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Il est de jurisprudence constante que les messages du salarié adressés via les réseaux sociaux, y compris diffusés en « mode privé » peuvent être utilisés comme mode de preuve, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, si l’employeur n’a pas eu recours à un stratagème pour recueillir une telle preuve.
En l’espèce, il n’est argué ni démontré un stratagème de la part de l’employeur auquel les propos du salarié ont été rapportés, les vidéos en cause étaient parfaitement recevables s’agissant d’un accès public.
Par ailleurs, s’agissant de l’atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée invoquée par le salarié, aux termes des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code civil et de l’article 9 du code de procédure civile, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à condition toutefois que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi.
S’agissant d’un message diffusé volontairement en mode public par le salarié sur un réseau social, aucune atteinte n’a été portée à la vie privée du salarié.
Sur la teneur des propos tenus par le salarié sur Instagram, s’agissant de la liberté d’expression, il résulte de l’article L. 2281-3 du code du travail que le salarié jouit dans l’entreprise et à l’extérieur, de sa liberté d’expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.
Toutefois, des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs peuvent caractériser un abus par le salarié de sa liberté d’expression.
En l’occurrence, le salarié admet avoir tenu, au cours de vidéos postées sur son compte INSTAGRAM, les propos suivants sont tenus durant une vidéo de 2 minutes 28 dont la cour a pris connaissance via un support USB produit par le salarié :
[La société RITUALS] s’amuse à offrir des cadeaux pour les lutins » à propos de la taille du rouge à lèvres contenu dans la case n° 21 du Calendrier de l’Avant, « Le ridicule est à son comble [‘] ça fait tellement pitié [‘] la plus grosse blague de tout ce calendrier », « En fait je suis trop choqué je sais même pas quoi dire tellement je trouve ça ridicule » ; « Mais attendez mais ça c’est quoi ‘! On dirait un truc de petit enfant de 5 ans qui va jouer à faire du maquillage, comme sa maman ».
A l’image, le salarié présente le rouge à lèvre en question à côté d’une boîte de rouge à lèvre « taille normal » pour montrer la petite taille du produit.
Il ajoute ensuite à l’intention des personnes regardant la vidéo: « n’achetez pas le calendrier de l’avant l’année prochaine [à cause du] marketing de ce truc » ; « Mais ‘ nan mais c’est une blague ! C’est trop une blague ! Je’ On arrive vers Noël là, normalement les cadeaux doivent être beaucoup plus intéressants, et on nous donne ça ! Mais qu’est-ce qu’on va avoir le 24 sérieux ‘! Le 24 là tout en haut mais je sais pas ce qu’on va avoir mais à mon avis on va avoir des autocollants ». Il précise en outre que, même s’il travaille pour RITUALS, qu’il est vendeur, il n’est pas là pour vendre un calendrier celui-là dont le marketing est selon lui très mauvais.
Le salarié, exerçant au sein de l’entreprise les fonctions de vendeur, ne peut contester que ces vidéos, publiées en mode public à la période des fêtes, par lesquelles il déconseille d’acheter le calendrier de l’avent de l’année prochaine, mais encore critique ouvertement celui de l’année en cours, sont dénigrantes et préjudiciables à la société qui l’emploie et dépassent le cadre de sa liberté d’expression.
Il n’est au surplus pas contesté que, lors de sa prise de fonction, il a signé un contrat de travail lui imposant notamment de « respecter les principes » de la marque mais encore s’était engagé à respecter une clause de loyauté envers la société et à « agir au mieux des intérêts » de celle-ci. Par conséquent nonobstant l’absence d’antécédent disciplinaire, ce comportement fautif constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Aux termes des dispositions des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié.
Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.si un doute subsiste, il profite au salarié. Le caractère fautif d’un comportement imputable à un salarié n’est pas subordonné à l’existence d’un préjudice subi par l’employeur.
Il est de principe que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs et au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans cette lettre.
