Prothésiste dentaire : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01450

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Prothésiste dentaire : 21 octobre 2022 Cour d’appel de Douai RG n° 20/01450

ARRÊT DU

21 Octobre 2022

N° 1777/22

N° RG 20/01450 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TCEP

VCL/VM

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LENS

en date du

30 Juin 2020

(RG 19/00425 -section 5)

GROSSE :

aux avocats

le 21 Octobre 2022

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [I] [D]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me René DESPIEGHELAERE, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

E.U.R.L. WILLIDENT

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Maud SIEDLECKI, avocat au barreau d’ARRAS

DÉBATS : à l’audience publique du 08 Septembre 2022

Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaëlle LEMAITRE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Octobre 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Angélique AZZOLINI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 18 Août 2022

EXPOSE DU LITIGE ET PRÉTENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La SARL WILLIDENT a engagé M. [I] [D] par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour la période du 21 mai au 30 novembre 2012, en qualité de Prothésiste dentaire PQ3 à temps partiel. Ce contrat a été prolongé pour se terminer le 31 mai 2013.

Puis, M. [I] [D] a conclu avec la SARL WILLIDENT un contrat, à durée indéterminée à temps plein, ce à compter du 2 septembre 2013.

Ce contrat était soumis à la convention collective nationale des prothésistes dentaires et personnels de laboratoires de prothèses dentaires.

Le 17 mars 2014, M. [I] [D] a déposé une demande de déclaration de maladie professionnelle, laquelle a été reconnue le 11 septembre suivant.

A partir de septembre 2014 le salarié a été placé en arrêt maladie.

Le 6 novembre 2014, M. [D] a fait l’objet d’un avis d’inaptitude d’origine professionnelle libellé de la façon suivante : « inaptitude au poste de prothésiste dentaire réalisée en une visite (‘) Capacités restantes : apte à un poste administratif, sans exposition aux poussières ».

Par courrier du 5 décembre 2014, M. [I] [D] a été licencié pour inaptitude au poste de prothésiste dentaire et impossibilité de reclassement.

Contestant la légitimité de son licenciement pour inaptitude et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [I] [D] a saisi le 17 décembre 2019 le conseil de prud’hommes de Lens qui, par jugement du 30 juin 2020, a rendu la décision suivante :

– déboute M. [I] [D] de l’ensemble de ses demandes,

– condamne M. [I] [D] à payer à la société WILLIDENT les sommes de :

– 40,18 euros net à titre de trop-perçu sur l’indemnité de licenciement,

– 541 euros net au titre du paiement du solde de tout compte négatif,

– 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– précise que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale et à compter du prononcé du présent jugement pour toute autre somme,

– condamne M. [I] [D] aux entiers dépens.

M. [I] [D] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 9 juillet 2020.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 1er octobre 2020 au terme desquelles M. [I] [D] demande à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :

– Condamner l’EURL WILLIDENT à payer à Monsieur [I] [D] les sommes de :

– Solde d’indemnité compensatrice de préavis (1 mois) : 2 620,45 €

– Indemnité compensatrice de congés payés y afférents : 262,04 €

– Solde d’indemnité spéciale de licenciement : 1 470,18 €

– Rappel de salaire : prime d’ancienneté de Juin à décembre 2014 (1 866,00 € x 1 % x 7 mois) : 130,62 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur ledit rappel de salaire : 13,06 €

– Rappel de salaire : maintien du salaire pendant la maladie professionnelle (100 % pendant les 30 premiers jours puis 2/3 pendant les 30 jours suivants) : 2 677,27 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur ledit rappel de salaire : 267,73 €

– Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé (6 mois) : 15 722,70 €

– Dommages et intérêts (3 mois) pour méconnaissance de l’obligation d’information du salarié, avant engagement de la procédure de licenciement, des motifs s’opposant à son reclassement (Article L 1226-12 du Code du Travail) : 7 861,35 €

– Dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (12 mois) : 31 445,40 €

– Remboursement, sauf à parfaire, des sommes trop prélevées de la paie au titre d’un prétendu « remboursement de prêt » : 13 631,48 €

– Article 700 du Code de Procédure Civile : 3 500,00 € ainsi que les entiers frais et dépens tant de première instance que d’appel.

