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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-4
ARRÊT AU FOND
DU 15 DECEMBRE 2022
N° 2022/ 324
Rôle N° RG 19/10012 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEO6B
SARL [E] PROTHÈSE TECHNOLOGIES
C/
[S] [M]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Patrick LUCIANI
Me Romain CHERFILS
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de NICE en date du 04 Avril 2019 enregistrée au répertoire général sous le n° 2018F00419.
APPELANTE
SARL [E] PROTHÈSE TECHNOLOGIES, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 1]
représentée et assistée de Me Patrick LUCIANI, avocat au barreau de NICE
INTIME
Monsieur [S] [M]
né le 06 Septembre 1962 à [Localité 4] (06), demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Romain CHERFILS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assisté de Me Florence CATTENATI, avocat au barreau de NICE substituant Me Frédéric PIAZZESI, avocat au barreau de NICE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Laure BOURREL, Président
Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président
Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022, après prorogagion du délibéré.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Décembre 2022
Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président pour le Président empêché et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
La SARL [E] prothèse technologies (PPT) qui exploite un cabinet de prothésiste dentaire a accueilli au sein de ses locaux à compter de 2011 M. [S] [M] qui exerçait une activité indépendante de prothésiste sous l’enseigne Dentin’R.
Un bail précaire était signé entre les parties le 31 décembre 2010.
Les relations entre les parties se sont dégradées en 2017 lorsque la société PPT a découvert que son salarié, M. [Z], avait constitué avec M. [M] une SAS Dentin’R immatriculée le 16 mai 2017.
Se plaignant d’un détournement de clientèle par MM [Z] et [M], la société PPT n’a par souhaité que M. [M] se maintienne dans les locaux, dont les clés ont été restituées le 13 juillet 2017.
Par acte du 28 juin 2018 la société PPT a fait assigner M. [M] devant le tribunal de commerce de Nice aux fins d’obtenir paiement d’une somme de 38406,80 euros, ramenée ensuite à 9738 euros. Elle sollicitait en outre du tribunal qu’il désigne un expert avec mission de faire les comptes entre les parties.
M. [M] s’opposait aux demandes et formait des demandes reconventionnelles à hauteur de 109026 euros.
Par jugement du 4 avril 2019, le tribunal de commerce de Nice a :
– débouté la SARL [E] prothèse technologies de sa demande,
– condamné la SARL [E] prothèse technologies à verser à M. [S] [M] la somme de 3324 euros au titre du trop perçu sur les factures émises et réglées,
– condamné la SARL [E] prothèse technologies à verser à M. [S] [M] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté M. [S] [M] de ses autres demandes,
– ordonné l’exécution provisoire de la décision,
– condamné la SARL [E] prothèse technologies aux entiers dépens.
La SARL [E] prothèse technologies a interjeté appel de cette décision le 21 juin 2019.
Par conclusions déposées et notifiées le 19 septembre 2019 elle demande à la cour de :
– infirmer le jugement du 4 avril 2019 en ce qu’il a :
– débouté la SARL [E] prothèse technologies de sa demande en paiement,
– condamné la SARL [E] prothèse technologies à verser à M. [S] [M] la somme de 3324 euros au titre du trop perçu sur les factures émises et réglées,
– condamné la SARL [E] prothèse technologies à verser à M. [S] [M] la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
– avant dire droit, désigner tel expert qu’il plaira à la cour ayant pour mission de faire les comptes entre les parties aux frais partagés des parties,
– à titre principal, condamner M. [S] [M] à payer à la société [E] prothèse technologies la somme en principal de 9738 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 août 2017,
– condamner M. [S] [M] à payer à la société [E] prothèse technologies la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [S] [M] aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance,
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes.
Par conclusions déposées et notifiées le 17 décembre 2019, M. [S] [M] demande à la cour de :
– débouter la société PPT de son appel et l’en déclarer mal fondée,
– confirmer purement et simplement le jugement entrepris en ce qu’il a :
– débouté la société PPT de sa demande en paiement de la somme de 9738 euros infondée et injustifiée,
– débouté la société PPT de sa demande d’expertise,
– condamné la société PPT à lui verser la somme de 3324 euros au titre du trop perçu sur les factures émises et réglées,
– condamné la société PPT à lui verser la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens s’élevant pour la première instance à la somme de 888,18 euros,
Statuant à nouveau,
– accueillir M. [M] en son appel incident et l’en déclarer bien fondé,
– condamner la société PPT au paiement :
– de la facture émise par M. [M] le 19 juillet 2017 n°20170049 d’un montant de 3234 euros ayant fait l’objet d’une mise en demeure de Maître [C] du 8 août 2017,
– des commissions dues à M. [M] pour les mois de juin et juillet 2017 à hauteur de 6500 euros la société PPT n’ayant pas à ce jour déféré à la demande de communication des factures émises pour ces mois,
– de la somme de 15000 euros pour non-respect de la procédure d’éviction, le tribunal n’ayant pas statué sur la transformation du bail commercial précaire du 31 décembre 2010 en bail commercial soumis au statut,
– de la somme de 47400 euros pour l’utilisation du matériel de M. [M] par PPT pour la période du 1er janvier 2011 au 24 juillet 2017,
– de la somme de 8400 euros pour rétention abusive du matériel pour la période du 24 juillet 2017 au 21 septembre 2018 (procès-verbaux de constat de Maître [X] des 18 août 2017 au 21 septembre 2018),
– de la somme de 25178 euros représentant la réparation de la partie du matériel rendu et au remplacement du matériel gardé abusivement par PPT,
– condamner en outre la société PPT au paiement de la somme de 5000 euros à titre d’indemnité sur la fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel outre aux entiers dépens comprenant les frais d’exécution du jugement déféré soit au total 466,82 euros (facture détaillée de la SCP Mathieu huissier de justice du 6 novembre 2019 pièce n°26), dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoué Aix-en-Provence, avocats associés aux offres de droit.
La procédure a été clôturée le 13 septembre 2022.
MOTIFS :
Sur les demandes de la société PPT :
Les parties ne fournissent aucune explication précise sur les conventions qui régissaient leur collaboration entre 2011 et 2017 et ne produisent aucun contrat à l’exception d’un bail signé le 31 décembre 2010 pour une durée de 23 mois à compter du 30 novembre 2012.
M. [M] ne conteste cependant pas que la société PPT lui a fourni des prestations donnant lieu à des factures de sous-traitance établies entre 2012 et 2017, qui apparaissent dans sa propre comptabilité, et en règlement desquels il a effectué des paiements réguliers.
La société PPT produit en pièces 2 et 14 un relevé de l’ensemble des factures de sous-traitance émises entre 2012 et 2017 ainsi que des factures de loyers à hauteur de 600 euros par mois.
M. [M] ne conteste aucune de ces factures mais prétend que leur total s’élève à 144690 euros.
Il a pu être vérifié par la cour que le montant total dû au titre des factures de sous-traitance et de loyers s’élève à 156847 euros, M. [M] ayant omis, dans son addition, une somme de 12157 euros correspondant aux factures de sous-traitance émises pour l’année 2017.
M. [M] produit les justificatifs des règlements (talons de chèques, relevés bancaires, extrait de comptabilité) effectués au cours de la même période, dont le montant total s’élève, après vérification de l’addition par la cour, à 147994 euros, et non pas 148017 euros comme il le prétend, ni à 147109 euros comme l’affirme la société PPT.
Il en ressort que M. [M] reste redevable d’une somme de 8853 euros qu’il sera condamné à payer à la société PPT, sa demande de restitution d’un prétendu trop perçu de 3327 euros étant rejetée, le jugement étant infirmé sur ce point.
Aux termes de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d’instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l’allègue ne dispose pas d’éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d’instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l’administration de la preuve.
La société PPT, qui ne maintient pas ses demandes présentées en première instance au titre de factures de régularisations ou de trop perçu sur commissions, ne précise pas la finalité de la mesure d’expertise qu’elle sollicite aux fins de ‘faire les comptes entre les parties’ sans autre explication sur la nature des comptes à réaliser, et ne justifie pas être confrontée à une difficulté dans l’administration de la preuve qui pourrait être utilement résolue par l’intervention d’un expert.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société PPT de sa demande d’expertise.
Sur les demandes de M. [M] :
M. [M] demande la condamnation de la société PPT à lui payer la somme de 47400 euros soit 600 euros x 79 mois, en contrepartie de l’utilisation, par la société PPT, du matériel qu’il avait apporté dans les locaux de la société, affirmant qu’il était convenu entre les parties que cette rémunération devait se compenser avec le loyer qu’il réglait pour l’occupation du local.
Alors que le bail initial est versé aux débats et ne fait pas mention d’un tel accord, M. [M] ne produit aucune pièce justifiant de la réalité de la convention qu’il allègue, les paiements réguliers du loyer de 600 euros effectués par lui pendant cette période venant au contraire démentir l’existence d’un quelconque accord sur un paiement de ce loyer par compensation.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté M. [M] de ce chef de demande.
M. [M] sollicite également la condamnation de la société PPT à lui payer une somme de 3234 euros en règlement d’une facture du 19 juillet 2017 ainsi qu’une somme de 6500 euros correspondant à l’estimation d’une commission de 20% qui lui serait due sur les factures émises par PPT pour les mois de juin et juillet 2017.
La société PPT ne reconnaissant pas devoir ces sommes, ces demandes seront rejetées, M. [M] ne produisant aucun élément probant concernant l’existence et le contenu des conventions justifiant ces demandes, la seule facture du 19 juillet 2017 pour ‘sous-traitance céramique mois de mai’ étant insuffisante à constituer la preuve d’une obligation de la société PPT.
M.[M] fait ensuite valoir qu’alors qu’il bénéficiait d’un bail qui s’était poursuivi au delà du terme initialement convenu et s’était transformé en bail commercial soumis au statut, il a été empêché d’accéder à son cabinet à compter du 25 juillet 2017 et n’a pu récupérer son matériel qui ne lui a été restitué que le 21 septembre 2018, incomplet et en mauvais état.
Il sollicite la condamnation de la société PPT à lui payer les sommes de :
– 8400 euros pour rétention abusive de son matériel,
– 25178 euros représentant le coût de la réparation du matériel endommagé et du remplacement du matériel manquant,
– 15000 euros de dommages et intérêts pour non-respect par le bailleur de la procédure d’éviction.
Il résulte des explications des parties concordantes sur ce point que M. [M] a restitué les clefs des locaux de la société PPT le 13 juillet 2017.
Par LRAR du 24 juillet 2017, la société PPT, lui rappelant ses précédents engagements de départ imminent, l’a mis en demeure d’évacuer les locaux sous 24 heures de ses matériels et outillages.
Par LRAR de son avocat en date du 8 août 2017, M. [M] s’est plaint de ce que la société PPT lui interdisait l’accès au laboratoire depuis le 25 juillet 2017 et ne lui avait pas permis de récupérer son matériel à l’exception d’une mallette de petit outillage. Il la mettait en demeure de lui permettre d’ accéder aux locaux le 18 août 2017 afin qu’il puisse récupérer le matériel dont la liste était jointe.
M. [M] verse par ailleurs aux débats un procès-verbal de constat d’huissier dressé le 18 août 2017 sur sa requête dont il ressort :
– qu’il a déclaré à l’huissier qu’à la suite d’un différend avec M. [E] il a décidé de quitter les locaux de la société PPT afin d’exercer son activité au [Adresse 2] à [Localité 4],
– que l’huissier a constaté que les locaux étaient fermés, personne ne répondant à ses appels.
M. [M] a finalement repris son matériel en présence d’un huissier de justice selon constat du 21 septembre 2018 soit plus d’un an après, se plaignant de ce que ce matériel était endommagé et qu’une partie était manquante.
Il ressort de ce qui précède qu’à la suite de leur différend, les parties n’ont pas souhaité poursuivre leur collaboration et que la résiliation du bail résulte de la volonté des deux parties, M. [M] ayant commencé une nouvelle activité avec M. [Z] au [Adresse 2] à [Localité 4] dès le 14 avril 2017 ainsi qu’il résulte de l’extrait Kbis de la société Dentin’R.
M. [M] sera en conséquence débouté de sa demande en dommages et intérêts pour non-respect par le bailleur de la procédure d’éviction.
S’agissant du matériel, il est établi que M. [M], qui s’est présenté une première fois au laboratoire le 18 août 2017, en période de congé, n’a pu le récupérer, le laboratoire étant fermé.
Il ne justifie d’aucune réclamation adressée à la société PPT pendant toute l’année ayant suivi cette tentative infructueuse, ce qui tend à contredire l’allégation selon laquelle ce matériel d’une part aurait été retenu abusivement par la société PPT, et d’autre part aurait été indispensable à l’exercice de son activité.
M. [M] ne démontre pas non plus que le matériel dont il produit la liste était effectivement présent en totalité et en bon état dans les locaux de la société PPT lorsqu’il a quitté les locaux.
Il sera en conséquence débouté de l’ensemble de ses demandes.
Partie succombante, M. [M] sera condamné aux dépens, sans qu’il y ait lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [S] [M] de ses autres demandes,
Statuant à nouveau,
Déboute la société [E] prothèse technologies de sa demande d’expertise,
Condamne M. [S] [M] à payer à la société [E] prothèse technologies la somme de 8853 euros,
Déboute M. [S] [M] de l’ensemble de ses demandes,
Dit n’y avoir lieu à condamnation sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [S] [M] aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT