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Attention à ne pas détourner l’autorité et le crédit scientifiques attachés à la marque du CNRS pour justifier la destination et les mérites des produits cosmétiques, afin d’éviter des actes de concurrence déloyale et des pratiques commerciales trompeuses, en violation des dispositions du code de la consommation.
Utiliser abusivement la marque “CNRS” pour faire valider ses recherches scientifiques dans le but de commercialiser des produits est une pratique commerciale trompeuse. En la cause, les sociétés HSS et Vivaligne ne font pas la preuve de la nécessité d’emprunter l’autorité et le crédit strictement scientifiques attachés à la marque du CNRS, à ses publications ou encore par la présentation de M. [W] en sa qualité de directeur de recherche du Centre, pour justifier de la destination et les mérites des produits cosmétiques de la gamme K’DERM de la société Vivaligne. La cible des produits cosmétiques développés et promus contre le vieillissement de la peau du visage vise un public sensible par son anxiété liée à la dégradation du corps et à son image, et d’autre part que d’après les constats d’huissiers, il est établi que cette publicité associant une référence au CNRS sur 37 produits de la gamme K’DERM est particulièrement large, il est manifeste que l’association du sigle du CNRS comme des découvertes qui lui sont prêtés dans le développement des produits cosmétiques, et encore par l’apparition dans un reportage d’un chercheur du CNRS en blouse blanche dans l’environnement d’un laboratoire, sont susceptibles de tromper et d’altérer la motivation des consommateurs pour l’achat de ces produits en violation des dispositions articles L. 121-1, article L. 121-2, 1°, 2°b) et L. 121-4 4°du code de la consommation Alors que le CNRS qui poursuit une activité de recherche biomédicale a vocation à développer, promouvoir et protéger des médicaments, il résulte des violations du code de la consommation relevées ci-dessus des faits de concurrence déloyale En outre, l’annexe scientifique du contrat d’adossement passé entre la docteure [E], l’université [16] et le CNRS exclut toute caution pour l’exploitation des résultats à la référence au Centre, alors qu’il est précisé que ‘le laboratoire d’appui suivra le porteur de façon personnalisée pour qu’il acquière le savoir-faire nécessaire au développement de ses produits cosmétiques ; les tests réalisés ne donneront pas lieu à la création et/ou développement de produits’. Il en résulte que la référence à la collaboration du CNRS pour la création de ces produits n’était ni établie ni non plus nécessaire, mais est en revanche manifestement mentionnée pour détourner l’autorité et le crédit strictement scientifiques attachés à la marque du CNRS. Pour rappel, sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet d’affirmer qu’un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales ou qu’un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n’est pas le cas ou de ne pas respecter les conditions de l’agrément, de l’approbation ou de l’autorisation reçue. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire concerne une action en justice intentée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) contre plusieurs sociétés, dont Home Shopping Service (HSS), Vivaligne, Oscience transfert et Clemascience, pour utilisation abusive du sigle “CNRS” et de sa réputation dans la commercialisation de produits cosmétiques. Le CNRS a obtenu gain de cause en appel, avec des condamnations financières et des mesures d’interdiction et de publication à l’encontre des sociétés incriminées. Les sociétés défenderesses ont également formulé des demandes subsidiaires et des arguments pour contester les accusations du CNRS.
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→ Les points essentielsIrrecevabilité des demandesPour les demandes nouvelles du CNRS à l’encontre de la société Vivaligne, la cour a jugé qu’elles étaient irrecevables en vertu des articles 564 et 565 du code de procédure civile. Le CNRS avait demandé des dommages et intérêts pour pratiques commerciales trompeuses et concurrence déloyale, mais ces demandes étaient considérées comme nouvelles en appel. Prescription de l’action du CNRSLa cour a également rejeté l’argument de prescription de l’action du CNRS à l’encontre de la société HSS. Malgré le début de la commercialisation des produits K’DERM en 2006, le CNRS n’était pas en mesure de connaître la diffusion de la publicité trompeuse avant un certain constat établi moins de cinq ans avant l’introduction de l’instance. Exclusivité de l’action sur les droits conférés par la marque du CNRSLa cour a confirmé la recevabilité de l’action du CNRS fondée sur des faits de concurrence déloyale et parasitaire. Les sociétés HSS et Vivaligne avaient contesté cette action en se basant sur une prétendue exclusivité de l’action en contrefaçon réservée par le code de la propriété intellectuelle. Droit régissant le litigeLa cour a examiné les pratiques commerciales trompeuses, de concurrence déloyale et parasitaire invoquées par le CNRS. Ces pratiques étaient analysées en fonction des dispositions du code de la consommation et des limitations des effets de la marque. Pratiques commerciales illicites invoquées par le CNRSLa cour a analysé les pratiques commerciales illicites invoquées par le CNRS à l’encontre de différentes sociétés. Les publicités des produits K’DERM, MAGIC PULP et crèmes OSCIENCE ont été examinées pour déterminer si elles étaient trompeuses ou constituaient une concurrence déloyale. Mesures réparatricesLa cour a ordonné des mesures réparatrices, notamment la publication de l’arrêt pour réparer l’atteinte à la réputation du CNRS. Des dommages et intérêts ont été fixés pour compenser le préjudice subi par le CNRS. Appels en garantie de la société HSSLa société HSS avait lancé des appels en garantie contre d’autres sociétés impliquées dans l’affaire. La cour a retenu la garantie des sociétés Vivaligne et Oscience transfert, mais a rejeté la demande de garantie à l’encontre de la société Clemascience. Dépens et frais irrépétiblesLa cour a condamné les sociétés HSS, Vivaligne et Oscience transfert aux dépens et aux frais irrépétibles exposés par le CNRS. Des dommages et intérêts ont également été ordonnés en faveur du CNRS. Les montants alloués dans cette affaire: – 30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral pour le Centre national de la recherche scientifique
– Les dépens de première instance et d’appel pour le Centre national de la recherche scientifique – 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour le Centre national de la recherche scientifique – Les dépens de première instance et d’appel exposés par le Centre national de la recherche scientifique pour les sociétés Vivaligne et Oscience transfert – 15.000 euros à payer au Centre national de la recherche scientifique pour les sociétés Vivaligne et Oscience transfert sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Article 564 du code de procédure civile :
A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. – Article 565 du code de procédure civile : Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. – Article 2224 du code civil : Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. – Article L. 121-1 du code de la consommation : Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. – Article L. 121-2 du code de la consommation : Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes : 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ; b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions ” fabriqué en France ” ou ” origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service. – Article L. 121-4 4° du code de la consommation : Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet d’affirmer qu’un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales ou qu’un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n’est pas le cas ou de ne pas respecter les conditions de l’agrément, de l’approbation ou de l’autorisation reçue. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Jeanne BAECHLIN
– Me Isabelle LEROUX – Me Matthieu BOCCON GIBOD – Me Frederic DUMONT – Me Matthieu HUE – Me Anne VINENT-LIGER – Me Frédérique ETEVENARD – Me Sylvain FLICOTEAUX – Me Vincent DE LA SEIGLIERE – Me François-Regis VERNHET – Me [B] [Y] – Me [H] [L] – Denis ARDISSON – Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE – CAROLINE GUILLEMAIN – Damien GOVINDARETTY |
→ Mots clefs associés & définitions– Cour
– Jugement – Procédure – Demandes – Irrecevabilité – Prescription – Action – CNRS – Société Vivaligne – Pratiques commerciales trompeuses – Concurrence déloyale – Parasitaire – Marque – Code de la propriété intellectuelle – Directive 2015/2436 – Marque CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque du CNRS – Marque enregistrée – Marque privative – Marque contrefaite – Code de la consommation – Pratiques commerciales déloyales – Pratiques commerciales trompeuses – Pratiques commerciales agressives – Brevet – Collaboration – Laboratoire – Université – Notoriété scientifique – Produits cosmétiques – Marque du CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du 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– Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du CNRS – Marque privative – Marque déposée – Marque contrefaite – Marque enregistrée – Marque du CNRS – Marque privative – – Cour: Instance judiciaire chargée de rendre des décisions sur des litiges.
