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TP/EL
Numéro 23/2636
COUR D’APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 27/07/2023
Dossier : N° RG 21/03978 – N° Portalis DBVV-V-B7F-IB4E
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
S.A.R.L. ALLIANCE LABORATOIRE DE PROTHESES DENTAIRES
C/
[M] [J]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 27 Juillet 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 03 Mai 2023, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Mme PACTEAU, Conseiller
Mme ESARTE, magistrat honoraire exerçant des fonctions jurdictionnelles
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.R.L. ALLIANCE LABORATOIRE DE PROTHESES DENTAIRES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Me ALEMANY de la SELARL CAPSTAN PYTHEAS, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME :
Monsieur [M] [J]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représenté par Me DUBOURDIEU, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : 20/00282
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [M] [J] a été embauché par l’EURL [D], devenue la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires, ci après dénommée société Alliance, en qualité de prothésiste stagiaire’:
– à compter du 15 décembre 1995, suivant contrat à durée déterminée,
– à compter du 16 janvier 1996, dans le cadre d’un contrat de travail initiative emploi à durée indéterminée,
Au dernier état de la relation contractuelle, M. [J] occupait le poste de Technicien qualifié Prothèse dentaire, niveau TQ2.
La relation de travail était soumise à la convention collective dentaires’: prothésistes et laboratoires de prothèse dentaire.
En octobre 2019, M. [J] a été placé en arrêt de travail pour maladie ordinaire.
Le 23 janvier 2020, l’employeur lui a signifié une ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal de grande instance de Pau le 11 décembre 2019, aux fins de constatation et investigations.
Le 13 mars 2020, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, entretien fixé le 24 mars 2020.
Aux termes de ce courrier, le salarié a également été mis à pied à titre conservatoire.
Par courrier en date du 30 mars 2020, M. [J] a été licencié pour faute grave pour avoir manqué à son devoir de loyauté envers son employeur en créant et développant une activité concurrentielle à la sienne.
Le 24 novembre 2020, M. [M] [J] a saisi la juridiction prud’homale de Pau au fond d’une contestation de son licenciement.
Par jugement du 9 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Pau a’:
– fixé la date de début de délai de la prescription de la procédure disciplinaire au 10 décembre 2019, (date saisine pdt TJ pour ord sur requête)
– en conséquence dit que la procédure disciplinaire engagée le 13 mars 2020 est prescrite et que le licenciement est irrégulier,
– fixé à 2 269,78 euros le salaire moyen mensuel de référence,
– condamné la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires à payer à M. [M] [J] les sommes suivantes :
* la somme de 1 531,06 euros au titre de rappel de salaire (congés payés compris) pour la période de mise à pied du 13/03/2020 au 06/04/2020,
* la somme de 4 993,51 euros au titre de rappel de l’indemnité compensatrice de préavis (congés payés compris),
* la somme de 16 581,49 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,
* la somme de 6 809,34 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1235-1 du code du travail,
– ordonné la rectification des bulletins de paye et des documents de fin de contrat conformément à la présente décision,
* la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prononcé l’exécution provisoire uniquement pour les éléments de droit,
– dit que les sommes dues au titre de l’exécution provisoire de droits porteront intérêts à partir du soixantième jour de la notification du présent jugement et pour les autres sommes du soixantième jour du délai d’appel écoulé en l’absence de celui-ci,
– débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes,
– condamné la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires aux dépens.
