Prothésiste dentaire : 27 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02129

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Prothésiste dentaire : 27 avril 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 21/02129
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COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 27 AVRIL 2023

N° RG 21/02129 – N° Portalis DBVY-V-B7F-G2VT

[T] [G] [Z]

C/ Entreprise [B] [H]

[T] [Z]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANNECY en date du 27 Septembre 2021, RG F 21/00110

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

Madame [T] [G] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d’ANNECY

INTIMEE ET APPELANTE INCIDENTE

Entreprise [B] [H]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Laurence MAYBON, avocat au barreau d’ANNECY, substituée par Me Lola GUICHEUX, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 04 Avril 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Président désigné à ces fins par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

Copies délivrées le :

********

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [T] [G] [Z] a été engagée par l’entreprise individuelle [B] [H] sous contrat à durée indéterminée à temps partiel pour 14 heures hebdomadaires à compter du 14 mai 2018.

L’entreprise exploite un laboratoire de prothésiste dentaire réalisant des moulages en plâtre et des appareils orthodontiques à base d’empreintes des clients envoyées par des dentistes et orthodontistes.

Au dernier état de la relation contractuelle elle occupait le poste de prothésiste dentaire échelon TQ3 de la convention collective nationale des prothésistes dentaires et des personnels des laboratoires de prothèse dentaire.

L’entreprise individuelle [B] [H] partage ses locaux avec l’entreprise Annecy Ortho, à qui elle loue les locaux.

Mme [Z] partage son activité entre les deux entreprises : le mardi et le jeudi pour l’entreprise individuelle [B] [H] et le lundi, mercredi et vendredi pour l’entreprise Annecy Ortho.

Elle percevait au dernier état de la relation contractuelle un salaire mensuel brut de 1183,34 €.

Le 8 janvier 2021, la salariée a adressé un courrier à l’entreprise individuelle [B] [H] où elle fait part du manque d’outils de travail mis à sa disposition.

Le 19 janvier 2021, elle prend acte de la rupture de son contrat de travail par courrier.

Le 26 février 2021, l’entreprise individuelle [B] [H] notifie à Mme [Z] son licenciement pour faute grave pour abandon de poste depuis le 26 janvier 2021.

Par requête du 8 avril 2021, Mme [Z] a saisi le conseil de prud’hommes d’Annecy aux fins de solliciter que la prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement en date du 27 septembre 2021, le conseil de prud’hommes d’Annecy a :

– débouté Mme [Z] de l’intégralité de ses demandes

– condamné Mme [Z] à payer les sommes suivantes :

* 2380,20 € à titre d’indemnité de préavis,

* 300 € au titre de l’indemnité pour procédure abusive,

– condamné l’entreprise individuelle [B] [H] à payer à Mme [Z] une somme de 119,22 € au titre de rappel de salaire

– condamné Mme [Z] aux entiers dépens.

Mme [Z] a interjeté appel par déclaration d’appel du 28 octobre 2021 au réseau privé virtuel des avocats.

L’entreprise individuelle [B] [H] a formé appel incident le 15 avril 2022.

Par conclusions notifiées le 21 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, Mme [Z] demande à la cour de :

– infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions et débouter l’entreprise individuelle [B] [H] de toutes ses demandes et prétentions,

– dire et juger que la moyenne des salaires bruts est égale à la somme de 1190.20 € bruts,

– déclarer recevables les pièces n°16, 17 et 30 qu’elle produit,

– dire et juger que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– ordonner la remise des bulletins de paie et des documents rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document à compter de la notification de l’arrêt à intervenir,

– condamner l’entreprise individuelle [B] [H] au versement des sommes suivantes :

* 843 € nets à titre d’indemnité de licenciement,

* 2380,40 € bruts au titre d’indemnité compensatrice de préavis et 238,04 € bruts au titre des congés payés afférents,

* 3570,60 € nets au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 3000 € nets au titre de dommages et intérêts pour inégalité de traitement et exécution déloyale du contrat de travail,

* 119,22 € au titre de rappel de salaire sur la journée du 14 janvier 2021 décomptée en congé sans solde,

* 3000 € nets au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La salariée soutient en substance que la société a gravement manqué à ses obligations.

Malgré de multiples demandes, l’employeur n’a pas fourni les outils nécessaires à son travail.

Elle utilisait les pinces de son second employeur, qui partage les mêmes locaux, mais cette double utilisation ne devait être que temporaire comme en atteste son second employeur.

Elle ne disposait pas des protections respiratoires adaptées, seulement de masques chirurgicaux qui ne protègent pas des particules en suspension dans l’air contrairement aux masques FFP3.

L’employeur a passé commande d’une seule pince pour l’arrivée de la nouvelle prothésiste, mais il n’a rien commandé pour elle, malgré de multiples réclamations pour obtenir des outils de travail.

Les différents consommables nécessaires à la confection d’appareils et de fils dont disposaient la salariée ont été transférés dans les tiroirs de sa nouvelle collègue.

Cette inégalité de traitement est injustifiée.

Les manquements de l’employeur justifie la prise d’acte qui doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ces manquements à l’obligation de sécurité ont poussés la salariée à mettre fin à son contrat de travail en pleine crise sanitaire.

L’employeur a exécuté de manière déloyale le contrat en retardant le paiement des sommes dont il était redevable.

C’est seulement après de nombreuses relances, l’intervention de l’inspection du travail et un contentieux prud’homal que l’employeur a procédé à la remise tardive des documents de rupture erronés.

Ces multiples manquements de la part de l’employeur ne permettent pas de qualifier la procédure d’abusive.

Par conclusions notifiées le 6 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, l’entreprise individuelle [B] [H] demande à la cour de :

– déclarer l’irrecevables les pièces n°16, n°17 et n°30 de Mme [Z] et les rejeter,

– confirmer en toute ses dispositions le jugement déféré sauf en ce qu’il l’a condamné à payer à Mme [Z] la somme de 119,22 € au titre de rappel de salaire, en ce qu’il a condamné Mme [Z] à lui payer la somme de 300 € au titre d’indemnité pour procédure abusive et ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Mme [Z] de sa demande de rappel de salaire

– condamner Mme [Z] à lui payer les sommes suivantes :

* 3000 € au titre de l’indemnité pour procédure abusive,

* 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société fait valoir que la salariée travaillait pour les deux sociétés partageant les mêmes locaux.

Elle effectuait les mêmes travaux, nécessitant les mêmes outils, c’est la raison pour laquelle les deux sociétés ont décidés de mutualiser les outils.

Du matériel avait été acheté en commun, et il n’a jamais été demandé à Mme [Z] d’utiliser ses outils personnels.

La société a mis en place des mesures contre les risques chimiques d’inhalations, des masques FFP2 était à la disposition des salariés, et des aspirations étaient placées au-dessus des box.

La convention collective n’impose pas la mise à disposition de masques FFP3.

La salariée a toujours disposé des outils et protections nécessaires à l’exécution de son travail.

Le 14 janvier 2021, la salariée a refusé d’exécuter son travail, or le salaire ne peut pas être versé à un salarié qui refuse délibérément d’exécuter son travail.

La société n’a pas licencié la salariée, c’est elle qui a quitté l’entreprise.

Le 26 janvier 2021, elle ne s’est pas présentée à son poste de travail et n’a fourni aucun justificatif malgré les relances de la société.

Elle n’a pas été pas non plus présente à l’entretien préalable, la société a été contrainte de la licencier suite à son départ, sans respect des obligations afférentes à une démission.

La salariée ne démontre pas la réalité du préjudice qu’elle prétend avoir subi. Elle n’apporte aucune précision.

Les documents de fin de contrat lui ont bien été remis à l’issue de la relation contractuelle.

La salariée avait en fait pour objectif de travailler à temps plein avec son second employeur, qui a quitté les locaux après la rupture du contrat de travail.

Les prétentions de la salariée sont abusives et injustifiées, aucun des manquements reprochés à la société n’est établi.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 3 février 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les pièces n°16, n°17 et n°30 ont été régulièrement produites aux débats.

Elles sont donc recevables et il appartiendra à la cour d’apprécier souverainement leur valeur probante.

La demande de l’employeur tendant à l’irrecevabilité de ces pièces sera donc rejetée.

La prise d’acte par un salarié de la rupture de son contrat de travail ne produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse que si les manquements imputés par le salarié à son employeur sont suffisamment graves pour le justifier; dans le cas contraire elle produit les effets d’une démission.

Il résulte de ces règles appliquées de façon constante par la jurisprudence, que le contrat de travail est rompu immédiatement par la prise d’acte et que si elle n’est pas retenue, la rupture est toujours effective mais produit seulement les effets d’une démission.

Rupture sur rupture ne vaut, la demande de l’employeur tendant à voir valider le licenciement pour faute grave est dès lors dépourvu d’objet et d’intérêt.

Sur la prise d’acte, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits dont il se prévaut.

La salariée en l’espèce a reproché à l’employeur dans sa lettre de prise d’acte du 19 janvier 2021de ne pas lui fournir les outils nécessaires à l’exécution de son travail d’orthésiste dentaire et l’absence totale de protection obligatoires contre les particules fines dans le laboratoire.

Elle lui reproche aussi une mise à l’écart.

La fourniture des outils de travail constitue l’une des obligations de l’employeur qui doit mettre à la disposition de ses salariés les outils et l’équipement nécessaires à exécuter leur travail.

La convention collective stipule expressément que les outils sont à la charge de l’employeur.

Le travail doit être exécuté dans des conditions de sécurité excluant tout risque d’atteinte à la santé des travailleurs.

Il convient de rappeler que l’obligation de sécurité à laquelle est tenu l’employeur, en vertu de l’article L 4121-1 du code du travail, lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs.

La salariée verse aux débats une lettre recommandée avec avis de réception qu’elle a adressée à l’employeur le 8 janvier 2021 portant sur ses conditions de travail ; elle dénonce que l’employeur ne lui fournisse pas les outils nécessaires à la fabrication d’orthèses dentaires et qu’elle travaille depuis son embauche avec ses outils personnels. Elle demande la commande de pinces, spatules et instruments rotatifs.

Elle précisait en outre que son travail nécessitait le port de masques FFP3 pour les particules fines notamment pour la ponce contenant du quartz, et elle constatait qu’il n’y avait aucun équipement de ce type dans le laboratoire.

Dans un mail adressé à l’employeur le 14 janvier 2021, elle dénonce que l’employeur a refusé de commander le matériel nécessaire à l’exécution de son travail et qu’elle reste donc ce jour sur son lieu de travail à ne rien faire ; elle concluait : ‘Je vous demande d’exposer clairement quel travail que vous souhaitez que j’exécute puisque vous refusez de me fournir le matériel… Je vous demande également de me dire si vous souhaitez poursuivre notre relation de travail et en fonction de votre réponse, quelle solution vous proposez.’.

La salariée signalait la situation à l’inspection du travail par mail du 14 janvier 2021.

Par un nouveau mail du 16 janvier 2021 elle demandait à l’employeur de lui transmettre toute preuve justifiant de l’achat de matériels qu’elle réclame. Elle indiquait que le 14 janvier, aucun matériel n’était disponible à son poste de travail et qu’il avait dit qu’il ne voulait pas en acquérir.

Elle déplorait son silence par rapport à son courrier recommandé du 8 janvier et à ses différents mails.

L’employeur répondait à la salariée par mail du 18 janvier 2021 en indiquant qu’elle ne lui avait jamais demandé d’acheter des pinces, qu’elle l’a insulté en le traitant de malhonnête en affirmant qu’il suffisait de lire ses mails pour prouver que ‘tu avais effectivement passer commandes de pinces. L’employeur répond qu’il n’a trouvé aucune trace de ces mails et qu’elle ne lui avait pas demandé verbalement de commander ce matériel et ‘encore moins utilisé le tableau sur lequel mes salariés et moi même notons les achats à effectuer, et que tu utilises aussi chaque fois que nécessaire. Chaque fois que tu as passé des commandes, j’ai fourni le matériel. Je te convoque donc le 21/01/2021 à ce sujet afin d’éclaircir la situation.

S’agissant des masques, l’employeur répond à la salariée qu’elle n’en a jamais demandé, et qu’il est pourtant disponible et accessible à chaque salarié.

Mme [C], le deuxième employeur de la salariée atteste que la salariée au cours des premiers mois de son embauche utilisait les machines et outils qui lui appartenait en totalité.

La salariée verse un échange de mails des 30 novembre et 2 décembre 2020 entre la salariée et l’employeur au terme duquel la salariée fait état qu’elle garde la pince avec laquelle elle travaille pour remplacer celle qu’elle a cassé qui lui appartenait personnellement. Elle ajoutait que soit il en recommande une ou il lui fait un virement du montant de la pince. L’employeur répondait qu’elle pouvait garder la pince.

Elle produit une photographie représentant un tableau où sont mentionnés des EPI FFP3 pour la ponce, une pince, une fraise résine. Il est indiqué un horodatage du 4 janvier 2019.

Une autre photographie d’un tableau indique EPI F3, l’horodatage étant du 9 novembre 2020.

Elle verse en outre une photographie de son poste de travail montrant des tiroirs vides.

Mme [C] relate dans une deuxième attestation que M. [H] lui avait demandé ainsi qu’à la salariée de mettre à disposition des pinces pour les salariés à l’essai; elle ajoute que M. [H] lui a dit qu’elle pouvait rester mais qu’il ne voulait plus voir la salariée après la prise d’acte. Elle précise que la salariée sur la journée du 14 janvier 2021 ne disposait pas d’outils de travail mais une pince lui a été fournie les 19 et 21 janvier.

Le même témoin dans une autre attestation ajoute avoir été témoin d’une discussion entre M. [H] et la salariée portant sur le fait qu’il lui commanderai des pinces en même temps que pour sa nouvelle orthésiste qu’il embauchait mi janvier 2021.

Dans un mail du 23 janvier 2021 adressé à l’employeur, la salariée dénonce qu’elle n’avait pas de matériels à son poste de travail les 19 janvier et 21 janvier 2021 pour effectuer le travail pour lequel elle avait été engagé et qu’il l’avait employée à des travaux de fils de contention et gouttières car il n’était pas en mesure de lui fournir le matériel pour qu’elle exécute les travaux qu’elle réalisait depuis son embauche.

Si la salariée produit des photographies d’un tableau dont rien n’indique qu’il serait faux, où sont notés des outils de travail, il reste qu’elle ne s’était jamais plainte d’un manque de matériels ou d’outils avant début janvier 2021alors même qu’elle produit une photographie montrant qu’elle avait demandé une commande de pinces le 4 janvier 2019 et le 22 septembre 2020.

L’employeur de plus produit des attestations de salariés témoignant de façon concordante que l’employeur ne faisait jamais obstacle à des commandes de matériels.

Une partie au moins de l’équipement du laboratoire était mutualisée entre les deux employeurs de la salariée. Dès l’embauche, la salariée a utilisé des pinces fournies par Mme [C] et n’avait alors émis aucun reproche à M. [H].

L’employeur justifie en outre avoir acheté des pinces en décembre 2020 (factures en date du 21 décembre 2020).

Même si ponctuellement la salariée a pu manquer d’un outil, notamment le 30 novembre 2020 et le 14 janvier 2021 rien ne l’empêchait d’en discuter directement avec son employeur.

D’ailleurs la prise d’acte est intervenue avant le rendez vous du 21 janvier 2021 prévu par l’employeur.

Ce manquement n’est pas suffisamment grave pour justifier une rupture immédiate du contrat de travail.

Sur la sécurité des lieux, l’employeur justifie que le laboratoire est équipée d’appareils d’aspiration de poussières à la source.

La convention collective ne prévoit pas le port de masques FFP3 en cas d’appareils d’aspirations de poussières. Il est juste stipulé que le port de masques est obligatoire pour le sablage, le meulage, le grattage et le polissage.

L’employeur produit aux débats le document unique d’évaluation des risques qui indique que pour les fonctions exercées par la salarié à savoir risque chimique inhalation monomère et inhalation poste de polissage, les mesures prises par l’employeur étaient les suivantes :

– risque chimique inhalation monomère : masques FFP2 et chirurgicaux disponibles, aspiration spécifique au charbon actif devant le poste de soudure, et montage de la résine,

– inhalation poste de polissage : aspiration dédiée au box de polissage, masque FFP2 et chirurgicaux disponibles.

Aucun salarié n’avait mis en cause l’existence de ce document d’évaluation des risques avant la prise d’acte. La salariée ne s’était pas plainte d’une insuffisance d’aspiration des poussières ou de l’insuffisance d’aération lors de l’exécution du contrat de travail jusqu’au 8 janvier 2021.

L’employeur justifie en produisant des factures qu’il avait acheté des masques FFP2.

Mme [P] salariée de la société atteste que ‘depuis mon arrivée dans l’entreprise, il y a toujours eu à notre disposition des masques chirurgicaux jetables et de masques type FFP2″.

Si le port d’un appareil respiratoire FFP3 est indiqué dans le guide pratique de ventilation établi par la caisse d’assurance maladie, et d’autres mémentos et documents produits par la salariée, l’employeur a mis néanmoins en place des mesures de protection dans son laboratoire.

En effet, une assistante de prévention en santé au travail a visité les locaux et a établi une fiche d’entreprise datée du 2 décembre 2020 sur laquelle il est indiqué que ‘tous les appareils bénéficient d’une aspiration à la source des poussières qui sont rejetées dans des sacs situés dans la pièce voisine’ ; il est aussi noté qu’une VMC est en fonction dans les locaux de travail.

Cette fiche entreprise n’indique pas que le port d’appareils de protection comme les masques FFP3 était nécessaire. Elle a été validée par le médecin du travail.

Si le médecin du travail a recommandé une évaluation des risques chimiques et poussières devant être réalisée par un toxicologue, cette recommandation date du mois de janvier 2021 à une date contemporaine de la prise d’acte. L’employeur ne s’est pas opposé à cette évaluation.

Le médecin du travail n’a pas formulé d’autres objections et signaler des risques particuliers à prendre en compte.

L’employeur établit dès lors suffisamment qu’il a mis en place des équipements de sécurité et que des masques FFP 2 étaient disponibles pour les salariés.

L’employeur n’a donc pas manqué à son obligation de sécurité et de prévention des risques liés à la santé des travailleurs.

La salariée pouvait en tout cas toujours demander à l’employeur de se procurer des masques FFP3 ou au moins d’en discuter avec lui avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

Sur l’inégalité de traitement, la salariée ne verse aucun élément sur le fait qu’elle était traitée différemment des autres salariés de l’entreprise au cours de son contrat de travail, notamment sur le montant du salaire ; aucune comparaison n’est citée. De plus l’employeur a satisfait partiellement à la demande d’augmentation formulée par la salariée ainsi qu’il ressort du mail du 5 octobre 2020 adressé à la salariée où il annonce qu’elle sera augmentée de 150 € par mois et qu’elle bénéficiera en fin d’année d’une prime équivalente à un mois de salaire, ce dont les autres salariés bénéficieront aussi.

Si l’employeur a commandé des pinces en janvier 2021, la salariée ne verse pas plus d’éléments laissant supposer que ces outils étaient expressément réservés à une salariée nouvellement engagée, la seule photographie produite montrant deux tiroirs vides n’étant pas probante pour laisser supposer des faits discriminatoires.

Concernant l’exécution déloyale, il ressort des différents mails échangés entre la salariée et l’employeur que les relations se sont dégradés à compter du 8 janvier 2021. La salariée n’a pas cherché à trouver des solutions en discutant avec son employeur, et a pris acte de la rupture de son contrat de travail avant même de rencontrer l’employeur comme ce dernier l’avait proposé.

La salariée dans un tel contexte de tensions ne peut reprocher à son employeur d’avoir anticipé son départ en recherchant à recruter un nouveau salarié. Surtout, la salariée a retrouvé très rapidement un travail à temps plein dès le 1er février 2021 avec son deuxième employeur, Mme [C] qui s’est installée dans d’autres lieux.

Même si l’employeur devait veiller jusqu’à la rupture de mettre à la disposition de la salariée les outils nécessaires à sa mission, et qu’il ne pouvait demander à la salariée d’autres tâches que celles prévues par son contrat de travail, ces difficultés ont été très ponctuelles et la salariée ne prouvent par aucune pièce avoir subi un préjudice résultant de ces faits.

Il résulte de tous ces éléments qu’aucun manquement suffisamment grave de l’employeur ne justifiait une prise d’acte.

La prise d’acte produit dès lors les effets d’une démission.

La salariée compte tenu de cette démission sans préavis doit à l’employeur une indemnité de préavis comme l’a décidé à juste titre le conseil des prud’hommes.

Le jugement a donc à juste titre considéré que la prise d’acte n’était pas justifiée.

Enfin, si l’employeur a tardé à verser à la salariée après la rupture les sommes restant dues au titre du contrat de travail , la salariée n’établit pas la réalité de son préjudice matériel ou moral.

Le jugement rejetant la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale sera aussi confirmé sur ce point.

Aucune demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale fondée sur une discrimination ne peut aussi prospérer, la discrimination n’étant pas retenue.

En revanche, la salariée en engageant une procédure judiciaire n’a fait que défendre ses droits en soutenant des moyens et des arguments sérieux.

La demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée et le jugement infirmé sur ce point.

La demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile formulée par l’employeur sera également rejetée pour des motifs tirés de la situation économique de l’appelante.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;

REJETTE la demande tendant à écarter les pièces n°16, n°17 et n°30 des débats;

CONFIRME le jugement en date du 27 septembre 2021 rendu par le conseil de prud’hommes d’Annecy sauf sur la condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Statuant à nouveau sur ce dernier point,

DÉBOUTE l’entreprise individuelle [B] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE Mme [T] [Z] aux dépens d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE l’entreprise individuelle [B] [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 27 Avril 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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