– Jugement: Décision rendue par un tribunal à l’issue d’un procès. – Procédure: Ensemble des formalités et étapes à suivre pour régler un litige devant la justice. – Demandes: Requêtes ou demandes formulées par les parties lors d’une procédure judiciaire. – Irrecevabilité: Caractère de ce qui ne peut être reçu, notamment en référence à une demande ou une action en justice. – Prescription: Délai légal au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable. – Action: Procédure judiciaire intentée par une partie pour faire valoir ses droits. – CNRS: Centre National de la Recherche Scientifique, organisme français de recherche scientifique. – Société Vivaligne: Entreprise spécialisée dans les produits cosmétiques. – Pratiques commerciales trompeuses: Actions ou comportements visant à induire en erreur les consommateurs dans le cadre d’une transaction commerciale. – Concurrence déloyale: Pratiques commerciales contraires aux règles de la concurrence et de la loyauté. – Parasitaire: Qualifie une concurrence déloyale basée sur l’imitation d’un concurrent sans respecter les règles de la concurrence. – Marque: Signe distinctif permettant d’identifier les produits ou services d’une entreprise. – Code de la propriété intellectuelle: Ensemble des lois régissant la protection des droits de propriété intellectuelle. – Directive 2015/2436: Directive européenne relative à l’harmonisation des législations nationales sur les marques. – Marque CNRS: Marque appartenant au Centre National de la Recherche Scientifique. – Marque privative: Marque déposée et protégée par une entreprise pour ses produits ou services. – Marque déposée: Marque enregistrée auprès d’un organisme officiel pour bénéficier d’une protection légale. – Marque contrefaite: Marque reproduite sans autorisation du titulaire des droits, constituant une violation de la propriété intellectuelle. – Marque enregistrée: Marque officiellement enregistrée auprès d’un organisme compétent. – Code de la consommation: Ensemble des lois régissant les relations entre les entreprises et les consommateurs. – Pratiques commerciales déloyales: Comportements contraires à la loyauté et à l’équité dans les relations commerciales. – Pratiques commerciales agressives: Actions visant à influencer de manière indue les décisions des consommateurs. – Brevet: Titre de propriété industrielle conférant à son titulaire un monopole d’exploitation sur une invention. – Collaboration: Action de travailler ensemble à la réalisation d’un projet commun. – Laboratoire: Lieu de recherche et d’expérimentation scientifique. – Université: Institution d’enseignement supérieur et de recherche. – Notoriété scientifique: Reconnaissance et renommée dans le domaine de la recherche scientifique. – Produits cosmétiques: Produits destinés à l’hygiène et à la beauté de la peau. – Marque du CNRS: Marque appartenant au Centre National de la Recherche Scientifique. – Marque privative: Marque déposée et protégée par une entreprise pour ses produits ou services. – Marque déposée: Marque enregistrée auprès d’un organisme officiel pour bénéficier d’une protection légale. – Marque contrefaite: Marque reproduite sans autorisation du titulaire des droits, constituant une violation de la propriété intellectuelle. – Marque enregistrée: Marque officiellement enregistrée auprès d’un organisme compétent. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 29 MARS 2024
(n° , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/10181 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHYDN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 18/01383
APPELANTE
Etablissement Public CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS )
[Adresse 6]
[Localité 12]
identifiant SIRET : 180 089 013 04033
Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
Assistée de Me Isabelle LEROUX, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A. HOME SHOPPING SERVICE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 14]
[Localité 11]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 342 070 828
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Frederic DUMONT, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. LABORATOIRE CLEMASCIENCE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 5]
[Localité 3]
immatriculée au RCS d’AIX-EN-PROVENCE sous le numéro 491 330 742
Représentée par Me Matthieu HUE de la SELEURL AUGURE AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : G746
Assistée de Me Anne VINENT-LIGER, avocat au barreau de MARSEILLE
S.A.S. OSCIENCE TRANSFERT
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 9]
immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 512 956 467
Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065
Assistée de Me Sylvain FLICOTEAUX, avocat au barreau de LYON
S.A.S. VIVALIGNE
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 4]
[Localité 7]
immatriculée au RCS de MONTPELLIER sous le numéro 435 117 791
Représentée par Me Vincent DE LA SEIGLIERE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1261
Assistée de Me François-Regis VERNHET, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIES INTERVENANTES :
S.A.R.L. AXYME
prise en la personne de Me [B] [Y], es qualités de liquidateur de la société HOME SHOPPING SERVICE
[Adresse 8]
[Localité 10]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 830 793 972
S.E.L.A.F.A. MJA, prise en personne de Me [H] [L]
[Adresse 1]
[Localité 13]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 440 672 509
Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistées de Me Frederic DUMONT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 30 Novembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Denis ARDISSON, Président de chambre, en charge du rapport,
Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,
CAROLINE GUILLEMAIN, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
1. Le Centre national de la recherche scientifique (ci-après, le ‘CNRS’ ou ‘le Centre’), établissement public à caractère scientifique et technologique, est reconnu en France et à l’étranger pour son excellence scientifique dans la recherche publique et valorise par ailleurs ses résultats notamment par la concession de licences exclusives ou non exclusives. Sa notoriété est attachée à la reconnaissance de ses résultats scientifiques partagée par les communautés scientifiques ou par la publicité attachée aux brevets qu’il dépose.
2. Ayant déploré que depuis le site internet ‘m6boutique.com’ détenu par la société Home shopping service (ci-après la société HSS’), filiale du groupe audiovisuel M6, des produits de cosmétique ‘anti-âge’ de la marque ‘K’DERM’ fabriqués par la société Vivaligne étaient promus avec la mention non autorisée du sigle CNRS ainsi que par une intervention de M. [M] [W], directeur de recherche au CNRS, le Centre a mis en demeure la société HSS le 27 juin 2016 de retirer ces mentions dans la présentation de ses produits sur son site et de s’engager à ne plus l’utiliser à l’avenir sans son consentement.
3. Par lettre du 7 février 2017, la société HSS a refusé cette demande répondant que le produit K’DERM contient la molécule de la Kappa-Elastine fournie par la société Vivaligne, laquelle l’a garantie de tout risque de recours des tiers lui indiquant que cette molécule a été développée par le CNRS et qu’il n’était pas encouru de risque de contrefaçon de marque, la désignation du ‘CNRS’ ayant un simple rôle d’information du consommateur.
4. Ayant vainement sommé la société HSS le 17 juillet 2017 de cesser la référence à son sigle, puis fait constater, par procès-verbal d’huissier du 15 décembre 2017, la persistance de cette référence, le CNRS a assigné le 30 janvier 2018 la société HSS devant le tribunal de grande instance de Paris pour l’entendre condamner à des dommages et intérêts et ordonner des mesures d’interdiction sur le fondement de la concurrence déloyale et des actes de parasitisme.
