Prothésiste dentaire : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00464

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Prothésiste dentaire : 13 octobre 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00464

N° RG 20/00464 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IMVT

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 13 OCTOBRE 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE ROUEN du 19 Décembre 2019

APPELANT :

Monsieur [S] [H]

[Adresse 5]

[Localité 2]

présent

représenté par Me Sophie BERTUCAT-DUMONTIER de la SELARL BERTUCAT DUMONTIER, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.R.L. DENTALCOCERAM

[Adresse 3]

[Localité 1]

en présence de M. [U] [K], gérant,

représentée par Me Constance CHALLE – LE MARESCHAL de la SELARL POINTEL & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN,

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 14 Septembre 2022 sans opposition des parties devant Madame BERGERE, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

M. GUYOT, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 14 Septembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 13 Octobre 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 13 Octobre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [S] [H] a été engagé par la société Dental Coceram en qualité de prothésiste par contrat à durée indéterminée du 6 novembre 1991.

Les relations des parties étaient soumises à la convention collective nationale des prothésistes et laboratoires de prothèses dentaires.

À compter du 1er septembre 2016, M. [H] a bénéficié d’un temps partiel thérapeutique à hauteur de 80 %.

M. [H] a été placé en arrêt maladie le 4 juillet 2018.

Par requête du 29 novembre 2018, M. [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Rouen en résiliation judiciaire de son contrat de travail et paiement de rappels de salaires et d’indemnités.

Suivant jugement du 19 décembre 2019, le conseil de prud’hommes a constaté que M. [H] n’a subi aucune modification unilatérale de son contrat de travail, dit que la classification de M. [H] est technicien en prothèse dentaire, constaté que M. [H] n’établit pas l’existence d’une discrimination à son encontre et l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre, condamné la société Dental Coceram à payer à M. [H] les sommes suivantes :

610,52 euros bruts au titre des rappels de salaires pour non-respect du salaire minima conventionnel et congés payés y afférents pour 61,05 euros,

144,76 euros bruts au titre de la prime d’ancienneté calculée sur le salaire de base minimale conventionnelle et congés payés y afférents pour 14,47 euros,

1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-débouté M. [H] de sa demande formulée au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes financières subséquentes ainsi que de l’intégralité de toutes ses autres demandes, ordonné l’exécution provisoire du jugement en application de l’article 5 1454-28 3ème alinéa du code du travail, rejeté toute demande plus ample ou contraire, débouté la société Dental Coceram de sa demande formulée au titre des frais irrépétibles et condamné la société Dental Coceram aux dépens.

M. [H] a interjeté appel de cette décision le 21 janvier 2020.

Le 20 septembre 2021, M. [H] a été déclaré inapte à son poste de travail avec dispense de l’obligation de reclassement.

M. [H] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 22 octobre 2021.

Par conclusions remises le 5 juillet 2022, aux auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, M. [H] demande à la cour de réformer partiellement le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de juger qu’il a subi une modification unilatérale de son contrat de travail, que sa classification est technicien qualifié en prothèses dentaires TQ1, qu’il devait en conséquence être rémunéré au salaire minimal conventionnel prévu pour cette classification et en conséquence, lui octroyer, à compter du 1er novembre 2015, la somme de 2 677,40 euros à titre de rappel de salaire, 578, 83 euros au titre de la prime d’ancienneté et la somme de 325,62 euros au titre des congés payés y afférents,

-juger, sur le fondement de l’article 1184 du code civil, qu’il n’a pas eu un déroulement de carrière identique aux autres salariés, enjoindre à la société Dental Coceram de verser aux débats les documents permettant le calcul de rappel de salaire et plus précisément l’historique de carrière, les bulletins de salaire du 1er novembre 2015 au 30 novembre 2018 de MM. [C] [M] et [E] [L] et le registre d’entrées et de sorties du personnel, condamner la société Dental Coceram à lui verser 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination, eu égard aux manquements graves de l’employeur, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et en conséquence condamner la société Dental Coceram à lui payer les sommes suivantes :

5 115,78 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre la somme de 511,57 euros au titre des congés payés y afférents,

3 193,29 euros à titre de rappel d’indemnité de licenciement,

46 042,02 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

-condamner la société Dental Coceram à lui remettre les documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail, attestation Pôle emploi) conforme à la décision à intervenir dans un délai de quinze jours à l’issue de la notification du jugement et condamner la société Dental Coceram à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel.