Le 8 décembre 2021, la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20 juillet 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, la société Alliance Laboratoire de prothèses dentaires, demande à la cour de’:
– réformer le jugement déféré des chefs de jugement suivants :
– Fixe la date de début de délai de la prescription de la procédure disciplinaire au 10 décembre 2019
– En conséquence dit que la procédure disciplinaire engagée le 13 mars 2020 est prescrite et que le licenciement est irrégulier,
– Condamne la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires à payer à M. [M] [J] les sommes suivantes :
– La somme de 1 531,06 euros au titre de rappel de salaire (congés payés compris) pour la période de mise à pied du 13/03/2020 au 06/04/2020
– La somme de 4 993,51 euros au titre de rappel de l’indemnité compensatrice de préavis (congés payés compris)
– La somme de 16 581,49 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement
– La somme de 6 809,34 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1235-1 du code du travail
– Ordonne la rectification des bulletins de paye et des documents de fin de contrat conformément à la présente décision
– La somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Prononce l’exécution provisoire uniquement pour les éléments de droit
– Dit que les sommes dues au titre de l’exécution provisoire de droits porteront intérêts à partir du soixantième jour de la notification du présent jugement et pour les autres sommes du soixantième jour du délai d’appel écoulé en l’absence de celui-ci.
– Condamne la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires aux dépens.
En conséquence, à titre principal :
– juger que le licenciement notifié à M. [M] [J] n’est pas prescrit,
– juger que le licenciement notifié à M. [M] [J] est légitime et reposant sur une faute grave,
– débouter M. [J] de sa demande de rappel de rémunération sur la période de mise à pied conservatoire du 13.03 au 06.04.2020 et des congés payés afférents,
– débouter M. [J] de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents,
– débouter M. [J] de sa demande d’indemnité légale de licenciement,
– débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif du licenciement disciplinaire notifié sur le fondement de l’article L. 1235-1 nouveau code du travail,
– débouter M. [J] de sa demande de rappel de rémunération pour la période du 1/12/2017 au 6/04/2020 et des congés payés afférents,
– débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1104 et 1231-1 du code civil et de l’article L. 1222-1 du code du travail,
– débouter M. [J] de sa demande d’établissement d’un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat rectifié au regard du jugement à intervenir,
– débouter M. [J] de sa demande d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution forcée,
– condamner M. [J] à payer à la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
> A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une condamnation :
– fixer à 2.269,78 euros bruts le salaire mensuel moyen de référence,
– fixer l’indemnité compensatrice de préavis à 4.560,80 euros bruts et les congés payé afférents à 456,08 euros,
– fixer l’indemnité légale de licenciement à la somme de 16.581,49 euros,
A titre infiniment subsidiaire :
– fixer les dommages et intérêts à la somme de 6.809,34 euros bruts
Dans ses conclusions n°3 adressées au greffe par voie électronique le 31 mai 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l’exposé des faits et des moyens, M. [M] [J], demande à la cour de’:
> à titre principal et par voie de confirmation du jugement déféré :
– dire et juger prescrite par application de l’article L 1332-4 du code du travail l’action disciplinaire engagée par SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires le 13 mars 2020 date de convocation de M. [M] [J] pour entretien préalable.
– dire et juger dépourvu de toute cause réelle et sérieuse, et en ce abusif, le licenciement disciplinaire notifié à M. [J] par le SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires le 30 mars 2020,
En conséquence
– condamner SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires à payer à M. [M] [J] les sommes suivantes:
– 1 391,87 euros bruts à titre de rappel de rémunération sur la période de mise à pied conservatoire du 13.03. au 06.04.2020 outre la somme de 139,19euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente sur rappel de rémunération,
– 4 560,80 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 456,08 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente,
– 16 659,54 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 6 809,34 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1235-1 du code du travail.
