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La position dominante que Google est susceptible d’occuper sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches n’implique pas à elle seule, au regard du droit de la concurrence, une obligation pour Google d’ouvrir son service AdWords à toute activité au seul motif que celle-ci ne serait pas interdite par les lois et règlements du pays dans lequel s’exerce cette activité, comme l’a rappelé l’Autorité de la concurrence dans sa décision 10-MC-01 du 30 juin 2010.
Par ailleurs la politique de contenus Adwords, guidée par l’objectif de protéger les intérêts des consommateurs en évitant à l’internaute de payer pour des services gratuits, de surcroît garantis par un service public d’État, apparaît objectivement justifiée.
L’adoption d’une telle politique ne présente donc pas un caractère anticoncurrentiel et relève de l’exercice légitime de la liberté commerciale de Google, comme l’a déjà également souligné l’Autorité de la concurrence (décision 13-D-07 du 28 février 2013 E-Kanopi).
Toutefois, la liberté dont dispose Google pour définir sa politique de contenu Adwords n’exonère pas cette entreprise de l’obligation de mettre en oeuvre cette politique dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
Pour mémoire, dans sa décision 10-MC-01 du 30 juin 2010 l’Autorité de la concurrence a précisé que Google devait à ce titre notamment respecter les obligations suivantes :
– définir des règles générales et dénuées d’ambiguïté,
– informer clairement les annonceurs de leur existence, et, le cas échéant, faire évoluer ces règles en informant de façon également claire les annonceurs, en leur laissant un préavis suffisant avant leur entrée en vigueur,
– définir une procédure de contrôle et de suspension des comptes, également objective et transparente,
– garantir une application non discriminatoire des règles et procédures ainsi définies.
S’agissant de la clarté des règles énoncées, les termes des règles de Google Ads et notamment celle de vente de services officiels ou d’articles gratuits, étaient particulièrement clairs ; par ailleurs, il est constant que les résultats d’examens organisés par le service public sont accessibles gratuitement en ligne en France et il a été constaté plus haut que les fiches métiers produites par l’annonceur (exclu de Google Ads) se distinguait peu de celles mises en ligne par le service public, gratuitement.
Aucune ambiguïté ou opacité de la règle Adwords tout comme aucune modification dans l’interprétation de cette règle susceptible de créer une insécurité juridique ou économique ne peut être en conséquence invoquée, les précédents cités par Ulysse s’agissant notamment du service de l’annuaire inversé (Autorité de la concurrence, décision n°19-D26 du 19 décembre 2019) ayant fait l’objet de positions changeantes de Google, ce qui n’est pas rapporté en l’espèce.
De même, à aucun moment Google n’a conseillé à Ulysse des démarches qu’elle aurait ensuite reprochées à cette dernière ou même n’a varié dans ses notifications de manquements. Les informations ont toujours été les mêmes, clairement exposées, à de nombreuses reprises, sur plusieurs années.
S’agissant de la procédure pouvant mener à la suspension du compte de l’annonceur en cas de violation de la politique de contenus AdWords, sauf urgence, l’Autorité de la concurrence a estimé qu’elle devait prévoir au moins deux étapes, dont l’envoi d’un dernier avertissement formel informant l’annonceur de la violation qui lui est reprochée et du risque de suspension de son compte.
En l’espèce, il est suffisamment rapporté comme il a été relevé précédemment, que la suspension des comptes est intervenue à chaque fois dans un second temps, après la suspension provisoire, dans un premier temps, de la publicité concernée.
S’agissant de l’application non discriminatoire des règles et procédures ainsi définies, il n’est pas démontré par Ulysse que d’autres comptes Google Adwords présentant les mêmes irrégularités, n’auraient pour leur part, sur la même période, pas fait l’objet de mesure de suspension, étant retenu que si Google s’emploie à détecter les irrégularités commises par les titulaires de comptes Adwords, elle ne peut, techniquement, du fait de contrôles nécessairement aléatoires, pas toujours les détecter à un instant donné.
Enfin, s’il résulte des dispositions combinées des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce qu’est prohibée l’exploitation abusive par une entreprise d’une position dominante, c’est à la condition que la pratique dénoncée ait pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; or à aucun moment Ulysse n’a prétendu que l’abus allégué pouvait avoir cet objet ou cet effet sur un marché au demeurant non défini.
Pour rappel, aux termes de l’article L420-2 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
L’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose qu’est incompatible avec le marché intérieur et interdit dans la mesure où le commerce entre États membres susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur dans partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitable, ou à appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage à la concurrence.
