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COUR D’APPEL DE BORDEAUX
CHAMBRE SOCIALE – SECTION A
————————–
ARRÊT DU : 07 JUIN 2023
PRUD’HOMMES
N° RG 20/00855 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOY7
Madame [Y] [M]
c/
SAS Les Mandataires représentée par Maître [L] [G], en sa qualité de mandataire liquidateur de l’association Dentexia
UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 10]
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
à :
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 janvier 2020 (R.G. n°F 18/00936) par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d’appel du 14 février 2020,
APPELANTE :
Madame [Y] [M]
née le 11 Octobre 1963 à [Localité 7] (SÉNÉGAL) de nationalité Française Profession : Secrétaire, demeurant [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Laurence TASTE-DENISE de la SCP RMC ET ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉES :
SAS Les Mandataires représentée par Maître [L] [G], en sa qualité de mandataire liquidateur de l’association Dentexia, domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]
N° SIRET : 850 597 097
représentée pa Me Frédéric GONDER de la SELARL GONDER, avocat au barreau de BORDEAUX, assistée de Me Nathalie ROMAIN de la SELARL MATHIEU DABOT & ASSOCIÉS, avocat au barreau de MARSEILLE
UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 10], prise en la personne de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 8]
représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 avril 2023 en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Madame Bénédicte Lamarque, conseillère chargée d’instruire l’affaire
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie Hylaire, présidente
Madame Sylvie Tronche, conseillère
Madame Bénédicte Lamarque, conseillère
Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSÉ DU LITIGE
L’association Dentexia a été créée et déclarée le 23 juillet 2011 par M. [A] pour une activité non lucrative ayant pour objet de favoriser l’accès aux soins dentaires des personnes à faibles revenus.
Mme [Y] [M] a été embauchée à compter du 16 octobre 2014 par l’association Dentexia pour occuper le poste de responsable d’exploitation, statut cadre, moyennant une rémunération mensuelle brute de 7.200 euros. Il était convenu qu’elle travaillerait à son domicile à [Localité 4], le siège social de l’association étant situé à [Localité 3] et les différents centres dentaires étant à [Localité 9], [Localité 5], [Localité 6] et [Localité 13].
Mme [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie du 23 octobre 2015 au 6 mars 2016.
Une procédure de redressement judiciaire de l’association Dentexia a été ouverte le 24 novembre 2015.
Le 4 mars 2016, le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite d’activité de l’association Dentexia et a désigné Maître [G] en qualité de mandataire liquidateur. La date de cessation des paiements a été fixée au 31 juillet 2014 par jugement du 1er juillet 2016.
Après homologation du plan de sauvegarde de l’emploi, le liquidateur a notifié à Mme [M] son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2016 et lui a proposé d’adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, ce que Mme [M] a accepté. Le contrat de travail a été rompu le 8 avril 2016.
Ne recevant aucun document afférent à la rupture du contrat de travail, Mme [M] a pris contact avec le liquidateur et avec l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 10] ; son conseil est intervenu par courrier du 22 août 2016 pour obtenir le solde de tout compte, le liquidateur indiquant être dans l’attente d’une étude de la reconnaissance de la qualité de salariée de Mme [M] par le CGEA, lequel était lui-même dans l’attente d’un relevé des créances de l’association Dentexia.
Se basant sur une ancienneté remontant au 1er juillet 2009, Mme [M] invoque la succession de contrats conclus préalablement à celui du 16 octobre 2014 :
– un contrat de travail à temps partiel avec la SELARL King, le 1er juillet 2009, situé’ à [Localité 10], en qualité de directrice administrative chargée de l’encadrement d’équipes, pour 17,50 heures par semaine et moyennant une rémunération de 2.400 euros par mois ;
– dans le même temps, un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel conclu à même date, soit le 1er juillet 2009, avec la SELARL Cabinet Dentaire Tony Garnier, cabinet situé à [Localité 13], en qualité de directrice administrative chargée de l’encadrement d’équipes, pour 17,50 heures par semaine et moyennant une rémunération de 2.400 euros par mois ;
– par avenant à ce dernier contrat du 1er avril 2012, suite à la fermeture de l’établissement Tony Garnier, l’association Dentexia est devenue son employeur en lieu et place de la SELARL Tony Garnier avec reprise des avantages acquis et de l’ancienneté depuis le 1er juillet 2009, l’avenant précisant les fonctions de consultante, emploi de statut cadre, pour réaliser de la formation à raison de 17,50 heures par semaine moyennant une rémunération mensuelle de 2.400 euros ;
– par avenant du 1er septembre 2012, la SARL Efficiences Odontologiques est devenue le nouvel employeur de Mme [M], à la place de l’association Dentexia, avec reprise de la même ancienneté, en maintenant ses fonctions de consultante, emploi de statut cadre, toujours dans le cadre d’un emploi à temps partiel, pour 17,50 heures par semaine, rémunéré à hauteur de 4.800 euros.