5. Le CNRS ayant encore constaté, toujours depuis le site accessible m6boutique.com, l’utilisation sans son autorisation de son sigle dans le cadre de la présentation et la vente des marques de produits anti-âge de la société Oscience transfert (ci après ‘société Oscience’) sous la gamme ‘OSCIENCE’, et de la société Laboratoire Clemascience (ci après ‘société Clemascience’) sous la marque ‘MAGIC PULP’, le Centre a vainement sommé la société HSS les 12 juin et 24 juillet 2018 de cesser la référence à son sigle pour la promotion de ces produits, avant de l’assigner par acte du 30 janvier 2018 devant le tribunal judiciaire de Paris pour la voir condamner à des dommages et intérêts et ordonner des mesures d’interdiction sur le fondement de la concurrence déloyale et des actes de parasitisme. Par acte du 30 août 2018, la société Vivaligne est intervenue volontairement à l’instance et par actes des 6 et 7 février 2019, la société HSS a forcé l’intervention des sociétés Oscience et Clemascience à l’instance.
6. Après avoir joint les deux instances, le tribunal judiciaire de Paris a, par son jugement du 12 novembre 2020, accueilli l’intervention volontaire de la société Vivaligne, dit l’action du CNRS non prescrite, dit recevable l’action du CNRS en dommages et intérêts, débouté le CNRS de l’ensemble de ses demandes au titre des actes de concurrence déloyale, du parasitisme et des pratiques commerciales trompeuses à l’encontre des sociétés HSS, condamné le CNRS aux dépens et à payer en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 10.000 euros à la société HSS et de 3.000 euros à chacune des sociétés Vivaligne, Oscience et Clemascience.
7. Vu l’appel interjeté par le CNRS le 19 juin 2023 ;
8. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 5 octobre 2023 pour le Centre national de la recherche scientifique, afin d’entendre, en application des article L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation, l’article 1240 du code civil :
– recevoir le CNRS en son intervention en reprise d’instance à l’encontre de société MJA et de Mme [H] [L] en leur qualité de mandataire judiciaire de la société HSS, solidairement avec la société Axyme et de M. [B] [Y] en qualité de mandataire judiciaire de la société HSS,
– juger l’instance interrompue reprise,
– infirmer le jugement sur les points tels que visés dans la déclaration d’appel du CNRS,
– juger que la société HSS, en reproduisant massivement le sigle ‘CNRS’ en association avec les gammes de produits cosmétiques des sociétés Vivaligne, Clemascience et Oscience commercialisés sur son site internet, se rend coupable de pratiques commerciales trompeuses,
– juger que la société HSS, en reproduisant massivement le sigle ‘CNRS’ en association avec les gammes de produits cosmétiques des sociétés Vivaligne, Clemascience et Oscience commercialisés sur son site internet, commet des actes de concurrence déloyale et parasitaire et engage ainsi sa responsabilité civile délictuelle,
– fixer la créance du CNRS au passif de la société HSS dans les termes de la déclaration de créance (75.000 euros),
– ordonner à la société HSS de cesser pour le présent et l’avenir d’utiliser directement ou indirectement la mention ‘CNRS’ sur quelque support que ce soit, dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir sous astreinte de 5.000 euros par jour de euros de retard,
– ordonner à la société HSS la publication du communiqué suivant, de manière visible sur la page d’accueil de son site internet accessible à l’adresse www.m6boutique.com pour une durée de 3 mois, qui commencera après l’expiration d’un délai de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans un encadré parfaitement visible sur une surface égale à au moins 50 % de la surface de la page d’accueil du site internet m6boutique.com, et sur une partie immédiatement accessible de cette page, en très grands caractères lisibles, de couleur noir sur fond blanc, pour une durée de 3 mois, sans interruption, la première publication devant intervenir dans un délai maximum de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard :
‘Par arrêt du […], la Cour d’appel de Paris a jugé que la société Home Shopping avait commis des pratiques commerciales trompeuses et avait engagé sa responsabilité civiledélictuelle en mentionnant indûment le CNRS, et en s’appropriant sa réputation d’excellence, dans le cadre de la commercialisation sur son site internet www.m6boutique.com pour chacun et tous les produits des gammes de produits cosmétiques K’DERM, MAGIC PULP et OSCIENCE, alors même que le CNRS n’a pas contribué, directement ou indirectement, au développement ou à la fabrication desdits produits’,
– juger que la société Vivaligne, en reproduisant indûment et massivement le sigle ‘CNRS’ et ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ en association avec une gamme de produits cosmétiques qu’elle commercialise, se rend coupable de pratiques comme rciales trompeuses,
– juger que la société Vivaligne, en reproduisant indûment et massivement le sigle ‘CNRS’/ ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ en association avec une gamme de produits cosmétiques qu’elle commercialise, commet des actes de concurrence déloyale et parasitaire et engage ainsi sa responsabilité civile délictuelle,
– condamner la société Vivaligne au paiement de la somme de 50.000 euros, en réparation du préjudice moral subi par le CNRS du fait des pratiques commerciales trompeuses, ainsi que des agissements déloyaux et parasitaires de Vivaligne,
– ordonner à la société Vivaligne de cesser, directement ou indirectement, pour le présent et l’avenir, d’utiliser le sigle ‘CNRS’ ou ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ dans le cadre de la commercialisation de gammes de cosmétiques, en ce inclus la gamme K’DERM, sur quelque support que ce soit, dans un délai de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ‘ et ce, sous astreinte de 5.000 par jour de retard,
– ordonner à la société Vivaligne de supprimer ou faire supprimer toutes les utilisations du sigle ‘CNRS’ ou ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ présentes sur son site internet www.Vivaligne.com, sur ses pages de réseaux sociaux et notamment Facebook et Instagram (facebook.com/LaboratoireVivaligne / et instagram.com/kdermofficial/), et sur tous les sites de ses revendeurs,
– ordonner à la société Vivaligne de détruire ou faire détruire tous les documents et éléments promotionnels ou non comportant une utilisation du signe ‘CNRS’ ou ‘Centre National de la Recherche Scientifique’, incluant mais ne se limitant pas aux brochures, dépliants, présentoirs, emballages, publicités,
– ordonner à la société Vivaligne la publication du communiqué suivant, dans un encadré parfaitement visible sur une surface égale à au moins 50 % de la surface de la page d’accueil du site internet www.Vivaligne.com, et de chaque page relative à la vente des produits concernés (à savoir la page La Boutique K’Derm, accessible via le lien https://Vivaligne.com/la-boutique-kderm/ et chacune des pages ‘Produit’ présentées sur le site Internet), et sur une partie immédiatement accessible de ces pages, en très grands caractères lisibles, de couleur noir sur fond blanc, pour une durée de 3 mois, sans interruption, la première publication devant intervenir dans un délai maximum de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 par jour de retard :
‘Par arrêt du […], la Cour d’appel de Paris a jugé que la société Vivaligne a commis des pratiques commerciales trompeuses et a engagé sa responsabilité civile délictuelle en mentionnant indûment le CNRS, et en s’appropriant sa réputation d’excellence, dans le cadre de la commercialisation des produits cosmétiques K’DERM alors même que le CNRS n’a pas contribué, directement ou indirectement, au développement ni à la fabrication desdits produits’,
– ordonner à la société Vivaligne la publication du communiqué suivant, de manière visible, notamment sur les pages de réseaux sociaux Facebook et Instagram (à savoir www.facebook.com/LaboratoireVivaligne/ et www.instagram.com/kdermofficial/) en permettant sa visualisation en continu en tête de compte pour une durée de 3 mois qui commencera après l’expiration d’un délai de 24 heures à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, sous astreinte de 1.000 par jour de retard :
