailleurs que la comparaison porte sur des offres présentant des caractéristiques largement identiques «sans , il est vrai, qu’il y ait une identité parfaite entre elles”.
Le tribunal a tiré les justes conséquences des offres de VODAFONE telles qu’elles étaient décrites dans les constats d’huissier précités, dont la matérialité n’est pas contestée. Contrairement à ce que soutient PMT, l’information des consommateurs a été tronquée et faussée au détriment des offres de VINI. Le double subterfuge consistant à comparer des offres matériellement différentes (durée d’engagement, couverture géographique), en les corrigeant par des renvois en petits caractères qui ne sont pas clairs et lisibles, est un procédé en soi trompeur et déloyal, d’autant qu’il s’agissait d’affiches vues de loin par des automobilistes ou d’écrans défilants. Ces soi-disant comparaisons ne tendaient qu’à illustrer le slogan de la campagne : «Vodafone c’est vraiment moins cher» en langue tahitienne, lequel caractérise le dénigrement des offres concurrentes de VINI.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu qu’en réalisant des publicités comparatives trompeuses et dénigrantes pour la SAS ONATI, aussi bien s’agissant des forfaits que des cartes, la SA PACIFIC MOBILE TELECOM a commis une faute qui engage sa responsabilité à l’égard de la SAS ONATI.
Sur la réparation :
Le jugement dont appel a retenu que :
-Sur l’indemnisation de la SAS ONATI :
-Le préjudice subi par la SAS ONATI est double.
-S’agissant de son préjudice commercial, si le tribunal reconnaît la qualité du travail d’analyse auquel s’est livrée la demanderesse tendant à identifier la perte de chiffre d’affaires résultant des publicités en cause de sa concurrente, il apparaît impossible de conclure que la perte de clientèle qu’elle a subie puisse être aussi directement imputée à la campagne de publicité, ici jugée déloyale et dénigrante, réalisée par la SA PACIFIC MOBILE TELECOM. L’ouverture du marché à un nouvel opérateur explique amplement et suffisamment la baisse de chiffre d’affaires qu’a constatée la SAS ONATI et en imputer 3% à la campagne de publicité de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM est exagéré et en tout cas insuffisamment démontré.
Il n’y a pas lieu donc en l’état de surseoir à statuer sur ce point, contrairement à ce que demande la SA PACIFIC MOBILE TELECOM qui sollicite, dans l’hypothèse où le tribunal estime qu’il y a lieu de faire droit à la demande indemnitaire, de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir dans une autre instance en cours devant ce tribunal opposant les mêmes parties.
-S’agissant du préjudice d’image, le tribunal est parfaitement convaincu que les publicités incriminées ont nui à l’image de la SAS ONATI. Celle-ci justifie de ce préjudice, lequel peut être estimé au montant de ses propres investissements publicitaires pour ses offres, soit la somme de 20 717 582 francs CFP.
-Sur les mesures de cessation du trouble :
-II apparaît suffisant et juste d’interdire la diffusion des publicités quels qu’en soient la forme et le support, sous astreinte de 3 0 000 francs CFP par jour et par infraction constatée que le tribunal se réservera de liquider.
Les mesures de publications détaillées dans les écritures de la demanderesse au point 2322 apparaissent disproportionnées et inutiles.
La SAS ONATI demande devant la cour la réparation d’un préjudice d’image, par confirmation du jugement, et, par infirmation, celle d’un préjudice commercial.