Il convient de rappeler à titre liminaire que la faute simple n’oblige pas l’employeur à faire cesser immédiatement le contrat de travail, elle peut justifier une sanction disciplinaire. La faute grave, pour laquelle l’employeur doit agir dans un délai restreint à partir du moment où il a connaissance des faits fautifs, dans la limite du délai de prescription de 2 mois, suppose que l’employeur ne peut pas maintenir le salarié dans l’entreprise, même temporairement et enfin la faute lourde est une faute d’une particulière gravité, révélant une intention de nuire du salarié à l’encontre de l’entreprise et de l’employeur. La faute lourde justifie la rupture immédiate du contrat de travail.
Il s’ensuit que l’employeur qui envisage de licencier un salarié pour faute simple, n’est pas obligé de prononcer une sanction disciplinaire telle une mise à pied et il est tenu d’entamer la procédure
N° RG 21/00445
N° Portalis DBVM-V-B7F-KW5L
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Khayra BELHADI-DIALLO
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 29 NOVEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG F 19/00298)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VIENNE
en date du 14 décembre 2020
suivant déclaration d’appel du 20 janvier 2021
APPELANT :
Monsieur [P] [X]
né le 26 Février 1999 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Khayra BELHADI-DIALLO, avocat au barreau de VIENNE,
INTIMEE :
S.A.S. RITUALS COSMETICS FRANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE,
et par Me Sabine DE PAILLERETS-MATIGNON de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS, substituée par Me Jessica PRECLOUX, avocat au barreau de LYON,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gaëlle BARDOSSE, Conseillère,
Madame Isabelle DEFARGE, Conseillère,
DÉBATS :
A l’audience publique du 19 septembre 2022,
Mme Gaëlle BARDOSSE, Conseillère chargée du rapport, et Mme Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, ont entendu les parties en leurs conclusions et observations, assistées de Mme Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 29 novembre 2022, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 29 novembre 2022.
Exposé du litige :
M. [X] a été embauché le 19 Avril 2018 selon contrat de travail à durée indéterminée par la SAS RITUALS COSMETICS France en qualité de conseiller de Vente.
Il a été licencié le 13 Février 2019 pour cause réelle et sérieuse.
Le 1er Mars 2019, il a demandé des précisions sur son licenciement.
M. [X] a saisi le Conseil de prud’hommes de Vienne le 26 août 2019 aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement du 14 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Vienne a :
Dit et jugé que le licenciement de M. [X] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Dit et jugé que M. [X] ne rapporte la preuve d’une exécution déloyale de son contrat de travail par la SAS RITUALS COSMETICS France,
Dit et jugé que la SAS RITUALS COSMETICS France a tardé dans la remise des documents de rupture à M. [X].
En conséquence,
Débouté M. [X] de ses demandes relatives :
Aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
Condamné la SAS RITUALS COSMETICS France à verser à M. [X] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de rupture,
Rappelé que les intérêts au taux légal sont de droit à compter de la date de convocation de la partie défenderesse à la première audience (signature de l’avis de réception) sur les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé du jugement pour les dommages et intérêts,
Condamné la SAS RITUALS COSMETICS France à verser à Maître Khayra BELHADIDIALLO la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 alinéa 2 du Code de procédure civile, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale, si dans le délai de 12 mois à compter de la notification de la présente décision elle parvient à recouvrer cette somme,
Condamné la SAS RITUALS COSMETICS France aux entiers dépens de l’instance,
Ordonné l’exécution provisoire.
La décision a été notifiée aux parties et M. [X] en a interjeté appel.
Par conclusions du 16 avril 2021, M. [X] demande à la cour d’appel de :
Réformer le jugement du 14 décembre 2020 en ce qu’il a dit et jugé que le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de ses demandes relatives aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence, statuer à nouveau,
Dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence, condamner la société RITUALS COSMETICS FRANCE à lui verser la somme de 9 619 euros au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner la Société RITUALS à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner la Société RITUALS aux entiers dépens.