La société Efficience Odontologiques a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 31 juillet 2014 du tribunal de commerce d’Aix-en-Provence, convertie en liquidation judiciaire par jugement du 30 septembre 2014.
L’indemnité de licenciement n’a pas été réglée à Mme [M] par l’UNEDIC au motif d’une ‘contestation’.
C’est à la suite de cette liquidation judiciaire que l’association Dentexia a signé le nouveau contrat de Mme [M] le 16 octobre 2014, objet du présent litige.
M. [A], dirigeant de l’association Dentexia, gérait par ailleurs huit autres entreprises dont la société Efficiences Odontologiques, permettant le financement des soins des patients, avant toute prestation, par l’intermédiaire d’établissements de crédit, les bénéficiaires des crédits ainsi souscrits étant l’ensemble des centres couverts par M. [A], dont les centres Dentexia en province et le cabinet dentaire King à [Localité 10].
Par jugement rendu le 26 janvier 2018, le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a, sur demande de Maître [G], ès qualités, ordonné la faillite personnelle de M. [A] en égard aux fautes de gestion commises. Cette décision a été confirmée par arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 7 mars 2019, qui a prononcé cette mesure pour une période de 12 ans.
Demandant la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail entre elle et l’association Dentexia ainsi que la fixation d’indemnités consécutives au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière, Mme [M] a saisi le 14 juin 2018 le conseil de prud’hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 10 janvier 2020, a :
– jugé que Mme [M] n’a pas la qualité de salariée de l’association Dentexia, compte tenu de l’absence de démonstration de lien de subordination,
– débouté Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté Maître [G] en sa qualité de liquidateur de l’association, de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [M] aux dépens.
Par déclaration du 14 février 2020, Mme [M] a relevé appel de cette décision notifiée par lettre adressée par le greffe aux parties le 15 janvier 2020.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 mars 2023, Mme [M] demande à la cour de dire recevable et bien fondé l’appel interjeté, de réformer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
– dire qu’elle est liée par un contrat de travail avec l’association Dentexia avec reprise d’ancienneté au 1er juillet 2009,
A titre principal,
– fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l’association Dentexia aux sommes suivantes :
* 5.778,08 euros nets à titre de salaire du 1er au 31 mars 2016,
* 1.612,51 euros nets à titre de salaire du 1er au 8 avril 2016,
* 10.605,32 euros nets à titre d’indemnité compensatrice de congés payés du 1er juin 2014 au 8 avril 2016,
* 15.264 euros à titre d’indemnité de licenciement,
Subsidiairement,
– fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l’association Dentexia aux sommes suivantes :
* 6.154,83 euros bruts à titre de salaire du 7 au 31 mars 2016,
* 2.035,20 euros bruts à titre de salaire du 1er au 8 avril 2016,
* 9.670,10 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,
* 15.264 euros à titre d’indemnité de licenciement,
En tout état de cause,
– condamner la société Les Mandataires et Maître [G] ès qualités à lui remettre :
* les bulletins de salaire des mois de mars et avril 2016, correspondant aux condamnations prononcées,
* un certificat de travail pour la période du 1er juillet 2009 au 8 avril 2016,
* une attestation Pôle Emploi conforme aux condamnations prononcées
et ce, sous de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour la notification de la décision à intervenir,
– dire que les intérêts légaux dus sur les rappels de salaire, indemnités de congés payés et de licenciement courent à compter de la transmission du relevé de créances au CGEA, et à défaut à compter du dépôt de la requête,
– ordonner la capitalisation des intérêts, tel que stipulé à l’article 1343-2 du code civil,
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable au CGEA de [Localité 10],
– condamner la société Les Mandataires et Maître [G] ès qualités au paiement de la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouter la société Les Mandataires et Maître [G] ès qualités ainsi que le CGEA de [Localité 10] de toutes leurs demandes,
– condamner la société Les Mandataires et Maître [G] ès qualités au paiement des dépens et frais éventuels d’exécution.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 février 2023, la société Les Mandataires, venant aux droits de Maître [G], en sa qualité de liquidateur de l’association Dentexia, demande à la cour de’:
– déclarer que Mme [M], consultante indépendante, ne peut prétendre au bénéfice d’un emploi salarié au sien de l’association Dentexia,
– déclarer qu’elle n’a jamais fourni la moindre prestation de travail subordonnée au profit de l’association Dentexia à compter du 14 octobre 2014,
– se déclarer, dans ces conditions, matériellement incompétente sous le visa des articles L. 1411-1 et suivants du code du travail pour se prononcer sur les prétentions financières de Mme [M],
