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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize novembre deux mille un, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle Le GRIEL, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général FROMONT ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Y…
X… Yves,
– L’ASSOCIATION LISTE EUROPEENNE POUR L’EUROPE DES NATIONS, civilement responsable,
contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 11 janvier 2001, qui a condamné le premier, pour provocation à la haine et à la discrimination raciales à 30 000 francs d’amende, a déclaré la seconde civilement responsable et a statué sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 48-1, 50, 53 de la loi du 29 juillet 1881, 2 et 3 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a rejeté le moyen d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de la LDH intervenue au cours des débats ;
” aux motifs que l’article 48-1, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ” ne subordonne la recevabilité de l’action d’une association qui satisfait aux critères définis à l’alinéa 1er dudit article qu’à l’accord des personnes considérées individuellement lorsque l’infraction a été commise envers elles “, que ” tel n’est pas le cas en l’espèce ” et que ” la constitution de partie civile de la ligue française pour la Défense des Droits de l’Homme et du Citoyen, même par voie d’intervention, est donc recevable ” ;
” alors qu’en matière de délits de presse, l’acte initial de poursuite fixe définitivement et irrévocablement la nature, l’étendue et l’objet de la poursuite, ainsi que les points sur lesquels le prévenu aura à se défendre, qu’il s’ensuit qu’aucune autre personne ne peut être admise à intervenir comme partie civile dans la procédure engagée sur la plainte ou à la requête d’une autre et qu’en l’espèce, la LDH n’était donc pas recevable à intervenir comme partie civile dans la procédure engagée par la citation directe délivrée par le MRAP ” ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile, par voie d’intervention, de la Ligue Française pour la Défense des Droits de l’Homme, la cour d’appel relève que cette association répond aux conditions telles qu’elles sont définies par l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 pour exercer les droits reconnus à la partie civile s’agissant de l’infraction prévue par l’article 24, alinéa 6 de ladite loi ;
Attendu qu’en l’état de ces énonciations, les juges ont justifié leur décision ;
D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Yves Y…-X… coupable de provocation à la haine et à la discrimination raciale à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur non-appartenance à une nation et l’association Lepen civilement responsable ;
” aux motifs adoptés des premiers juges que le tract critique les immigrés eux-mêmes en raison de leurs comportements décrits comme ” exclusivement illicites, ou du moins, préjudiciables “, que l’immigration est associé à l’insécurité et qualifiée ” d’arrogante, violente, refusant nos lois “, que ” les nombreuses énumérations, successives, illustrant les diverses causes d’insécurité pour le pays-publique, économique et financière, attribuées à la personne même des immigrés, corroborent et augmentent le sentiment insupportable suscité en première page, pour le transformer en définitive, en sentiment de rejet, vindicatif, dans les ultimes propos du tract ” les arrêter chez nous… les renvoyer chez eux ” et que ” la teneur comme la présentation du tract instillent bien, dans l’esprit du lecteur, la conviction que la sécurité passe par le rejet des immigrés et que l’inquiétude et la peur liées à leur présence même en France cesseront avec leur départ ” ;
” et aux motifs propres que ” les étrangers en possession d’un titre de séjour ont des droits et ne sauraient faire l’objet d’inégalités de traitement par rapport aux titulaires de la nationalité française “, que le fait de préconiser ” la priorité des Français pour l’emploi, les logements sociaux, la protection sociale “, apparaît dès lors comme l’incitation à l’application d’une mesure discriminatoire, que ” s’agissant, au moins en ce qui concerne l’emploi (et donc d’un vaste champ d’application), d’une meure susceptible d’application par des particuliers, commerçants, artisans et chefs d’entreprises, cette mention, compte tenu de la dénonciation, tout au long du tract, de la présence des immigrés, c’est à dire des étrangers en France, comme extrêmement nocive, constitue une provocation directe à la discrimination ” et ” qu’en présentant les immigrés sous un jour exclusivement nuisible et en les mettant seuls en cause comme facteurs d’insécurité, de chômage et d’accroissement de la charge fiscale, puis en ajoutant ” vous le voyez, l’immigration c’est : ” 1- l’agression des Français, 2
– la colonisation de la France “, le tract provoque manifestement à la réaction par l’adoption de comportements discriminatoires ” ;
” 1) alors que la seule crainte d’un risque de racisme ne saurait priver les citoyens de la liberté d’exprimer leur opinion sur les difficultés relatives à l’immigration dès lors que les propos tenus ne dépassent pas les limites d’un débat légitime, qu’en l’espèce, le tract incriminé dénonce les conséquences néfastes de l’immigration actuelle sur l’insécurité, le chômage, l’augmentation des impôts et la perte de l’identité nationale, informe sur l’ampleur réelle du phénomène et ses risques d’aggravation, en dénonce les causes et les responsables et préconise des solutions politiques d’urgence, qu’il ne vise nullement les immigrés eux-mêmes à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une nation, une ethnie, une race ou une religion et ne comporte aucune exhortation ou provocation, même implicite, à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard de ceux-ci, qu’en particulier, préconiser, comme le fait le tract incriminé, ” la priorité des français pour l’emploi, les logements sociaux, la protection sociale ” est l’expression d’un choix d’ordre politique qui relève d’un débat légitime sur la question de l’immigration et que, par conséquent, le délit prévu et réprimé à l’article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juiIlet 1881 n’est pas constitué ;
” 2) alors qu’aux termes du paragraphe 1 de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, ” toute personne a droit à la liberté d’expression “, que la condamnation prononcée contre Yves Y…-X… et l’association LEPEN sur le fondement de l’article 24, alinéa 6, de la loi du 29 juillet 1881 ne constitue une mesure nécessaire, dans une société démocratique, ni à la sécurité nationale, à l’intégrité nationale ou à la sûreté publique, ni à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, ni à la protection de la santé ou de morale, ni à la protection de la réputation ou des droits d’autrui au sens du paragraphe 2 de ce même texte et que seul un besoin social impérieux dans l’un de ces domaine autorise une limitation de la liberté d’expression, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ” ;