Par conclusions en réponse et d’appel incident du 13 juillet 2021, la SAS RITUALS COSMETICS FRANCE demande à la cour d’appel de :
Sur l’appel incident,
A titre principal,
Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Vienne du 14 décembre 2020 en ce qu’il a :
Dit et jugé que le licenciement de M. [X] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
Débouté M. [X] de sa demande relative aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour de Céans venait infirmer le jugement de première instance en considérant que le licenciement de M. [X] est dépourvu de cause réelle et sérieuse et venait à entrer en voie de condamnation à l’égard de la Société RITUALS, limiter les montants des condamnations à de plus justes proportions,
Sur l’appel incident,
Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Vienne du 14 décembre 2020 en ce qu’il a condamné la Société RITUALS à verser à M. [X] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts pour retard dans la remise des documents de rupture,
Jugeant de nouveau
Débouter M. [X] de sa demande financière formulée au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,
En tout état de cause :
Condamner M. [X] à verser la somme de 2 500 euros à la Société RITUALS sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance et de l’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 06 septembre 2022.
Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter à leurs écritures susvisées.
SUR QUOI :
Sur le bien fondé du licenciement :
Moyens des parties,
La société RITUALS COSMETICS France expose que le licenciement est fondé sur la faute du salarié et expose que :
Le 21 et le 23 décembre 2018, il a publié des vidéos sous forme de « stories », sur son compte public via le réseau social INSTAGRAM, au sein desquelles il présentait lui-même certains produits de la marque RITUALS qui composaient le calendrier de l’Avent RITUALS de manière dénigrante et peu flatteuse,
Ces critiques formulées à l’encontre des produits de la marque sont manifestes et il ne peut tenter d’éluder la réalité de ses manquements en arguant de prétendus traits d’humour,
Il ne peut pas non plus se prévaloir de la liberté d’expression en dehors du temps de travail car les remarques et critiques à l’égard des produits commercialisés par la Société RITUALS, ainsi que leur publicité, ont un lien manifeste avec l’activité professionnelle du salarié et constituent donc une violation de ses obligations contractuelles ayant causé un préjudice certain à la Société puisque les propos du salarié étaient tenus sur un profil public,
Le Conseil de prud’hommes n’avait pas à rechercher et à caractériser un trouble puisque le salarié a été licencié pour faute simple en raison du caractère abusif des propos tenus sur un réseau social public et par le manquement à son obligation de loyauté,
Dans les mêmes vidéos du mois de décembre 2018, le salarié a dévoilé sur son compte INSTAGRAM des informations relatives au licenciement d’une salariée et aux faits associés à son licenciement et s’est également plaint des « clients relous » et violé son obligation de discrétion même si le nom de la salariée n’a pas été révélée,
Il a ainsi violé les dispositions du règlement intérieur mais encore celles inscrites à son contrat de travail.