– confirmer en conséquence le jugement entrepris du 10 janvier 2020 en toutes ses dispositions en ce qu’il a considéré que Mme [M] n’avait pas la qualité de salariée de l’association Dentexia et l’a déboutée de toutes ses prétentions financières et demandes,
– la débouter dans ces conditions de l’ensemble de ses demandes,
Réformant le jugement pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
– déclarer la société Les Mandataires fondée en son appel incident,
– condamner Mme [M] au paiement de la somme de 2.500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire en application de l’article 1240 du code civil,
– la condamner enfin à verser la somme de 2.500 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
Subsidiairement,
– se déclarer compétent pour connaître subsidiairement d’une action en nullité du contrat de travail,
– prononcer la nullité du contrat de travail signé le 16 octobre 2014 en période suspecte en application de l’article L. 632-2 du code du commerce,
– en conséquence, limiter le rappel de salaires du 6 mars au 8 avril 2016 à la somme de 1.515,50 euros bruts, l’indemnité compensatrice de congés payés pour 22 jours à 1.075,52 euros et l’indemnité de licenciement à 348,32 euros,
– débouter Mme [M] du surplus de ses prétentions pécuniaires,
A titre infiniment subsidiaire,
– déclarer que Mme [M] ne justifiait que d’une ancienneté de 14,25 mois au 8 avril 2016,
– la déclarer irrecevable en sa demande de paiement d’un rappel de salaire pour la période du 1er au 6 mars 2016,
– limiter l’indemnité de licenciement allouée à Mme [M] qui ne saurait excéder le montant de 1.908 euros,
– déclarer que Mme [M] ne peut, tout au plus, que solliciter une indemnité compensatrice de congés payés équivalente à 22 jours de congés payés non pris soit 5.280 euros bruts,
– déclarer que les intérêts ne commenceront à courir qu’à compter du jugement à intervenir,
– la débouter de sa demande de capitalisation des intérêts,
– statuer ce que de droit sur les dépens d’appel et de première instance.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 27 octobre 2020, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 10] demande à la cour de’:
A titre principal :
– confirmer le jugement dont appel,
– dire que Mme [M] n’a pas la qualité de salariée de l’association Dentexia compte tenu de la fictivité du contrat de travail,
– la débouter de l’ensemble de ses demandes,
À titre subsidiaire, en cas de reconnaissance de la qualité de salariée,
– prononcer la nullité du contrat de travail conclu le 16 octobre 2014,
– dire que le salaire mensuel de Mme [M] correspond au SMIC en vigueur,- en conséquence, fixer la créance de Mme [M] née [K] au passif de l’association Dentexia aux sommes brutes suivantes :
* 1.515,50 euros à titre de salaire du 7 mars au 8 avril 2016,
* 1.002,19 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour 20,5 jours acquis et non pris sur la période d’emploi,
* 348,32 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– débouter Mme [M] du surplus de ses demandes,
Subsidiairement, à défaut de nullité du contrat,
– dire la clause de reprise de l’ancienneté au 1er juillet 2009 sans effet juridique et inopposable à la procédure collective de l’association Dentexia et au CGEA de [Localité 10],
– dire en conséquence que Mme [M] est salariée de l’association Dentexia à compter du 16 octobre 2014,
– dire que le salaire brut est de 7.200 euros à l’exclusion de toute prime d’ancienneté,
– en conséquence, fixer la créance de Mme [M], au passif de l’association Dentexia pour les sommes brutes suivantes :
* 5.760 euros à titre de salaire du 7 au 31 mars 2016,
* 1.920 euros à titre de salaire du 1er au 8 avril 2016,
* 4.920 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés pour 20,5 jours acquis et non pris sur la période d’emploi,
* 1.710 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– débouter Mme [M] du surplus de ses demandes,
Sur la garantie de l’AGS, en cas de reconnaissance de la qualité de salariée,
– déclarer l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS CGEA de [Localité 10], partie intervenante en qualité de garant de l’association Dentexia, dans la limite légale de sa garantie, laquelle :
* exclut toutes créances afférentes à la période antérieure au 16 octobre 2014,
* est limitée, pour les salaires sur la période d’observation et les quinze jours suivant la liquidation judiciaire à 45 jours de travail et plafonnée à 3 fois le plafond retenu pour les cotisations de sécurité sociale,
* exclut l’astreinte et l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
* est plafonnée, toutes créances brutes confondues, à 5 fois le plafond des contributions à l’assurance chômage en vigueur en 2016.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 3 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ainsi qu’à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la qualité de salariée de Mme [M]
S’appuyant sur le contrat de travail du 16 octobre 2014 et les bulletins de paie remis pendant la période du contrat ainsi que sur la proposition de contrat de sécurisation professionnelle remis par le mandataire liquidateur, Mme [M] soutient avoir exercé une activité de salariée de l’association jusqu’au 8 avril 2016. Elle conteste la présomption de non-salariat applicable aux consultants que lui oppose le mandataire liquidateur.