L’article 102 du TFUE s’applique aux pratiques abusives d’entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et ce de façon sensible. En l’espèce, les pratiques que l’intimée met en cause ont été initiées en Irlande, qui est l’État membre dans lequel les équipes responsables du service AdWords sont implantées, et les règles AdWords sont applicables dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne alors que Google est une entreprise multinationale dont le chiffre d’affaires est important.
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 11 MARS 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/15219 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAOCB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2019 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2015025415
APPELANTE
Société GOOGLE IRELAND LIMITED société enregistrée en Irlande sous le numéro 368047, prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social à […]
[…]
représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER – BEQUET – MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050,
assistée de Me Sébastien PROUST, avocat au barreau de PARIS, toque : G0623
INTIMEE
SARL DISPOFI venant aux droits de la société FRANCE-EXAMEN venant elle-même aux droits de la Société ULYSSE SERVICE, prise en la personne de ses représentants légaux
RCS de TOULOUSE : 493 994 362
ayant son siège social 99, […], les […]
représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050,
assistée de Me Catherine GUIGOU, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Décembre 2021, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de la chambre Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère
Greffier lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par M. Denis ARDISSON, Président de la chambre, et par Mme Emilie POMPON, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties.
Il sera succinctement rapporté que la société Ulysse, créée le 9 juillet 2001, se présente comme ayant pour activité l’édition de services numériques payants à valeur ajoutée fournissant par voie électronique l’accès à des informations associées aux données publiques émanant de services officiels.
Elle exploite en particulier le site internet www.concours-fonction-publique.com, qui permet aux internautes, grâce à un moteur de recherches multicritères (régions, diplômes, niveau du concours, type de concours, filières, centres d’intérêt) d’avoir accès à des informations ciblées et de souscrire à une veille leur permettant d’être informés lors de la mise à jour des informations sur un ou plusieurs concours choisis des trois fonctions publiques (État, territoriale et hospitalière) ainsi qu’à une lettre d’informations. La société Ulysse a édité également le site www.info-resultats-examens.fr qui permettait aux internautes de consulter les résultats des examens, souscrire à un service d’alerte individualisé précédant la diffusion des résultats d’examens, et consulter les corrigés d’épreuves relatifs à ces examens.
Par acte du 31 mars 2017, la société Ulysse a fait l’objet d’une transmission universelle de patrimoine au profit de la société France-Examen, qui a elle-même fait l’objet, depuis la première instance, d’une transmission universelle de patrimoine au profit de la sarl Dispofi.
Google Ireland Limited est la principale filiale européenne de Google LLC, société fondée en 1998 en Californie qui propose aux internautes un service de moteur de recherche. Les recettes du groupe Google sont notamment constituées par la publicité qu’elle diffuse, en particulier par son programme Google AdWords, exploité par Google Ireland Limited en Europe.
Google AdWords (devenu Google Ads depuis) permet aux annonceurs d’associer un ou plusieurs mots clés à leurs annonces, de telle sorte que, lorsqu’un utilisateur fait une requête, s’affichent les résultats de la recherche issus des algorithmes de Google, mais aussi des publicités en ligne, identifiées par le label « Annonces ». Pour utiliser ce service, l’annonceur doit ouvrir un compte Google AdWords, lui permettant d’accéder à une interface à travers laquelle il peut créer et administrer plusieurs sous-comptes gérant des campagnes publicitaires.
Les parties s’opposent sur les conditions de suspension des prestations publicitaires qui ont été notifiées par Google Ireland à Ulysse dans le cadre de deux comptes AdWords n°318-716-8680 et n ° 4 5 5 – 0 2 3 – 1 5 5 3 , r e s p e c t i v e m e n t d é d i é s à l a p r o m o t i o n d e s s i t e s www.concours-fonction-publique.com et www.info-resultats-examens.fr.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 2019 qui a :
– enjoint à la société Google Ireland Limited de maintenir la campagne AdWords n°318-716-8680,
– condamné la société Google Ireland Limited à payer à la Sarl France-Examen venant aux droits de la Sarl Ulysse Service la somme de 30.000 € au titre de dommages et intérêts ;
– condamné la société Google Ireland Limited à payer à la Sarl France-Examen venant aux droits de la Sarl Ulysse Service la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– condamné la société Google Ireland Limited aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44€ dont 13,52 € de TVA.