M. [X] fait valoir que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et expose que :
Il a été sanctionné pour avoir tenu sur son compte INSTAGRAM, donc en dehors du temps du travail ; Ces propos pris en dehors de leur contexte ne reflètent nullement ses propres réflexions et ne pouvaient en aucune manière justifier la rupture disciplinaire de son contrat de travail,
Le Conseil de prud’hommes n’a pas apprécié les propos in concreto ou encore indiqué l’étendue de sa liberté d’expression. Ils relèvent de sa vie privée puisqu’ils ont été tenus en dehors du temps et du lieu de travail, la société RITUALS COSMETICS s’est contenté en première instance d’invoquer que ces propos éphémères ont causé un trouble objectif au sein de l’entreprise sans le caractériser, aucune incidence commerciale négative de cette diffusion n’a été démontrée en première instance,
L’absence de trouble est démontrée par le fait qu’entre le moment où il « a posté » ses vidéos et le moment où il a été licencié, il s’est écoulé presque deux mois, pendant lesquels l’entreprise l’a laissé travailler, être au contact des clients et, même, ouvrir la boutique seul par certains moments,
Il n’avait fait l’objet d’aucun antécédent disciplinaire. Le fait que l’employeur n’ait pas eu recours à une mise à pied conservatoire est donc révélatrice du degré tout relatif de gravité des faits reprochés,
Les propos publiés exprimaient un sentiment d’insatisfaction face à un produit du calendrier de l’avent de la marque et non un dénigrement de l’entreprise. Le lendemain de « la story » concernant le rouge à lèvre, il a mentionné à sa manager qui ne possédait pas de compte INSTAGRAM, qu’il était déçu par la taille du produit et il n’a pas été mis en garde par son manager sur la potentielle gravité de ses propos sur le réseau social, celle-ci émettant simplement un avis contraire au sien,
Il n’était pas tenu à un devoir renforcé de réserve, il s’agit d’actes isolés qui se sont produits seulement 2 fois à une période de fêtes de fin d’année où l’activité commerciale est importante et fatigante, tout au long du mois de décembre, il existait un challenge par semaine et par région,
Aucun propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l’encontre de l’entreprise, de ses dirigeants ou encore, de ses collègues de travail n’a été porté de sorte qu’il n’y a pas eu abus de la liberté d’expression.
Réponse de la cour,
Aux termes des dispositions des articles L.1232-1 et L.1232-6 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, énoncée dans une lettre notifiée au salarié. Cette lettre, qui fixe les limites du litige doit exposer des motifs précis et matériellement vérifiables, permettant au juge d’en apprécier la réalité et le sérieux.si un doute subsiste, il profite au salarié. Le caractère fautif d’un comportement imputable à un salarié n’est pas subordonné à l’existence d’un préjudice subi par l’employeur.
Il est de principe que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, ce qui interdit à l’employeur d’invoquer de nouveaux griefs et au juge d’examiner d’autres griefs non évoqués dans cette lettre.
Il convient de rappeler à titre liminaire que la faute simple n’oblige pas l’employeur à faire cesser immédiatement le contrat de travail, elle peut justifier une sanction disciplinaire. La faute grave, pour laquelle l’employeur doit agir dans un délai restreint à partir du moment où il a connaissance des faits fautifs, dans la limite du délai de prescription de 2 mois, suppose que l’employeur ne peut pas maintenir le salarié dans l’entreprise, même temporairement et enfin la faute lourde est une faute d’une particulière gravité, révélant une intention de nuire du salarié à l’encontre de l’entreprise et de l’employeur. La faute lourde justifie la rupture immédiate du contrat de travail.
Il s’ensuit que l’employeur qui envisage de licencier un salarié pour faute simple, n’est pas obligé de prononcer une sanction disciplinaire telle une mise à pied et il est tenu d’entamer la procédure
En l’espèce, l’employeur expose et justifie avoir été avisé au cours du mois de décembre 2018 d’un comportement du salarié pouvant être qualifié de fautif, et l’a convoqué par lettre remise en mains propres le 09 janvier 2019. L’entretien préalable a eu lieu le 16 janvier 2019 et le licenciement est intervenu le 13 février 2019. Dès lors, l’employeur a respecté les délais impartis pour mener la procédure de licenciement.
Sur les faits invoqués à l’appui du licenciement, ceux-ci se sont matérialisés via le compte INSTAGRAM du salarié. M. [X] ne conteste pas la teneur de ses propos.
Il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que les messages adressés via les réseaux sociaux, y compris diffusés en « mode privé » peuvent être utilisés comme mode de preuve, en vertu du principe de loyauté dans l’administration de la preuve, si l’employeur n’a pas eu recours à un stratagème pour recueillir une telle preuve. En l’espèce, il convient de constater qu’il n’est argué ni démontré un stratagème de la part de l’employeur auquel les propos du salarié ont été rapportés.
Par ailleurs, s’agissant de l’atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée invoquée par M. [X], aux termes des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de l’article 9 du code civil et de l’article 9 du code de procédure civile, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie privée à condition toutefois que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit proportionnée au but poursuivi. S’agissant d’un message diffusé volontairement en mode public par le salarié sur un réseau social, aucune atteinte n’a été portée à la vie privée du salarié.
Sur la teneur des propos, s’agissant de la liberté d’expression, il résulte de l’article L. 2281-3 du code du travail que le salarié jouit dans l’entreprise et à l’extérieur, de sa liberté d’expression et il ne peut être apporté à celle-ci que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Toutefois, des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs peuvent caractériser un abus par le salarié de sa liberté d’expression.
M. [X] admet avoir tenu, au cours de vidéos postées sur son compte INSTAGRAM, le 21 décembre 2018, les propos suivants sont tenus durant une vidéo de 2 minutes 28 dont la cour a pris connaissance via un support USB produit par le salarié :
[La société RITUALS] s’amuse à offrir des cadeaux pour les lutins » à propos de la taille du rouge à lèvres contenu dans la case n° 21 du Calendrier de l’Avant, « Le ridicule est à son comble [‘] ça fait tellement pitié [‘] la plus grosse blague de tout ce calendrier », « En fait je suis trop choqué je sais même pas quoi dire tellement je trouve ça ridicule » ; « Mais attendez mais ça c’est quoi ‘! On dirait un truc de petit enfant de 5 ans qui va jouer à faire du maquillage, comme sa maman ». A l’image, M. [X] présente le rouge à lèvre en question à côté d’une boîte de rouge à lèvre « taille normal » pour montrer la petite taille du produit.
Il ajoute ensuite à l’intention des personnes regardant la vidéo: « n’achetez pas le calendrier de l’avant l’année prochaine [à cause du] marketing de ce truc » ; « Mais ‘ nan mais c’est une blague ! C’est trop une blague ! Je’ On arrive vers Noël là, normalement les cadeaux doivent être beaucoup plus intéressants, et on nous donne ça ! Mais qu’est-ce qu’on va avoir le 24 sérieux ‘! Le 24 là tout en haut mais je sais pas ce qu’on va avoir mais à mon avis on va avoir des autocollants ». Il précise en outre que, même s’il travaille pour RITUALS, qu’il est vendeur, il n’est pas là pour vendre un calendrier celui-là dont le marketing est selon lui très mauvais.
A l’occasion d’une autre vidéo, également visionnée par la Cour, datée du 23 décembre, au sujet cette fois de la case n° 23 du calendrier de l’avant il déclare : « Comment vous dire, demain, le 24, je sens qu’on va avoir un truc bidon » et ajoute que sa journée de travail a été compliquée car une salariée en CDD a été licenciée pour vol et qu’il y des clients « relous ».
Il convient de relever, après visionnage des pièces 22 et 23, que le salarié n’adopte pas, particulièrement sur la première vidéo, un ton humoristique mais au contraire entend faire une présentation objective et détaillée du calendrier vendu par la société employeur et émet un avis argumenté très négatif sur le marketing développé tout en précisant qu’il apprécie par ailleurs la marque.
M. [X], exerçant au sein de l’entreprise les fonctions de vendeur, ne peut contester que ces vidéos, publiées en mode public à la période des fêtes, par lesquelles il déconseille d’acheter le calendrier de l’avent de l’année prochaine, mais encore critique ouvertement celui de l’année en cours, sont dénigrantes et préjudiciables à la société qui l’emploie et dépassent le cadre de sa liberté d’expression. Il n’est au surplus pas contesté que, lors de sa prise de fonction en avril 2018, il a signé un contrat de travail lui imposant notamment de « respecter les principes » de la marque mais encore s’était engagé à respecter une clause de loyauté envers la société et à « agir au mieux des intérêts » de celle-ci.
Par conséquent nonobstant l’absence d’antécédent disiciplaire, ce comportement fautif constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement concernant M. [X].