Elle soutient qu’elle effectuait une prestation de travail en qualité de responsable d’exploitation, le contrat de travail énumérant ses attributions, dont l’exécution n’est pas contestée par l’association. Elle produit l’attestation d’une responsable d’un établissement de santé, Mme [P], celle de Mme [N], conseillère clinique, et celle de M. [I], chef de centre, 6 courriels de salariés de l’association ainsi que le courriel des représentants des salariés qu’elle recevait au même titre que l’ensemble du personnel même si elle travaillait à distance.
Mme [M] invoque également la rémunération mensuelle brute qui lui a été versée en contrepartie de la prestation de travail fournie.
Mme [M] soutient enfin qu’elle était sous un lien de subordination tel que précisé à l’article 10 de son contrat de travail puisqu’elle exerçait ses fonctions ‘dans le cadre des directives écrites ou verbales qui lui seront données par le gérant ou par toute autre personne qui pourrait lui être substituée’, les intimées sur lesquelles reposent la charge de la preuve ne démontrant pas l’absence de lien de subordination. Elle verse des attestations et courriels selon lesquels c’est le dirigeant de l’association qui lui donnait les instructions de rendez-vous comme à l’ensemble de ses équipes, c’est auprès de lui qu’elle s’assurait de la nécessité de sa présence sur les différents sites et qu’elle effectuait les reporting, celui-ci contrôlant son travail. Mme [M] formulait de même des demandes de congés auprès de l’employeur.
A l’appui de sa demande, elle produit également les notes de frais de déplacement, de charge d’hôtel, de repas, accompagnées de relevés de compte de novembre 2014 à novembre 2015 démontrant, selon elle, la réalité du travail effectué, conformément à l’article 7 de son contrat de travail prévoyant qu’elle serait amenée à se déplacer au sein des différents centres.
Mme [M] rappelle enfin qu’elle bénéficiait des dispositions applicables à la santé des salariés sous le contrôle de l’employeur, comme cela a été le cas pour l’arrêt de travail pour maladie du 23 octobre 2015 au 28 février 2016, ayant alors reçu un courrier de l’association le 25 février 2016 pour se rendre à une visite médicale de reprise le 29 février 2016, avant de se rendre au siège le lendemain.
Elle confirme qu’elle ne disposait pas de messagerie électronique avec l’adresse de l’association mais que d’autres salariés non sédentaires avaient également conservé leur adresse courriel personnelle dans le cadre de leur activité salariée.
Enfin, Mme [M] s’appuie sur le contrat de travail qui mentionne une reprise d’ancienneté au 1er juillet 2009, confirmée par les bulletins de paie, pour solliciter le paiement des salaires et de l’indemnité de licenciement en raison de la rupture du contrat survenue le 8 avril 2016.
*
Le mandataire liquidateur soutient au contraire que les prestations de Mme [M] étaient fournies non pas en tant que salariée mais en tant que consultante indépendante. Elle se présentait elle-même sur les réseaux sociaux en qualité de ‘consultante indépendante en management et organisation’ et il invoque la présomption de non-salariat applicable aux travailleurs indépendants.
Il prétend que Mme [M] a fourni des prestations de service et non de travail dans le cadre d’une activité indépendante, en dehors de tout horaire de travail, de lieu de travail ou de tableaux de bord hebdomadaires définissant ses missions et tâches à accomplir.
Le mandataire liquidateur et l’UNEDIC contestent la réalité du contrat de travail de Mme [M] et relèvent le caractère douteux des premières embauches du 1er juillet 2009 par la société Cabinet King et la société Tony Garnier pour deux contrats à temps partiels strictement identiques alors que ces deux cabinets dentaires n’ont aucun lien entre eux, la rémunération d’une directrice administrative au taux horaire de 31,65 euros et l’impossibilité pour Mme [M] de pouvoir partager son emploi entre [Localité 10] et [Localité 13] avec un temps de route de 3h30. Ils soutiennent qu’il s’agissait en réalité d’emplois fictifs et notent que le dirigeant de la société King avait déploré l’absence de Mme [M] à son poste.