> par voie d’infirmation du jugement déféré’:
– condamner la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires au paiement d’une somme de 7 105,80 euros bruts à titre de rappel de rémunération pour la période du 1er décembre 2017 au 6 avril 2020 sur la base des dispositions contractuelles outre la somme de 710,58 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente au rappel de rémunération,
– condamner la SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires au paiement d’une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1104 et 1231-1 du code civil et L.1222-1 du code du travail,
> à titre infiniment subsidiaire et par voie d’infirmation du jugement déféré :
– dire et juger dépourvu de tout motif réel et sérieux, et en ce abusif, le licenciement disciplinaire notifié à M. [J] par le SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires le 30 mars 2020,
En conséquence
– condamner SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires à payer à M. [M] [J] les sommes suivantes :
– 1 391,87 euros bruts à titre de rappel de rémunération sur la période de mise à pied conservatoire du 13.03. au 06.04.2020 outre la somme de 139,19euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente sur rappel de rémunération,
– 4 560,80 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre la somme de 456,08 euros bruts à titre d’indemnité de congés payés afférente,
– 16 659,54 euros nets à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 6 809,34 euros au titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1235-1 du code du travail,
> En tout état de cause
– ordonner l’établissement d’un bulletin de salaire et de documents de fin de contrat rectifiés au regard du jugement à intervenir,
– dire et juger y avoir lieu à application la plus large des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail,
– dire que les sommes allouées à M. [M] [J] porteront intérêt au taux légal à compter de la citation en justice (date de réception par la société défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation) pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages et intérêts,
– condamner SARL Alliance Laboratoire de prothèses dentaires à payer à M. [M] [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance y compris les éventuels frais d’exécution forcée.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription des faits fautifs
Suivant l’article L.1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l’engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve qu’il n’en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l’engagement des poursuites. La prise en compte d’un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s’il s’est poursuivi ou réitéré dans ce délai.
Le délai de deux mois s’apprécie du jour où l’employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c’est à l’employeur qu’incombe la charge de la preuve qu’il n’a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l’engagement de la procédure disciplinaire.
La société Alliance soutient avoir eu pleinement connaissance des faits ayant motivé le licenciement pour faute grave de M. [J] le 9 mars 2020, à la réception du constat d’huissier désigné par ordonnance sur requête du président du tribunal judiciaire de Pau, de sorte qu’ils n’étaient pas prescrits lorsqu’elle a engagé la procédure disciplinaire à l’encontre du salarié, suivant convocation à l’entretien préalable par courrier du 13 mars 2020.
[M] [J] estime au contraire que le licenciement pour faute grave dont il a fait l’objet est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif que les faits qui lui sont reprochés étaient prescrits au moment de l’introduction de la procédure disciplinaire. Il fait ainsi valoir que l’employeur, en faisant référence dans la lettre de licenciement, au constat fait le 23 octobre 2019 de ce que l’un de ses clients sollicitait les services d’un autre laboratoire de prothèses dentaires, «’G.VOS.DENTS’», entreprise de l’intimé, avait connaissance des faits depuis cette date.
Pour déclarer prescrits les faits ayant donné lieu au licenciement pour faute grave de M. [J], le conseil de prud’hommes a quant à lui retenu que «’l’employeur disposait de la connaissance suffisante à l’engagement de la procédure disciplinaire’» à la date du dépôt de sa requête visant à obtenir la désignation d’un huissier, le 10 décembre 2019, afin que soit établi un constat destiné à «’déterminer l’étendue et l’ampleur de l’activité concurrentielle notamment pour préserver ses intérêts économiques’».
Or, l’examen des pièces du dossier montre que, le 23 octobre 2019, M. [D], gérant de la société Alliance, alors en déplacement chez un client, a vu qu’une boîte de prothèse lui avait été livrée en provenance du laboratoire G.VOS.DENTS qui s’est révélé être un laboratoire tenu par M. [J] selon les éléments retrouvés par l’appelant sur infogreffe.
C’est sur la base de ces informations succinctes que la société Alliance a saisi le président du tribunal judiciaire de Pau par requête du 10 décembre 2019, afin d’obtenir la désignation d’un huissier pour obtenir un constat relatif aux activités de la société de M. [J], alors en arrêt maladie, dans le but de connaître l’étendue et l’ampleur de son activité concurrentielle.
Cette recherche et ces mesures d’investigations étaient indispensables à la société Alliance pour qu’elle puisse, le cas échéant, engager une procédure disciplinaire à l’encontre de son salarié et prononcer la sanction la plus adaptée et proportionnée si la procédure allait à son terme.