1- Sur le préjudice d’image :
La SAS ONATI fait valoir que : en faisant croire au public, par la diffusion des publicités illicites et dénigrantes, que les offres de VODAFONE seraient meilleures que celles comparées de VINI, les publicités nuisent incontestablement à son image ; elles sont intervenues au moment même où VINI lançait ses nouvelles gammes à la rentrée des classes ; elles visaient à susciter un buzz médiatique et celui-ci a fonctionné au vu du grand nombre de personnes qui suivaient la page Facebook de VODAFONE ; le tribunal a exactement évalué ce préjudice au montant des investissements de VINI pour la promotion de ses offres dénigrées (20 712 582 F CFP); une étude de positionnement de l’image de VINI réalisée en juillet 2019 démontre que l’image de VINI auprès des consommateurs est demeurée peu ou prou la même entre 2013, 2016 et 2019 ; contrairement à ce que soutient PMT, l’image de VINI n’a donc pas été dégradée par les engagements qu’elle a pris envers l’APC plutôt que par les publicités trompeuses et dénigrantes de VODAFONE.
La SA PMT conclut que : contrairement à la motivation du tribunal qui n’explique pas sur quoi repose sa conviction, les publicités en cause ne contiennent aucune dépréciation de l’image de VINI ; l’indemnisation d’un préjudice d’image ne peut consister dans le montant des investissements publicitaires de VINI, qui lui sont par essence étrangers ; l’image de marque de VINI a été dégradée, non pas par les publicités comparatives diffusées par VODAFONE, mais par les pratiques anticoncurrentielles mises en lumière par l’APC dont la presse s’était très largement fait l’écho à l’époque.
Sur quoi :
Les publicités en cause, telles qu’elles sont décrites dans les constats d’huissier précités, ont mis l’accent sur la comparaison des prix des offres de VINI et de VODAFONE, alors que celles-ci présentaient des différences substantielles en termes de durée d’engagement et de couverture géographique, comme il a été dit. La société ONATI relève pertinemment que ce procédé dénigrant a été mis en ‘uvre par la société PMT au moment même où VINI, à la rentrée scolaire, présentait de nouvelles offres dans le cadre de ses engagements pris envers l’APC.
ONATI rapporte ainsi la preuve que les publicités comparatives décrites dans les constats d’huissier et dans sa requête introductive d’instance ont directement porté atteinte à son image de marque, en ayant pour objectif d’imposer dans l’esprit du public, au moyen de comparaisons non objectives, son slogan : «Vodafone Mea Mama Roa» (c’est vraiment moins cher).
Pour réparer le préjudice ainsi causé à l’atteinte à l’image de marque de VINI, il échet de prendre en compte le contexte et la virulence de ces publicités ainsi que leur impact dans l’esprit des consommateurs.
Si la jurisprudence admet que le calcul des dommages et intérêts se fasse sur la base du coût de la campagne de publicité, il devrait s’agir en l’espèce du coût de la campagne de VODAFONE, et non de celui de celle de VINI comme l’a retenu le tribunal.
Pour évaluer ce préjudice, la cour va donc se fonder sur les productions suivantes :
-ONATI P 4.3 : les messages comparatifs de VODAFONE ont été diffusés et commentés sur sa page Facebook.
-ONATI P 31 : une ordonnance de référé rendue le 29/10/2018, pour dire n’y avoir lieu à référé sur la demande de cessation de troubles formée par VINI, a retenu que la campagne de VODAFONE avait pris fin le 10/10/2018 et que rien ne permettait de considérer que les faits allégués se reproduiront et dans des termes identiques.
-ONATI P 34 : seconde mise en demeure de VINI à PMT-VODAFONE pour des publicités en novembre et décembre 2018 malgré ses déclarations devant la juridiction des référés.
-ONATI P 37 : courrier officiel entre avocats (messages électroniques) indiquant la programmation des publicités comparatives de VODAFONE (films : du 5 au 24/12/2018 ; radios : du 7 au 21/12/2018 ; affichage 4×3 et presse : jusqu’en janvier 2019).
-ONATI P 38 : rapport d’analyse réalisé en juin 2019 par ADÉQUATION pour ONATI sur la perception des publicités VODAFONE et VINI : il s’agit des résultats d’un sondage en mai 2019 à Tahiti et [Localité 3] (échantillon de 800 personnes) : notamment :
68 % des sondés se souviennent d’une publicité Vodafone contre 42 % qui se souviennent d’une publicité Vini.