Ils relèvent que l’association Dentexia, la société Tony Garnier et Mme [M] ont convenu d’une modification de l’employeur en la personne de l’association Dentexia à compter du 1er avril 2012, pour un temps partiel et une rémunération inchangée, mais que l’association n’ayant pas les moyens de prendre en charge ce contrat, que l’avenant du 1er septembre 2012 a de nouveau modifié l’employeur qui est devenu la société Efficiences Odontologiques, dont le dirigeant était M. [A], avec les mêmes fonctions, mais une rémunération portée à 4.800 euros, toujours pour un temps partiel sans redéfinition de ses fonctions.
L’UNEDIC souligne le caractère exorbitant des conditions financières accordées à Mme [M] au regard du capital de 7.500 euros de la société dont l’activité était la formation.
Le mandataire liquidateur invoque également les nouvelles fonctions de consultante portées dans les deux avenants de 2012.
Sur cette période, les intimées font valoir que Mme [M] cumulait donc deux emplois, le premier de directrice administrative à mi-temps auprès de la société King et le second en qualité de consultante au sein de l’association Dentexia.
Les intimées soulignent aussi que le transfert de contrat s’est effectué entre entités juridiques dont l’activité était radicalement différente -un cabinet dentaire d’exercice libéral, puis une association et enfin une société de formation continue-, soutenant que ces transferts n’avaient pour objectif que de pérenniser le statut de salarié de Mme [M], sans qu’un lien de subordination ne soit démontré.
L’UNEDIC invoque le licenciement notifié à Mme [M] par le mandataire liquidateur de la société Efficiences Odontologiques le 14 octobre 2014, soit dans les 15 jours suivant la liquidation judiciaire, et le paiement de l’indemnité compensatrice de préavis correspondant à 3 mois de salaires du 15 octobre 2014 au 15 janvier 2015.
Les intimées soutiennent que la clause de reprise d’ancienneté figurant au contrat liant l’association Dentexia et Mme [M] au vu de ‘son expérience’ devrait être considérée comme une clause exorbitante du code du travail car le contrat a été signé en dehors de tout transfert d’activité et résulte d’une faveur au profit de Mme [M].
De la même façon, est noté le caractère exorbitant des conditions financières de sa rémunération dans le contrat qui la lie à l’association Dentexia à compter du 16 octobre 2014 pour un salaire de 7.200 euros alors que l’association était en état de cessation de paiement à compter du 31 juillet 2014 et que le contrat a donc été signé dans une période d’opérations douteuses, l’association ayant sollicité la désignation d’un mandataire ad hoc dès le 30 septembre 2014 en vue d’une conciliation avec certains de ses créanciers.
Le mandataire liquidateur soutient qu’il était impossible pour Mme [M] d’exercer ses fonctions telles que listées dans le contrat du 16 octobre 2014 dans un même temps et dans différents centres aussi éloignés géographiquement ; alors que M. [A] aurait demandé sa mutation à [Localité 4] en sa qualité de dirigeant de la société Efficiences Odontologiques, Mme [M] avait pour mission de préparer le projet d’ouverture de centres dentaires à [Localité 4] tout en s’occupant de l’association Dentexia à [Localité 3] et en gérant à temps complet l’ensemble des sites de Dentexia.
Le mandataire liquidateur invoque l’absence de lieu de travail effectif au sein d’un établissement, Mme [M] fournissant des prestations depuis son domicile, alors que son contrat de travail prévoyait qu’elle devait exercer principalement ses fonctions au sein des centres dentaires et qu’en raison de ses fonctions et de son autonomie, elle pourrait être amenée à travailler à son domicile. Selon lui, Mme [M] ne prouve pas qu’elle était effectivement présente au sein des différents centres Dentexia. Elle échappait ainsi à tout contrôle tant au niveau de ses horaires que de son activité. Il relève qu’aucun billet de transport n’est produit ni de frais de déplacement remboursés par Dentexia, les notes de frais versées correspondent à des dépenses sans que soient justifiés des remboursements et de la validation par l’employeur.
Le mandataire liquidateur soutient que Mme [M] ne recevait aucune consigne ni instruction et n’avait pas d’obligation de rendre des comptes, qu’il n’existe aucune preuve d’instruction, d’horaires de travail, de consignes et qu’elle ne produit aucun courriel sur un travail commandé.
Il conteste la régularité des attestations de Mme [N] et Mme [P] qui ne répondent pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile, les attestations produites avec une date plus récente ne comportant pas toutes les mêmes signatures.
