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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire FOSSAERT-SABATIER, les observations de Me PRADON et de Me ROUE-VILLENEUVE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général PERFETTI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Y… Claude, contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, du 29 juin 1994 qui, dans la procédure suivie contre lui du chef, notamment, de provocation à la discrimination raciale, après relaxe, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 24 alinéa 6, 32 alinéa 2, 48-1 et 50 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que, par l’arrêt infirmatif attaqué, la Cour a déclaré la LICRA recevable en son action fondée sur le délit de provocation à la haine raciale à raison d’un dessin paru dans le journal National Hebdo (n 477) daté du 9 au 15 septembre 1993 et a condamné Claude Y…, en sa qualité de directeur de publication du journal et la société National Hebdo, civilement responsable, à payer à la LICRA la somme de 1 franc à titre de dommages intérêts et la somme de 8 000 francs au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale et a ordonné à titre de complément de dommages intérêts la publication dans un prochain numéro du journal, aux frais du condamné, d’un communiqué relatant la condamnation en raison du préjudice découlant du délit de provocation à la discrimination, à la haine et à la violence à l’égard du peuple juif commis du fait de la publication du dessin illustrant l’article signé François X… intitulé “réflexions sur l’affaire israëlo-palestinienne” paru dans le numéro daté du 9 au 15 septembre 1993 du journal national hebdo” ;
“aux motifs que ce dessin évoque des scènes de la seconde guerre mondiale durant laquelle la population civile juive a été déportée dans des camps de concentration et d’extermination, que c’est à tort que les premiers juges ont estimé que c’était l’état d’Israël qui était visé par ce dessin et cette phrase (“les hommes à Gaza -les femmes à Jericho”) et non le peuple juif, “qu’il n’apparaît pas à la Cour que ce dessin comporte une simple critique de la politique de l’Etat d’Israël, mais qu’il résulte, au contraire, du texte qu’il illustre et du moment auquel il paraît la preuve qu’il vise les juifs comme peuple et non Israël comme Etat”, qu’il doit être “interprété en fonction du texte qu’il illustre” (sur l’accord entre Arafat et l’Etat d’Israël) ;
que l’article “contient insidieusement une mise en cause du peuple juif” et “que la Cour considère que le dessin qui comporte une légende, illustre exactement cette phrase” (“ce peuple qui se présentait comme le peuple des victimes éternelles a montré qu’il était aussi un peuple de bourreaux”) ;
“alors que, d’une part, la citation directe délivrée par la LICRA dénonçait exclusivement le “dessin paru en page 6 du n 477 (semaine du 9 au 15 septembre 1993 du journal National Hebdo)”, que la citation fixait irrévocablement l’objet et la nature des poursuites ainsi que les points sur lesquels le prévenu aurait à se défendre et que la Cour ne pouvait décider que le dessin, seul incriminé, était constitutif de provocation à la haine raciale par référence au texte de l’article que, prétendument il illustrait, qu’en violation de l’article 50 de la loi du 29 juillet 1881 ;
“alors que, d’autre part, la Cour n’a pu déclarer le délit constitué à raison des termes d’un article, accompagnant le dessin, qui n’était pas visé dans la poursuite sans que le prévenu ait été invité à s’expliquer sur l’article en cause, qu’en violation des droits de la défense ;
“alors que, d’autre part, le dessin ne représentant que des soldats israéliens, mais ne comportant en aucune façon un élément de référence à une race ou à une ethnie, la Cour ne pouvait décider qu’il était constitutifs de provocation à la haine raciale que par dénaturation du dessin incriminé” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme a fait citer devant la juridiction correctionnelle Claude Y…, directeur de la publication du journal National Hebdo, sous la prévention, notamment, de provocation à la discrimination raciale, à raison de la publication par ce journal, dans son numéro 477 daté du 9 au 15 septembre 1993, d’un dessin non signé, illustrant un article intitulé “réflexions sur l’affaire israélo-palestinienne” ;
que ce dessin représente un wagons de marchandises, devant lequel se tiennent un officier et un soldat, le képi du premier et le casque du second portant l’étoile de David ;
qu’entre ces personnages se trouve un chien policier et qu’ils font face à une foule de civils palestiniens auxquels l’officier s’adresse en criant “les hommes à Gaza, les femmes à Jericho” ;
Attendu que pour allouer des réparations à la partie civile, seule appelante du jugement de relaxe, la cour d’appel retient que le dessin, procédant par amalgame, identifie “au sort qui serait celui des palestiniens, le sort subi hier par les juifs” ;
que se référant à l’article que ce dessin illustre, les juges constatent que ce texte contient insidieusement une mise en cause du peuple juif ;
qu’ils énoncent qu’après avoir évoqué l’échec de la politique israélienne dans les territoires occupés et ne parlant plus ensuite de l’Etat israélien, l’auteur de l’article déclare “ce peuple qui se présentait comme le peuple des victimes éternelles a montré qu’il était aussi un peuple de bourreaux” ;
qu’ils ajoutent que le dessin et sa légende “illustrent exactement cette phrase et, par leur sens et leur portée, incitent le lecteur à la discrimination, la haine ou la violence envers la communauté juive en lui imputant de pratiquer en Israël une politique de déportation identique à celle dont elle a souffert de la part des nazis” ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a justifié sa décision ;
qu’il lui appartenait de relever tous les éléments, même extrinsèques au dessin incriminé, lui permettant d’en apprécier le sens et la portée ;
que la Cour de Cassation est en mesure de s’assurer que c’est par une exacte appréciation que la cour d’appel a estimé que le dessin incriminé était de nature à faire naître dans l’esprit du lecteur des sentiments de haine à l’égard du peuple juif ;
D’où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;