Les publicités semblent avoir influencé 7 % des individus qui déclarent avoir changé de fournisseur dont 5 % au profit de Vodafone. Le premier critère de changement de fournisseur est le tarif et l’élément le plus retenu des publicités comparées est que l’offre Vodafone est présentée comme moins chère.
Plus de 85 % des personnes sondées estiment que Vodafone est moins chère que Vini.
92 % des personnes jugent important de pouvoir appeler sur toute la Polynésie.
-ONATI P 43 : rapport du cabinet FINEXSI de mars 2020 sur une mission d’assistance dans le cadre de l’indemnisation des préjudices subis par ONATI : son intervention ne porte que sur le préjudice commercial (augmentation du nombre de résiliations et diminution du taux d’acquisition de clients).
-ONATI P 60 : étude ALVEA de positionnement et d’image VINI : la proportion de bonnes opinions ne varie pas significativement entre les années 2013, 2016 et 2019.
-PMS P 8 : décision n° 2021-PAC-01 du 8/12/2021 de l’Autorité polynésienne de la concurrence :
«Malgré l’ouverture du marché de la téléphonie mobile, il ressort de l’examen des abonnés que l’opérateur historique (aujourd’hui Onati sous la marque Vini) demeure très majoritaire, et dispose d’environ 70 % des parts de marché (en nombre d’abonnements comme de cartes prépayées). Viti, qui n’était pas encore présent sur le marché de la téléphonie mobile en 2019, n’y figure pas. Par ailleurs, PMT indique dans son rapport annuel de l’année 2020 détenir 37 % de parts de marché (‘) Vini est le seul opérateur à offrir sur les îles concernées par le présent dossier un accès aux données mobiles» (n° 54-55).
«Sous réserve d’une instruction au fond :
-le refus jusqu’au 6 août 2021 par Onati de proposer l’itinérance pour les données mobiles à la société PMT sur les îles des archipels éloignés dans lesquelles elle a déployé un réseau 4G est susceptible de constituer une pratique prohibée par l’article LP200 du code de la concurrence ;
-les conditions proposées par Onati le 6 août 2021 et le 9 novembre 2021 pour des prestations d’itinérance pour les données mobiles au profit de la société PMT sur les îles des archipels éloignés dans lesquelles elle a déployé un réseau 4G sont susceptibles de constituer une pratique prohibée par l’article LP200 du code de la concurrence» (n° 216).
-PMS P 14 : rapport du cabinet MARPIJ d’avril 2021 sur l’évaluation des préjudices subis par PMT en raison des pratiques anticoncurrentielles de l’OPT et de sa filiale VINI :
Entre 2012 et 2018, le chiffre d’affaires de VINI a évolué entre 9500 et 9817 MF CFP (9800 en 2018) ; celui de PMT est passé de 0 à 2560 MF CFP.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le préjudice d’image qu’invoque la SAS ONATI ne peut se confondre ni avec le coût de ses propres publicités, alors qu’il n’est pas justifié du coût des publicités de la société PMT, ni avec son éventuel préjudice commercial, qu’il conviendra d’examiner distinctement.
Les publicités comparatives dont s’agit ont entretenu dans le public l’idée que VINI, contribuait à la vie chère en Polynésie française, alors que VODAFONE faisait baisser les prix. Mais puisque cette argumentation a été fondée sur une comparaison agressive et biaisée des offres de ces deux opérateurs de télécommunications mobiles, il y a bien eu dénigrement de VINI-ONATI par VODAFONE-PMT, et par conséquent atteinte par cette dernière à l’image de marque de VINI.
Le comportement dénigrant entre concurrents est par définition un procédé préjudiciable à la marque qui est visée. Celle-ci n’a d’autre choix que d’investir dans des contre-publicités et d’aller en justice pour faire rétablir une information non tronquée sur les offres respectives. Or, l’existence d’un contentieux porté sur la place publique, comme en l’espèce, ne contribue pas à une bonne image de marque, même lorsque l’on est victime de dénigrement.