Dans tous les cas, il constate que les courriels tendant à établir l’existence de prestations pour la société Dentexia ne démontrent pas l’existence d’un lien de subordination ni d’une relation salariale.
De la même façon, il est relevé l’absence d’adresse mail avec une extension de l’association Dentexia, alors que Mme [M] était censée être responsable d’exploitation.
Le mandataire liquidateur indique enfin que l’adhésion à un service de santé n’est pas de nature à caractériser un lien de subordination.
***
En présence d’un contrat de travail apparent, il appartient à celui qui invoque son caractère fictif d’en apporter la preuve.
L’existence d’un contrat de travail apparent résulte de la production par Mme [M] d’un contrat de travail signé le 16 octobre 2014, des bulletins de salaire, de la notification de son licenciement le 18 mars 2016 et de la proposition d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle, ainsi que du remboursement des frais de déplacement et de repas, tel que cela ressort des tableaux de frais transmis par Mme [M] à la société et des virements globaux sur son compte personnel en remboursement.
Il appartient dès lors aux intimées de démontrer le caractère fictif de ce contrat de travail.
Pour voir dire que Mme [M] n’était pas liée par un contrat de travail à l’association, le mandataire liquidateur et l’UNEDIC invoquent principalement son statut de consultante et l’absence de lien de subordination.
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs, le contrat de travail étant caractérisé par l’existence d’une prestation de travail, d’une rémunération et d’un lien de subordination juridique entre l’employeur et le salarié, ce dernier étant de ce fait soumis au pouvoir disciplinaire de celui pour lequel il travaille.
Le curriculum vitae de Mme [M] porte mention de 2006 à 2016 de ses fonctions d’animatrice de réseau de centres de santé dentaires et elle n’apparaît comme consultante indépendante qu’à partir de la période postérieure à la rupture de ses relations avec l’association Dentexia, ayant participé au développement de 3 centres de santé dentaires entre 2017 et 2018.
Le mandataire liquidateur et l’UNEDIC ne produisent aucun élément permettant de remettre en cause la relation salariale ni l’absence de lien de subordination alors que Mme [M] verse aux débats des échanges de courriels avec M. [A] permettant d’établir qu’elle travaillait sous son contrôle : elle lui demande son accord en décembre 2014 pour répondre favorablement à une demande d’augmentation d’une salariée, en donnant son avis sur les compétences de cette dernière ; M. [A] lui fait des observations et demandes de modifications de protocoles le 12 avril 2015 ou échange avec elle sur le plan d’un séminaire le 8 avril 2015.
Mme [M] produit également un courriel du 28 mars 2015 adressé à M. [A], joignant une série de fichiers dans le cadre de son ‘reporting de GBL’.
Mme [E] atteste en qualité de directrice des ressources humaines de l’association Dentexia que Mme [M] ‘rendait des comptes très régulièrement à M. [A] et que l’ensemble des missions qu’elle effectuait dans le cadre de sa fonction émanait de M. [A], qui donnait les directives de son travail.’ Elle confirme ainsi l’existence d’un lien de subordination entre M. [A] et Mme [M], responsable d’exploitation.
Les courriels produits aux débats datent de 2016 et ne sont pas conformes aux prescriptions requises par l’article 202 du code de procédure civile. Toutefois leur contenu est corroboré par de nouvelles attestations dans les formes, produites ensuite, rédigées dans des termes identiques, qui rendent recevables l’ensemble des témoignages versés. Il est ainsi attesté par les salariés de différents centres de l’implication de Mme [M] auprès de chacun, indépendamment de leur éloignement géographique.
Mme [M] justifie enfin de ce que M. [A] a validé le 17 mars 2015 sa présence au centre de [Localité 12] sur trois jours, contribuant ainsi à la fixation de son planning de travail et que par courriels des 20 février 2014 et 3 février 2015, elle sollicitait l’autorisation de poser une semaine de vacances fin février, demande à laquelle il était répondu favorablement.
Il ressort de l’organigramme de l’association produit aux débats par Mme [M] qu’elle apparaissait comme ‘consultante Dentexia’ au même titre que d’autres salariés et qu’aucun d’entre eux n’utilisait de messagerie avec une extension ‘Dentexia’, de sorte que la cour peut en déduire que l’association n’avait pas mis en place une harmonisation des outils de communication en son sein sans qu’il puisse en découler l’absence de lien de subordination avec l’association.
Ces différents éléments démontrent que le travail effectué par Mme [M] était placé sous le pouvoir de direction et de contrôle du dirigeant de l’association et était réalisé selon l’organisation voulue par lui. La relation salariale est donc établie par les termes du contrat, confirmés par le lien de subordination, le mandataire liquidateur et l’UNEDIC échouant à démontrer le caractère fictif de ce contrat.