‘Par arrêt du […], la Cour d’appel de Paris a jugé que la société a commis des pratiques commerciales trompeuses et a engagé sa responsabilité civile délictuelle en mentionnant indûment le CNRS, et en s’appropriant sa réputation d’excellence, dans le cadre de la commercialisation des produits cosmétiques K’DERM alors même que le CNRS n’a pas contribué, directement ou indirectement, au développement ni à la fabrication desdits produits’,
– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans son intégralité ou par extraits dans 3 journaux ou magazines au choix du CNRS, et aux frais avancés de Vivaligne, dans la limite de quinze mille euros (10.000 (sic)), par publication, hors taxes, par insertion,
– ordonner le remboursement au CNRS des sommes payées à la suite du jugement de première instance aux société à HSS, Vivaligne, Oscience et Clemascience sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,
– condamner la société MJA en qualité de mandataire judiciaire de la société HSS, solidairement avec la société Axyme et M. [B] [Y] en leur qualité de mandataire judiciaire de la société HSS à payer une somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Jeanne Baechlin, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile,
– condamner la société Vivaligne au paiement de la somme de 15.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Jeanne Baechlin, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
* *
9. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 7 mars 2023 pour la société Vivaligne, afin d’entendre, en application des articles 564 et 910-4 du code de procédure civile :
– constater que les conclusions d’appel n°2 du CNRS comportent des demandes nouvelles irrecevables en appel et de plus irrecevables comme n’ayant pas été formées dans les premières conclusions d’appel,
– déclarer irrecevable et infondé le CNRS dans toutes ses demandes formées à l’encontre la société Vivaligne,
– dire irrecevable et en tout cas mal fondé le CNRS en son appel,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
– condamner le CNRS à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la CNRS aux entiers dépens ;
* *
11. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 12 septembre 2023 pour la société Home shopping service, de Mme [H] [L] et la société Mandataires Judiciaires Associes et de la société Axyme et de M. [B] [Y] afin d’entendre, en application des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation et 1240 et 2224 du code civil :
à titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le CNRS de ses demandes au titre des pratiques commerciales trompeuses, de la concurrence déloyale et parasitaire,
– infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action exercée par le CNRS à l’encontre de la société HSS,
– déclarer irrecevable l’action exercée par le CNRS à l’encontre de la société HSS,
à titre subsidiaire,
– débouter le CNRS de ses demandes indemnitaires,
– condamner les sociétés Vivaligne, Oscience transfert et Clemascience à garantir la société HSS de l’intégralité des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre,
en tout état de cause,
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné le CNRS, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile à payer la somme de 10.000 euros et aux dépens,
– débouter l’ensemble des parties de l’ensemble de ses demandes,
– condamner le CNRS à verser à la société HSS la somme complémentaire de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la société Lexavoue Paris-Versailles par application de l’article 699 du code de procédure civile ;
* *
10. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 16 novembre 2023 pour la société Oscience transfert représentée par la société Jérôme Allais en sa qualité de mandataire judiciaire et la société BCM en qualité d’administrateur judiciaire désignés par jugement du tribunal de commerce de Lyon du 12 octobre 2023, afin d’entendre, en application des articles 1240 et 1241 du code civil et L. 121-2 et suivants du code de la consommation :
à titre principal,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement,
– prononcer en cas de réformation du jugement, la mise hors de cause de la société Oscience, de la société BCM, en qualité d’administrateur judiciaire, et la société Jérôme Allais en qualité de mandataire judiciaire de la société Oscience,
– rejeter toute demande formulée à l’encontre de la société Oscience de la société BCM, en qualité d’administrateur judiciaire, et la société Jérôme Allais en qualité de mandataire judiciaire de la société Oscience,
à titre subsidiaire,
– constater que le CNRS ne justifie pas de son préjudice,
– débouter le CNRS de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire,
– réduire à de plus justes propositions toute éventuelle condamnation fixée au passif de la société Oscience transfert,
en tout état de cause,
– condamner in solidum HSS et le CNRS à payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner le CNRS aux entiers dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile et au bénéfice de Me [C] ;
* *
12. Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 octobre 2023 pour la société Laboratoire Clemascience afin d’entendre, en application des articles 32-1 et 122, et 331 du code de procédure civile et 1134 du code civil :
à titre principal,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté le CNRS de l’ensemble de ses demandes,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté la société Clemascience de ses demandes reconventionnelles à l’encontre de la société HSS,
– fixer la créance de la société Clemascience au passif de la société HSS à la somme de 5.000 euros, dans les termes de sa déclaration de créances en date du 26 mai 2023, au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral,
à titre subsidiaire, si la cour réforme le jugement en ce qu’il a débouté le CNRS de l’intégralité de ses demandes,
– dire que la mise en cause de la société Clemascience n’est motivée ni en droit ni en fait,
– dire que la mise en cause de la société Clemascience est irrecevable,
– dire que la mise en cause de la société Clemascience est abusive,
– prononcer la mise hors de cause de la société Clemascience,
– débouter la société HSS de l’intégralité de ses demandes,
– rejeter toute demande formulée à l’encontre de la société Clemascience,
– fixer la créance de la société Clemascience au passif de la société HSS à la somme de 5.000 euros, dans les termes de sa déclaration de créances en date du 26 mai 2023, au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive et préjudice moral,
– si la cour faisait droit à la demande du CNRS relative à la publication d’une communication de l’arrêt à intervenir sur le site internet m6boutique.com, la société Clemascience sollicite à ce que toute référence à son nom et à ses produits n’apparaisse pas dans ladite publication,
en tout état de cause,
– condamner la société MJA, prise en la personne de Mme [H] [L], solidairement avec la société Axyme, prise en la personne de M. [B] [Y] en leur qualité de liquidateurs judiciaires de la société HSS, à payer la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des procédures de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, ou condamner qui le mieux devra ces sommes,
– fixer la créance de la société Clemascience au passif de la société HSS à la somme de 8.000 euros, dans les termes de sa déclaration de créances en date du 26 mai 2023, au titre de l’article 700 du code de procédure civile ou condamner qui mieux le devra,
– fixer la créance de la société Clemascience au passif de la société HSS au titre des entiers dépens ou condamner qui mieux le devra.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
I. Sur les causes d’irrecevabilité des demandes
– tirées des demandes nouvelles du CNRS à l’encontre de la société Vivaligne
13. Il est rappelé les termes de l’article 564 du code de procédure civile
A peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
14. Et ceux de l’article 565 selon lequel :
Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
15. Aux termes de ses dernières conclusions, le CNRS demande la condamnation de la société Vivaligne à lui payer des dommages et intérêts sur le fondement de pratiques commerciales trompeuse et des faits de concurrence déloyale et parasitaire, d’ordonner à son encontre des mesures d’interdiction et ainsi que la publication des sanctions.