Le rapport FINEXSI produit par ONATI a déterminé le montant du chiffre d’affaires de VINI au 31/12/2018 pour ses offres de téléphonie mobile à la somme de 9 772 039 761 F CFP (p. 28). Le rapport MARPIJ produit par PMT indique que le chiffre d’affaires correspondant de celle-ci était d’un montant de 2 560 000 000 F CFP (p. 5). La cour dispose d’éléments suffisants d’appréciation, notamment les parts de marché et la notoriété respective des parties, traduite dans les décisions de l’APC et le sondage ADÉQUATION produit par ONATI, qui lui permettent de fixer l’indemnisation complète du préjudice causé à l’image de marque de l’opérateur de télécommunications mobile VINI, absorbé par la SAS ONATI, par les publicités comparatives diffusées au dernier trimestre 2018 par l’opérateur VODAFONE, exploité par la SA PMT, à la somme de 10 000 000 F CFP. Le jugement sera donc réformé de ce chef.
2 – Sur le préjudice commercial :
Pour demander l’infirmation du jugement de ce chef et la condamnation de la société PMT à lui verser la somme de 308 739 881 F CFP à titre de dommages et intérêts, la société ONATI fait valoir, essentiellement, que : ce préjudice est indemnisé en considération de la perte de marge brute associée à la perte ou la non-acquisition de clients suscitée par les pratiques sanctionnées ; le sondage réalisé démontre que 5 % des consommateurs sondés ont changé d’opérateur au profit de VODAFONE à la suite des publicités ; elle a missionné le cabinet d’expertise FINEXSI pour chiffrer précisément le montant de son préjudice commercial ; s’appuyant sur des données et des éléments de calculs qui ont été produits, FINEXSI a déterminé le nombre de clients perdus en lien direct avec les publicités (1346 pour les offres de forfaits bloqués, 288 pour les offres de forfait à volonté, 632 s’agissant des cartes) ; contrairement à ce que soutient VODAFONE, ces pertes de clients ne sont pas la conséquence de la mise en ‘uvre des engagements de VINI envers l’APC ; les offres relatives aux cartes ne sont pas en effet soumises à des durées d’engagement ; seule une part très minoritaire des clients des forfaits de VINI ont vu leur durée d’engagement levée, sans pour autant nécessairement souscrire aux offres de VODAFONE ; la levée des durées d’engagement pour une fraction des clients des offres de forfait de VINI en août 2018 ne saurait expliquer la hausse anormale du taux de résiliation constatée sur la période de diffusion des publicités ; celle-ci ont produit leur impact de septembre 2018 à avril 2019 et non seulement en septembre octobre comme le soutient VODAFONE ; selon FINEXSI, seuls 14 % des clients forfaits et 4 % des clients cartes des PMT sont attribuables au caractère illicite de ses publicités ; FINEXSI a calculé ensuite la marge sur coûts variables par type d’offres et la durée de vie moyenne d’un client (forfait et cartes) sur des bases spécifiques à la Polynésie que VODAFONE critique en vain ; la critique du taux d’actualisation retenu par VINI est inopérante.
La société PMT conclut, essentiellement, que : l’appelante et le cabinet FINEXSI éludent une donnée fondamentale qui est l’effet de la mise en ‘uvre des engagements de VINI envers l’APC à partir d’août 2018 ; cette libération de clients tenus par une durée d’engagement a permis à PMT de capter une nouvelle clientèle ; le gain de clientèle de PMT à compter de l’automne 2018 est nécessairement lié à la cessation des pratiques anticoncurrentielles mises en ‘uvre par l’opérateur historique ; l’analyse de FINEXSI retient à tort comme une donnée acquise que les résiliations constatées seraient la conséquence des publicités comparatives ; les publicités en cause ont été diffusées essentiellement en septembre et début octobre 2018, alors que le rapport de FINEXSI retient une période largement supérieure ; ce ne sont pas les publicités comparatives qui sont à l’origine de la perte de clientèle de VINI, mais son abus de position dominante et un verrouillage du marché jusqu’à l’intervention de l’APC, ainsi que son manque de réactivité face à une offre concurrentielle ; un préjudice commercial ne peut pas résulter d’un comportement concurrentiel normal ; le rapport de FINEXSI est critiqué par le bureau d’études MARPIJ consulté par PMT sur de nombreux points (ONATI a perdu deux fois plus de clients que PMT n’en a acquis sur la période ; FINEXSI se fonde sur des durées moyennes d’abonnement supérieures à la moyenne nationale ; l’écart des revenus mensuels par usage est si important qu’il prouve qu’un consommateur raisonnable n’avait pas besoin de la publicité litigieuse pour migrer de VINI chez VODAFONE).
Sur quoi :
La réparation d’un éventuel préjudice commercial peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur des actes de concurrence déloyale, au détriment de ses concurrents, modulé à proportion des volumes d’affaires respectifs des parties affectés par ces actes (Cass. com., 17 mars 2021, n° 19-10.414).
La cour tire toute conséquence de ce que les parties, qui produisent chacune une consultation, n’ont pas demandé que soit ordonnée une expertise contradictoire.
La société ONATI relève pertinemment que l’impact des publicités comparatives de VODAFONE en cause s’est produit pendant le dernier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019.
La société PMT-VODAFONE relève tout aussi pertinemment que le marché de la téléphonie mobile a été sensiblement modifié pendant cette période, du fait de l’évolution des offres de VINI-ONATI pour engager l’ouverture à la concurrence demandée par l’APC.
Il faut donc, pour pouvoir apprécier l’existence et évaluer le montant du préjudice commercial qu’ont pu causer à VINI les publicités comparatives non objectives et dénigrantes de VODAFONE, examiner les volumes d’affaires respectifs de ces deux opérateurs de téléphonie mobile au moins pour les années 2018 et 2019, et observer si l’on y constate la survenance d’un avantage de VODAFONE au détriment de VINI quant à l’acquisition de nouveaux clients et au montant du chiffre d’affaires et de la marge brute d’exploitation, en rapport direct avec les publicités en cause.
Le rapport MARPIJ produit par PMT ne permet pas d’effectuer ces constatations. Les chiffres d’affaires des deux opérateurs sur le marché de la téléphonie mobile n’y sont indiqués que jusqu’en 2018 ainsi que leurs parts de marchés. On peut seulement observer une progression régulière de PMT, opérateur entrant, qui est corrélée avec la baisse de parts de marchés de VINI, opérateur historique, sans que le montant du chiffre d’affaires de cette dernière s’en trouve sensiblement impacté.
Le rapport FINEXSI produit par ONATI ne permet pas non plus d’effectuer ces constatations. Il mentionne un chiffre d’affaires de VINI pour l’activité de téléphonie mobile de 9 772 039 761 F CFP pour l’exercice 2018. Faute de données suffisantes d’ONATI sur ses coûts supplémentaires induits pour elle par les publicités de PMT, le rapport s’en tient à une évaluation du gain manqué du fait d’une perte de clientèle. Une annexe (P 46) mentionne les données d’ONATI sur son parc clients par offre fin de période. Il décroît de 211 408 clients au 31/07/2018 à 204 330 clients au 31/05/2019.
Néanmoins, ces données ne permettent pas de constater avec une certitude suffisante un lien direct entre les publicités comparatives de VODAFONE de la rentrée scolaire aux fêtes de fin d’année 2018 et l’évolution de la clientèle d’ONATI. Sur la période d’août 2018 à mai 2019, la perte est de 4636 clients sur l’offre prépayée et de 6569 clients sur l’offre post payée forfaits à volonté, mais il y a un gain de 4130 clients sur l’offre post payée comptes bloqués.
