Prothésiste dentaire : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04143

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Prothésiste dentaire : 30 mars 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 22/04143

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

2e chambre civile

ARRET DU 30 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/04143 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQMA

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du 20 JUILLET 2022

JUGE DE LA MISE EN ETAT DE NARBONNE

N° RG 21/01106

APPELANTE :

SA PRIMA, société anonyme au capital de 30 489 803 €, inscrite au RCS de PARIS sous le numéro 333 193 795, dont le siège est sis [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Thierry BERGER, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant et Me CHARPENTIER, avocat au barreau de TOULOUSE, avocat plaidant

INTIMEE :

Madame [Z] [P]

née le 08 Mars 1969 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Hugues MOULY de la SCP HABEAS AVOCATS ET CONSEILS, avocat au barreau de NARBONNE

Ordonnance de clôture du 30 Janvier 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 06 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

Monsieur Eric SENNA, Président de chambre

Madame Myriam GREGORI, Conseiller

Madame Nelly CARLIER, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. Salvatore SAMBITO

ARRET :

– contradictoire ;

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par Monsieur Eric SENNA, Président de chambre, et par M. Salvatore SAMBITO, Greffier.

EXPOSE DU LITIGE :

Mme [Z] [P], alors co-gérante de la SARL Laboratoire 1848, au sein de laquelle elle exerçait une activité de prothésiste dentaire, a adhéré avec effet au 1er octobre 2012 à la convention d’assurance collective ‘Mondiale majoritaire revenus’ souscrite au profit de ses adhérents par l’association Amphitea auprès de la SA Prima, convention incluant une garantie de ressources en cas d’incapacité temporaire de travail et d’invalidité permanente. Ce contrat est géré par la société d’assurance mutuelle La Mondiale.

Mme [P] a reçu par l’intermédiaire de La Mondiale une somme totale de 34 383, 87 € au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail à la suite d’arrêts de travail du 11 avril 2016 au 26 octobre 2017.

Par lettre du 23 janvier 2018, la société AG2R La Mondiale a demandé à Mme [P] le remboursement de la somme qui lui avait été versée en raison d’antécédents médicaux antérieurs à la souscription du contrat qui n’avaient pas été mentionnés par l’assurée dans le questionnaire de santé signé le 28 septembre 2012.

Par acte d’huissier en date du 12 août 2021, la SA Prima a fait assigner Mme [Z] [P] devant le tribunal judiciaire de Narbonne aux fins de voir principalement :

– prononcer la nullité de l’adhésion de Mme [P] à la convention d’assurance précitée

– condamner Mme [P] à payer à la société d’assurance mutuelle La Mondiale la somme de 34 383, 87 € au titre des indemnités journalières indument perçues avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 janvier 2018.

Saisi d’un incident le 14 janvier 2022 par Mme [P], le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Narbonne a :

– déclaré irrecevable l`action de la SA Prima à l`encontre de Mme [Z] [P] pour cause de prescription,

– en conséquence, dit que l`instance est éteinte,

– condamné la SA Prima à verser à Mme [Z] [P] la somme de 2 000€ au titre de l`article 700 du Code de procédure civile,

– condamné la SA Prima à payer les dépens.

Par déclaration au greffe du 29 juillet 2022, la SA Prima a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, la SA Prima demande à la Cour de :

– déclarer la SA Prima recevable et bien fondée en son appel,

– Y faisant droit, infirmer l’ordonnance du Juge de la mise en état du Tribunal judiciaire de Narbonne en date du 20 juillet 2022 (RG 21/01106) en toutes ses dispositions.

– En conséquence, juger que l’action engagée par la SA Prima à l’encontre de Madame [Z] [P] est soumise à la prescription quinquennale de droit commun de sorte qu’elle est recevable et que l’instance n’est pas éteinte.

– condamner Madame [P] à verser la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile à la société Prima et aux entiers dépens avec droit pour Maître Thierry BERGER de les recouvrer directement en application de l’article 699 dudit Code.