Par conclusions remises le 7 juillet 2022, aux auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens, la société Dental Coceram demande à la cour, à titre principal, de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [H] les sommes suivantes :

610,52 euros bruts au titre des rappels de salaires pour non-respect du salaire minima conventionnel et congés payés y afférents pour 61,05 euros,

144,76 euros bruts au titre de la prime d’ancienneté calculée sur le salaire de base minimale conventionnelle et congés payés y afférents pour 14,47 euros,

1 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-statuant à nouveau, débouter M. [H] de toutes ses demandes et le condamner à lui payer une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

-à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions les sommes allouées à M. [H], ce dernier ne justifiant de l’existence d’aucun préjudice.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 7 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

* Sur les demandes au titre de l’exécution du contrat de travail

– Sur la qualification professionnelle

La qualification du salarié se détermine en référence aux fonctions réellement exercées et au regard de la convention collective applicable, laquelle peut édicter un seuil d’accueil en fonction des diplômes obtenus, étant précisé que la charge de la preuve pèse sur le salarié qui revendique une autre classification que celle appliquée.

L’annexe I de la convention collective applicable relative à la qualification des prothésistes dentaires et des personnels des laboratoires de prothèse dentaire prévoyait, dans sa version en vigueur du 20 mars 1981 au 26 décembre 2013, les dispositions suivantes :

‘Employé en prothèse dentaire (échelon 1 & 2) :

L’employé en prothèse dentaire est un salarié qui a une fonction directe de production dans le laboratoire ne possédant pas de diplôme professionnel de prothésiste dentaire et n’effectuant pas de travaux nécessitant les connaissances d’un prothésiste dentaire. Dès son embauche, ce salarié aura pendant une période maximum d’une année, la fonction d’employé en prothèse dentaire échelon 1.

Tout salarié ayant suivi la formation de deux années de prothésiste dentaire de niveau V et ayant échoué à l’examen doit avoir accès obligatoirement au titre d’employé en prothèse dentaire échelon 2. Cette catégorie de professionnel doit avoir accès à la formation continue dite de promotion sociale.

Prothésiste dentaire (échelons P1-P2-P3) :

première année :échelon P1,

deuxième année : échelon P2,

troisième année : échelon P3.

Le titulaire du CAP aura droit automatiquement au titre de prothésiste dentaire.

Professionnel qui a les connaissances de base qui permettent de modifier, de réaliser sur indications techniques tous les travaux tels que sont définis dans le programme du CAP à savoir : montage d’appareils dentaires ne présentant pas de difficultés exceptionnelles. Ralisation de travaux prothétiques en matière plastiques, métallique ou métalloplastique : couronnes coulées, bridges simples, couronnes à incrustation vestibulaire.

Prothésiste dentaire qualifié (échelons PQ1-PQ2) :

pendant une année maximum : échelon PQ1 ensuite échelon PQ2.

Le professionnel ayant obtenu le BTM ou le BP, nouveau diplômé, aura droit obligatoirement au titre de prothésiste dentaire qualifié. Professionnel qui est capable de concevoir, de réaliser tous les travaux prothétique de qualité demandés aux examens de niveau IV correspondant aux domaines de compétences suivants:

– prothèse adjointe résine : P.A.T. bi-maxillaire respectant les critères fonctionnels et esthétiques d’une prothèse totale

– prothèse conjointe céramique : réalisation d’éléments unitaires ou contiguës, pilier ou inter de bridge avec montage simple, d’après découpes classiques,

– prothèse adjointe métallique : réalisation de châssis métallique maxillaires ou mandibulaires conventionnels.

– prothèse combinée (attachement) : restauration prothétique de petite envergure avec attachement pouvant réunir une prothèse conjointe et adjointe métallique ou totale supra radiculaire.’

La version en vigueur du 26 décembre 2013 au 15 décembre 2017 a modifié la classification en ces termes :

‘Auxiliaire en prothèse dentaire :

professionnel titulaire du BEP ou titulaire du titre de niveau V ‘auxiliaire en prothèse dentaire’ inscrit au RNCP.