16. Et pour prétendre que ces demandes sont recevables pour n’être pas nouvelles en cause d’appel, le CNRS se prévaut de ce qu’il a déjà demandé aux premiers juges de :
‘dire que la présentation des marques K’DERM, . et le descriptif de la gamme de produits K’DERM. comportent des informations imprécises et ambigües et sont réalisées dans des conditions de nature à induire le public en erreur’ (…) que ‘la présentation des marques K’DERM, et le descriptif de la gamme de produits K’DERM, sont réalisés dans des conditions de nature à tromper le consommateur sur une caution ou garantie donnée par le Centre national de la recherche scientifique sur les produits’ et enfin de ‘dire que de tels agissements sont constitutifs de pratiques commerciales trompeuses au sens du décret n° 92-280 du 27 mars 1992 et des articles L121-2 et L121-4 4° du Code de la consommation (…) et de ‘condamner les sociétés Home Shopping Service et Vivaligne à verser chacune au Centre national de la recherche scientifique la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile’.
17. Au demeurant, aucune de ces demandes en première instance n’était dirigée à l’encontre de la société Vivaligne, le CNRS ayant au surplus contesté l’intervention volontaire de celle-ci, et tandis que la demande au titre des frais irrépétibles est sans lien avec les prétentions au fond, il convient de déclarer le Centre irrecevable pour l’ensemble de ses demandes nouvelles.
– tirée de la prescription de l’action du CNRS
18.Il est rappelé les termes de l’article 2224 du code civil selon lesquels :
Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui Permettant de l’exercer.
19. Pour voir infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré non prescrite l’action du CNRS à l’encontre de la société HSS, cette dernière ainsi que la société Vivaligne soutiennent que cette action a été engagée le 30 janvier 2018 plus de 10 ans après le début de la commercialisation des produits K’DERM sur le site M6 Boutique en 2006 et 2007, ainsi qu’après l’autorisation que le CNRS avait délivrée le 8 juin 2007 au ‘Laboratoire Vivaligne’ pour la réalisation d’un reportage sous la conduite de M. [W], alors directeur de l’unité mixte de recherche CNRS dans les locaux du laboratoire ‘Matrice extra-cellulaire et régulations cellulaires’ (pièce n°5 et 6 de la société Vivaligne).
20. Néanmoins, et d’après la pièce n°16-2 produite par la société HSS correspondant à un extrait, non daté, de la diffusion de la promotion des produits K’DERM sur la plateforme Youtube, il est indiqué que cette publicité mise en ligne le 4 janvier 2010 a fait l’objet de 2496 vues et de deux commentaires, ce dont il résulte la preuve d’une diffusion confidentielle de cette publicité, et tandis d’une part, que les vidéos du site de M6 Boutique mises aux débats ne sont pas davantage datées, et d’autre part, que d’après les termes de l’autorisation délivrée par le CNRS pour la réalisation d’un reportage précitée, il n’est concédé aucun droit de diffusion en rapport avec les produits de la gamme K’DERM en particulier l’intervention de M. [W] affiché par sa qualité de directeur de recherche du CNRS, pièce n°16-1 de la société HSS, les premiers juges seront confirmés en ce qu’ils ont retenu que le CNRS n’était pas en mesure de connaître la diffusion de la publicité trompeuse avant le premier constat qu’il a fait établir du 27 juin 2016 moins de cinq ans avant l’introduction de l’instance.
– tirée de l’exclusivité de l’action sur les droits conférés par la marque du CNRS sur l’action en concurrence déloyale et parasitaire
21.Pour entendre infirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable l’action du CNRS fondée sur des faits de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que de tromperie, les sociétés HSS et Vivaligne relèvent, ensemble ou séparément, qu’avant l’introduction de l’instance, le Centre a dénoncé la promotion des produits K’DERM en revendiquant son droit sur sa marque CNRS enregistrée depuis le 19 décembre 2008, et soutiennent qu’en raison du principe selon lequel les règles spéciales dérogent aux règles générales, le CNRS n’a pu choisir d’engager son action sur le fondement de la tromperie et du droit commun de la responsabilité civile au lieu de celle, exclusive, en contrefaçon que lui réserve le code la propriété intellectuelle pour la défense de son droit privatif sur sa marque.
22.Toutefois, depuis l’origine du litige, le droit du CNRS sur sa marque n’est pas contesté et il ne résulte pas du code de la propriété intellectuelle de disposition spéciale qui interdit l’alternative pour le titulaire d’une marque de dénoncer l’emploi de celle-ci à des fins de concurrence déloyale et parasitaire ainsi que de tromperie sur le seul fondement de la responsabilité civile de l’article 1382, devenu article 1240 du code civil, ou celui des articles L. 121-1, L. 121-2 du code de la consommation.
23. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit recevable l’action sur ces fondements.
24. En revanche, et suivant la plénitude de juridiction dévolue à la chambre commerciale de la cour d’appel saisie qui s’évince des articles 561 du code de procédure civile et L. 311-1′ du code de l’organisation judiciaire, il sera discuté ci-dessous les défenses au fond opposées par les sociétés HSS et Vivaligne sur le fondement de la limitation des effets de la marque prise en application des articles L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle et 14, 1. c) de la directive 2015/2436 17 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques.
II. Sur le droit régissant le litige
– tiré des pratiques commerciales trompeuses, de concurrence déloyale et parasitaire
25. Ces pratiques sont invoquées d’abord sur le fondement des dispositions du code de la consommation, à droit constant depuis le 1er juillet 2016, selon lesquelles :
article L. 121-1 :
Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.
Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service.
Le caractère déloyal d’une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s’apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe.
Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7.
article L. 121-2 :
Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, notamment au regard des règles justifiant l’apposition des mentions ” fabriqué en France ” ou ” origine France ” ou de toute mention, signe ou symbole équivalent, au sens du code des douanes de l’Union sur l’origine non préférentielle des produits, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, notamment son impact environnemental, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
article L. 121-4 4°:
Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet d’affirmer qu’un professionnel, y compris à travers ses pratiques commerciales ou qu’un produit ou service a été agréé, approuvé ou autorisé par un organisme public ou privé alors que ce n’est pas le cas ou de ne pas respecter les conditions de l’agrément, de l’approbation ou de l’autorisation reçue.
26. Le CNRS fait valoir en outre la responsabilité civile des intimées tirée de l’article 1382, devenu 1240 du code civil, pour qualifier les actes de tromperie aussi de concurrence déloyale et parasitaire.
– tiré des limitations des effets de la marque
27. Les sociétés HSS et Vivaligne opposent par ailleurs les limitations des effets de la marque prescrites :
à l’article L. 713-6 b), du code de la propriété intellectuelle, dans sa version en vigueur jusqu’au 15 décembre 2019, et selon lesquels :
L’enregistrement d’une marque ne fait pas obstacle à l’utilisation du même signe ou d’un signe similaire comme référence nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée, à condition qu’il n’y ait pas de confusion dans leur origine.
Toutefois, si cette utilisation porte atteinte à ses droits, le titulaire de l’enregistrement peut demander qu’elle soit limitée ou interdite.
à l’article 14, 1. c) de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques et disposant que :
Une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage de la marque est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée.
III. Sur les pratiques commerciales illicites invoquées par le CNRS
III.1. Au titre de la publicité des produits ‘K’DERM’ de la société Vivaligne
28. La société Vivaligne, qui fabrique la gamme des produits K’DERM, est spécialisée dans le secteur d’activité de la fabrication de parfums et de produits pour la toilette et notamment de cosmétologie médicale et fabriquant des produits anti-âge en cosmétologie médicale, fondant sa politique de recherche et de développement autour de la réparation et de la régénération tissulaire. Elle a pour filiale la société Regentis-Pharma qui dispose d’un centre de recherche et de développement implanté au sein de la Faculté de médecine de [15] et sur son site promu sur son site vivaligne.com, la société Vivaligne met en avant ses ‘partenariats Universités / CNRS’.