Au dispositif de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses moyens et prétentions, Mme [Z] [P] demande à la Cour de :

– juger que l’action de la SA Prima contre Mme [P] est prescrite

– en conséquence, confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions

– condamner la SA Prima au paiement dela somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la SA Prima aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP HABEAS AVOCATS ET CONSEILS en application de l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur la prescription de l’action

La société Prima assurances fait valoir que son action s’apparente non à une action en nullité du contrat d’assurance mais à une action en répétition de l’indu non soumise à la prescription biennale de l’article L. 114-1 du code des assurances selon la jurisprudence de la Cour de cassation qui reprend de façon constante que l’action en répétition de l’indu, quelque soit la source du paiement indu, se prescrit par le délai de droit commun applicable, soit en l’espèce par cinq ans en application de l’article 2224 du code civil à compter du jour où elle a connu les faits permettant d’exercer son action, soit à compter du 5 décembre 2017, date à laquelle l’organisme gestionnaire a été informé des antécédents médicaux non déclarés par Mme [P] au moment de la souscription du contrat.

En réponse, Mme [P] demande la confirmation de l’ordonnance entreprise qui à bon droit a fait application de la prescription biennale instituée par l’article L L.114-1 du code des assurances, l’action engagée à son encontre par la société Prima ayant pour objet la nullité de son adhésion sur le fondement de l’article L 113-8 du code des assurances, action ne pouvant être qualifiée d’action en paiement de l’indu et étant donc prescrite compte tenu du point de départ de la prescrisption fixé au 31 octobre 2017, date du contrôle médical dont elle a fait l’objet et ayant révélé la cause invoquée de nullité de son adhésion.

Aux termes des dispositions de l’article L 114-1 du code des assurances , ‘Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance ……

Toutefois ce délai ne court :

1 ° En cas de réticence, omission, déclaration fausse ou inexacte sur le risque couru, que du jour où l’assureur en a eu connaissance ;

….’

L’article 2224 du code civil dispose quant à lui : ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’.

Il est constant que l’action en répétition de l’indu est soumise au régime de la prescription de droit commun de cinq ans visée à l’article 2224 du code civil et non à celui de la prescription biennale prévue à l’article L 114-1 du code des assurances.

Il est exact, comme le soutient l’appelante, que ne sont pas soumises à la prescription biennale les actions ne dérivant pas du contrat d’assurance.

Il convient, en conséquence, de rechercher le fondement de l’action de l’assureur à l’encontre de Mme [P], son assurée pour déterminer si elle dérive du contrat d’assurance et est ainsi soumise à la prescription biennale.

En l’espèce, il ressort des pièces produites et il n’est pas contesté qu’ à la suite d’arrêts de travail successifs du 11 avril 2016 au 26 octobre 2017, la société d’assurance mutuelle AG2R La Mondiale, gestionnaire du contrat d’assurance souscrit par Mme [Z] [P] auprès de la SA Prima, lui a versé une somme totale de 34 383, 87 € au titre de la garantie incapacité temporaire totale de travail et que par courriers du 23 janvier 2018, la société AG2R La Mondiale a informé Mme [P] qu’elle se voyait contrainte de cesser sa prise en charge au titre de ces garanties et d’annuler ses contrats sur le fondement de l’article L 113-8 du code des assurances en raison d’antécédents médicaux antérieurs à la date de souscription du contrat et non déclarés par elle sur le questionnaire de santé signé le 28 septembre 2012 en lui demandant le remboursement des sommes qui lui avaient été versées.

Il ressort néanmoins clairement de l’assignation délivrée le 12 août 2022 devant le tribunal judiciaire de Narbonne que c’est bien une action en nullité du contrat d’assurance que la société Prima a entendu engager à l’encontre de Mme [P] et non une action en répétition de l’indu. Les demandes principales figurant au dispositif de cette assignation tendent , en effet :

– au prononcé de la nullité de l’adhésion de Mme [P] à la convention d’assurance collective en cause au visa de l’article L. 113-8 du code des assurances , dont les dispositions visent la nullité du contrat d’assurance en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré

– à la condamnation de Mme [P] à lui payer la somme de 34 383, 87 € au titre des indemnités journalières indument perçues au visa de l’article 1178 du code civil, dont les dispositions concernent également la nullité du contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité et qui doit être prononcée par le juge.