Sur la nullité du contrat de travail
Au visa de l’article L. 632-1 du code de commerce, les intimées invoquent la nullité du contrat de travail du 16 octobre 2014, signé quinze jours après la liquidation de la société Efficiences Odontologiques qui employait Mme [M], prononcée le 30 septembre 2014, et 2 jours après son licenciement par cette même liquidation judiciaire.
Le liquidateur ainsi que l’UNEDIC relèvent les avantages exorbitants consentis au-delà de la capacité financière de l’association puisque le contrat a été signé pendant la période suspecte,la date de l’état de cessation de paiements ayant été fixée par la juridiction commerciale au 31 juillet 2014 et que le poste de ‘responsable d’exploitation’ ne répond à aucun emploi défini par la convention collective des cabinets dentaires, soulignant aussi que la prime d’ancienneté n’a pas été calculée selon les dispositions prévues par la même convention.
Le mandataire liquidateur revendique la compétence du conseil des prud’hommes pour prononcer la nullité du contrat de travail et, sur le fond, ajoute que l’expérience de Mme [M] ne justifiait pas d’une telle rémunération ni des avantages acquis dont le paiement est venu aggraver la situation financière de l’association Dentexia, rappelant que cette reprise d’ancienneté n’est ni légale ni conventionnelle, en l’absence de tout transfert de contrat de travail au sens de l’article L. 1224-1 du code du travail.
Il relève également qu’à la date du 16 octobre 2014, l’association ne disposait pas de la capacité financière pour assurer le règlement des salaires de façon indéterminée, ayant enregistré un passif de 2.382 404 euros en 2014.
Mme [M] soulève l’incompétence du conseil des prud’hommes au profit du tribunal de commerce pour statuer sur les actions en nullité d’un acte conclu en période suspecte, par application des articles 73 et suivants du code de procédure civile et R. 662-3 du code du commerce.
Sur le fond, elle soutient que la preuve du caractère fictif du contrat de travail qui serait le fruit d’une collusion frauduleuse entre l’association Dentenxia et elle-même n’est pas rapportée pas plus que l’existence d’un déséquilibre manifeste entre les prestations des parties au contrat.
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Aux termes de l’article L. 632-1 du code du commerce, ‘I. – Sont nuls, lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants : 1° Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ; 2° Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excèdent notablement celles de l’autre partie ;’
L’article L. 632-4 du même code précise que ‘l’action en nullité est exercée par l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan ou le ministère public. Elle a pour effet de reconstituer l’actif du débiteur.’
L’article R. 662-3 du code du commerce donne compétence au juge des procédures collectives pour statuer sur des demandes nées de cette procédure et soumise à son influence juridique et déroge ainsi aux règles de compétence de droit commun. Toutefois, cette prorogation de compétence n’a pas un caractère absolu et ne peut déroger aux compétences exclusives d’autres juridictions.
Or, en vertu de l’article L. 1411-1 du code du travail, le conseil des prud’hommes dispose d’une compétence exclusive d’attribution pour les différends pouvant s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu’ils emploient.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la demande principale de la salariée en paiement de créances salariales l’oppose au mandataire liquidateur qui représente l’association et relève de la compétence exclusive du conseil des prud’hommes.
La demande subsidiaire formée par le mandataire liquidateur et l’UNEDIC en nullité du contrat de travail conclu en période suspecte, en ce qu’elle est connexe à la demande principale contestant la qualité de salariée de Mme [M], peut donc être examinée par la juridiction prud’homale.
L’exception d’incompétence sera en conséquence rejetée.
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Le contrat de travail a été conclu le 16 octobre 2014 alors que la date de cessation de paiement a été fixée au 31 juillet 2014. Ce contrat commutatif a donc été conclu alors que l’employeur se trouvait en état de cessation des paiements depuis plus de deux mois et avait d’ailleurs préalablement sollicité la désignation d’un administrateur pour négocier un étalement de ses dettes envers ses créanciers.
Ce contrat a été signé par M. [A], qui était déjà employeur de Mme [M] en sa qualité de directeur de la société Efficiences Odontologiques, lequel avait doublé le salaire de Mme [M] entre avril et septembre 2012 lors du changement d’employeur de Dentexia à Efficiences Odontologiques, le passant de 2.400 euros à 4.800 euros pour un temps partiel, puis deux jours après la liquidation judiciaire de la société Efficiences Odontologiques, a de nouveau augmenté à 7.200 euros bruts par mois pour 39h, auquel s’est rajoutée une prime d’ancienneté non contractuelle et le remboursement des frais de déplacement.
