Prothésiste dentaire : 20 mai 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 20/00189

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Prothésiste dentaire : 20 mai 2022 Cour d’appel de Fort-de-France RG n° 20/00189

ARRET N° 22/107

R.G : N° RG 20/00189 – N° Portalis DBWA-V-B7E-CFYF

Du 20/05/2022

[K]

C/

S.C.P. BR ASSOCIES

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE

COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU 20 MAI 2022

Décision déférée à la cour ; jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Fort-de-France, du 18 Septembre 2020, enregistrée sous le n° F 18/00259

APPELANT :

Monsieur [U] [K]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Fériale CHAÏA, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTIMEES :

S.C.P. BR ASSOCIES Intervenant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Catherine RODAP, avocat au barreau de MARTINIQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 1 février 2022, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Anne FOUSSE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

– Madame Emmanuelle TRIOL, Présidente

– Madame Anne FOUSSE, Conseillère

– Monsieur Thierry PLUMENAIL , Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame [N] [I],

DEBATS : A l’audience publique du 11 février 2022,

Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 13 mai 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, délibéré prorogé au 20/05/2022..

ARRET : Contradictoire

*************

EXPOSE DU LITIGE

Suivant contrat à durée indéterminée signé le 1er octobre 2016, M. [U] [K] a été embauché par la SARL ELITE LABORATOIRE en qualité de technicien en prothèse dentaire, échelon TQ1 conformément à la convention collective des prothésistes et laboratoires de prothèse dentaire, moyennant une rémunération mensuelle brute de 2338,20 euros.

Le 3 octobre 2016, la SARL ELITE LABORATOIRE éditait un deuxième contrat de travail où il était spécifié que la rémunération mensuelle brute était fixée à 2338,74 euros pour 151,67 heures de travail.

Par courrier recommandé du 17 mars 2017 reçu le 20 mars 2017, M. [U] [K] notifiait à son employeur la prise d’acte de la rupture de son contrat de travail comme suit :

«Lors de notre entretien, je vous ai informé de la volonté de régulariser la situation compte tenu du fait que lors de mon arrivée à Elite laboratoire en date du 4 juillet 2016, je n’ai pas été déclaré aux organismes compétents, que mon contrat de travail n’ait été effectif qu’en date du 3 octobre 2016.

Le défaut d’organisation des visites médicales obligatoires, suite à mon embauche et de travail dissimulé pour les heures supplémentaires et dépassement des heures légales autorisées par la loi constituent également un manquement à vos obligations.

Je vous ai fait part également des risques réels pour la santé sur les conditions de travail, qui me contraignent à vous notifier la présente prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail en vertu de l’article L 1231-1 du code du travail.

Cette rupture est entièrement imputable à ELITE LABORATOIRE puisque les faits précités constituent un très grave manquement aux obligations légales, contractuelles et conventionnelles de ELITE LABORATOIRE considérant le contenu de mon contrat de travail et des conditions de travail.

Le contrat de travail est donc rompu à effet immédiat.

Compte tenu de la gravité des faits et pour éviter tout nouveau trouble et préjudice à mon endroit, l’effet de la rupture sera suivi d’une assignation de ELITE LABORATOIRE devant le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France afin d’obtenir le respect de mes droits et la réparation financière du préjudice subi».

Par courrier daté du 31 mars 2017 reçu par pli recommandé le 18 avril 2017, M. [U] [K] écrivait de nouveau à son employeur.

«J’ai occupé le poste de prothésiste dentaire dans votre entreprise du 1er octobre 2016 au 15 mars 2017. A cette date mon contrat est arrivé à son terme par la notification de la prise d’acte de la rupture de mon contrat de travail à vos torts.

Or vous ne m’avez toujours pas délivré de certificat de travail.

Je vous rappelle que selon l’article L 122-16 du code du travail vous étiez tenu de me le remettre en même temps que le solde de tout compte.

Je vous demande donc de bien vouloir m’en faire parvenir un d’ici 8 jours, à défaut de quoi je ferai valoir mes droits devant les prud’hommes».