A l’appui de ses prétentions, M. [I] [D] soutient que :

– La SARL WILLIDENT a commis un travail dissimulé en l’employant officiellement à temps partiel dans le cadre de ses CDD alors qu’il accomplissait, en réalité, un temps plein, et en continuant à lui fournir du travail sans le déclarer entre la fin du CDD arrivé à terme le 31 mai 2013 et la signature du CDI en date du 2 septembre 2013.

– L’employeur n’a également pas consenti à son salarié de prêt de 21 500 euros, les sommes versées correspondant, en réalité, au montant de ses salaires alors qu’aucun contrat de travail n’était encore signé et que la mention d’acomptes versés a permis à l’expert comptable de régulariser la situation comptable de la SARL WILLIDENT laquelle a, par la suite, procédé à des retenues sur salaires illégales.

– La société intimée a, en outre, manqué à son obligation d’information de son salarié des motifs s’opposant à son reclassement, ce avant d’engager la procédure de licenciement, ce qui lui ouvre droit à des dommages et intérêts fixés à trois mois de salaire.

– Elle n’a, en outre, procédé à aucune recherche de reclassement, de sorte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, avec toutes conséquences financières de droit et notamment l’indemnité spécifique équivalente à 12 mois de salaire.

– Compte tenu de son ancienneté au sein de la SARL WILLIDENT de l’ordre de 2 ans et 7 mois, il avait droit à un préavis de deux mois et non d’un mois tel que versé, l’employeur étant également redevable d’un solde d’indemnité spéciale de licenciement et d’un rappel de primes d’ancienneté entre juin et décembre 2014.

– Il avait également droit au maintien de son salaire pendant la maladie professionnelle, conformément à l’article 25 ter de la convention collective applicable.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 décembre 2020, dans lesquelles la société WILLIDENT, intimée, demande à la cour de

– Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– Débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– Condamner M. [I] [D] à verser à la société WILLIDENT une somme de 3617,8 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

– Condamner M. [I] [D] en tous les frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, la SARL WILLIDENT expose que :

– La SARL WILLIDENT a respecté la procédure applicable en matière d’inaptitude et a informé M. [D] par écrit des motifs pour lesquels son reclassement était impossible, compte tenu de la taille de l’entreprise.

– Le licenciement pour inaptitude n’est pas dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’aucun reclassement n’était envisageable, l’entreprise de faible effectif ne comportant qu’un unique poste administratif, déjà occupé.

– Aucun travail dissimulé ne se trouve établi et les deux attestations produites émanent de proches amis de M. [D], l’un d’entre eux ayant d’ailleurs également saisi la juridiction prud’homale et ayant bénéficié d’une attestation de la part de l’appelant.

– Concernant les sommes prélevées par l’employeur, elles correspondent à une restitution d’avances faites à titre amical, compte tenu des difficultés financières rencontrées par M. [D] lequel n’a jamais contesté les retenues mensuelles pratiquées sur son salaire.

– M. [I] [D] ne disposait pas d’une ancienneté de 2 ans et 7 mois, de sorte qu’il ne lui est dû ni rappel d’indemnité compensatrice de préavis, ni prime d’ancienneté, ni rappel d’indemnité spéciale de licenciement dont, à l’inverse, il se trouve redevable envers son employeur d’un trop perçu de 40,18 euros.

– Enfin, le salarié n’avait pas droit au maintien du salaire, la maladie à l’origine de son arrêt de travail n’est pas d’origine professionnelle, de sorte que les dispositions de la convention collective sur le maintien du salaire ne sont pas applicables, ayant, en outre, été écartées de l’arrêté d’extension.

– A titre reconventionnel, il est sollicité la condamnation de M. [D] à payer à la SARL WILLIDENT le solde négatif du solde de tout compte à hauteur de 541 euros.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 18 août 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur le travail dissimulé :

M. [I] [D] soutient avoir été employé à temps plein alors que son contrat de travail à durée déterminée prévoyait un temps partiel et avoir travaillé sans interruption entre la fin de son CDD en date du 31 mai 2013 et la signature de son CDI le 2 septembre 2013, ce sans être déclaré.

Il résulte de l’article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce que « Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. ».

En outre, l’article L. 8223-1 du code du travail alors en vigueur, relatif aux droits des salariés en cas de recours par l’employeur au travail dissimulé, dispose qu’ ‘En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. ».

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s’engage à travailler pour le compte d’une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.

En l’espèce, il est justifié de l’existence d’un contrat de travail écrit à durée déterminée et à temps partiel pour la période du 21 mai au 30 novembre 2012, conclu entre la SARL WILLIDENT et M. [I] [D]. L’avenant audit contrat ayant prolongé la relation de travail jusqu’au 31 mai 2013 est également versé aux débats, tout comme le contrat à durée indéterminée à temps plein conclu le 2 septembre 2013.

La charge de la preuve de l’existence d’un contrat de travail pèse sur celui qui s’en prévaut. Par ailleurs, en présence d’un contrat de travail écrit, il appartient à celui qui se prévaut de son caractère fictif d’en rapporter la preuve.

Ainsi, il incombe à M. [I] [D] de démontrer, d’une part, que son temps de travail dans le cadre du CDD conclu entre le 21 mai 2012 et le 31 mai 2013 correspondait, en réalité, à un temps plein et non à un temps partiel, et d’autre part, que la relation de travail a été maintenue sans discontinuité entre la fin du CDD et le début du CDI conclu le 2 septembre 2013.

Concernant l’emploi à temps plein dans le cadre du CDD, l’appelant ne produit aucune pièce ni aucune attestation permettant d’établir que son temps de travail aurait été supérieur à celui effectivement rémunéré.

En effet, si les relevés bancaires produits font apparaître le versement de quelques chèques au crédit du compte bancaire de M. [D], leur auteur n’est pas identifiable, ce alors que le paiement des salaires de l’intéressé était systématiquement réalisé au moyen d’un virement de la SARL WILLIDENT.

En outre, les deux attestations produites ne sont ni précises ni circonstanciées et émanent d’un ancien salarié de la société intimée, M. [F] lequel a également fait convoquer l’employeur devant la juridiction prud’homale, ainsi que de sa compagne. Ces témoignages ne sont, dès lors, pas de nature à emporter la conviction de la cour.

M. [I] [D] ne démontre, dès lors, nullement avoir travaillé à temps plein, au lieu du temps partiel prévu à son contrat de travail.

Concernant la poursuite de la relation de travail entre la fin du CDD en date du 31 mai 2013 et la signature du CDI en date du 2 septembre 2013, là encore, s’il est constaté sur les relevés bancaires de l’appelant quelques chèques portés au crédit de son compte, la provenance de ces chèques ne peut être déterminée, de sorte qu’il n’est établi aucun lien avec la SARL WILLIDENT.

Surtout, l’examen des relevés bancaires de M. [I] [D] révèle que ce dernier a perçu entre la fin de son CDD et la signature du CDI les allocations versées par le Pôle emploi, les 6 juin, 3 et 29 juillet, 6 août et 4 septembre 2013, de sorte qu’il ne peut soutenir avoir également travaillé pour le compte de la société WILLIDENT, s’étant lui -même déclaré sans emploi auprès des organismes sociaux.

Dans le même sens, il est produit par la SARL WILLIDENT une attestation de son expert comptable, M. [Y], qui témoigne de ce que M.[D] a été salarié jusqu’au 31 mai 2013 son CDD prenant fin à cette date et qu’à compter du 2 septembre 2013, celui-ci a été réembauché par suite de la signature d’un nouveau contrat de travail.

Ces éléments se trouvent, enfin, corroborés par le témoignage de la secrétaire de la SARL WILLIDENT ainsi que de deux personnes extérieures à l’entreprise prises en la personne des époux [S] qui attestent de l’absence de travail de M. [D] au sein de l’entreprise au cours des mois de juin, juillet et août 2013.

Par conséquent, il s’évince de l’ensemble de ces éléments que le salarié appelant ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un travail non-déclaré par la SARL WILLIDENT.

L’intéressé est donc débouté de sa demande d’indemnité au titre du travail dissimulé et le jugement entrepris est confirmé.

Sur les retenues sur salaire :

Il résulte des dispositions de l’article L3251-3 du code du travail qu’en dehors des cas prévus au 3° de l’article L3251-2, l’employeur ne peut opérer de retenue de salaire pour les avances en espèces qu’il a faites que s’il s’agit de retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles. Le trop-perçu par un salarié constaté par l’employeur s’analyse en une avance en espèces et se trouve donc soumis aux mêmes conditions de retenues.

La SARL WILLIDENT soutient avoir prêté la somme totale de 21500 euros à M. [I] [D], lequel admet uniquement avoir bénéficié d’une aide de 4000 euros et sollicite la restitution des sommes retenues, au-delà de ce montant et à hauteur de 13 631,48 euros, par son employeur.

Il n’est versé aucun contrat de prêt écrit ni aucune reconnaissance de dette signée du salarié, seule une attestation de l’expert comptable de l’entreprise, M. [V] [Y], précisant les «avances sur salaires » versées à M. [D]. L’existence d’un prêt n’est, dès lors, nullement démontrée.

Par ailleurs, l’examen des bulletins de salaire de l’intéressé entre septembre 2013 et décembre 2014 conduit, en outre, à constater que M. [I] [D] s’est vu systématiquement prélever chaque mois des sommes particulièrement conséquentes, le plus souvent d’un montant de 1000 euros et pouvant aller jusqu’à 5356,58 euros, ce qui excédait largement les limites posées par le code du travail.

Dans ces conditions, les retenues opérées présentent un caractère illicite.

Il convient, par suite, de condamner la SARL WILLIDENT à restituer à l’appelant la somme de 13 631,48 euros, déduction ayant été faite de l’aide de 4000 euros dont M. [D] admet avoir bénéficié de la part de son employeur.

Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement :

Aux termes de l’article L. 1226-10 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, le licenciement qui repose sur une inaptitude d’origine professionnelle n’est légitime que si l’employeur a préalablement satisfait à l’obligation de reclassement mise à sa charge par ce texte, après avis des délégués du personnel.

Aux termes de l’article L. 1226-15 du code du travail, en cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 du code du travail et en cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, réintégration qui n’est pas sollicitée en l’espèce, le salarié a également droit à une indemnité au titre du caractère illégitime de la rupture dont le montant ne peut pas être inférieur à douze mois de salaire.

Dans le cadre de l’obligation de recherche de reclassement, l’employeur n’a pas l’obligation de créer un nouveau poste de travail. Le reclassement du salarié déclaré inapte doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l’entreprise sans que l’employeur soit tenu d’imposer à un autre salarié une modification de son contrat de travail à l’effet de libérer son poste.

Toutefois, il est tenu de proposer un poste disponible même s’il l’est seulement pour une durée limitée.

Il appartient à l’employeur qui prétend s’être trouvé dans l’impossibilité d’effectuer un tel reclassement d’en rapporter la preuve. Cette recherche de reclassement doit être mise en ‘uvre de façon loyale et personnalisée.

L’obligation de reclassement qui pèse sur l’employeur ne porte que sur les emplois salariés, disponibles au jour du licenciement et en rapport avec les compétences du salarié, l’employeur n’étant pas tenu d’assurer au salarié dont le licenciement est envisagé une formation initiale ou qualifiante.

En premier lieu, il est justifié de ce que la SARL WILLIDENT est une entreprise unipersonnelle, n’appartient à aucun groupe et employait lors du licenciement de M. [D] moins de 10 salariés.

L’avis d’inaptitude d’origine professionnelle du 6 novembre 2014 notifié à l’appelant prévoyait, en outre, les restrictions suivantes :

-inaptitude au poste de prothésiste dentaire

-capacités restantes : apte à un poste administratif sans exposition aux poussières.

Or, la SARL WILLIDENT démontre, par la production d’extraits du registre de son personnel que les effectifs de l’entreprise se trouvaient quasi-exclusivement constitués de prothésistes dentaires et ne comportaient qu’un unique poste administratif de secrétaire occupé depuis le 18 mars 2013.

Elle justifie, par suite, s’être trouvée dans l’impossibilité d’effectuer un reclassement de M. [D], ce au regard des restrictions et préconisations de la médecine du travail, de ses effectifs très réduits et de l’absence de poste administratif vacant.

L’intimée a, ainsi, respecté son obligation de recherche de reclassement à l’égard de M. [I] [D], de sorte que le licenciement pour inaptitude professionnelle et impossibilité de reclassement de l’intéressé présente une cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point et en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’obligation d’information du salarié de l’impossibilité de reclassement :

Conformément aux dispositions de l’article L1226-12 du code du travail, dans sa version applicable à l’espèce, « Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement.

L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions. S’il prononce le licenciement, l’employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. ».

L’employeur est, ainsi, tenu de faire connaître au salarié par écrit non seulement l’impossibilité de reclassement mais également les motifs qui s’opposent à ce reclassement, ce avant que ne soit engagée la procédure de licenciement.

Or, en l’espèce, la SARL WILLIDENT ne démontre nullement avoir satisfait à cette obligation d’information préalable à l’engagement de la procédure de licenciement, seule la lettre de licenciement du 5 décembre 2014 faisant état de l’impossibilité de reclassement et de ses motifs liés aux restrictions apportées par la médecine du travail et à l’absence de poste administratif vacant au sein de l’entreprise de petite taille.

L’employeur a, par suite, manqué à ses obligations à cet égard, ce qui ouvre droit au bénéfice de M. [I] [D] à l’octroi d’une indemnité en réparation du préjudice subi lié à l’ignorance dans laquelle il s’est trouvé pendant plusieurs semaines concernant le sort de son contrat de travail et les possibilités éventuelles de reclassement.

La cour fixe, par suite, à 500 euros le montant des dommages et intérêts dus à l’appelant.

Le jugement entrepris est infirmé à cet égard.

Sur l’ancienneté, l’indemnité compensatrice de préavis, l’indemnité spéciale de licenciement et les primes d’ancienneté :

Conformément aux développements repris ci-dessus, en particulier dans le cadre du travail dissimulé, la preuve n’est pas rapportée de ce que la relation de travail a été maintenue sans discontinuité entre la fin du CDD conclu le 21 mai 2012 et arrivé à son terme le 31 mai 2013 et le début du CDI conclu le 2 septembre 2013.

Ainsi, le point de départ de l’ancienneté de M. [I] [D] au sein de la SARL WILLIDENT est fixé à la date de son embauche dans le cadre de son contrat à durée indéterminée soit le 2 septembre 2013.

– Sur l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents :

Compte tenu de son ancienneté d’un an et trois mois, M. [I] [D] ne pouvait prétendre qu’à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à un mois de salaire et non à deux mois, comme il le prétend.

L’appelant admet avoir perçu l’équivalent d’un mois de salaire à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ce qui résulte, en outre, de l’annexe au solde de tout compte qui mentionne effectivement ladite indemnité.

M. [D] est, par suite, débouté de sa demande de rappel d’indemnité compensatrice de préavis ainsi que des congés payés y afférents et le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

– Sur l’indemnité spéciale de licenciement :

Conformément aux dispositions de l’article L1226-14 du code du travail, La rupture du contrat de travail suite à une inaptitude d’origine professionnelle ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité prévue par l’article L1234-9.

Compte tenu du salaire moyen de M. [I] [D] (2612,30 euros), de son ancienneté de un an et trois mois, le montant de l’indemnité spéciale de licenciement s’élève à 1306,14 euros, alors que le salarié a perçu 1237,16 euros soit un solde restant dû à l’appelant de 68,98 euros.

Par conséquent, la SARL WILLIDENT est condamnée à payer à M. [I] [D] un rappel d’indemnité spéciale de licenciement de 68,98 euros et déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement d’un prétendu trop versé de 40,18 euros.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu’il a débouté M. [D] de sa demande de rappel d’indemnité spéciale de licenciement et condamné le salarié à payer à la SARL WILLIDENT un trop versé de 40,18 euros.

– Sur les primes d’ancienneté :

L’article 33 de la convention collective des prothésistes dentaires prévoit l’octroi d’une prime d’ancienneté de 1% au bénéfice des salariés bénéficiant de deux ans de présence dans le même laboratoire.

M. [I] [D], ne remplissant pas les conditions d’ancienneté supérieure à deux ans au sein du laboratoire, est débouté de sa demande de rappel de primes d’ancienneté et des congés payés y afférents.

Le jugement entrepris est confirmé à cet égard.

Sur le maintien du salaire pendant la maladie professionnelle :

M. [I] [D] se prévaut des dispositions de l’article 25 ter de la convention collective des prothésistes dentaires dans sa version antérieure à l’accord du 13 février 2015 étendu par arrêté du 4 octobre 2016, en vertu desquelles « Pendant un arrêt de travail, dû à la maladie ou à l’accident, dûment constaté par un certificat médical ou un billet d’hospitalisation, les salariés appartenant à l’effectif permanent depuis plus de 1 an recevront de l’employeur, sous déduction des indemnités journalières perçues au titre de la législation sur les assurances sociales et de tout régime complémentaire, l’intégralité de leur salaire, à compter du 4e jour d’absence en cas de maladie ou accident de la vie privée et du premier jour en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, pendant une durée de 1 mois ».

Néanmoins, l’application obligatoire d’une convention collective à tous les employeurs de la branche concernée suppose que le texte soit « étendu ». Or, la SARL WILLIDENT démontre que l’arrêté d’extension du 7 octobre 2002 a exclu de son champ d’application l’article précité, de sorte que les dispositions relatives au maintien du salaire pendant la maladie ne s’imposaient pas à l’employeur.

Par conséquent, M. [I] [D] est débouté de sa demande de rappel au titre du maintien du salaire pendant la maladie.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle de remboursement du trop perçu du solde de tout compte :

La SARL WILLIDENT ne démontre pas que, compte tenu des condamnations objet de la présente décision, M. [I] [D] serait encore redevable de la somme de 541 euros.

Cette demande est rejetée et le jugement entrepris infirmé.

Sur les autres demandes :

Les dispositions du jugement entrepris sont infirmées concernant les dépens et l’indemnité procédurale.

Succombant en partie à l’instance, la SARL WILLIDENT est condamnée aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [I] [D] 2000 euros au titre des frais irrépétibles exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Lens du 30 juin 2020, sauf en ce qu’il a débouté M. [I] [D] de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l’obligation d’information préalable du salarié de l’impossibilité de reclassement, de sa demande de rappel d’indemnité spéciale de licenciement et de sa demande de remboursement de la somme de 13 631,48 euros au titre des retenues opérées, et en ce qu’il a condamné M. [I] [D] à payer à la SARL WILLIDENT 40,18 euros net à titre de trop perçu d’indemnité de licenciement, 541 euros net au titre du solde de tout compte négatif, 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE la SARL WILLIDENT à payer à M. [I] [D] :

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation d’information préalable du salarié de l’impossibilité de reclassement,

– 68,98 euros à titre de rappel d’indemnité spéciale de licenciement

– 13 631,48 euros au titre du remboursement des retenues opérées ;

DÉBOUTE la SARL WILLIDENT de ses demandes en paiement de 40,18 euros net à titre de trop perçu sur l’indemnité de licenciement et de 541 euros net au titre du paiement du solde de tout compte négatif ;

CONDAMNE la SARL WILLIDENT aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à M. [I] [D] 2000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Angélique AZZOLINI

LE PRÉSIDENT

Pierre NOUBEL

 


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