29. Pour conclure à la confirmation du jugement qui a débouté le CNRS de ses demandes des chefs de pratique commerciale trompeuse, et de concurrence déloyale et parasitaire, et soutenir avoir licitement associé la promotion par la société HSS des produits K’DERM au sigle du CNRS, à l’intervention de M. [W], et enfin à des informations selon lesquelles, d’après leur formulation la plus forte, ‘la Kappa-Elastine, véritable molécule anti-vieillissement est mise au point par le CNRS’, les sociétés HSS et Vivaligne revendiquent le bénéfice de l’exploitation de droits concédés par le Centre et subsidiairement, prétendent que cette promotion était autorisée dans les limitations des effets de la marque réservées par l’article L. 713-6 b) du code de la propriété intellectuelle, interprété à la lumière de l’article 14, 1. c) de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015.
30. A ces fins, elles relèvent en premier lieu que la molécule de la Kappa-Elastine a été découverte en 1963 par le directeur de recherches du CNRS [V] [P], qui a aussi mis au point le procédé de son extraction avec M. [W].
31. Elles revendiquent en deuxième lieu le fait que le développement de la ‘Kappa-Elastine’ a été entièrement financé par le Laboratoire de l’Elastine, entité du groupe Sodichimic, maison mère de la société Vivaligne, réalisé dans le cadre d’un programme de recherches CNRS auquel le laboratoire de l’élastine a participé.
32. Elles mettent ainsi aux débats une lettre du 18 octobre 1984 du professeur [P] (pièce 18 de la société Vivaligne) sur papier à en-tête du ‘Groupe de Recherches du CNRS n°40’ adressée à M. [R] du Laboratoire de l’élastine aux termes de laquelle il indique
‘Tout d’abord, en ce qui concerne Elastin Products, il faut se rappeler que la dénomination ‘kappa-élastine’ a été utilisée par nous depuis 1963 pour désigner des peptides d’élastine obtenus à partir de l’élastine fibreuse par solubilisation en milieu organo-alkalin (par des ions OH c’est-à-dire la potasse ou la soude). Quiconque a donc le droit d’utiliser ce terme pour désigner des peptides préparés par une méthode identique ou analogue.
La nôtre à l’époque n’était pas plus précise que cela, car nous avons préconisé dès 1963 l’utilisation non seulement de l’éthanol mais d’autres solvants organiques et bien que nous ayons utilisé la potasse, mais d’autres bases telles que la soude peuvent également convenir» ceci dit, comme je vous l’ai déjà dit à plusieurs reprises, il m’est impossible de ne pas considérer que nos travaux « patronnent » toute utilisation dermo-cosmétologique de l’élastine faite à partir d’élastine pure, préparée par une méthode adéquate’.
33. Elles mettent encore aux débats des publications internationales ainsi que huit brevets déposés en Europe et dans le monde (Pièces n° 4 de la société Vivaligne et n°12, 13 et 28 de la société HSS) en particulier un brevet déposé en France n°1154391 du 19 mai 2011 par l’Université [15] ([15]) sur ‘l’utilisation d’au moins un peptide de la kappa-élastine en tant que principe actif dans une composition pharmaceutique ou cosmétique’, mentionnant M. [W] parmi ses inventeurs (Pièce n° 12 de la société HSS) ainsi que son extension dans un brevet international WO 2012/156641 A1 publié le 22 novembre 2012 (Pièce n°13 de la société HSS).
34. Elles se prévalent encore d’une lettre du 24 décembre 2012 (pièce n° 25 de la société Vivaligne) par laquelle le président de l’université de [15] indique au directeur de la société Regentis international que ‘conformément aux dispositions du contrat du 7 décembre 2010 passé entre eux ainsi que le CNRS (…) Regentis international dispose d’un droit exclusif d’exploitation de la demande du brevet n°FR 12/50932 dans le domaine de la régénération du derme’.
35. Les sociétés HSS et Vivaligne se prévalent, en troisième lieu, de la collaboration permanente entre le CNRS et la société Vivaligne établie par les contrats passés depuis 2007 jusqu’en 2011 autorisant la participation de M. [W] aux travaux de la société Regentis (pièces 24 à 24.c de la société Vivaligne), ainsi que de l’autorisation que le CNRS a donnée en 2007 au ‘Laboratoire Vivaligne’ pour la réalisation d’un reportage sous la conduite de M. [W].
36. Les sociétés HSS et Vivaligne en concluent que les mentions relatives à la collaboration du CNRS dans la mise au point de certains actifs et procédés de pénétration de certains actifs et ou circonstances d’élaboration de certains produits sont exactes et justifiées, que la mention du CNRS, la présentation des produits par M. [W], employé du CNRS, ainsi que la référence à la Kappa-Elastine mise au point par le CNRS sont fondées sur des vérités acquises et servent à l’information légitime du public sur les conditions d’élaboration du ‘composant principal des produits de la gamme K’DERM ainsi que sur le procédé de pénétration de l’actif dans l’épiderme (vectorisation)’.
37. Enfin en quatrième lieu, les sociétés HSS et Vivaligne estiment qu’aucune de ces mentions, dans le contexte de leur expression, n’accrédite auprès du consommateur le fait que les produits de la gamme K’DERM sont conçus ou fabriqués par le CNRS de sorte qu’elles entrent dans les limites de l’usage de la marque du CNRS comme une référence nécessaire à l’indication et à la destination des produits de la société Vivaligne sans entretenir de confusion sur leur origine.
* *
38. Toutefois, il ne résulte d’aucune des productions des sociétés HSS et Vivaligne la preuve d’une notoriété scientifique associant la découverte de la protéine de la Kappa-Elastine et de son procédé d’extraction par le CNRS à l’efficacité des produits anti-âge produits et commercialisés par la société Vivaligne et promus par la société HSS, la cour relevant au surplus que les sociétés Vivaligne et HSS ne produisent pas les informations sur la composition chimique des produits de la gamme K’DERM.
39. D’autre part, aucun des brevets mis aux débats n’est déclaré au nom du CNRS, le brevet mentionné dans la lettre du 24 décembre 2012 n°FR 12/50932 n’étant quant à lui pas produit, et par ailleurs, le brevet n°1154391 du 19 mai 2011 est étranger à son application à la peau, alors que l’invention a pour objet ‘l’Utilisation de la kappa-élastine pour la réparation et/ou la régénération des tissus parodontaux’ et ‘concerne l’utilisation d’au moins un peptide de la kappa-élastine en tant que principe actif dans une composition pharmaceutique ou cosmétique destinée à la réparation et/ou la régénération d’un tissu mou du parodonte, parmi le tissu gengivale et les ligaments dento-alvéolaires et/ou d’un tissu dur du parodonte, parmi l’os alvéolaire et le cément radiculaire’.
40. Enfin, et ainsi que cela est relevé au paragraphe 20 ci-dessus, l’autorisation de réaliser et de diffuser un reportage sur le laboratoire avec M. [W] n’a pas pour objet la promotion des produits cosmétiques de la société Vivaligne, et d’autre part, les autorisations données à M. [W] pour cumuler son activité au CNRS avec celle secondaire avec la société Regentis international n’a pas davantage pour objet de valider des résultats scientifiques du CNRS pour le développement et la promotion des produits de l’organisme privé.
41. Il s’en déduit, en premier lieu, que les sociétés HSS et Vivaligne ne font pas la preuve de la nécessité d’emprunter l’autorité et le crédit strictement scientifiques attachés à la marque du CNRS, à ses publications ou encore par la présentation de M. [W] en sa qualité de directeur de recherche du Centre, pour justifier de la destination et les mérites des produits cosmétiques de la gamme K’DERM de la société Vivaligne.
42. Alors en second lieu, que la cible des produits cosmétiques développés et promus contre le vieillissement de la peau du visage vise un public sensible par son anxiété liée à la dégradation du corps et à son image, et d’autre part que d’après les constats d’huissiers, il est établi que cette publicité associant une référence au CNRS sur 37 produits de la gamme K’DERM est particulièrement large, il est manifeste que l’association du sigle du CNRS comme des découvertes qui lui sont prêtés dans le développement des produits cosmétiques, et encore par l’apparition dans un reportage d’un chercheur du CNRS en blouse blanche dans l’environnement d’un laboratoire, sont susceptibles de tromper et d’altérer la motivation des consommateurs pour l’achat de ces produits en violation des dispositions articles L. 121-1, article L. 121-2, 1°, 2°b) et L. 121-4 4°du code de la consommation précités au paragraphe 25 ci-dessus.
43. Alors que le CNRS qui poursuit une activité de recherche biomédicale a vocation à développer, promouvoir et protéger des médicaments, il résulte des violations du code de la consommation relevées ci-dessus des faits de concurrence déloyale justifiant que le jugement soit infirmé en ce qu’il a écarté ces griefs et que la société HSS en soit tenue civilement responsable.
III.2. Au titre de la publicité des produits ‘MAGIC PULP’ de la société Laboratoire Clemascience
44. La société Laboratoire Clemascience est spécialisée dans la fabrication et la distribution de produits cosmétiques et de compléments alimentaires et promeut, notamment, un produit MAGIC PULP présentant, dans les publicités sur les sites de la société HSS, ‘[contenant un complexe hyalupomme qui utilise une nouvelle technologie de libération brevetée avec le CNRS pour faire pénétrer l’acide hyaluronique de haut poids moléculaire en profondeur sous la peau, sans avoir recours à une injection’ et encore que ‘Ce procédé est désormais possible grâce à Hyalupomme®, un actif breveté et développé par le CNRS, associant l’acide de pomme à l’acide hyaluronique vectorisé’.
45. Pour conclure à la confirmation du jugement qui a débouté le CNRS de ses demandes des chefs de pratique commerciale trompeuse, et de concurrence déloyale et parasitaire, et soutenir avoir licitement associé la promotion par la société HSS des produits MAGIC PULP au sigle du CNRS ou la mention ‘breveté avec le CNRS’, les sociétés HSS et Clemascience revendiquent le bénéfice de la disponibilité du brevet du CNRS n°9204108 du 3 avril 1992 (pièce n°28 de la société HSS) ayant pour objet le ‘procédé de préparation de micro-capsules ou de liposomes de tailles contrôlées par application d’un cisaillement constant sur une phase lamellaire’, procédé qui entre la composition des produits MAGIC PULP et qui permet la pénétration d’un actif dans l’épiderme.
46. Toutefois, s’il est constant que le brevet du CNRS décrit une invention limitée au procédé d’encapuslation de principes actifs médicamenteux ou de substances biologique, il ne se déduit en rien de ce cet acquis scientifique qu’il garantit l’efficacité active des produits MAGIC PULP ou du ‘complexe hyalupomme’ contre le vieillissement de la peau, de sorte que la référence au CNRS n’est pas nécessaire, mais est en revanche manifestement destinée à détourner l’autorité et le crédit strictement scientifiques attachés à la marque du CNRS pour justifier la destination et les mérites des produits cosmétiques de la gamme MAGIC PULP.
47. Et suivant les mêmes motifs que ceux retenus aux paragraphes 42 et 43 ci-dessus relatifs à la cible des publics visés par la promotion des produits de la même catégorie et susceptibles d’être trompés ou de voir altérer leur comportement dans leur actes d’achat, il convient de relever les mêmes violations des dispositions du code de la consommation constitutives d’actes de concurrence déloyale justifiant que le jugement soit infirmé en ce qu’il a écarté ces griefs, et que la société HSS soit tenue civilement responsable.
III.3. Au titre de la publicité des ‘crèmes OSCIENCE’ de la société Oscience transfert
48. La société Oscience poursuit une activité de création et de commercialisation de produits cosmétiques et a promu des crèmes anti-rides par les informations selon lesquelles celles-ci ‘intégrent un actif innovant, le complexe moléculaire CXOS’ et dont ‘la gamme Oscience a été créée par Mme [J] [E], docteur en biologie moléculaire et cellulaire, en collaboration avec le CNRS et l’Université [16].’
49. Pour conclure à la confirmation du jugement qui a débouté le CNRS de ses demandes des chefs de pratique commerciale trompeuse, et de concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés HSS et Osciences estiment, ensemble ou séparément, en premier lieu, que l’information précitée qui leur est reprochée ne constitue pas l’imitation d’un signe distinctif du CNRS, mais une simple référence à l’établissement en lui-même de sorte qu’il ne peut être déduit de confusion par l’emprunt du sigle du Centre.
50. Elles estiment, en second lieu, que cette information est authentique alors que le développement de ces produits est le résultat d’une collaboration du CNRS au projet de la docteure [E] aménagée par un ‘contrat d’adossement’ qu’elle a signé le 16 juillet 2007 avec le CNRS et l’université [16], et au terme duquel les deux établissements ‘acceptent pour la validation du choix de développement de produits cosmétiques à partir d’actifs innovants apportés par le porteur de projet de contribuer à une fonction d’incubateur technologique au bénéfice de [Mme [E]]. Cette collaboration est destinée à faciliter le transfert de technologie et de compétences entre [le CNRS et l’Université [16]] et [Mme [E]] et de leur permettre de conduire le plus efficacement possible les travaux de recherche et de développement dont [Mme [E]] a besoin pour mettre le produit sur le marché.’
51. Elles ajoutent que Mme [E] s’est vue remettre par le CNRS en 2008 un titre de lauréat du concours national ‘Technologie Innovante’ dans la catégorie ‘Emergence’ pour le projet Skincox développé dans le laboratoire ‘Automatique et de génie des procédés de L’UMR5007″, ses travaux établissant, d’après les termes d’un courriel que la société Oscience à adressé à la société HSS, que ‘La cornée étant très semblable à la peau nous avons transposé cette technologie médicale à la dermo-cosmétique en développant un actif totalement novateur : le complexe moléculaire CXOST ainsi qu’un duo de soin développé en partenariat avec le CNRS’.
52. Les sociétés HSS et Oscience déduisent ainsi que depuis que le contrat d’adossement est arrivé à son terme en 2015, la communication d’informations relatives aux études est dispensée d’un accord préalable du CNRS.
53. Au demeurant, aucun de ces documents ne vise une relation établie entre le CNRS et la société Oscience, en particulier la pièce n°32 produite par la société HSS dont rien n’indique qu’il s’agit d’une publication du CNRS.
