Prothésiste dentaire : 25 septembre 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/00925

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Prothésiste dentaire : 25 septembre 2020 Cour d’appel de Rennes RG n° 18/00925

8ème Ch Prud’homale

ARRÊT N°285

N° RG 18/00925 –

N° Portalis DBVL-V-B7C-OTIN

M. [I] [G]

C/

– MUTUELLE NATIONALE AVIATION MARINE OEUVRES MUTUELLES (MNAM-OM)

– SAS LABORATOIRE [U]

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L’HENORET, Président de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Conseillère,

Monsieur Emmanuel ROCHARD, Conseiller,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

En chambre du Conseil sanitaire du 09 juillet 2020 en application des dispositions de l’article 6 alinéa 3 de l’ordonnance N°2020-304 du 20 mars 2020

En présence de Monsieur [I] [C], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [I] [G]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 7]

demeurant [Adresse 4]

[Adresse 4]

Représenté par Me Laurent JEFFROY de la SELARL LAURENT JEFFROY, Avocat au Barreau de LORIENT

INTIMÉES :

La MUTUELLE NATIONALE AVIATION MARINE-OEUVRES MUTUELLES (MNAM-OM) prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 5]

[Adresse 5]

ayant Me Philippe BODIN, Avocat du Barreau de RENNES, pour postulant et

représentée à l’audience par Me Jean-Christophe BONTE CAZALS, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

…/…

La SAS LABORATOIRE [U] prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 3]

[Adresse 3]

ayant Me Vincent LAHALLE de la SELARL LEXCAP, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentée à l’audience par Me Bertrand CREN, Avocat plaidant du Barreau d’ANGERS

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

FAITS et PROCÉDURES

M [I] [G] a été engagé le 1er février 1973 par la Mutuelle de la Marine devenue la Mutuelle Nationale Aviation Marine Oeuvres Mut (la MNAM OM) par contrat d’apprentissage puis par contrat à durée indéterminée en qualité de prothésiste dentaire selon la convention collective des organismes mutualiste.

Le 25 avril 2016, la MNAM a informé les salariés, dont M [G], du transfert de leurs contrats de travail vers la SAS Laboratoire [U] situé à [Localité 10] à compter du 1er mai 2016. Le salarié a été placé en arrêt de travail du 2 au 30 mai 2016, prolongé jusqu’au 30 juillet 2016.

Le 12 mai 2016, M [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 25 mai 2016. Le salarié a été licencié pour faute grave par lettre du 1er juin 2016 de la société Laboratoire [U].

Le 26 juillet 2016, M [G] a saisi le Conseil de prud’hommes de Lorient, aux fins de voir :

A titre principal,

– Constater l’absence de transfert de son contrat de travail sur le fondement de l’article L.1224-1 du Code du travail,

– Dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

– Condamner la MNAM OM au paiement des sommes suivantes :

 » 5.687,44 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

 » 568,74 € au titre des congés payés afférents,

 » 45.025,33 € à titre d’indemnité de licenciement conventionnelle,

 » 185.734,20 € net à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 » 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

– Dire son licenciement fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– Condamner la SAS Laboratoire [U] au paiements des sommes suivantes :

 » 6.534,64 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

 » 653,46 € au titre des congés payés afférents,

 » 37.731,80 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

 » 423,40 € à titre de rappel de prime d’ancienneté,

 » 42,34 € au titre des congés payés afférents,

 » 189.968,40 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 » 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La Cour est saisie de l’appel régulièrement formé le 6 février 2018 par M [G] à l’encontre du jugement du 18 janvier 2018, par lequel le Conseil de prud’hommes de Lorient a :

– Dit que le contrat de travail de M [G] a bien été transféré de la MNAM OM de [Localité 7] à la SAS Laboratoire [U] conformément aux dispositions de l’article L.1224-1 du Code du travail à compter du 1er mai 2016,

– Dit que le licenciement de M [G] n’est fondé ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse,

– Fixé la date du licenciement au 1er juin 2016,

– Condamné la SAS Laboratoire [U] à verser à M [G] les sommes suivantes :

 » 5.687,44 à titre d’indemnité de préavis,

 » 568,74 € au titre des congés payés afférents,

 » 45.025,33 € à titre d’indemnité de licenciement fixée par la convention collective,

 » 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Débouté les parties de l’ensemble de leurs autres demandes,

– Condamné la SAS Laboratoire [U] aux entiers dépens de l’instance.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 18 avril 2018 par lesquelles M [G] demande à la cour de :

A titre principal,

– Réformer le jugement en ce qu’il a dit que son contrat de travail avait été transféré de la MNAM OM [Localité 7] à la SAS Laboratoire [U] à compter du 1er mai 2016,

– Constater l’absence de transfert du contrat de travail sur le fondement de l’article L.1224-1 du Code du Travail,

– Dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à l’encontre de la MNAM OM,

– Fixer la date de licenciement au 1er juin 2016,

– Condamner la MNAM OM au paiement de :

 » 5.687,44 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

 » 568,74 € au titre des congés payés afférents,

 » 45.025,33 € à titre d’indemnité de licenciement conventionnelle,

 » 148.587,36 € net à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit son licenciement par la SAS Laboratoire [U] fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse,

– Le réformer quant au quantum,

– Condamner la SAS Laboratoire [U] au paiement de :

 » 6.534,64 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

 » 653,46 € au titre des congés payés afférents,

 » 37.731,80 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

 » 423,40 € à titre de rappel de prime d’ancienneté,

 » 42,34 € au titre des congés payés afférents,

 » 156 831,36 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

 » 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

En tout état de cause,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS Laboratoire [U] à lui verser la somme de 500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Condamner au paiement de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 7 juillet 2018 par lesquelles la MNAM-OM demande à la cour de :

– Constater le transfert du contrat de travail de M [G] en application de l’article L.1224-1 du Code du travail,

– Confirmer le jugement entrepris de ce chef,

– Dire irrecevables les demandes formulées à l’encontre de la MNAM-OM et mettre hors de cause cette dernière,

– Condamner M [G] au paiement de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civil,

– Condamner M [G] aux entiers dépens.

Vu les écritures communiquées par voie électronique le 6 juillet 2018 par lesquelles la SAS Laboratoire [U] demande à la cour de :

A titre principal,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le contrat de travail de M [G] a bien été transféré de la MNAM-OM de [Localité 7] au laboratoire [U] et ce, conformément à l’article L.1224-1 du Code du Travail à compter du 1er mai 2016, considéré que le lieu de travail de M [G] pouvait être valablement modifié sans son accord,

– Réformer le jugement pour le surplus,

– Dire que le licenciement pour faute grave de M [G] est parfaitement justifié,

A titre subsidiaire,

– Dire qu’elle doit être mise hors de cause,

– Condamner M [G] à lui restituer l’ensemble des sommes perçues dans le cadre de l’exécution provisoire du jugement,

En tout état de cause,

– Condamner M [G] à payer la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées par voie électronique.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 2 juillet 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le transfert du contrat de travail

Pour infirmation de la décision entreprise, M [G] soutient essentiellement, au visa de l’article L.1224-1 du code du travail, que le transfert de son contrat de travail opéré par la MNAM vers le laboratoire est illégal. Il fait valoir que le laboratoire de prothèse dentaire de la MNAM OM à [Localité 7] ne disposait d’aucune autonomie ni au titre de son organsation ni au titre de la partie financière ; que l’acte de cession établi entre la MNAM et le laboratoire [U] précise que la clientèle est exclusivement constituée des patients du centre de soin dentaire exploité par la MNAM à [Localité 7] et [Localité 6] ; que le prix de cession démontre l’absence d’entité économique autonome ; que dès lors, il n’y a pas eu transfert d’une identité autonome mais uniquement recours à une prestation de service auprès du laboratoire [U] ; que M [G] a donc été licencié sans la mise en place d’une procédure et sans lettre de licenciement de son employeur la MNAM OM.

Pour confirmation, la MNAM OM réplique que la branche prothèse dentaire du centre dentaire de [Localité 7] a été cédée avec effet au 1er mai 2016 au laboratoire [U] ; que la branche ainsi cédée disposait de moyens propres distincts de l’activité soins dentaires du centre ; que ces moyens ont été transférés ; que cette entité disposait d’un personnel propre exclusivement attaché à cette tâche disposant de compétences distinctes ; que cette entité disposait d’une clientèle propre constituée notamment par les patients du centre dentaire de [Localité 7] et de [Localité 6] ; que le prix de cession ne rentre pas dans l’appréciation du transfert d’une branche autonome d’activité ; qu’en conséquence, le contrat en date du 1er mai 2016 emporte bien transfert d’une entité économique autonome, laquelle est constituée par une activité distincte des autres activités de l’entreprise, poursuivant un but propre, disposant de moyens matériels dédiés et spécifiques et d’une main d’oeuvre affectée à l’activité transférée ; que la MNAM OM n’est donc plus l’employeur de M [G].

Le laboratoire [U] fait valoir que l’acte de cession établit le transfert effectif d’une entité économique automne ; qu’il prévoit en effet la cession des éléments incorporels c’est-à-dire essentiellement la clientèle constituée des patients du centre de soins dentaires exploité par la MNAM-OM à [Localité 7] et [Localité 6], les éléments corporels constitués du mobilier, du matériel et de l’outillage présents dans le laboratoire, des contrats de travail de Mmes [H] et [L] ainsi que de MM [D] et [G] ; que l’autonomie de l’identité économique se définit donc par rapport à l’objectif poursuivi qui doit être propre à l’entité et détachable de l’entreprise ; que la branche prothèse dentaire de la MNAM-OM fonctionnait bien avec ses propres moyens matériels et que ceux-ci étaient distincts de l’activité de soins dentaires du centre (activité de dentiste et chirurgien-dentiste) ; que, sur le plan comptable, le laboratoire de prothèses de [Localité 7] était considéré comme un fournisseur à part entière des centres dentaires de [Localité 7] et [Localité 6] ; que le prix de la cession n’est pas un critère permettant de déterminer l’application de l’article L.1224-1 du Code du Travail ; qu’en conséquence, les conditions d’application de l’article L.1224-1 sont remplies et M [G] est devenu salarié du laboratoire [U] à compter du 1 er mai 2016.

Aux termes des dispositions d’ordre public de l’article L.1224-1 du Code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.

Il est constant que l’article L 1224-1 du code du travail, tel qu’il est interprété à la lumière de la directive communautaire (2001/23 /CE du12 mars 2001), est applicable en cas de transfert d’une entité économique autonome, constituée par un ensemble organisé de personnes et d’éléments corporels ou incorporels poursuivant un objectif économique propre, qui conserve son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise. Cette notion d’entité économique suppose donc que des moyens matériels, techniques et en personnel, aient été spécifiquement affectés à la poursuite d’une finalité économique propre. Il est encore nécessaire, que l’entité transférée conserve son identité à la suite du transfert dont elle est l’objet et que l’activité exercée soit poursuivie ou reprise sous une autre direction, qui fait du maintien de l’identité de l’entreprise à la suite de son transfert une condition essentielle. Il faut que les moyens d’exploitation significatifs, nécessaires à l’exercice de l’activité, soient repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant et que l’activité se maintienne et se poursuive.

En l’espèce, l’acte de cession en date du 1er mai 2016 précise que la MNAM OM, qui entend mettre fin à son activité de prothèses et travaux dentaires, cède au laboratoire [U] les éléments corporels et incorporels constituants la branche d’activité prothésiste ; que sont ainsi transmis la clientèle, les archives techniques et tous documents quelconques se rapportant directement ou indirectement à la branche d’activité cédée ainsi que le savoir-faire développé dans ses activités ; que sont également transmis les mobiliers, matériels et outillages ; que les contrats de travail en cours de 4 salariés désignés affectés à l’exploitation de la branche d’activité cédée se poursuivront avec la société cessionnaire.

Il s’ensuit que le transfert opéré par la MNAM OM au bénéfice du laboratoire [U] vise une branche d’activité disposant de moyens d’exploitation propres constitués d’éléments corporels et incorporels et à laquelle est affecté un personnel propre avec une organisation du travail autonome. Le constat d’huissier versé au débat établit que l’ensemble des moyens d’exploitation du laboratoire de prothèse sis [Adresse 9] ont été retirés et qu’au 2 mai 2016, les locaux où s’exerçait l’activité ‘Prothèses dentaires’ sont vides. Peu important que la branche ‘prothèse dentaire’ ne disposait pas de moyens administratifs ou comptables propres qui peuvent être assurés par un service commun, ce qui n’est pas exclusif de la notion d’entité économique autonome. Il convient d’observer que sur le plan comptable, la branche ‘prothèses dentaires’ était traitée comme un fournisseur (compte 6 achat) et comme un centre de profit (compte 7 vente) et les prestations réalisées par la branche ‘prothèses dentaires’ étaient facturées aux centres de soins de [Localité 7] et de [Localité 6]. Peu important que les prestations soient tarifées selon une grille annuelle discutée entre le responsable du laboratoire de prothèses dentaires et le responsable des centres de soins et que la clientèle de la branche ‘Prothèses dentaires’ proviennent des cabinets dentaires de [Localité 7] et de [Localité 6]. Il est constant que le prix de cession de la branche transférée n’est pas à prendre en considération.

Enfin, en application de l’article L.2261-14 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, l’acte de cession du 1er mai 2016 a pu prévoir que ‘les salariés transférés seront soumis dès la prise d’effet du présent contrat de cession partielle d’actif, à la convention collective du cessionnaire à savoir la convention collective des laboratoires de prothèses, que cependant, les dispositions de la convention de la mutualité continueront de s’appliquer en concours avec la convention collective des laboratoires de prothèses pendant un délai de 15 mois’ (sic). En conséquence, la répartition des charges induites par le cumul des conventions applicables a pu être prévue légitimement par la convention de cession sans que cette répartition soit exclusive de l’existence d’une entité économique autonome.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la branche d’activité ‘Prothèses dentaires’ est distincte de l’autre branche d’activité de la MNAM OM de soins dentaires assurés par les centres de [Localité 7] et de [Localité 6] et que la branche d’activité cédée conserve bien son identité propre et son objectif propre distinct des centre de soins, à savoir la fabrication et la vente de prothèses.

En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont retenu que le contrat de travail de M [G] avait été transféré de la MNAM-OM à la société Laboratoire [U] en application de l’article L1224-1 du code du travail. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le licenciement par le laboratoire [U]

Pour infirmation de la décision entreprise, le laboratoire [U] soutient en substance que M [G] ne peut invoquer une modification du contrat de travail, le nouveau lieu de travail, [Localité 10], étant dans le même secteur géographique que [Localité 7] ; qu’il a été licencié pour ne pas s’être présenté sur son nouveau lieu de travail le 2 mai 2016 sans justifier de son absence ; que l’arrêt maladie adressé par M [G] n’est pas opposable à la société Laboratoire [U] ; que son absence a gravement préjudicé à la société.

M [G], pour infirmation de la décision sur le quantum des sommes allouées et en ce qu’elle l’a débouté de sa demande au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, fait valoir que son contrat de travail a été modifié sans son accord ; qu’il était en droit de ne pas se présenter à [Localité 10] ; qu’en tout état de cause, à la date du licenciement, il avait informé le laboratoire de son arrêt de travail ; que le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’indemnité prévue par l’article L.1235-3 du code du travail doit lui être allouée.