Vu l’appel interjeté par la société Google Ireland Limited le 23 juillet 2019,
Vu l’article 455 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 18 novembre 2021 pour la société Google Ireland Limited par lesquelles il demande à la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 31 mai 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
– enjoint à la société Google Ireland Ltd de maintenir la campagne adwords n°318-716-8680;
– condamné la société Google Ireland Ltd à payer à la société Dispofi les sommes de 30 000€ à titre de dommages et intérêts et de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– ordonné l’exécution provisoire et débouté la société Google Ireland Ltd de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens de l’instance.
en conséquence, et statuant à nouveau :
– dire que le principe fondamental de la liberté contractuelle permettrait le cas échéant à la société Google Ireland Ltd de résilier le compte adwords (devenu google ads) 318-716-8680 de la société Dispofi (réactivé en 2016), notamment au regard des violations aux dispositions du code de la consommation constatées sur le site www.concours-fonction-publique.com et des règles actuellement en vigueur ;
– constater que Dispofi n’a pas commis de rupture brutale des relations commerciales au sens de l’article l.442-6-i, 5° du code de commerce en vigueur au moment des faits ;
– constater que Google Ireland Ltd n’a pas commis d’abus de position dominante au sens de l’article l420-2 du code de commerce et de l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne ;
– débouter la société Dispofi de toutes ses prétentions et appel incident.
– condamner la société Dispofi, à verser à la société Google Ireland Ltd 100.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 25 octobre 2021 pour la sarl Dispofi par lesquelles elle demande à la cour de :
vu le jugement entrepris rendu par le tribunal de commerce de paris en date du 31 mai 2019
vu les articles l. 420-2, l.481-1 à 3 du code de commerce et l. 442-6 i 5° du code de commerce,
vu l’article 1382 du code civil,
vu l’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’union européenne,
vu la décision de l’autorité de la concurrence n°19-d-26 du 19 décembre 2019,
vu la jurisprudence,
vu les pièces versées aux débats,
– débouter la société google ireland limited de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– confirmer le jugement entrepris en ce que, sur le fondement de la rupture brutale par google ireland des contrats adwords n°455-023-1553 et n°318-716-8680 pour les sites de la société Dispofi, venant aux droits de la société france examen, venant aux droits de la société Ulysse Service, il a :
– « enjoint à la société google ireland limited de maintenir la campagne adwords n°318-716-8680 ;
– condamné la société google ireland limited à payer à la sarl France-examen venant aux droits de la sarl Ulysse Service la somme de 20.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société la société google ireland limited aux entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 82,44 € dont 13,52 € de tva »
le reformer pour le surplus,
statuant a nouveau et y ajoutant :
– dire et juger que la société Google Ireland Ltd occupe une position dominante sur le marché de la publicité en ligne liée aux moteurs de recherches,
– dire et juger que la société Google Ireland Ltd a abusé de sa position dominante en en édictant des règles ni transparentes ni objectives et les appliquant de manière aléatoire, arbitraire et discriminatoire,
– dire et juger que l’abus de Google Ireland Ltd a eu un effet anticoncurrentiel sur le marché lié à la fourniture d’informations associées aux services officiels au détriment des sites www. concours-fonction-publique.com et www.info-résultats-examen.com édités par la société Dispofi, venant aux droits de la société France examen, venant aux droits de la société Ulysse Service,
– dire et juger que Google Ireland Ltd, en désactivant brutalement les campagnes adwords n°455-023-1553 et n°318-716-8680 relatives aux sites www.concours-fonction-publique.com et www.info-résultats-examen.com édités par la société Dispofi, venant aux droits de la société france examen, venant aux droits d’Ulysse Service, s’est rendue coupable de ruptures brutales et d’abus de position dominante,
– dire et juger que Google Ireland Ltd a directement causé à la société Dispofi, venant au droit de la société france examen, venant aux droits d’Ulysse Service, divers chefs de préjudice, dont Google Ireland Ltd doit réparation.
en conséquence,
– condamner la société Google Ireland Ltd à compenser la perte de marge causée par les années de désactivations successives et intempestives des deux campagnes adwords, en versant à la société Dispofi, venant aux droits de la société France-examen, venant aux droits de la société Ulysse Service, la somme de 575 386 €,
– condamner la société Google Ireland Ltd à compenser le manque à gagner subi des suites de l’arrêt d e l ‘ a c t i v i t é d e s d e u x s i t e s w w w . c o n c o u r s – f o n c t i o n – p u b l i q u e . c o m e t www.info-résultats-examen.com à compter de 2016 et causé par les pratiques abusives de Google Ireland Ltd, en versant à la Dispofi, venant aux droits de la société France-examen, venant aux droits de la société Ulysse Service, la somme de 960.282 €,
– condamner la société Google Ireland Ltd à régler à la société Dispofi, venant aux droits de la société France-examen, venant aux droits de la société Ulysse Service, la somme de 20.000 €, au titre du préjudice financier résultant du temps consacré par son personnel à la gestion du différend avec Google Ireland Ltd,
– condamner la société Google Ireland Ltd à régler à la société Dispofi, venant aux droits de la société France-examen, venant aux droits de la société Ulysse Service, la somme de 100.000 €, au titre de son préjudice moral,
en tout état de cause,
– condamner la société Google Ireland Ltd à payer à la société Dispofi, venant aux droits de la société France-examen, venant aux droits de société Ulysse Service, la somme de 20.000 € au titre d’une indemnité de procédure en cause d’appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.
Vu l’ordonnance de clôture du 18 novembre 2021,
SUR CE, LA COUR,
Pour souscrire au service Google AdWords un annonceur doit suivre une procédure d’inscription (pièce 1 Google) au cours de laquelle il doit en accepter les conditions générales. Ces conditions générales AdWords, que la société Ulysse ne conteste pas avoir acceptées, déterminent les relations contractuelles liant Google et l’annonceur.
La société Ulysse éditait à l’époque des faits :
1. le site Internet www.concours-fonction-publique.com proposant aux internautes, contre rémunération, de consulter les modalités pratiques de différents concours de la fonction publique organisés par l’État, les collectivités territoriales et administrations publiques. Les informations publiées sur ce site, accessibles gratuitement sur les sites officiels des administrations organisatrices de ces concours ou sur la plateforme gouvernementale www.fonction-publique.gouv.fr , offrent en outre différentes formules payantes pour l’accès à des fiches concours rédigées par Ulysse. La promotion de ce site était assurée par le biais du compte Adwords n°318-716-8680 depuis son ouverture en 2010.
Google Ireland invoquant à plusieurs reprises, entre juin 2012 et jusqu’à ce jour, que le site www.concours-fonction-publique.com ne respectait pas plusieurs Règles AdWords et notamment :
* La règle relative à la « vente de services officiels et d’articles gratuits », et
* La Règle en matière de « facturation douteuse »,
a procédé à trois désactivations temporaires et provisoires de la campagne publicitaire :
* la première entre le 5 décembre 2012 et le 3 janvier 2013, la suspension ayant pris fin suite aux modifications apportées par la société Ulysse à la présentation de son site,
* la seconde entre le 6 janvier 2014 et le 5 mars 2014, le compte ayant été réactivé consécutivement à de nouvelles modifications,
* la troisième et dernière suspension le 23 juin 2014. Le compte a été réactivé par Google en janvier 2016, à la suite de la saisine du tribunal.
2. le site www.info-resultats-examens.fr, lequel fournissait aux internautes l’accès aux résultats officiels des examens tels que le baccalauréat, brevet, BEP, CAP, BTS etc. et facturait leur envoi par SMS ou par mail. La promotion de ce site a été assurée par le biais du compte AdWords n°455-023-1553 et ce, à compter de son ouverture en juin 2007 et jusqu’en octobre 2015,date à laquelle Google l’a suspendu pour manquement aux règles AdWords.
Google invoquant en effet des manquements aux Règles AdWords a désactivé temporairement les campagnes pour ce site à trois reprises :
* La première désactivation est intervenue du 28 juin 2012 au 3 juillet 2013 au motif d’une violation de la règle relative à la vente de services gratuits ou officiels,
* la seconde désactivation est intervenue du 24 juin 2014 au 3 juillet 2014 au motif de la violation de la règle relative à la facturation douteuse ;
* La troisième désactivation est intervenue le 7 juillet 2015, au motif de la violation de la règle relative à la vente de services gratuits, et de la violation des dispositions du code de la consommation. Selon Google l’intimée n’en a jamais demandé la réactivation.
Sur la rupture des relations commerciales établies
Aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure.
En l’espèce il n’est pas contesté que les parties étaient reliées par une relation contractuelle depuis 2006, laquelle revêtait un caractère suivi, stable et habituel consistant dans les campagnes Adwords souscrites par Ulysse, Google étant rémunérée pour ce service de manière continue.
Les parties s’accordent également sur l’absence de préavis précédent les suspensions des campagnes publicitaires litigieuses.
Si le tribunal de commerce a retenu une rupture brutale en retenant qu’une suspension du service équivalait à une « suppression totale du service pendant la période où ce service était le plus utile à France Examen », et en déplorant l’absence d’un préavis de 4 jours permettant à Ulysse de se mettre en conformité avec les conditions générales Adwords, Google fait valoir que ces désactivations provisoires dans l’attente d’une mise en conformité ne peuvent être qualifiées de ruptures brutales.
Il ressort des conditions générales Adwords (pièce 1 Google) applicables qu’une liste de règles à respecter, avec renvoi à chacune de ces règles par un lien hypertexte.
Parmi celles-ci, la règle « vente de services officiels et d’articles gratuits » (pièce 1 page 98) indique que « Google Adwords n’autorise pas la promotion de la vente d’articles ou de services qui sont disponibles gratuitement ailleurs » ni « la vente de formulaires ou de services gouvernementaux qui sont disponibles gratuitement ou à moindre coût sur un site officiel ou gouvernemental » tout en précisant qu’elle a « créé cette règle afin d’empêcher que les utilisateurs soient trompés ». Suit la précision que Google « autorise la promotion de sites facturant des frais pour des services associés à des produits ou services disponibles gratuitement ailleurs ou associés à (‘) des services officiels à la conditions que les informations suivantes soient présentées ensemble sur toutes les pages de destination, de manière bien visible au-dessus de la ligne de flottaison :
– le site indique clairement si l’annonceur est affilié ou non avec l’organisme gouvernemental, la source officielle ou la source gratuite,
– le site indique que les produits, services ou formulaires sont disponibles gratuitement auprès de l’organisme gouvernemental, de la source officielle ou gratuite (‘)
– le site doit décrire les services supplémentaires proposés par rapport à l’organisme gouvernemental, à la source officielle ou gratuite. En d’autres termes les annonceurs ne doivent pas donner une fausse idée de la valeur ajoutée qu’ils apportent en mettant en avant des fonctionnalités ou des services disponibles gratuitement auprès de la source officielle,
– vos annonces et pages de destination ne peuvent pas promouvoir des services qui offrent peu ou pas de valeur ajoutée pour l’utilisateur par rapport au processus de demande d’origine, automatisé ou officiel en ligne ».
Les sanctions en cas de non-respect de chacune de ces règles (Pièce n°1, Annexes 18 et suivantes) sont également clairement prévues dans les conditions générales et reprises sous chacune des règles, sous le titre « Que se passe-t-il si je ne respecte pas ces règles’ »
– Refus d’une annonce: les annonces qui ne respectent pas ces règles sont susceptibles d’être refusées. Lorsqu’une annonce est refusée, elle ne peut être diffusée tant que le problème de non-conformité n’a pas été résolu et tant qu’elle n’a pas été approuvée.
– Désactivation du domaine: Google peut interdire aux sites Web qui ne respectent pas ces règles de diffuser des annonces AdWords. En d’autres termes, le site Web ne peut plus faire l’objet d’une publicité AdWords tant que le problème n’a pas été résolu.
– Suspension du compte: votre compte peut être suspendu si vous enfreignez nos règles à plusieurs reprises ou de façon particulièrement grave. Dans ce cas, nous cessons la diffusion de toutes les annonces du compte concerné. Il est également possible que nous n’acceptions plus aucune publicité de votre part. Tous les comptes connexes peuvent être également suspendus de façon définitive. En outre, si vous créez un autre compte, il pourra être suspendu dès son ouverture ». Un lien hypertexte renvoie à « En savoir plus sur la suspension des comptes ».
Les notifications faites par Google à Ulysse en l’espèce, pour ses deux sites, ont toutes revêtu la même forme (pièces 1, 3, 6, 18 Ulysse, pièce 41 Google) :
– en premier lieu, est indiqué « nous vous informons qu’un de vos sites ne respecte pas nos règles en matière de publicité »,
– en second lieu, est notifié le fait qu’aucune des annonces pointant vers ce site n’est plus diffusée et que toute nouvelle annonce redirigeant vers celui-ci sera refusée : cette notification est donc celle de la désactivation d’une annonce et non la suspension du compte Adwords lui-même,
– en troisième lieu, Google détaille les instructions à mettre en oeuvre pour corriger le site et obtenir la réactivation de l’annonce, en précisant :
* le site concerné,
* la règle non respectée, en l’espèce « vente d’articles gratuits et de services officiels » ou la « pratique de facturation douteuse » avec un lien renvoyant à ces règles dans les conditions générales AdWords,
* les modalités de renvoi du site corrigé pour obtenir la réactivation de l’annonce,
* l’avertissement que le non-respect répété des règles en matière de publicité peut aboutir à la suspension du compte AdWords,
* les modalités de contact du service d’assistance.
Il ressort effectivement de la comparaison des fiches concours ou métiers établies par la société Ulysse sur son site payant et des fiches concernant les mêmes concours ou métiers établies par les sites gouvernementaux gratuits, que celles-ci sont quasi identiques, les informations données étant les mêmes, parfois présentées dans un ordre différent et les tableaux en couleurs publiés sur les sites gouvernementaux n’étant pas repris par Ulysse (pièce 8 Google pour la fiche concours directeur des services pénitentiaires et pièce 10 Google pour la fiche concours greffier).