Le dispositif de l’assignation est confirmé par les motifs contenus par celle-ci faisant référence aux mêmes articles sans jamais évoquer une action en répétition de l’indu et l’application des articles 1302-1 et 1302-2 du code civil relatives à cette action. II convient de relever que ce n’est que dans ses conclusions à hauteur d’appel que la société Prima vise l’application de ces dispositions.

Si l’article 1178 du code civil prévoit que les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code civil, ces dispositions concernent le régime général des restitutions et non pas exclusivement celles résultant d’une action en répétition de l’indu et s’appliquent également à l’action aux fins de nullité d’un contrat.

L’appelante ne saurait donc soutenir que son action formée à l’encontre de Mme [P] se bornait à lui réclamer la restitution des sommes indument versées résultant de l’inexistence ou de la nullité du contrat d’assurance alors que sa demande de restitution dépend du prononcé préalable par le juge de la nullité du contrat, ce qu’elle demande de manière expresse aux termes de son assignation.

Ainsi, s’il est de jurisprudence désormais constante que l’action en répétition de l’indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de dispositions spéciales, aux quasi-contrats, les restitutions consécutives à l’annulation d’un contrat ne relèvent pas de la répétition de l’indû mais seulement des règles de nullité. A cet égard, un contrat, même vicié d’une cause de nullité, présente une apparence de validité que l’action en nullité a précisément pour objet d’anéantir et n’est pas inexistant comme le prétend la société Prima.

L’action en nullité du contrat d’assurance étant le préalable nécessaire à l’action en remboursement de l’assureur, cette action doit, en conséquence, être considérée comme dérivant d’un tel contrat et ainsi soumise au délai de prescription biennale au sens de l’article L 114-1 du code des assurances et ce, y compris lorsque cette action est fondée sur une fausse déclaration ou une omission intentionnelle de l’assuré.

Par ailleurs, comme le relève de manière pertinente le premier juge, la prescription biennale est prévue contractuellement par l’article 8 des conditions générales de la convention d’assurance collective liant les parties qui prévoit que ‘ Toutes actions qui se rapportent à la présente adhésion ne peuvent plus être engagées par l’assureur ou par l’assuré deux ans après l’évènement qui les motive.’, cette clause n’étant pas la simple reprise des règles édictées par les articles L 114-1 et L 114-3 du code des assurances au regard des termes différents employés, l’intention contractuelle des parties étant bien de soumettre toutes les actions se rapportant à l’adhésion de l’assuré à la prescription biennale, ce qui est le cas de l’action introduite par la société Prima à l’encontre de Mme [P] et qui se rapportent à son adhésion.

Il résulte des écritures mêmes de la société Prima que c’est à la suite du contrôle médical du 31 octobre 2017, et plus précisément à l’occasion d’un courrier du 5 décembre 2017 du médecin, que la société AG2R La Mondiale, gestionnaire du contrat d’assurance a été informée des antécédents médicaux non déclarés de Mme [P] et que c’est en tous les cas au plus tard le 23 janvier 2018, date du premier courrier adressé à cette dernière par cette société pour réclamer le remboursement des sommes perçues, que la société d’assurance a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action.

C’est donc à bon droit que le premier juge, constatant que l’acte introductif d’instance avait été délivré le 12 août 2021, soit plus de deux ans après le 12 janvier 2018, date retenue la plus favorable à l’assureur, a déclaré irrecevable comme étant prescrite l’action de la société Prima formée à l’encontre de Mme [P].

L’ordonnance entreprise doit, en conséquence, être confirmée en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [Z] [P] les sommes non comprises dans les dépens. La SA Prima sera condamnnée à lui payer la somme de 1500 € aut tire de l’article 700 du code de procédure civile.

La SA Prima succombant en son appel, elle sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

Pour les mêmes motifs, elle supportera les dépens de l’instance d’appel, avec autorisation de recouvrement au profit de la SCP Habeas Avocats et Conseils en application de l’article 699 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

– confirme l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;

et y ajoutant,

– condamne la SA Prima à payer à Mme [Z] [P] la somme de 1500 € chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– déboute la SA Prima de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne la SA Prima aux dépens de l’instance d’appel avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP Habeas Avocats et Conseils en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier Le Président

 


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