S’estimant lésé, M. [U] [K] saisissait le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France le 11 mai 2017 afin de solliciter la condamnation de la SARL ELITE LABORATOIRE au paiement d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, de dommages et intérêts pour rupture abusive, d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés, de dommages et intérêts pour travail dissimulé, outre le paiement d’heures supplémentaires effectuées du 1er septembre 2016 au 15 mars 2017, ainsi que la remise de ses documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, certificat de travail, bulletin de paie, lettre de licenciement et solde de tout compte ) sous astreinte de 200 euros par jour et par document.

Par jugement du 18 septembre 2020, le Conseil de Prud’hommes a :

– condamné la SARL ELITE LABORATOIRE à payer à M. [U] [K] les sommes de :

1286,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

1169,10 euros à titre de salaire du 1er au 17 mars 2017,

– ordonné la remise de l’attestation Pôle emploi, le certificat de travail, le solde de tout compte, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8 è jour suivant la notification du jugement,

– dit que l’AGS garantira les sommes ainsi fixées,

– débouté le demandeur du surplus de sa demande.

Le Conseil de Prud’hommes a considéré que le salarié ne justifiait pas de manquements d’une gravité suffisante rendant impossible la poursuite du contrat de travail, (le défaut d’organisation d’une visite médicale, le grief tenant à la déclaration auprès des organismes compétents en novembre et non dès le 1er octobre 2016, n’étant pas de gravité suffisante pour justifier la prise d’acte et la dissimulation d’heures supplémentaires n’étant pas établie).

Le Conseil de Prud’hommes reconnaissait néanmoins le non paiement des congés payés au salarié et le non paiement du salaire du mois de mars jusqu’au 17 mars 2017, date de la rupture du contrat par le salarié.

M. [U] [K] a interjeté appel de ce jugement par déclaration rpva du 4 novembre 2020 soit dans les délais impartis.

Aux termes de ses conclusions notifiées par le rpva le 1er février 2021 et signifiées le 4 février 2021 à la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE , M. [U] [K] demande à la Cour de :

– infirmer le jugement rendu le 18 septembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes de Fort-de-France,

– statuant à nouveau,

– dire que la prise d’acte de la rupture du contrat à durée indéterminée aux torts exclusifs de la SARL ELITE LABORATOIRE demeure fondée,

– dire que cette prise d’acte de la rupture engendre les mêmes effets qu’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– en conséquence,

– fixer la créance de M. [U] [K] au passif de la SARL ELITE LABORATOIRE représentée par la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE aux sommes suivantes :

* 14920, 20 euros à titre de dommages et intérêts ,

* 4476,40 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

* 2338,20 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

* 11949,33 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 1er septembre 2016 au 15 mars 2017,

* 2338,20 euros au titre des salaires du mois de mars 2017,

* 14920,20 euros à titre de dommages et intérêts suite au préjudice subi pour l’emploi dissimulé,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat : attestation Pôle emploi, certificat de travail et solde de tout compte sous astreinte de 200 euros commençant à courir à compter de l’arrêt à intervenir,

– dire que l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort-de-France garantira les sommes ainsi fixées,

– condamner la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE aux entiers dépens.

Au soutien de sa demande et pour justifier de la prise d’acte de la rupture du contrat de travail, il indique déplorer les manquements clairement listés dans son courrier du 17 mars 2017 à savoir la tardiveté de la transmission de la DPAE, hors du délai légal prévu par l’article R 1221-4 du code du travail, alors que celle-ci n’a été effectuée par la SARL ELITE LABORATOIRE que le 3 novembre 2016 et qu’il avait officiellement été recruté le 1er octobre 2016 mais en réalité depuis le 4 juillet 2016.

Il ajoute que l’employeur n’a pas organisé de visite médicale d’embauche ni même de visite d’information et de prévention prévue par le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016 pris en application de la loi EL KHOMRI du 8 août 2016, et applicable au 1er janvier 2017.

Enfin il considère qu’en sus de ces deux manquements graves, l’employeur ne lui a jamais payé les heures supplémentaires effectuées de septembre 2016 au 15 mars 2017, ce qui représente 530,5 heures supplémentaires non rémunérées. Il produit un tableau des heures supplémentaires rappelant que la jurisprudence considère que lorsqu’un salarié produit un document retranscrivant les heures supplémentaires qu’il prétend avoir effectué, l’employeur ayant la faculté de répondre à ce document, les juges ne peuvent rejeter la demande du salarié sous prétexte que ce dernier ne fournit pas d’éléments de nature à étayer ses prétentions.

Il considère que ces éléments sont corroborés par l’attestation de [T] [R] qui atteste des heures supplémentaires effectuées, ne peut être qualifiée de faux et celle de Mme [M] [X]-[G] qui confirme ses déclarations quant aux conditions de travail rencontrées par l’ensemble des salariés.

Selon conclusions notifiées par le rpva le 29 avril 2021 et signifiées le 6 mai 2021 à la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort-de-France demande à la Cour de :

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a jugé que la prise d’acte de M. [U] [K] s’analyse en une démission,

– juger que l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort-de-France ne garantit pas les sommes résultant de l’astreinte , celle -ci se situant en dehors du champ du contrat de travail,

– infirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a condamné la SARL ELITE LABORATOIRE au paiement des sommes suivantes :

1286,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

1169,10 euros à titre de salaire du 1er au 17 mars 2017,

Statuant à nouveau,

– juger que la demande en paiement d’indemnité compensatrice de congés payés n’est fondée ni en son principe ni dans son quantum,

– débouter M. [U] [K] de sa demande de ce chef,

– juger que la demande en paiement de salaire du mois de mars 2017 n’est fondée ni dans son principe ni dans son quantum,

– débouter M. [U] [K] de sa demande en paiement sur ce chef,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement du Conseil de Prud’hommes en ce qu’il a fixé l’indemnité compensatrice de congés payés à la somme de 1286, 01 euros et fixé le salaire du 1er au 17 mars 2017 à la somme de 1169,10 euros,

– subsidiairement et en tout état de cause,

– Dire que la garantie de l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du Travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chômage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire ; étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l’article D 3253-5 du Code du travail, soit en l’espèce le plafond 4.

– Dire que l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du Travail.

– Dire que l’obligation de l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement.

Au soutien de ses demandes, elle fait valoir que la véritable raison du départ de M. [U] [K] est qu’il a été débauché par un autre salarié de la SARL ELITE LABORATOIRE, M. [T] [R], lequel a profité de l’absence du gérant pour créer sa société ZIRCON LABORATOIRE immatriculée au RCS le 1er décembre 2016, ce directement en concurrence avec la SARL ELITE LABORATOIRE.

Elle indique que le gérant de la SARL ELITE LABORATOIRE a déposé plainte pour des faits d’abus de confiance, le 17 mars 2017 et que postérieurement à cette plainte il a reçu la prise d’acte de la rupture de son salarié, fondé sur des motifs fallacieux afin de prétendre au paiement de diverses sommes alors qu’il travaillait déjà pour M.[T] [R] lequel le confirmait à l’huissier de justice dans le cadre de la sommation d’avoir à fournir des éléments, suite à une ordonnance du Tribunal de Grande Instance du 7 avril 2017.

Elle considère en conséquence que la prise d’acte a été prise pour les besoins de la cause.

Sur les manquements reprochés par le salarié, elle rappelle que ce dernier n’a été embauché que le 1er octobre 2016, qu’il n’a jamais fait le moindre reproche à son employeur sur une erreur de date figurant sur le contrat de travail durant la relation contractuelle, que l’attestation qu’elle qualifie de complaisante de M.[T] [R] doit être écartée en raison de la plainte déposée contre lui pour abus de confiance le 17 mars 2017, et au vu de son comportement déloyal à l’endroit de la SARL ELITE LABORATOIRE. Elle souligne que M. [U] [K] ne produit aucun élément démontrant l’existence d’une relation salariale dès le 4 juillet 2016.

S’agissant du défaut d’organisation de la visite médicale d’embauche, elle fait valoir que ce manquement n’est pas d’une gravité suffisante pour justifier une prise d’acte de la rupture.

Quant aux heures supplémentaires alléguées, elle les conteste au regard des éléments produits par le salarié qu’elle considère insuffisants à les démontrer (attestation à écarter de M.[T] [R], attestation de Mme [X] [G] particulièrement vague, et tableau non détaillé des heures sans précision des horaires d’entrée et de sortie).

Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour de plus amples exposés sur les éléments de faits et moyens développés.

MOTIFS

– Sur la prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Il est rappelé que le salarié qui reproche à l’employeur des manquements à ses obligations peut prendre acte de la rupture de son contrat de travail.

La prise d’acte de la rupture entraîne la cessation immédiate du contrat de travail de sorte que le salarié n’est pas tenu d’exécuter un préavis.

Les juges du fond doivent examiner l’ensemble des manquements de l’employeur invoqués par le salarié, et la rupture n’est justifiée qu’en cas de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.

Le salarié doit apporter la preuve des manquements de l’employeur qu’il invoque. Si un doute sur la réalité des faits allégués subsiste il profite à l’employeur.

Lorsque la prise d’acte est justifiée, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et le salarié a droit, à l’exception de l’indemnité pour non respect de la procédure, à l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférents, aux dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour circonstances brusques et vexatoires de la rupture. En revanche lorsque les manquements reprochés à l’employeur ne sont pas établis ou ne sont pas suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d’acte produit les effets d’une démission. Dans ce cas le salarié ne peut prétendre à aucune indemnité de rupture et peut être condamné à payer à l’employeur une indemnité pour non respect du préavis.

En l’espèce, sont invoqués les manquements suivants :

– non déclaration aux organismes compétents lors de son arrivée le 4 juillet 2016,

– défaut d’organisation de la visite médicale obligatoire,

– travail dissimulé pour les heures supplémentaires réalisées en dépassement des heures légales autorisées,

– conditions de travail constituant un risque réel pour la santé

S’agissant du premier grief, la Cour observe que le salarié ne produit qu’un contrat à durée indéterminée en date du 1er octobre signé par les deux parties avec la mention portée par M. [U] [K] «lu et approuvé» sans que ce contrat n’ait été suivi de la moindre réserve quant à la date de sa signature, ni quant à la fin de la période d’essai de deux mois devant expirer le 30 novembre suivant. Un deuxième contrat du 3 octobre 2016 portant les signatures des parties et la mention ‘lu et approuvé’ précédant le signature du salarié a modifié le montant de la rémunération.

Le salarié n’a pas plus à cette occasion émis des réserve ou des protestations quant à la date du début de la relation contractuelle.

Le salarié produit encore les attestations de M.[T] [R] et de Mme [X] [G], collègues de travail au sein de la SARL ELITE LABORATOIRE censées démontrer le début des relations contractuelles de M. [U] [K] au 4 juillet 2016 .

Or d’une part, l’attestation de M. [T] [R] est sujette à caution et ne pourra être retenue par la Cour en ce que ce salarié a fait l’objet d’une plainte de la part de leur employeur le 17 mars 2017 pour abus de confiance pour la période du 1er novembre 2016 au 17 mars 2017.

L’employeur reprochait notamment à ce salarié la création de son entreprise de prothèse dentaire alors qu’il était employé au sein de la SARL ELITE LABORATOIRE, sous contrat à durée indéterminée lui interdisant de faire une concurrence directe et déloyale. Il lui était également reproché le fait d’avoir débauché M. [U] [K], de même que le vol de différents matériels de travail.

L’AGS produit aux débats l’extrait K Bis de la société ZIRCON LABORATOIRE SAS créée le 10 novembre 2016 par M. [T] [R] président de la SAS.

En raison du contentieux ayant existé entre les intéressés, l’attestation sera écartée des débats par la Cour comme étant sujette à caution.

L’attestation de Mme [X]-[G] qui indique avoir travaillé au sein d’ ELITE LABORATOIRE avec M. [U] [K] du 4 juillet 2016 au 2 janvier 2017 n’emporte pas à elle seule la conviction de la Cour, en ce que M. [U] [K] ne produit pour corroborer cette attestation aucun élément pour démontrer un début de collaboration à cette date.

Aucun mail, courrier, reçu de rémunération, relevé de compte démontrant la perception de rémunération de M. [U] [K], lettre d’embauche, virement de chèque de paiement, n’est produit au dossier de sorte que l’attestation apparaît dénuée à elle seule de toute force probante.

L’attestation de Mme [H] [Z], mère de M. [U] [K] qui certifie le 6 juin 2019 avoir encaissé deux chèques en août et en septembre 2016 dont l’émetteur était la SARL ELITE LABORATOIRE, non libellés au nom de M. [U] [K] n’emporte pas plus la conviction de la Cour à défaut d’être corroborée de justificatifs plus pertinents et objectifs d’une collaboration avant la signature du contrat de travail.

Il s’ensuit que l’employeur n’avait pas à déclarer M. [U] [K] dès le 4 juillet 2016.

Nonobstant l’article R 1221-4 du code du travail aux termes duquel la déclaration préalable à l’embauche doit être obligatoirement effectuée auprès des organismes de protection sociale, au plus tôt 8 jours précédant la date prévisible de l’embauche, la déclaration de M. [U] [K] par l’employeur le 3 novembre 2016 mentionnant au demeurant une embauche à compter du 1er octobre 2016, de nature à régulariser la situation de ce salarié auprès de l’URSSAF, ne paraît pas être un motif suffisamment grave pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs jusqu’en décembre 2016, et en application de l’article R 4624-10 du code du travail «tout salarié bénéficiait d’un examen médical d’embauche, ayant pour but de s’assurer qu’il était médicalement apte au poste, de rechercher s’il n’était pas atteint d’une maladie ou si une adaptation de son poste était nécessaire». Depuis le 1er janvier 2017, la visite médicale d’embauche a été remplacée par une visite d’information et de prévention prévue par le décret n° 2016-1908 du 27 décembre 2016. Or l’employeur n’a effectué aucune de ces deux démarches. Pour autant la Cour ne relève aucun rappel du salarié sur ce point ni refus de la part de l’employeur pour ce faire.

Il est constaté ainsi tout au plus de la négligence certes fautive mais non suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation contractuelle, le salarié n’invoquant au cas d’espèce aucune pathologie ni nécessité d’adaptation de poste.

S’agissant du grief du non paiement des heures supplémentaires, il est rappelé les termes de l’article L 3171-4 du code du travail, qui dispose qu’ «en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui ci doit être fiable et infalsifiable».

S’il résulte de l’article susvisé que la preuve des heures de travail effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties et que l’employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l’espèce, le salarié produit un décompte dactylographié qui se limite à mettre par jour le nombre d’heures qu’il prétend avoir effectué et le montant quotidien de paiement sollicité sans jamais préciser les horaires réels d’entrée et de sortie, empêchant à la Cour toute possibilité d’appréciation des heures effectivement réalisées, certains jours comptabilisant 7,5 heures, ou 9, 5 heures de plus que la durée normale du travail, sans la moindre explication aux débats sur ce point.

La Cour considère qu’un tel décompte est totalement inexploitable et que le salarié ne fournit en conséquence aucun élément de nature à étayer sa demande, l’attestation de Mme [X]-[G] qui indique avoir effectué avec les autres employés du laboratoire d’innombrables heures supplémentaires bien au delà des heures légales, non circonstanciée sur le nombre d’heures supplémentaires hebdomadaires qu’auraient effectuées le salarié durant la période d’embauche, ne pouvant suppléer l’absence d’élément de nature à justifier la réalité des heures effectivement réalisées par M. [U] [K]. IL a déjà été indiqué que l’attestation de M. [T] [R] au demeurant non circonstanciée était écartée des débats au vu du contentieux existant entre l’employeur et l’intéressé au sujet de la création d’une société concurrente en cours de contrat de travail et de la plainte déposée par le représentant de la SARL ELITE LABORATOIRE contre lui.

La demande en paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 11949,33 euros est dès lors mal fondée et sera rejetée.

Il s’ensuit que ce grief n’est pas plus établi et que le salarié est défaillant à démontrer l’existence manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat.

Enfin le grief de conditions de travail constituant un risque réel pour la santé, non documenté, n’est pas plus démontré, sans description des conditions de travail invoquées ni aucune explication sur ce point.

En conséquence la prise d’acte dont s’agit produit les effet d’une démission et non d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement qui le constate dans ses motifs sera confirmé sur ce point sauf à la Cour de le mentionner dans le dispositif en ajoutant au jugement querellé.

– Sur la demande en paiement d’heures supplémentaires

Au regard des explications qui précèdent , le jugement est confirmé en ce qu’il déboute M. [U] [K] de cette demande.

– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé

En l’absence de preuve d’une relation de travail débutant le 4 juillet 2016 et d’heures supplémentaires effectuées, cette demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé est mal fondée et le jugement sera confirmé en ce qu’il la rejette.

– Sur les demandes découlant d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse

En l’absence de requalification de la prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’appelant est mal fondé en sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et en sa demande d’indemnité compensatrice de préavis.

– Sur la demande d’indemnité compensatrice de congés payés

Aux termes de l’article L 3141-28 du code du travail «lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n’a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d’après les articles L 3141-24 à L 3141-27….. ».

L’article L 3141-3 du code du travail dispose que le salarié a droit à deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur.

Aux termes de l’article L 3141-4 du même code « Sont assimilées à un mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à quatre semaines ou vingt-quatre jours de travail».

Aux termes de l’article L 3141-24 alinéa 1er dudit code «I.-Le congé annuel prévu à l’article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence».

Il est rappelé que le salarié sollicitela fixation de son indemnité de congés payés à la somme de 2338,20 euros.

M. [U] [K] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 17 mars 2017 et a droit à 12,5 jours de congés payés selon les deux méthodes(maintien du salaire ou méthode du dixième de la rémunération brute) comme suit :

2338,20 euros X 12,5 jours /26 =1124,13

ou 11691 euros x 1/10 x 12,5 / 12,5 =1169,1.

Il est normalement choisi la méthode la plus favorable.

L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort-de-France demande M. [U] [K] soit débouté de sa demande en paiement de la somme de 2338,20 euros de ce chef et que le jugement soit confirmé en ce qu’il a fixé l’indemnité de congés payés à la somme de 1286,01 euros.

Il sera donc fait droit à cette demande et le jugement sera confirmé sur ce point.

– Sur la demande de paiement de salaire du mois de mars 2017

M. [U] [K] sollicite le paiement de la somme de 2338,20 euros alors qu’il n’a travaillé que jusqu’au 17 mars 2017. Sa demande n’est donc pas fondée en son quantum.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il fixe la créance de M. [U] [K] à hauteur de 1169,10 euros comme demandé par l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de Fort-de-France.

– Sur la remise des documents de fin de contrat

La Cour confirme le jugement rendu en ce qu’il ordonne la remise des documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) mais sans astreinte.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu le 18 septembre 2020, par le Conseil de Prud’hommes de Fort-de -France sur le quantum des sommes allouées à M. [U] [K] mais l’infirme en ce qu’il a condamné la SARL ELITE LABORATOIRE au paiement de l’indemnité de congés payés et du salaire du mois de mars directement à M. [U] [K] et a ordonné la remise des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant la notification du jugement,

STATUANT à nouveau,

DII que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail de M. [U] [K] produit les effets d’une démission,

FIXE la créance de M. [U] [K] au passif de la SARL ELITE LABORATOIRE représentée par la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur judiciaire, aux sommes suivantes :

1286,01 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés,

1169,10 euros à titre de salaire du mois du mois de mars 2017,

ORDONNE à la SELARL MONTRAVERS YANG TING es qualité de liquidateur de la SARL ELITE LABORATOIRE de remettre à M. [U] [K] les documents de fin de contrat (attestation Pôle emploi, solde de tout compte et certificat de travail) mais sans astreinte,

DIT que la garantie de l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE est due mais qu’elle ne saurait excéder les limites de sa garantie légale conformément aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du Travail qui limitent sa garantie, toutes créances du salarié confondues, à des montants fixés en fonction du plafond retenu pour le calcul des contributions au régime d’assurance chômage apprécié au jour où la créance est due et au plus tard au jour du jugement de liquidation judiciaire; étant précisé que la garantie est plafonnée toutes créances avancées pour le compte du salarié à un des trois plafonds définis à l’article D 3253-5 du Code du travail, soit en l’espèce le plafond 4.

DIT que l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE ne devra procéder à l’avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du Travail.

DIT que l’obligation de l’UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE FORT-DE-FRANCE de faire l’avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé par le mandataire judiciaire et sur justification par celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [U] [K] aux dépens de l’appel.

Et ont signé le présent arrêt Mme Anne FOUSSE, Conseillère, pour le Président empêché et Mme Rose-Colette GERMANY, Greffier

LE GREFFIER LE PRESIDENT,

 


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