Il en est de même pour la règle « pratiques de facturation douteuses » clairement prescrite dans les conditions générales AdWords (pièce 1 Google annexe 65) en prévoyant notamment que les moyens de paiement ne pouvaient pas faire l’objet d’une présélection et que le consentement exprès de l’internaute aux conditions tarifaires devait se faire de façon positive par l’intermédiaire, par exemple, d ‘ u n e c a s e à c o c h e r , e t n o n d ‘ u n e c a s e p r é – c o c h é e c o m m e l e p r é s e n t a i t l e s i t e concours-fonction-publique.com de la société Ulysse en pré-cochant sur l’accès aux fiches du concours la case « abonnement hebdomadaire par carte bancaire ». Par ailleurs,il résulte des mentions du site www.info-resultats-examens.fr que le paiement « Internet plus » par double clic était actif et entraînait un débit directement sur la facture du fournisseur d’accès Neuf-CI, X, Neuf Cegetel, Neuf, Free ou Orange (pièce 26 Google). Cette modalité de paiement, le plus souvent activée par défaut par la plupart des fournisseurs d’accès à internet concernés, comportait le risque de réaliser des achats sans l’avoir véritablement voulu (article MacGénération 5/10/21, Pièce 57 Google).
Ces infractions présentaient bien les caractéristiques d’une pratique commerciale trompeuse.
Lors de ces premières notifications, ce ne sont pas les comptes AdWords d’Ulysse qui ont été suspendus mais la seule activation des publicités renvoyant sur le site et ce temporairement, le temps d’une mise en conformité du site selon les recommandations prescrites. L’objet des notifications alors adressées est clair : « Votre compte Adwords : annonces non diffusées en raison d’un problème relatifs aux règles AdWords en matière de publicité ».
Ce n’est que dans un second temps qu’une notification était adressée à l’annonceur pour l’informer du « risque de suspension » de son compte Adwords suite à des infractions répétées aux conditions générales AdWords (pièce 7 Ulysse) ; cette notification portait en objet un avertissement clair : « Avertissement urgent : votre compte AdWords risque d’être suspendu ».
Par ailleurs, Ulysse a alors eu accès à une assistance personnalisée comme il apparaît des échanges de mails entre Google et Ulysse notamment en juin 2014 ; Google a clairement indiqué les modifications à apporter en rappelant tout d’abord la règle AdWords en cause (« le site indique clairement si l’annonceur est affilié avec l’organisme gouvernemental, la source officielle ou la source gratuite »), en précisant ensuite que le site d’Ulysse concerné ne portait ces indications qu’en descendant dans le menu déroulant et non en haut de page soit de manière peu claire, et en demandant ensuite à Ulysse de résumer en 3 points la plus-value de son site tout en lui fournissant un exemple de résumé (page 9 de la pièce 18 Google). La règle relative à l’indication de l’affiliation à un site gouvernemental ou non, ainsi qu’à l’indication de la source officielle ou gratuite, « sur toutes les pages de destination, de manière bien visible et au-dessus de la ligne de flottaison » est inscrite dans les conditions générales telles qu’imprimées par Ulysse encore en janvier 2014 soit bien avant ce rappel (pièce 11 Ulysse).
L’existence de cette règle est d’ailleurs relevée par l’Autorité de la concurrence dans sa décision 15-D-13 du 9 septembre 2015 en ces termes (§119) : « Avant septembre 2014, la facturation de frais pour des services normalement gratuits faisait l’objet de règles spécifiques et détaillées précisant que (…) » ; suit l’énonciation des règles, notamment 4, déjà rappelées plus haut citant la pièce 1 Google page 98.
Or les notifications reçues par Ulysse renvoyaient à la règle enfreinte par un lien hypertexte, et suite à chaque avertissement, Google n’a réactivé la campagne publicitaire que conséquemment à la modification des sites gérés par Ulysse comme cela relève des échanges par mail produits (pièces 40 Google, pièces 35 à 40 Ulysse).
Il ressort de ces mêmes échanges que tout au long de ces procédures, Google est restée disponible et a répondu à l’ensemble des questions d’Ulysse, de manière personnalisée et rapide (pièce 18 Google).