C’est donc seulement à la date de la remise du constat d’huissier, par mail du 9 mars 2020, que la société Alliance a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés ensuite au salarié, de sorte que la procédure disciplinaire engagée par la convocation à l’entretien préalable suivant courrier du 13 mars 2020 n’est pas prescrite.
Il convient donc d’infirmer le jugement déféré.
Sur le bien fondé du licenciement
En application de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d’objectivité et d’exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.
Aux termes de l’article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l’article R.1232-13 du même code, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur.
Suivant l’article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.
En l’espèce, M. [J] a été licencié suivant courrier en date du 30 mars 2020, dont les termes fixent les limites du litige,au motif d’un manquement à son devoir de loyauté en créant son entreprise dont l’activité était strictement identique à celle de la société Alliance.
Il résulte des éléments du dossier, et en particulier du constat d’huissier réalisé en exécution de l’ordonnance du président du tribunal judiciaire de Pau du 11 décembre 2019, que M. [J], salarié de la société Alliance depuis fin 1995, dont l’activité principale est celle de prothésiste dentaire, exerce, dans le jardin de sa propriété, une activité de fabrication de matériel médico-chirurgical dentaire, sous l’enseigne G.VOS.DENTS. L’entreprise a été créée en 2014, puis clôturée en suivant, avant d’être reprise en 2016. L’intimé a expliqué à Me [O], huissier de justice, qu’il avait, à l’époque, demandé une augmentation à son employeur qui la lui avait refusée de sorte qu’il avait décidé de créer son entreprise. Bien que n’étant plus immatriculé en 2015, M. [J] a poursuivi son activité au cours de cette période.
[M] [J] intervient sur les secteurs de [Localité 7], [Localité 6], [Localité 8] et [Localité 5], auprès de dentistes également clients de la société Alliance.
L’examen des pièces recueillies par l’huissier de justice montre que M. [J] a poursuivi son activité y compris pendant son arrêt maladie, intervenu en octobre 2019.
Il a admis avoir créé cette activité dans son courrier du 3 février 2020, affirmant que son employeur en était avisé. Il verse trois attestations d’anciens collègues qui témoignent de leur connaissance du double emploi de M. [J], pour la société Alliance d’une part et dans le cadre de sa propre entreprise d’autre part.
Pour autant, ces éléments ne sauraient ôter, à l’exercice de cette activité concurrentielle, son caractère fautif, d’autant que M. [J] l’a poursuivie pendant son arrêt maladie, comme il l’avait fait en 2015 alors que la société n’avait plus d’existence légale, quand bien même l’employeur ne produit aucun élément relatif à une éventuelle perte de chiffre d’affaires. Le fait même que le salarié se soit livré à cette activité concurrentielle strictement identique, envers des clients également clients de son employeur, de surcroît à des périodes où son contrat de travail était suspendu, suffit à caractériser sa déloyauté dans l’exécution du contrat de travail.
Le grief est donc parfaitement établi et suffisamment grave pour ne pas permettre le maintien du salarié dans l’entreprise, y compris pendant le préavis.
Le licenciement pour faute grave de M. [J] est donc fondé.
Il y a lieu de le débouter de toutes ses demandes et d’infirmer le jugement déféré.
Sur les demandes accessoires
[M] [J], qui succombe en ses demandes, devra supporter les entiers dépens de l’instance, y compris ceux engagés devant le conseil de prud’hommes.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la charge de la société Alliance l’intégralité des frais irrépétibles qu’elle a dû engager.
[M] [J] sera donc condamné à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Pau en date du 9 novembre 2021′;
Statuant à nouveau et y ajoutant’:
DIT que les faits reprochés à M. [M] [J] ne sont pas prescrits’;
DIT que le licenciement pour faute grave de M. [M] [J] est fondé’;
DEBOUTE M. [M] [J] de l’intégralité de ses demandes’;
CONDAMNE M. [M] [J] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance’;
CONDAMNE M. [M] [J] à payer à la société Alliance Laboratoire de prothèses dentaires la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,