Par voie de confirmation de la décision déférée, il convient de rejeter les demandes de M. [X] au titre du licenciement.
Sur la demande reconventionnelle de la société RITUALS au titre de la remise des documents de fin de contrat :
Moyens des parties :
La société RITUALS expose que le salarié a été destinataire de ses documents de fin de contrat dans le mois qui a suivi la rupture de son contrat de travail et qu’aucun manquement ne saurait être constaté à son encontre. Elle soutient également qu’à défaut pour M. [X] de démontrer l’étendue du préjudice qu’il aurait prétendument subi au titre de la remise « tardive » de ses documents de fin de contrat, cette demande doit être rejetée. La décision du conseil de prud’hommes qui a considéré que l’envoi des documents de fin de contrat était tardif et l’a condamnée au paiement de la somme de 500 euros doit donc être infirmée.
M. [X] ne conclut pas sur ce point.
Réponse de la cour,
Aux termes de l’article R. 1234-9 du code du travail, l’employeur délivre au salarié, au moment de l’expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d’exercer son droit aux prestations sociales.
Selon l’article L. 1234-19 du code du travail, à l’expiration du contrat de travail, l’employeur délivre au salarié un certificat de travail.
Aux termes de l’article L. 3243-2 du code du travail, lors du paiement du salaire, l’employeur remet au salarié un bulletin de paie.
Enfin aux termes de l’article L. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l’employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l’inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Ce solde peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l’employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
Si une remise en main propre contre décharge n’est pas envisageable, l’employeur peut informer le salarié, dans la lettre de licenciement ou dans une lettre de rupture du contrat de travail, qu’il tient l’attestation Pôle emploi à sa disposition à compter de la date de rupture du contrat. En effet, l’attestation Pôle emploi est quérable et non portable. L’employeur n’a donc pas l’obligation de lui envoyer à son domicile.
Si le salarié estime que l’absence de remise ou la remise tardive de l’attestation Pôle emploi lui cause un préjudice, il peut solliciter la condamnation de son employeur à des dommages-intérêts.
En l’espèce, il doit être rappelé que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. Le Conseil des prud’hommes a jugé que l’envoi des documents de fin de contrat avait été tardif et condamné l’employeur à des dommages et intérêts.
Il convient de relever que le licenciement a été notifié le 13 février 2019, le délai de préavis s’achevait le 15 mars 2019 et les documents de fin de contrat, quérables et non portables, lui ont néanmoins été envoyés le 29 mars 2019 par courrier. Un nouvel envoi lui a été fait par l’employeur, en raison d’une erreur, dès le 29 avril. C’est donc à tort que les premiers juges ont jugé que l’envoi des documents de fin de contrat était tardif.
Au surplus, la décision déférée ne précise pas la nature du préjudice subi par le salarié, se limitant à indiquer que la remise des documents jugée tardive, aurait « nécessairement » causé un préjudice au salarié alors qu’il appartenait aux premiers juges d’apprécier et d’évaluer l’existence d’un préjudice pour le salarié mais encore de motiver leur décision sur ce point, un préjudice qui ne saurait être qualifié de « nécessaire ».
Par voie d’infirmation de la décision déférée, il convient de juger que la remise des documents de fin de contrat n’a pas été tardive et de rejeter la demande de dommages et intérêts du salarié formulée de ce chef.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de condamner M. [X] aux dépens de l’instance.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [X] recevable en son appel et la SAS RITUALS COSMETICS Francerecevable en son appel incident,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Jugé que le licenciement de M. [X] est justifié par une cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
Débouté M. [X] de ses demandes relatives :
Aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Aux dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
L’INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
REJETTE la demande de dommage et intérêt de M. [X] pour remise tardive des documents de fin de contrat,
Y ajoutant,
DIT n’y avoir à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [X] aux dépens de l’instance.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem CASTE-BELKADI, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,