Par ailleurs, Mme [M] a, en 5 ans, exercé pour le même employeur des fonctions de directrice administrative, de formatrice et enfin de responsable d’exploitation.
A la date de conclusion du contrat de travail, le liquidateur judiciaire a relevé dans une note de synthèse, que le passif d’exploitation de l’association Dentexia avait augmenté de façon très importante, l’association ayant fait le choix de décaler les règlements des dettes, notamment au détriment de l’URSSAF, générant un passif de plus de 23 millions d’euros en quatre années d’activité.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 7 mars 2019 statuant sur l’appel du jugement du tribunal de commerce du 26 juillet 2018 ayant prononcé la faillite personnelle de M. [A], relevait qu’à la date de l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le passif de l’association était de plus de 10.000.000 euros, sa trésorerie n’étant que de 13.000 euros fin 2014 et confirmait la faute du président de l’association qui n’avait pas tenu ni fait tenir de comptabilité régulière pour les exercices 2014 et 2015.
Aux termes de son contrat de travail comme responsable d’exploitation et apparaissant dans l’organigramme produit en pièce 46 par la salariée en qualité de directrice du cabinet Pages à [Localité 11], Mme [M] percevait un salaire mensuel brut de 7.200 euros outre une prime d’ancienneté variant suivant les mois : de 106 euros en octobre 2014 à 432 euros en septembre 2015 et 312 euros en octobre 2015. En comparaison, Mme [P], consultante et directrice du centre de Dentexia [14] à [Localité 13] percevait 4.200 euros mensuels bruts et 500 euros de prime d’objectifs.
Mme [M] bénéficiait également du remboursement de ses frais professionnels sans qu’il soit établi une vérification par un comptable, transmettant des frais de trajet, de transport en Uber, de restauration et d’hôtel qui lui ont été remboursés pour des montants importants : ainsi sur le mois de novembre 2014, les sommes de 1.884,10 euros, 3.198,54 euros et 2.800 euros en provenance de Dentexia, sur le mois de décembre 2014 les sommes de 2.077,52 euros et 1.739 euros, sur le mois de janvier 2015, la somme de 3.547,79 euros et sur le mois sur le mois de juin 2015 un montant de 6.321 euros par 3 virements successifs.
Le montant de la rémunération attribuée à Mme [M] se situait à des niveaux très supérieurs aux minima applicables, la plus haute prévue pour un prothésiste dentaire de niveau 4 étant de 2.589 euros par mois en 2014 et il s’y est rajouté le remboursement de frais très élevés, validé en dépit des difficultés majeures que rencontrait l’entreprise.
Ce contrat de travail, notablement déséquilibré et conclu en période de cessation des paiements est dès lors nul.
Il y a donc lieu de faire droit à la demande d’annulation et cela même si la salariée n’avait pas connaissance de l’état de cessation des paiements, étant néanmoins relevé qu’elle venait d’être licenciée par une société également gérée par M. [A], placée en liquidation judiciaire.
Conformément au droit commun relatif aux effets de l’annulation d’un contrat à exécution successive, l’annulation du contrat de travail, sur ce fondement ne prive pas le salarié d’un droit à indemnisation lorsqu’il a effectivement travaillé.
Toutefois, Mme [M] ne revendique que le paiement de créances salariales découlant du contrat de travail annulé.
Elle sera en conséquence déboutée de l’ensemble de ses prétentions.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur la demande au titre du caractère abusif de la procédure
La SAS Les Mandataires fonde sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sur l’article 1240 du code civil.
Elle ne rapporte toutefois pas la preuve d’une faute de Mme [M] qui ne résulte pas du seul caractère infondé des prétentions formulées.
Le mandataire liquidateur sera donc débouté de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Mme [M], partie perdante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’au paiement à la SAS Les Mandataires de la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit le conseil des prud’hommes compétent pour statuer sur les demandes de Mme [M] en vertu du contrat de travail signé avec l’association Dentexia le 16 octobre 2014,
Rejette l’exception d’incompétence soulevée par Mme [M] et dit le conseil des prud’hommes compétent pour statuer sur la demande subsidiaire et connexe à la demande salariale,
Dit nul et de nul effet le contrat signé le 16 octobre 2014 entre Mme [M] et l’association Dentexia,
Déboute Mme [M] de l’ensemble de ses demandes,
Dit que la présente décision est opposable à l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 10],
Déboute la SAS Les Mandataires de ses demandes,
Condamne Mme [M] aux dépens ainsi qu’à verser à la société Les Mandataires la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles engagés.
Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire