Prothésiste dentaire : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04931

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Prothésiste dentaire : 20 septembre 2022 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/04931

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51A

1re chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2022

N° RG 21/04931 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UVS4

AFFAIRE :

L’indivision [K] représentée par Monsieur [T], [V] [K]

C/

M. [W] [Z]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Juin 2021 par le Juge des contentieux de la protection de VERSAILLES

N° RG : 11-20-336

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 20/09/22

à :

Me Pascal KOERFER

Me[P]a [C]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

L’indivision [K] représentée par Monsieur [T], [V] [K], ayant tous pouvoirs à cet effet,

né le 29 Mars 1970 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Maître Pascal KOERFER de la SCP BOULAN KOERFER PERRAULT & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C.31 – N° du dossier 21193851

APPELANT

****************

Monsieur [W] [Z]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Maître Banna NDAO, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 667 – N° du dossier 21/096 –

Représentant : Maître Claude DEBOOSERE-LEPIDI, Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 239

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 09 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 26 juin 2010, M. [T] [K], agissant pour le compte de l’indivision [K] a donné à bail à M. [W] [Z], un local à usage professionnel et d’habitation comprenant un corps de ferme, une écurie et une étable situé [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel de 750 euros et un dépôt de garantie équivalent à un mois de loyer. Le bail a pris effet le 1er octobre 2010 date à laquelle a été dressé un état des lieux.

Par acte d’huissier de justice délivré le 21 février 2020, l’indivision [K], représentée par M. [T] [K] a assigné M. [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles aux fins de :

– prononcer la résiliation judiciaire du bail du 26 juin 2010,

– ordonner l’expulsion de M. [Z] et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 2] avec, en cas de besoin, le concours de la force publique et d’un serrurier,

– ordonner le transport et la séquestration des meubles meublants garnissant les lieux loués aux frais et périls du locataire, et à défaut être vendus par l’indivision ou transférés vers une association caritative,

– condamner le défendeur au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner le défendeur aux entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 8 juin 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Versailles a :

– déclaré la demande de l’indivision [K], représentée par M. [T] [K], recevable,

– débouté l’indivision [K], représentée par M. [T] [K], de sa demande en résiliation judiciaire et en expulsion de M. [Z],

– rejeté l’ensemble des demandes reconventionnelles en dommages et intérêts de M. [Z],

– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens seraient partagés par moitié,

– rappelé que l’exécution provisoire était de droit.

Par déclaration reçue au greffe le 28 juillet 2021, l’indivision [K], représentée par M. [T] [K] a relevé appel de ce jugement. Aux termes de ses conclusions signifiées le 15 avril 2022, elle demande à la cour de :

– à titre liminaire :

– écarter des débats les pièces n°2 et n°3 adverses faute d’avoir jamais été communiquées, et la pièce n°19 adverse qui n’a pas jamais été communiquée dans son entier,

– écarter des débats l’ensemble des pièces de M. [Z], faute d’avoir été communiquées en temps utile,

– le débouter de l’ensemble de ses demandes, de fait, non justifiées,

– sur le fond :

– la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

– infirmer le jugement rendu le 8 juin 2021, en ce qu’il :

– l’a déboutée de sa demande en résiliation judiciaire et en expulsion de M. [Z],

– a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

– a dit que les dépens seront partagés par moitié,

Statuant de nouveau :

– prononcer la résiliation judiciaire du bail pour violations graves des obligations contractuelles,

– prononcer l’expulsion de M. [Z] ainsi que celle de tous occupants de son chef, des biens qui lui ont été donnés à bail [Adresse 2],

– dire et juger que l’huissier chargé des opérations d’expulsion pourra être assisté de la force publique et d’un serrurier si nécessaire,

– dire et juger qu’à défaut d’être enlevés par le locataire, les meubles et le matériel lui appartenant pourront alors être soit vendus par l’indivision, le prix de vente venant en déduction des sommes éventuellement dues par le locataire, soit détruits, dans l’hypothèse où la valeur s’avérerait insuffisante eu égard aux frais d’exécution ou encore transférés au choix de la bailleresse vers une association caritative,

– débouter M. [Z] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner M. [Z] au paiement d’un montant de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel,

– condamner M. [Z] aux entiers dépens incluant ceux de première instance.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 17 janvier 2022, M. [Z] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce que celui-ci l’a débouté de sa demande reconventionnelle,

– débouter purement et simplement les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– sur la demande reconventionnelle, infirmer le jugement entrepris,

– déclarer recevable la présente demande,

– condamner les demandeurs à lui régler la somme de 6 000 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

– condamner les demandeurs à lui régler la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice moral,

– condamner les demandeurs à lui régler la somme de 3 000 euros en dommages et intérêts pour procédure téméraire,

– condamner les demandeurs à lui régler la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner tout opposant aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 mai 2022.

Par conclusions signifiées le 8 juin 2022, M. [Z] sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture au motif qu’il n’a pas pu répondre aux écritures signifiées par l’appelante.

Par note en délibéré non autorisée, le conseil de M. [K] a soulevé l’absence de constitution de Me [F] [N], lequel se prétend avocat plaidant, Me [C] étant lui-même indiqué comme avocat postulant, ce alors que chacun des deux appartiennent au barreau de Versailles.

En réponse, le conseil de M. [Z] réplique qu’aucune difficulté n’existe à ce sujet, la constitution n’ayant pas à mentionner le nom de l’avocat plaidant, et les conclusions signifiées qui valent constitution, mentionnent le nom de ce dernier.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

‘ sur la constitution d’avocat

Aucune note en délibéré n’a été autorisée par la cour, les avocats des parties n’ayant pas demandé à l’audience à être autorisés à produire un tel écrit au cours du délibéré.

Celle-ci est irrecevable, par application de l’article 445 du code de procédure civile.

En toute hypothèse, la constitution de Me [C] est régulière, et le nom de l’avocat plaidant est mentionné aux conclusions, les textes n’imposant aucune forme particulière s’agissant de l’avocat plaidant lorsqu’il n’est pas l’avocat postulant, étant en outre précisé qu’aucune règle n’interdit à deux avocats du même barreau d’intervenir à titre d’avocat postulant et d’avocat plaidant pour une même partie.

‘ sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Le conseil de M. [Z] a sollicité la révocation de l’ordonnance de clôture, au motif qu’il souhaitait répondre aux écritures du conseil de M. [K].

Aucune cause grave n’est invoquée au soutien de cette demande, seule susceptible de fonder la révocation de la clôture, ce d’autant que les conclusions de M. [K] ont été signifiées plus d’un mois avant la clôture, délai largement suffisant pour permettre à M. [Z] de répliquer.

La demande est en conséquence rejetée.

‘ sur les pièces produites par M. [Z]

M. [K] soutient que les pièces annoncées par M. [Z] doivent être écartées des débats, aucune pièce n’ayant été communiquée simultanément à la notification des conclusions, ce en méconnaissance des dispositions de l’article 906 du code de procédure civile.

L’article 906 du code de procédure civile prévoit que les pièces sont communiquées par avocat simultanément aux conclusions aux autres parties.

Dans ses écritures, M. [K] ne prétend pas ne pas avoir reçu communication des pièces, mais seulement de ne pas les avoir reçues en même temps que les conclusions.

M. [K] se borne à indiquer que les pièces ne lui auraient pas été communiquées simultanément avec les conclusions, sans donner à la cour aucune information sur les dates de communication des conclusions et des pièces concernées, de sorte que la cour n’est pas en mesure d’apprécier l’exactitude de ses allégations

Il ne démontre pas en particulier ne pas avoir été mis en temps utile en mesure de les examiner et d’y répondre, ce d’autant que la plupart des pièces communiquées par M. [Z] sont les mêmes que celles versées devant le premier juge. La demande tendant à écarter les pièces visées au bordereau est en conséquence infondée, à l’exclusion de la précision apportée ci-après.

Les pièces 2 et 3 visées au bordereau ont été écartées des débats par le premier juge, au motif qu’elles n’avaient pas été communiquées. En l’absence d’élément permettant de déterminer à quelle date effectivement ces pièces ont été communiquées à M. [K], elles seront écartées des débats.

‘ sur le prononcé de la résiliation judiciaire

M. [T] [K], agissant pour le compte de l’indivision [K], soutient, pour fonder son appel, que :

– M. [Z] a méconnu gravement son obligation de jouissance paisible des lieux, en proférant des menaces à quiconque demandait un accès à la propriété ; les faits de violence et de menaces sont établis et justifient la résiliation du bail, d’autant que la situation persiste et ne peut plus durer,

– le bail ne concerne qu’une partie des dépendances, et M. [Z] s’est approprié une partie de la propriété qui ne figure pas au contrat de bail, ce manquement justifiant également la résiliation du bail,

– M. [Z] manque à son obligation d’entretien des lieux et accumule les déchets sur le lieu de vie qui se dégrade progressivement ; la dégradation des lieux est suffisamment établie, en dépit de ce qu’a jugé le premier juge ; l’indivision [K] ne peut être tenue responsable de ce que M. [Z] a souhaité de sa propre initiative transformer l’annexe en laboratoire,

– M. [Z] a déclaré un sinistre à son assureur et n’en a informé son bailleur qu’un mois plus tard, alors même que le toit était gravement endommagé, en violation de ses obligations définies au bail ; le bâtiment endommagé concerne bien un des immeubles donnés en location, et le juge a mal interprété les pièces versées,

– compte tenu de la résiliation du bail qui sera prononcée, l’expulsion doit être ordonnée.

En réponse, M. [Z] réplique que :

– les prétendues menaces ne sont pas établies par les pièces versées devant la cour,

– il ne s’est jamais opposé à ce que l’indivision [K] accède à son hangar, cet accès étant tout à fait possible du fait de la configuration des lieux ; M. [K] procède par affirmations sans établir la réalité des allégations,

– les affirmations selon lesquelles il laisse le bien se transformer en décharge sont mensongères et ne sont pas démontrées ; il exerce dans l’immeuble une activité de prothésiste dentaire qui exclut qu’il laisse les lieux dans l’état décrit,

– la toiture endommagée ne correspond pas à des locaux loués, de sorte qu’il a estimé qu’il n’avait pas à se substituer au bailleur ; le fait qu’il se serait approprié une partie de la propriété n’est pas caractérisé ; les lieux ne sont pas entretenus par les propriétaires et se dégradent,

– il démontre l’exercice de son activité professionnelle,

– les allégations mensongères articulées par le bailleur justifient des dommages-intérêts en réparation du préjudice moral causé d’une part, et des dommages-intérêts pour procédure téméraire d’autre part.

Sur ce,

M. [K] justifie être mandatée par les deux autres indivisaires de l’indivision successorale de feu Mme [K], pour agir au nom et pour le compte des trois co-indivisaires.

M. [K] [T], qui agit au nom et pour le compte de l’indivision [K], doit établir la réalité des manquements qu’il impute à M. [Z].

Il lui appartient de démontrer les manquements du locataire à ses obligations, notamment à celles de jouissance paisible et d’entretien du bien.

L’article 1728 du code civil fait obligation au preneur à bail d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances à défaut de convention. L’article 1729 permet au bailleur d’obtenir la résiliation du bail en cas de non-respect de cette obligation.

De plus, selon l’article 1732 du même code, le locataire répond des dégradations ou des pertes qui surviennent pendant le bail, sauf s’il prouve qu’elles ont eu lieu sans faute de sa part.

En substance, M. [K] fait grief à M. [Z] de s’être approprié une partie des bâtiments qui ne lui était pas louée, de manquer à son obligation d’entretien en laissant s’amonceler divers biens dans le jardin et sous le hangar, de tenir des propos menaçants ou injurieux à l’égard de personnes mandatées par le bailleur pour établir des diagnostics ou des devis, enfin de pas l’avoir informé du sinistre survenu.

Il verse au soutien de ses allégations les pièces suivantes :

– un plan décrivant les bâtiments composant la ferme, à savoir le corps de ferme, la chaufferie, la charretière, le garage, la remise, enfin le poulailler, sur lequel sont distingués les bâtiments objet du bail et ceux dont l’indivision a conservé l’usage,

– un courrier de la MAAF à la suite de la déclaration du sinistre survenu le 12 mars 2019,

– des clichés photographiques fixés à l’occasion de l’établissement d’un rapport d’expertise en évaluation immobilière, en date du 25 octobre 2017,

– une lettre recommandée avec accusé de réception du 15 avril 2019 adressée par M. [K] à M. [Z] à la suite de l’information du sinistre faite par le locataire le 12 mars 2019, s’étonnant du délai pris par le locataire pour lui signaler la situation ; par ce courrier, M. [K] fait part également de son souhait de pouvoir visiter le bien pour s’assurer que celui-ci est entretenu régulièrement, mentionnant qu’il se heurte à des refus répétés et violents de la part du locataire ; il écrit encore avoir des difficultés à pénétrer sur la partie de la maison qui n’a pas été donnée à bail, et déplore le comportement de M. [Z] avec l’architecte qui s’est présenté pour faire ‘un état des lieux’, interdisant à celui-ci d’entrer et le menaçant de mort,

– un courrier de M. [Z] du 26 avril 2019 adressé à M. [K] par lequel il dit avoir bâché la partie du toit laissée béante par la chute de tuiles à l’occasion d’une tempête ; il explique que du fait de son intervention, aucune trace d’humidité ne peut être relevée sur le plancher bois,

– une attestation établie par M. [J], architecte DPLG, mandaté pour se rendre chez M. [K] pour constater les désordres signalés sur la charpente d’un bâtiment et établir un devis chiffrant les travaux de restauration ; il relate le comportement de M. [Z], lequel disant ne pas avoir été averti de la visite, s’indigne de sa demande de le laisser travailler avec l’homme de l’art qui l’accompagne pour établir leur devis ; il déclare que M. [Z] les insulte, et les menace de ‘leur foutre des coups de barre à mine’, leur disant au moment de leur départ que s’ils se présentent à nouveau, ils seront accueillis ‘avec le fusil’ ; il joint à cette attestation divers clichés des lieux pris lors de sa visite et montrant l’état de la charpente d’un bâtiment non clos,

– une seconde attestation établie par le même architecte qui dit avoir constaté lors de ses deux visites sur les lieux que ‘l’ensemble des espaces mis à disposition de M. [Z] présentent un niveau de soin et d’entretien déplorables’ ; il annexe des photographies prises lors de ces visites,

– une facture du 9 mai 2019 concernant des travaux faits sur la charpente, portant principalement sur le remplacement de 10 tuiles et l’enlèvement d’une antenne,

– un procès-verbal de constat du 11 février 2021 retranscrivant deux messages téléphoniques laissés sur le téléphone portable de M. [K] par M. [Z] les 4 mai 2017 relatant la visite de l’architecte, dont il n’a pas été informé, dans des termes similaires à l’attestation de l’architecte, confirmant en particulier les termes employés à son égard,

– un échange de SMS entre M. [K] et M. [Z] confirmant l’existence de relations difficiles, voire tendues ; aucune date ne figure sur les SMS ;

– une main-courante rédigée à la demande de M. [K], qui dit être allé voir l’avancée des travaux en cours dans son corps de ferme, y avoir rencontré M. [Z], qui était alcoolisé et l’a poussé, et l’avoir menacé.

Le bien loué est désigné par le bail comme une ‘ferme avec habitation et dépendances’, les dépendances étant décrites comme une écurie et une étable, précision étant portée au bail que l’étable accueillera le laboratoire à usage professionnel de M. [Z]. Le jardin est également à la disposition du locataire.

Le plan versé par le bailleur devant la cour représente de façon précise la maison et le garage désigné au bail comme l’écurie, outre plusieurs autres bâtiments. Le bail ne précise rien à ce sujet et n’exclut pas de façon claire les autres bâtiments du bien donné à bail, aucune mention n’étant non plus portée sur le fait que le bailleur conserve un accès aux lieux dans la mesure où il y entrepose des biens lui appartenant. Il faut observer que le plan versé aux débats n’est pas un document annexé au bail.

Il n’est pas discuté que les héritiers de feu Mme [K] ont entendu conserver un accès dans les lieux, pour pénétrer dans le grenier où sont stockés les meubles ayant appartenu à la défunte, sans toutefois que cette demande particulière soit mentionnée au contrat de bail.

M. [Z] ne conteste pas qu’une partie du grenier du corps de ferme ne lui était pas donnée en location, des meubles de la tante de M. [K] y étant entreposés depuis des années, selon ses propres écritures. Il n’est cependant pas aisé de déterminer à la lecture du bail quels bâtiments lui ont été spécifiquement loués, et quels autres ont été exclus de façon claire et univoque du périmètre du bail.

Dans ces conditions, les éléments ci-dessus rappelés ne permettent pas d’établir sérieusement ni que M. [Z] s’est approprié les parties du bien non données à bail, lui-même confirmant n’être titulaire d’un bail que pour certaines parties. Il n’est pas établi non plus qu’il empêche l’accès aux lieux, étant à nouveau rappelé qu’aucune stipulation n’a été portée au bail à ce propos. Le seul courrier adressé en avril 2019 ne suffit pas à démontrer la réalité de l’obstruction opposée par le locataire, dont au demeurant il n’est pas justifié qu’il a été avisé des venues du bailleur au préalable. Aucun manquement de ce chef ne peut être retenu contre M. [Z].

Le premier grief tenant à l’appropriation par M. [Z] de parties de la ferme qui ne lui étaient pas données à bail et à l’empêchement d’accéder aux lieux est écarté comme insuffisamment établi.

S’agissant du reproche formulé par M. [K] tenant à l’absence d’entretien du bien et sur l’accumulation de détritus, M. [Z] rétorque que les photographies versées aux débats concernent une parcelle attenante et non pas le jardin qu’il loue. Il sera observé que les photographies versées au soutien des affirmations de l’appelant ont été prises par l’architecte mandaté par M. [K] pour établir l’état de la charpente, et non pas par un huissier de justice autorisé à pénétrer dans le jardin pour constater l’état des lieux. Ces photographies, ainsi détournées de leur finalité initiale, ne peuvent suffire à caractériser un manque d’entretien des lieux, alors qu’elles ne fixent qu’une partie indéterminée du jardin, sans aucun caractère contradictoire, M. [Z] ayant au contraire été invité à laisser travailler les deux hommes de l’art chargés d’établir un devis par M. [K], comme l’explique l’architecte lui-même. Elles ne fixent, de surcroît, qu’un état des lieux un jour précis, sans qu’aucun élément ne certifie que cette situation est pérenne.

Enfin, les multiples attestations versées par M. [Z] et établies par plusieurs de ses voisins contredisent ces allégations, pour certifier au contraire que ce dernier entretient avec soin les lieux.

M. [K] reproche encore à M. [Z] d’avoir tenu des propos insultants et d’avoir proféré des menaces à son égard, ou à l’encontre de tiers qu’il avait mandatés.

Il est à noter que M. [K], au nom et pour le compte de l’indivision [K], a donné congé à M. [Z] par courrier du 26 mars 2018, à effet du 31 juillet suivant. Aucun motif n’est avancé pour fonder ce congé. Il est confirmé par un second courrier du 3 avril 2018, à effet du 31 octobre 2018, au motif de reprise pour habiter.

Des pièces versées aux débats, il ressort que c’est à compter de cette période que M. [K] formule des griefs à l’encontre de M. [Z]. Il est exact que le comportement de celui-ci n’est pas adapté lorsqu’il reçoit les visites de professionnels du bâtiment, mandatés par M. [K] pour évaluer les travaux nécessaires à la remise en état de la toiture, et que les injures, voire les menaces proférées à leur encontre, puis également par la suite à l’encontre de M. [K] lui-même constituent des fautes, et ne témoignent pas d’un comportement adapté. Pour autant, il convient d’observer que les venues sur les lieux de ces professionnels du bâtiment ne lui étaient pas annoncées par M. [K], ce que ce dernier ne conteste pas, et surtout que le déroulement de leur intervention a pu laisser à penser à M. [Z] que ces venues n’étaient pas exclusivement motivées par le souhait d’établir un devis concernant les travaux de la charpente, ce que révèlent à l’évidence les multiples photographies annexées aux témoignages de l’architecte, qui dépeignent l’état général des lieux, plus précisément les conditions d’occupation et d’entretien de certaines parties de l’immeuble. M. [Z], informé du souhait réitéré de M. [K] de reprendre possession du bien donné à bail, a pu légitimement s’inquiéter de telles visites des lieux, expliquant, sans bien évidemment les justifier, certains débordements verbaux de M. [Z].

En conséquence, les débordements verbaux ou les gestes agressifs de M. [Z], qui constituent des agissements fautifs, ne justifient pas, compte tenu du contexte particulier de cette affaire, de prononcer la résiliation du bail, ce d’autant que M. [Z] occupe les lieux depuis plus de 10 ans aujourd’hui, qu’il est âgé de plus de 70 ans et qu’il continue à exercer une activité professionnelle, comme en témoigne les pièces versées. Il sera ajouté à ce propos qu’il était prévu dès l’origine que M. [Z] transforme un des bâtiments en laboratoire à des fins professionnelles, le bail comportant des indications à ce propos, de sorte qu’il ne peut être fait le reproche à M. [Z] d’avoir exercé une activité de prothésiste dentaire sur place.

S’agissant enfin du grief formulé à l’encontre de M.[Z] concernant le défaut d’information relatif à l’état de la charpente détériorée à l’occasion d’une tempête, les éléments produits ne permettent pas de déterminer que cette bâtisse était intégrée dans les bâtiments loués. A l’examen des photographies, il semble que M. [Z] y ait entreposé divers objets, se considérant de sorte comme autorisé à occuper les lieux, étant précisé à nouveau que le bail n’est pas précis sur ce point, de sorte qu’il ne peut lui en être fait grief. Il est certain que M. [Z] a fait une déclaration de sinistre auprès de son assureur, et il résulte des pièces versées que la tempête a pu également endommager le toit de l’habitation principale, expliquant la nécessité d’enlever l’antenne. Pourtant les clichés versés par les parties représentent le toit de la charretière, les photographies du toit de l’habitation principale ne permettant de constater que celui-ci ait été abîmé.

Il est établi que M. [Z] n’a pas immédiatement écrit à M. [K] pour l’informer des conséquences de la tempête sur le toit. Il a pris un délai de trois semaines pour y procéder, sans que ce délai puisse être considéré comme fautif, alors qu’il dit, sans être contesté sur ce point, avoir fait le nécessaire pour éviter l’aggravation de la situation, et surtout dans la mesure où il est établi que le dommage n’avait atteint que de façon très partielle la toiture, seules quelques ardoises ayant finalement dû être changées. A supposer même ce retard d’information fautif, il ne pourrait pas suffire à justifier le prononcé de la résiliation du bail, d’autant que M. [K] n’établit pas, ni même n’allègue, que ce délai lui a été préjudiciable.

En conséquence, la demande de résiliation judiciaire est rejetée et le jugement confirmé.

‘ sur les demandes de dommages-intérêts

M. [Z] demande la réparation du préjudice moral qu’il dit subir. Il demande également l’octroi de dommages-intérêts pour une procédure qu’il estime téméraire.

Il est bien évident que le souhait de M. [K] de reprendre possession des lieux qu’occupe M. [Z] de longue date, et qu’il ne souhaite pas quitter, en dépit de l’état des lieux qu’il estime vétustes, mais qui lui permettent, selon ses propres déclarations, de résider à proximité d’une amie malade qu’il aide au quotidien, a été source pour le locataires d’importants tracas, compte tenu de l’inquiétude de devoir rechercher une nouvelle habitation dans un périmètre proche. Cependant, il a, par sa propre attitude, contribué à la dégradation des relations, qui avaient été courtoises pendant plusieurs années, excluant qu’il puisse prétendre à la réparation d’un préjudice prétendu, qu’il a lui-même contribué à causer.

Le jugement est confirmé à ce titre.

Par ailleurs, l’exercice d’une action en justice est un droit, et il n’est pas établi que M. [K] ait agi de façon téméraire ou abusive.

‘ sur les autres demandes

Les dispositions du jugement statuant sur les dépens et l’indemnité procédurale sont confirmées.

L’équité et les circonstances du litige commandent de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [K], qui succombe complètement en son appel, conservera la charge des dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

Rejette la demande de révocation de l’ordonnance de clôture,

Déclare irrecevable la note en délibéré non autorisée adressée par le conseil de M. [K], agissant au nom et pour le compte de l’indivision successorale [K],

Ecarte les pièces 2 et 3 figurant au bordereau de pièces établi par le conseil de M. [Z],

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure téméraire,

Rejette la demande présentée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que M. [T] [K] conservera la charge des dépens exposés en appel.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,

 


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