Déjà en décembre 2012 (pièce 40 Google) et juin 2013 (pièces 35, 36, 37, 38, 39 Ulysse) Google avait clairement indiqué à de nombreuses reprises à Ulysse qu’elle devait préciser sur ses sites si elle était ou non affiliée à un site gouvernemental ou officiel ou gratuit et que l’accès à ces services gratuits était disponible auprès du gouvernement. Google indiquait par exemple : « le retour de notre équipe éditoriale est formel : tout site proposant de façon payante un service gratuit, (qu’il représente la totalité de l’offre ou simplement une partie de celle-ci) doit spécifier clairement qu’un site gouvernemental offre le même service ou une partie de celui-ci gratuitement » (pièce 40 Google). Il ressort de ces mêmes échanges, particulièrement détaillés (pièces 33, 35 Ulysse) et répétés (pièces 35 à 39 Ulysse) qu’Ulysse avait alors, au moins à deux reprises déjà, rajouté le lien vers le site du gouvernement pour se mettre en conformité avec cette règle des conditions générales AdWords (pièce 40 Google, pièces 36 et 40 Ulysse).
Ainsi, contrairement à ce qu’indique l’intimée, les suspensions litigieuses de ses annonces par Google lui étaient clairement intelligibles, du fait de la clarté des conditions générales Adwords sur les infractions reprochées, mais également de la clarté des notifications reçues, et des précédents absolument identiques depuis 2012 sur ces mêmes points. Par ailleurs, Ulysse ne peut valablement soutenir que Google a « validé » comme conformes les campagnes de publicité qu’elle lançait en 2006 ou en 2007 pour ses deux sites, alors qu’elle n’en rapporte pas la preuve et que l’inscription à Google AdWords se fait automatiquement, les contrôles de Google étant ensuite aléatoires sur le respect des conditions générales AdWords par ses annonceurs.
Les interruptions successives du flux des données ont eu pour effet de priver les deux sites gérés par Ulysse de la faculté d’apparaître dans les résultats de recherches sur Google : si ces circonstances constituent une rupture, celle-ci ne peut être qualifiée de brutale dans la mesure où l’interruption du flux des données a consisté en une suspension temporaire, le rétablissement de celui-ci étant conditionné par le respect des conditions générales Adwords visées par la notification de la suspension, alors que l’accès universel, instantané et continu des services numériques sur Internet justifie que les opérateurs en subordonnent l’offre à la condition contractuelle d’interrompre immédiatement l’hébergement ou le référencement de ces services si leur contenu est susceptible de porter atteinte à l’ordre public, en particulier en cas de publicité trompeuse, de sorte que ces conditions de suspension, qui sont énoncées aux conditions générales de Google de manière claire et précise, ne peuvent être qualifiées de rupture brutale sous prétexte de l’absence d’un préavis de 4 jours, alors que ces règles avaient fait l’objet de multiples rappels depuis plusieurs années et qu’au demeurant à aucun moment Ulysse n’a déféré aux préconisations de Google pour les respecter dans ce délai de 4 jours.
Les demandes de ce chef seront donc rejetées et le jugement en conséquence infirmé sur ce point.
Sur l’abus de position dominante
Aux termes de l’article L420-2 du code de commerce dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées.
L’article 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) dispose qu’est incompatible avec le marché intérieur et interdit dans la mesure où le commerce entre États membres susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante sur le marché intérieur dans partie substantielle de celui-ci. Ces pratiques abusives peuvent notamment consister à imposer de façon directe ou indirecte des prix d’achat ou de vente ou d’autres conditions de transaction non équitable, ou à appliquer à l’égard de partenaires commerciaux des conditions inégales à des prestations équivalentes en leur infligeant de ce fait un désavantage à la concurrence.
L’article 102 du TFUE s’applique aux pratiques abusives d’entreprises qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et ce de façon sensible. En l’espèce, les pratiques que l’intimée met en cause ont été initiées en Irlande, qui est l’État membre dans lequel les équipes responsables du service AdWords sont implantées, et les règles AdWords sont applicables dans l’ensemble des États membres de l’Union européenne alors que Google est une entreprise multinationale dont le chiffre d’affaires est important.
Toutefois, la position dominante que Google est susceptible d’occuper sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches n’implique pas à elle seule, au regard du droit de la concurrence, une obligation pour Google d’ouvrir son service AdWords à toute activité au seul motif que celle-ci ne serait pas interdite par les lois et règlements du pays dans lequel s’exerce cette activité, comme l’a rappelé l’Autorité de la concurrence dans sa décision 10-MC-01 du 30 juin 2010.
Par ailleurs la politique de contenus Adwords, guidée dans les règles sus-rappelées par l’objectif de protéger les intérêts des consommateurs en évitant à l’internaute de payer pour des services gratuits, de surcroît garantis par un service public d’État, apparaît objectivement justifiée. L’adoption d’une telle politique ne présente donc pas un caractère anticoncurrentiel et relève de l’exercice légitime de la liberté commerciale de Google, comme l’a déjà également souligné l’Autorité de la concurrence (décision 13-D-07 du 28 février 2013 E-Kanopi).