Il résulte des articles’L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée du préavis.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 1er juin 2016 qui circonscrit les limites du litige est ainsi libellée:

« Vous avez été convoqué à un entretien devant se tenir le 25 mai 2016. Vous n’avez pas daigné vous y présenter. Par la présente nous vous notifions votre licenciement pour faute grave pour les motifs ci-après exposés.

Ainsi que vous en avez été informé à plusieurs reprises, notre laboratoire a repris la branche d’activité de prothèses dentaires de la MNAM-OM située à [Localité 7], avec effet au 2 mai 2016. Le transfert de votre contrat de travail a été réalisé conformément et dans le respect de l’article L 1224 ‘ 1 du Code du Travail qui précise que : « lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise » le contrat de travail est transféré, automatiquement, au nouvel employeur. Le maintien de votre contrat de travail et la préservation de vos droits vous ont été confirmés lors de vos entretiens avec votre ancienne Directrice des Ressources Humaines les 4 et 9 décembre 2015 ainsi que les 5 et 19 avril 2016. Par ailleurs, il vous a été confirmé par courrier en date du 25 avril 2016 que votre contrat de travail restait inchangé conformément à la loi. Je vous ai moi-même reçu personnellement lors d’un entretien le 19 avril 2016 afin de vous présenter notre laboratoire et de préparer au mieux votre accueil tant individuellement que collectivement. Il était convenu que vous vous présentiez le lundi 2 mai 2016 à 9 heures sur votre nouveau lieu de travail, à savoir au laboratoire [U], [Adresse 2], et ce, conformément au contrat de transfert de branche d’activité.

Or, contre attente, vous ne vous êtes pas présenté sur votre lieu de travail le jour convenu, à savoir lundi 2 mai 2016. Une lettre de mise en demeure de rejoindre votre poste de travail vous a été adressée le 3 mai 2016. Celle-ci est restée sans effet. Vous n’avez même pas daigné nous informer de vos intentions.

Vous nous avez adressé un arrêt maladie au terme d’un courrier recommandé reçu le 18 mai 2016, si bien que nous sommes restés sans nouvelle de votre part, ni aucune information sur vos intentions depuis le lundi 2 mai 2016 soit pendant plus de 15 jours. De surcroît, ce document sur lequel figurait la MNAM-OM comme employeur, n’est accompagné d’aucun mot de votre part.

Cette attitude parfaitement inacceptable met en grande difficulté tant mon laboratoire que le centre dentaire de la MNAM-OM dont les patients attendent les prothèses, ce que vous ne pouvez ignorer.

Nous considérons que l’ensemble des faits ci-dessus exposés comme une faute grave rendant impossible le maintient de votre contrat de travail, et justifiant pleinement votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de rupture. » (sic)

Il résulte des pièces versées au dossier que M [G] a été avisé par lettre recommandée avec accusé réception du 25 avril 2016 du transfert de son contrat et de l’exercice de son activité au sein du Laboratoire [U] à [Localité 10] à compter du lundi 2 mai 2016 à 9H00 ; que par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 mai 2016, M [G] qui ne s’est pas présenté au laboratoire le 2 mai 2016, a été mis en demeure de justifier de son absence ; que M [G] a adressé un arrêt de travail du 2 au 30 mai 2016 à la MNAM OM reçu à la direction des ressources humaines à [Localité 8] le 10 mai 2016 ; qu’invité à adresser l’arrêt de travail au Laboratoire [U] par la MNAM OM, M [G] a adressé le même arrêt de travail au laboratoire le 18 mai 2016, sans changement de dénomination de l’employeur ; que le 30 mai 2016, M [G] a vu son arrêt de travail prolongé jusqu’au 1er juillet 2016, le laboratoire [U] et la MNAM OM étant tous deux désignés comme étant employeurs.

Force est de constater que le 1er juin 2016, la société Laboratoire [U] était informée de l’arrêt de travail de M [G] à compter du 2 mai 2016 et ce, depuis le 18 mai au plus tard; que si l’irrégularité de l’arrêt de travail, en ce qu’il renseignait comme employeur la MNAM OM, pouvait affecter sa prise en charge, il n’en demeure pas moins qu’il constitue un justificatif de l’absence de M [G] sur son lieu de travail jusqu’au 30 mai 2016 et qu’il permettait au Laboratoire [U] d’envisager un mode d’organisation pour suppléer cette absence pour motif médical.

En conséquence, l’absence de M [G] sur son lieu de travail le 2 mai 2016 ne constituait pas une faute d’une gravité telle qu’elle était de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

C’est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de M [G] était dépourvu de cause réelle et sérieuse. La décision entreprise sera confirmée de ce chef.

Sur les conséquences financières

M [G] réclame le paiement de la prime d’ancienneté en application de l’article 33 de la convention collective nationale des prothésistes dentaires et des personnels des laboratoires de prothèse dentaire du 18 décembre 1978, soit en l’espèce 423,40 € au titre du mois de mai 2016. La société Laboratoire [U] ne développe aucun argument opposant. En conséquence, compte tenu de son ancienneté, M [G] devait bénéficier de la prime d’ancienneté calculée sur le salaire conventionnel de sa catégorie à hauteur de 1 % après 2 ans de présence, puis 1 % par an dans la limite de 20 %, soit en l’espèce 423,20 €, outre la somme de 42,32 € au titre des congés payés afférents.

Le préavis applicable étant de deux mois, le laboratoire [U] sera condamné à verser à M [G] une indemnité compensatrice de préavis sur la base d’un salaire brut de 2.843,92€, outre la prime d’ancienneté de 20% en application de l’article 33 de la convention collective comme mentionné sur les bulletins de salaire (423,40 € brut / mois), soit un total de 6.534,64 € brut correspondant au montant de la rémunération qu’il aurait perçu s’il avait exécuté le préavis, outre la somme de 653,34 € brut titre des congés payés afférents. La décision sera infirmée de ce chef.

En application de la convention collective nationale sus-visée, eu égard à l’ancienneté de M [G] et à sa rémunération devant inclure la prime d’ancienneté du mois de mai 2016, l’indemnité conventionnelle de licenciement due par le laboratoire [U] est de 37.731,80 € net. La décision sera infirmée de ce chef.

En application de l’article L1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

A la date du licenciement, M [G], âgé de 58 ans et 9 mois, bénéficiait d’une ancienneté de près de 43 ans. Il a perçu une rémunération de 17.751,29 € les 6 derniers mois précédant la rupture. Compte tenu de ces éléments, de la très faible employabilité de M [G] au regard de son âge et de la perte du bénéfice d’une ancienneté particulièrement importante, il convient de lui allouer à M [G] la somme de 140.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La décision sera infirmée de ce chef.

Sur les indemnités chômage

En application de l’article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En l’espèce, il convient d’ordonner le remboursement par la société Laboratoire [U] des indemnités chômage versées à M [G] dans la limite de 6 mois.

Sur les frais irrépétibles

La SAS Laboratoire [U] sera condamnée aux entiers dépens et devra verser à M [G] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile. L’équité commande qu’il n’y ait pas lieu à indemnité au bénéfice de la MNAM OM.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Laboratoire [U] à verser à M [G] les sommes suivantes :

– 423,20 € brut au titre du rappel de la prime d’ancienneté,

– 42,32 € au titre des congés payés afférents.

– 6.534,64 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

– 653,34 € brut au titre des congés payés afférents,

– 37.731,80 € net à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 140.000 € net à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue,

ORDONNE le remboursement par la SAS Laboratoire [U] aux organismes intéressés des indemnités chômage versées à M [G] dans la limite de 6 mois,

CONDAMNE la SAS Laboratoire [U] aux entiers dépens,

CONDAMNE la SAS Laboratoire [U] à verser à M [G] la somme de 2.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.

 


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