Le sondage réalisé par ADÉQUATION pour ONATI à Tahiti et [Localité 3] en mai 2019 (800 personnes selon la méthode des quotas) ne permet pas non plus de constater avec une certitude suffisante ce lien direct de causalité. La meilleure perception de VODAFONE par rapport à VINI qui s’en dégage se rattache au préjudice d’image subi par VINI, qui est indemnisé par ailleurs. Le nombre de réponses positives à la question sur le changement de fournisseur suite à une publicité (7 % dont 5 % au profit de VODAFONE) n’est pas significatif en l’absence de comparaison avec d’autres périodes, et alors qu’il n’y avait que deux opérateurs de téléphonie mobile.
Les engagements envers l’APC mis en ‘uvre par VINI à compter d’août 2018 sont, en revanche, de nature à expliquer pour la plus grande partie les diminutions de clientèle observées (à supposer que les clients n’aient pas simplement migré d’une offre de VINI à une autre). VINI s’était ainsi engagée notamment à remplacer certaines offres et à réduire ses procédés de fidélisation des abonnés (points, subvention à l’achat de téléphones). Ces engagements étaient précisément destinés à permettre d’augmenter la part de marché de VODAFONE dans un objectif de cessation de pratiques anticoncurrentielles de VINI.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société ONATI de réparation d’un préjudice commercial.
Sur les demandes incidentes de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM :
Le jugement dont appel a retenu que :
-L’article 3 du code de procédure civile dispose que «Les prétentions respectives des parties telles qu’elles sont fixées par l’acte introductif d’instance et les conclusions suivant les cas écrites ou orales déterminent l’objet du litige. Le litige peut être modifié par des demandes incidentes, si celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.»
-En l’espèce, ne se rattachent pas à la prétention originaire de la société ONATI, les demandes incidentes de la SA PACIFIC MOBILE TELECOM relatives :
à la publicité affichée par la société ONATI dans le hall d’arrivée de l’aéroport de [8]a, sur son site, et sur les hypermarchés de la place, qui laisse accroire que VINI serait le seul opérateur de téléphonie mobile à opérer dans tous les archipels de la Polynésie française,
au refus d’ONATI de communiquer aux autres opérateurs de téléphonie mobile une convention d’itinérance data dans les archipels éloignés,
au refus de communiquer les tarifs d’utilisation du câble NATITUA,
et enfin au fait de procéder à une surfacturation dans le cadre du contrat TIX.
En conséquence, il convient de rejeter la SA PACIFIC MOBILE TELECOM en ses chefs de prétention.
Le jugement n’est pas critiqué de ce chef.
Aucun moyen d’appel ne permet de le remettre en cause en ce qu’il a interdit la diffusion des publicités quels qu’en soient la forme et le support, sous astreinte de 10 000 francs CFP par jour et par infraction constatée que le tribunal se réservera de liquider ;
Le jugement entrepris sera donc confirmé, sauf sur le montant des dommages et intérêts réparant le préjudice d’image subi par la société ONATI.
L’équité ne commande pas qu’il soit fait application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour. La solution des appels motive le partage des dépens.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant contradictoirement et en dernier ressort ;
En la forme, déclare l’appel recevable ;
Au fond, confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a condamné la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à payer à la SAS ONATI la somme de 20 717 582 francs CFP au titre du préjudice d’image ;
Statuant à nouveau de ce chef :
Condamne la SA PACIFIC MOBILE TELECOM à payer à la SAS ONATI la somme de 10 000 000 F CFP au titre du préjudice d’image ;
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française devant la cour ;
Rejette toute autre demande ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens d’appel, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 409 du Code de procédure civile de la Polynésie française.
Prononcé à Papeete, le 14 mars 2024.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : G. RIPOLL