Toutefois, la liberté dont dispose Google pour définir sa politique de contenu Adwords n’exonère pas cette entreprise de l’obligation de mettre en oeuvre cette politique dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires.
Dans sa décision 10-MC-01 du 30 juin 2010 l’Autorité de la concurrence a précisé que Google devait à ce titre notamment respecter les obligations suivantes :
– définir des règles générales et dénuées d’ambiguïté,
– informer clairement les annonceurs de leur existence, et, le cas échéant, faire évoluer ces règles en informant de façon également claire les annonceurs, en leur laissant un préavis suffisant avant leur entrée en vigueur,
– définir une procédure de contrôle et de suspension des comptes, également objective et transparente,
– garantir une application non discriminatoire des règles et procédures ainsi définies.
S’agissant de la clarté des règles énoncées, il a été rappelé que les termes des règles invoquées en l’espèce et notamment celle de vente de services officiels ou d’articles gratuits, étaient particulièrement clairs ; par ailleurs, il est constant que les résultats d’examens organisés par le service public sont accessibles gratuitement en ligne en France et il a été constaté plus haut que les fiches métiers produites par Ulysse se distinguait peu de celles mises en ligne par le service public, gratuitement. Aucune ambiguïté ou opacité de la règle Adwords tout comme aucune modification dans l’interprétation de cette règle susceptible de créer une insécurité juridique ou économique ne peut être en conséquence invoquée, les précédents cités par Ulysse s’agissant notamment du service de l’annuaire inversé (Autorité de la concurrence, décision n°19-D26 du 19 décembre 2019) ayant fait l’objet de positions changeantes de Google, ce qui n’est pas rapporté en l’espèce. De même, à aucun moment Google n’a conseillé à Ulysse des démarches qu’elle aurait ensuite reprochées à cette dernière ou même n’a varié dans ses notifications de manquements. Les informations ont toujours été les mêmes, clairement exposées, à de nombreuses reprises, sur plusieurs années.
S’agissant de la procédure pouvant mener à la suspension du compte de l’annonceur en cas de violation de la politique de contenus AdWords, sauf urgence, l’Autorité de la concurrence a estimé qu’elle devait prévoir au moins deux étapes, dont l’envoi d’un dernier avertissement formel informant l’annonceur de la violation qui lui est reprochée et du risque de suspension de son compte. En l’espèce, il est suffisamment rapporté comme il a été relevé précédemment, que la suspension des comptes est intervenue à chaque fois dans un second temps, après la suspension provisoire, dans un premier temps, de la publicité concernée.
S’agissant de l’application non discriminatoire des règles et procédures ainsi définies, il n’est pas démontré par Ulysse que d’autres comptes Google Adwords présentant les mêmes irrégularités, n’auraient pour leur part, sur la même période, pas fait l’objet de mesure de suspension, étant retenu que si Google s’emploie à détecter les irrégularités commises par les titulaires de comptes Adwords, elle ne peut, techniquement, du fait de contrôles nécessairement aléatoires, pas toujours les détecter à un instant donné. S’il ressort d’un mail d’Ulysse à Google du 2 juillet 2013 (pièce 21 Ulysse) que celle-ci s’est étonnée que d’autres sites d’informations sur les résultats des examens, qu’elle nomme alors, ne respectent pas non plus les conditions générales AdWords tout en ne faisant pas l’objet d’une suspension, aucune pièce n’est produite par Ulysse pour rapporter la preuve de ce qu’elle alléguait dans ce mail.
Enfin, s’il résulte des dispositions combinées des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce qu’est prohibée l’exploitation abusive par une entreprise d’une position dominante, c’est à la condition que la pratique dénoncée ait pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché ; or à aucun moment Ulysse n’a prétendu que l’abus allégué pouvait avoir cet objet ou cet effet sur un marché au demeurant non défini.
Partant l’intimée sera déboutée de ses demandes de ce chef également.
En conséquence de ce qui précède, l’intimée sera déboutée de l’ensemble de ses demandes indemnitaires à quelque titre que ce soit, et d’injonction à maintenir sa campagne AdWords, le jugement étant ainsi infirmé dans toutes ses dispositions.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement étant infirmé en toutes ses dispositions il le sera également en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles en première instance, les dépens de la première instance étant mis à la charge de Dispofi.
En cause d’appel, Dispofi, déboutée, sera condamnée aux dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile, ainsi qu’à payer à Google Ireland Limited la somme globale de 20.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement dans toutes ses dispositions, en ce comprises celles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles,
Y ajoutant,
Condamne la sarl Dispofi aux dépens de la première instance et de l’appel,
Condamne la sarl Dispofi à payer à la société Google Ireland Limited la somme globale de 20.000 euros (vingt mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président