Provocation à la haine : 27 juin 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 99-86.249

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Provocation à la haine : 27 juin 2000 Cour de cassation Pourvoi n° 99-86.249
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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept juin deux mille, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BEYER, les observations de Me PRADON, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

– Y… Edmond,

contre l’arrêt de la cour d’appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 21 juillet 1999, qui, pour provocation publique à la haine raciale, l’a condamné à 6 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 24 de la loi du 29 juillet 1881, 591 et 593 du Code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;

” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Edmond Y…, coupable d’avoir, par écrits adressés à Messieurs A…, B…, et C…, publiquement et directement provoqué à la haine raciale, à une peine d’amende et à des dommages-intérêts au profit de X… et de la LICRA, parties civiles ;

” aux motifs qu’en utilisant le terme ” noir ” sur ses écrits anonymes, adressés à trois voisins de la victime habitant le même lotissement que les protagonistes, dans un contexte conflictuel, et dans lequel il affirme que les habitants du lotissement devront respecter le règlement parce que ” le noir du lotissement ” n’aime plus les haies hautes, Edmond Y… a incité les destinataires de ses écrits à la haine de X… à raison de son appartenance à une race ; que la publicité de ses écrits est suffisamment établie par leur envoi à trois destinataires différents non liés par une communauté d’intérêts et dès lors exclusifs de tout caractère confidentiel ;

” alors que, d’une part, c’est au prix d’une contradiction que la Cour a constaté à la fois que les trois personnes à qui avaient été adressées les lettres étaient membres du même lotissement (et donc assujetties aux mêmes règles concernant la hauteur des plantations) et également qu’elles n’étaient liées par aucune communauté d’intérêts, pour déclarer publique l’incitation à la haine raciale ;

” alors que, d’autre part, ” la diffusion ” de trois lettres cachetées aux voisins de la personne demandant l’application du plan d’occupation des sols ne constitue pas une provocation publique à la haine raciale, qu’en se bornant à affirmer que la publicité est suffisamment établie par l’envoi d’une lettre à trois destinataires différents, sans caractériser en quoi la missive ne présentait aucun caractère confidentiel, la Cour a privé sa décision de base légale ;

” alors qu’enfin, l’utilisation des termes : ” le noir du lotissement “, si elle est maladroite, ne constitue pas une provocation à la haine raciale surtout s’agissant d’un rapport à la hauteur d’une haie végétale, qu’ainsi c’est au prix d’une contradiction que la Cour a pu considérer qu’en écrivant que le ” noir du lotissement ” n’aimait plus les haies hautes, Edmond Y… a incité les destinataires de ses écrits à la haine de X… à raison de son appartenance à une race ” ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, qui a exactement apprécié le sens et la portée des propos incriminés et retenu, à bon droit, qu’ils constituaient une provocation à la haine raciale au sens de l’article 24 alinéa 6 de la loi du 29 juillet 1881, a caractérisé l’élément de publicité en constatant que les différents propriétaires de maisons voisines, auxquels le prévenu a adressé lesdits écrits, exclusifs de tout caractère confidentiel, ne pouvaient être considérés comme les membres d’un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Pinsseau conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Beyer conseiller rapporteur, Mme Anzani conseiller de la chambre ;

Avocat général : Mme Fromont ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

 


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