54. En outre, l’annexe scientifique du contrat d’adossement passé entre la docteure [E], l’université [16] et le CNRS exclut toute caution pour l’exploitation des résultats à la référence au Centre, alors qu’il est précisé que ‘le laboratoire d’appui suivra le porteur de façon personnalisée pour qu’il acquière le savoir-faire nécessaire au développement de ses produits cosmétiques ; les tests réalisés ne donneront pas lieu à la création et/ou développement de produits’.
55. Il n’est d’autre part pas démontré, ni même soutenu, l’existence d’une notoriété scientifique attachée à l’efficacité des produits de la gamme Oscience.
56. Il en résulte que la référence à la collaboration du CNRS pour la création de ces produits n’était ni établie ni non plus nécessaire, mais est en revanche manifestement mentionnée pour détourner l’autorité et le crédit strictement scientifiques attachés à la marque du CNRS.
57. Et suivant les mêmes motifs que ceux retenus aux paragraphes 42 et 43 ci-dessus relatifs à la cible des publics visés par la promotion des produits de la même catégorie et susceptibles d’être trompés ou de voir altérer leur comportement dans leur actes d’achat, il convient de relever les mêmes violations des dispositions du code de la consommation constitutives d’actes de concurrence déloyale justifiant que le jugement soit infirmé en ce qu’il a écarté ces griefs et que la société HSS soit tenue civilement responsable.
III.4. Sur les mesures réparatrices
58. Aux termes de la discussion ci-dessus sur les faits et à la suite de laquelle les responsabilités sont retenues, il se déduit que l’essentiel du dommage pour le CNRS réside dans l’atteinte, directe et effective, à la notoriété de son image, et non à la commercialisation de produits cosmétiques concurrents dont le Centre ne soutient pas qu’il en commercialise, de sorte qu’il convient d’une part, d’ordonner la publication de l’arrêt suivant les modalités décidées ci-dessous, et d’autre part de fixer au passif de la société HSS la somme de 30.000 euros de dommages et intérêts propres à réparer l’atteinte à la réputation du CNRS.
59. Par ailleurs, la société Clemascience n’établit pas que la société HSS est seule à l’origine de la promotion de sa gamme de produits cosmétiques avec la référence au CNRS, de sorte que la mesure de publication visant sa gamme de produits sera aussi accueillie.
IV. Sur les appels en garantie de la société HSS
60. La société HSS réitère ses demandes subsidiaires qu’elle avait soutenues en première instance et tendant à être garantie des conséquences de sa responsabilité par les sociétés Vivaligne, Oscience et Clemascience en vertu d’une clause de garantie qu’elles ont consentie dans les contrats passés, la première; le 12 février 2016, la deuxième, le 17 mars 2017 et la troisième, le 28 février 2018, cette clause stipulant que :
‘Le FOURNISSEUR garantit HSS, et/ou tout diffuseur des émissions de télé ‘ achat produites par HSS, et/ou leurs représentants légaux et/ou salariés respectifs contre tout recours, réclamation ou action judiciaire que pourraient former toute personne physique ou morale ou tout organisme de contrôle ou toute administration ou association de consommateurs et liés à la commercialisation des produits du FOURNISSEUR
Il est entendu que toutes les clauses de garantie auxquelles est tenu le FOURNISSEUR stipulées au sein de la présente Convention unique survivront postérieurement à l’extinction en tout ou partie dudit contrat entre HSS et le FOURNISSEUR et ce, quelle que soit la cause d’extinction.’
61. D’après les productions de la société HSS, il est constant que les sociétés Vivaligne et Oscience sont à l’origine des références au CNRS dans les supports utiles au placement de leurs produits, de sorte qu’il convient de retenir la garantie des sociétés Vivaligne et Oscience.
62. En revanche, et si la société Clemascience est aussi à l’origine des références au CNRS pour ses produits, de sorte que son appel en garantie est fondée, il est aussi constant que la société HSS n’a pas obtempéré à sa mise en demeure par le CNRS le 24 juillet 2018 de retirer la référence du Centre dans les supports publicitaires, y compris après son engagement qu’elle avait notifié à la société Clemascience le 4 septembre 2018.
63. Il convient en conséquence d’écarter la demande de garantie à son encontre.
64. Alors que enfin que la société Clemascience est à l’origine de l’emploi trompeur de la référence au CNRS, elle est en revanche mal fondée à voir condamner la société HSS à payer la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts dont la justification n’est pas établie, de sorte que cette prétention sera rejetée.
V. Sur les dépens et les frais irrépétibles
65. Ensuite de l’infirmation du jugement sur l’essentiel des griefs retenus à l’encontre des intimées tels qu’ils sont retenus ci-dessus, la décision sera aussi infirmée en ce qu’elle a tranché les dépens et les frais irrépétibles.
66. Statuant à nouveau de ces chefs y compris en cause d’appel, la cour condamnera in solidum les sociétés HSS, Vivaligne et Oscience transfert aux dépens exposés par le CNRS ainsi qu’à lui payer sous la même solidarité, la somme de 15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le surplus des demandes de ces chefs étant rejeté.
DÉCLARE irrecevables les demandes nouvelles du Centre national de la recherche scientifique à l’encontre de la société Vivaligne ;
INFIRME le jugement en toutes ses dispositions déférées, sauf celle qui a dit non prescrite l’action du Centre national de la recherche scientifique ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant au jugement,
DIT que la société Home shopping service a commis des actes de concurrence déloyale par tromperie dans la promotion des produits des sociétés Vivaligne, Oscience transfert et Laboratoire Clemascience en reproduisant indûment et massivement le sigle ‘CNRS’ et ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ en association les gammes de produits cosmétiques K’DERM, MAGIC PULP et OSCIENCE ;
ORDONNE à la société Home shopping service de cesser l’utilisation directement ou indirectement les mentions ‘CNRS’ et ‘Centre National de la Recherche Scientifique’ en association les gammes de produits cosmétiques K’DERM, MAGIC PULP et OSCIENCE des sociétés Vivaligne, Oscience transfert et Laboratoire Clemascience, sur quelque support que ce soit et sous astreinte de 1.000 euros par jour de euros de retard à compter du 2 avril 2024 ;
ORDONNE à la société Home shopping service pour une durée de 2 mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard après le 5 avril 2024 la publication d’un communiqué de manière visible sur la page d’accueil de son site internet accessible à l’adresse www.m6boutique.com comportant dans un encadré sur une surface égale à au moins 15 % de la page d’accueil du site en très grands caractères lisibles, de couleur noir sur fond blanc l’information suivante :
‘Par arrêt du 29 mars 2024, la Cour d’appel de Paris a jugé que la société Home Shopping avait commis des pratiques commerciales trompeuses et avait engagé sa responsabilité civile délictuelle en mentionnant indûment le CNRS, et en s’appropriant sa réputation d’excellence, dans le cadre de la commercialisation sur son site internet www.m6boutique.com pour tous les produits des gammes de produits cosmétiques K’DERM, MAGIC PULP et OSCIENCE, alors que le CNRS n’a pas contribué, directement ou indirectement, au développement ou à la fabrication de ces produits’,
FIXE la créance du Centre national de la recherche scientifique au passif de la société Home shopping service aux sommes de :
30.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,
les dépens de première instance et d’appel,
15.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Vivaligne et Oscience transfert à garantir la société Home shopping service de ses condamnations ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Vivaligne et Oscience transfert aux dépens de première instance et d’appel exposés par le Centre national de la recherche scientifique dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum les sociétés Vivaligne et Oscience transfert à payer au Centre national de la recherche scientifique la somme de 15.000 euros pour l’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT