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N° C 18-81.770 FS-D
N° 337
CG10
26 MARS 2019
REJET
M. Louvel premier président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– M. K… Y… dit P…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 18 janvier 2018, qui, pour injure publique envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée et contestation de crimes contre l’humanité, l’a condamné à 100 jours-amende de 100 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 5 février 2019 où étaient présents : M. Louvel, premier président, président, M. Bonnal, conseiller rapporteur, M. Soulard, président de chambre, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. RICARD, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;
Avocat général : Mme Le Dimna ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller Bonnal, les observations de la société civile professionnelle POTIER DE LA VARDE, BUK-LAMENT et ROBILLOT, de Me LAURENT GOLDMAN et de la société civile professionnelle RICARD, BENDEL-VASSEUR, GHNASSIA, avocats en la Cour et les conclusions de Mme l’avocat général Le Dimna ;
Vu le mémoire personnel et les mémoires en défense produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que le procureur de la République a fait citer M. Y… dit P… devant le tribunal correctionnel, des deux chefs précités, pour avoir mis en ligne, sur le site internet egaliteetreconciliation.fr, un document se présentant comme la première page d’un journal intitulé “Chutzpah Hebdo”, comportant en dessous de ce titre principal un dessin représentant le visage de Charlie Chaplin devant une étoile de David, entouré d’un savon, d’un abat-jour, d’une chaussure et d’une perruque, objets liés à des bulles indiquant “ici”, “là” et “et là aussi”, en réponse à la question posée par le personnage de Chaplin “Shoah où t’es?”, dessin comportant également un encart où l’on peut lire “historiens déboussolés” ; que le prévenu a, ainsi que le ministère public et plusieurs des associations antiracistes qui s’étaient constituées partie civile, relevé appel du jugement le déclarant coupable de ces deux chefs ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation ;
Sur le huitième moyen de cassation ;
Vu l’article 567-1-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que les moyens ne sont pas de nature à être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 III 1 c) de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique et 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle ;
Attendu que, pour confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité du prévenu en qualité de directeur de la publication du site egaliteetreconciliation.fr, l’arrêt relève notamment que, sous la rubrique “organigramme”, ledit site internet mentionne l’association Egalité & Réconciliation et le nom de son président, M. P…, et sous la rubrique “mentions légales”, le nom de l’éditeur du site, Egalité & Réconciliation ;
Attendu qu’en l’état de ces seules énonciations, dont il résulte, ce qui n’est pas contesté, que le service de communication au public en ligne accessible à l’adresse www.egaliteetreconciliation.fr est fourni par l’association Egalité & Réconciliation, dont le président et représentant statutaire est M. Y… dit P…, et abstraction faite des motifs surabondants relatifs, d’une part, à l’incapacité dans laquelle seraient MM. M… I… et B… G…, respectivement présentés dans la même rubrique “mentions légales” comme directeur de la publication et “directeur adjoint”, d’exercer effectivement ces responsabilités en raison de leur incarcération et de leur absence d’accès à internet, d’autre part, au fait que M. Y… dit P… gère seul le site internet ce dont il se déduit que celui-ci en est en fait le véritable éditeur, l’arrêt n’encourt pas la censure ;
Qu’en effet, aux termes de l’article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle, le directeur de la publication d’un service de communication au public en ligne fourni par une personne morale est, de droit, le représentant légal ou, dans le cas d’une association, le représentant statutaire de celle-ci, nonobstant toute indication contraire figurant sur le site internet pour satisfaire prétendument à l’obligation de mettre à disposition du public dans un standard ouvert l’identité du directeur de la publication instituée par l’article 6 III. de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des mêmes articles ;
Les moyens étant réunis :
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité du chef d’injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l’arrêt énonce que le dessin incriminé vise la communauté juive en raison de son titre, le terme “chutzpah” signifiant en yiddish sans-gêne, toupet ou culot, de la présence en arrière-plan de l’étoile de David, de la référence à la Shoah, des symboles des camps d’extermination que sont les chaussures sans lacets, les cheveux, les savons (celui représenté portant en outre l’étoile de David) et les abat-jours, et du visage de Charlie Chaplin, connu comme étant de confession juive ; que les juges ajoutent que ce dessin satirique et provocateur a pour but de ridiculiser cette communauté en tournant en dérision le génocide dont elle a été victime par le biais de représentations particulièrement outrageantes, en rabaissant la souffrance subie dans les camps d’extermination et en s’en moquant avec un mépris affiché particulièrement provocateur, et dépasse par son contenu et sa portée les limites de la tolérance reconnue à l’expression humoristique ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a exactement apprécié le sens et la portée du dessin litigieux, qui, loin de participer à un quelconque débat d’intérêt général, constitue, en ce qu’il est outrageant et méprisant à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, une injure antisémite dont la répression est une restriction à la liberté d’expression nécessaire dans une société démocratique ;
D’où il suit que les moyens ne peuvent qu’être écartés ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation de l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;
Attendu que, pour confirmer le jugement sur la déclaration de culpabilité du chef de contestation de crimes contre l’humanité, l’arrêt énonce que le dessin poursuivi, par son titre et en ce qu’il évoque les “historiens déboussolés” et pose la question” Shoah où t’es ?”, contient l’insinuation que la Shoah ne serait pas une réalité historique incontestable, mais au contraire un mensonge imposé par culot ou toupet ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que la contestation des crimes contre l’humanité est caractérisée même si elle est présentée sous forme déguisée ou dubitative ou encore par voie d’insinuation, l’arrêt n’encourt pas le grief formé au moyen, lequel doit être écarté ;
Sur le sixième moyen de cassation, pris de la violation du principe ne bis in idem ;
Attendu qu’après avoir décidé que le dessin poursuivi caractérisait contre le prévenu le délit d’injure envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée, les juges sont également entrés en voie de condamnation contre lui, en raison du même dessin, du chef de contestation de crimes contre l’humanité ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, par des motifs dont il résulte qu’elle a constaté que ces délits procédaient d’intentions coupables distinctes, celle d’outrager la communauté juive, pour le premier, et celle d’insinuer que la Shoah ne serait pas une réalité historique incontestable, mais un mensonge imposé, pour le second, et, au surplus, qu’elle a pris en compte des éléments du dessin différents pour caractériser chacun de ces deux délits, ceux tenant à la présentation outrancière et injurieuse de la Shoah, pour le premier, et les encarts “historiens déboussolés” et “Shoah où t’es ?”, pour le second, la cour d’appel n’a pas méconnu le principe invoqué au moyen, lequel n’est pas fondé ;
Sur le septième moyen de cassation, pris de la violation des articles 132-1, alinéas 2 et 3, et 132-20, alinéa 2, du code pénal ;
Attendu que, pour infirmer le jugement qui avait condamné le prévenu à trois mois d’emprisonnement et prononcer à son encontre une peine de 100 jours-amende de 100 euros, l’arrêt, après avoir relevé la gravité incontestable des infractions, énonce que, si l’intéressé a été précédemment condamné à six reprises, notamment pour provocation à la haine raciale et diffamation en raison du sexe et de l’orientation sexuelle, ce qui manifeste le peu de cas qu’il fait des décisions judiciaires, ne lui ont été infligées que des peines d’amende ;
Attendu qu’en prononçant ainsi, et dès lors que le prévenu, qui n’avait pas comparu en première instance, était en appel représenté par un avocat, qui a déposé des conclusions ne comportant aucune information sur sa situation personnelle, ses ressources et ses charges ni aucun développement sur la peine, la cour d’appel, qui n’avait pas à rechercher d’autres éléments que ceux dont elle disposait, a justifié sa décision ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Y… devra payer à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. Y… devra payer à l’association SOS racisme Touche pas à mon pote en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 1 000 euros la somme que M. Y… devra payer à l’association Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 1 000 euros la somme que M. Y… devra payer à l’association Avocats sans frontières en application de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-six mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Vu le mémoire personnel et les mémoires en défense produits ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué, du jugement qu’il confirme et des pièces de la procédure que le procureur de la République a fait citer M. Y… dit P… devant le tribunal correctionnel, des deux chefs précités, pour avoir mis en ligne, sur le site internet egaliteetreconciliation.fr, un document se présentant comme la première page d’un journal intitulé “Chutzpah Hebdo”, comportant en dessous de ce titre principal un dessin représentant le visage de Charlie Chaplin devant une étoile de David, entouré d’un savon, d’un abat-jour, d’une chaussure et d’une perruque, objets liés à des bulles indiquant “ici”, “là” et “et là aussi”, en réponse à la question posée par le personnage de Chaplin “Shoah où t’es?”, dessin comportant également un encart où l’on peut lire “historiens déboussolés” ; que le prévenu a, ainsi que le ministère public et plusieurs des associations antiracistes qui s’étaient constituées partie civile, relevé appel du jugement le déclarant coupable de ces deux chefs ;
En cet état ;