Professionnel qui a les connaissances de base qui permettent de modifier, de réaliser sur indications techniques tous les travaux tels que définis dans le référentiel du BEP, à savoir : réalisation de travaux prothétiques en matière plastique et de travaux de préparation et de finition (plâtre, polissage, mise en moufle, mise en revêtement…)

Technicien en prothèse dentaire:

Professionnel titulaire du CAP.

Professionnel qui a les connaissances de base qui permettent de modifier, de réaliser sur indications techniques tous les travaux tels que définis dans le référentiel du CAP, à savoir : réalisation de travaux prothétiques en matière plastiques, métallique ou métalloplastique : couronnes coulées, bridges simples, couronnes à incrustation vestibulaire.

Le titulaire du CAP accédera à l’échelon TQ1 après 3 années d’expérience en tant que technicien en prothèse dentaire.

Technicien qualifié en prothèse dentaire:

(Echelons TQ1, TQ2, TQ3)

Echelon TQ1 : professionnel titulaire du bac pro ou du BP

Professionnel capable de concevoir, de réaliser tous les travaux prothétiques de qualité correspondant aux domaines de compétences suivantes:

– prothèse amovible résine : PAT bi-maxillaire respectant les critères fonctionnels et esthétiques d’une prothèse totale ;

– prothèse fixée céramique : réalisation d’éléments unitaires ou contiguës dans la limite de 4 éléments, pilier ou inter de bridge avec montage simple, d’après découpe classique ;

– prothèse mobile métallique : réalisation de châssis métalliques maxillaires ou mandibulaires conventionnels ;

– conception assistée par ordinateur.

Echelon TQ2 : professionnel titulaire du BTM

Professionnel capable de concevoir, de réaliser tous les travaux prothétiques de qualité correspondant aux domaines de compétences de l’échelon TQ1 ainsi qu’au domaine de compétence suivant:

– prothèse combinée (attachement : restauration prothétique de petite envergure avec attachement pouvant réunir une prothèse fixe et mobile métallique out totale supra-radiculaire.

Le salarié à l’échelon TQ1, titulaire soit du bac pro, soit du BP, deviendra TQ2 après 2 années d’expérience en TQ1.

Echelon TQ3 : professionnel titulaire du BM IV

Le salaire à l’échelon TQ2 deviendra TQ3 après une année d’expérience en TQ2.’

La version applicable postérieurement au 16 décembre 2017 est identique concernant les classifications litigieuses.

En l’espèce, à titre liminaire, il convient de relever qu’aucun contrat de travail n’est produit aux débats. Le seul document communiqué est un ‘bilan de fin de stage’ rédigé par le PDG de la société Dental-Coceram de l’époque, M. [T], cousin de M. [H], qui indique, le 7 novembre 1991, que ‘suite au stage d’accès à l’emploi n°107 conclu pour la formation de Monsieur [S] [H], ce stage s’est déroulé du 5 août 1991 au 5 novembre 1991. Monsieur [H] est donc embauché définitivement à compter du 6 novembre 1991, en qualité de prothésiste.’

Il n’est pas contesté que la formation de quatre mois suivie dans ce cadre n’était pas diplômante et que M. [H] ne peut justifier d’aucun diplôme de prothésiste dentaire. De même, il est constant que le stage d’un mois réalisé en juillet 2009 par M. [H] à [Localité 4] relatif à la conception et la fabrication assistée par ordinateur ne lui a conféré aucune qualification diplômante.

Malgré cette absence de diplôme, M. [H] soutient que l’exigence du CAP pour obtenir la qualification de technicien en prothèse dentaire n’étant imposée qu’à partir de la modification de 2013, eu égard à son ancienneté supérieure à trois années en cette qualité, il aurait dû, à l’adoption de cette nouvelle classification, être directement intégré à l’échelon de technicien qualifié en prothèse dentaire TQ1.

Ce raisonnement ne peut être validé.

En effet, il est exact que l’annexe I ne mentionne expressément l’exigence de l’obtention d’un CAP ‘prothèsiste dentaire’ qu’à partir de 2013 pour accéder à la qualité de ‘technicien en prothèse dentaire’ équivalent à la précédente qualité de ‘prothésiste dentaire’ attribuée à M. [H]. Cet élément doit être pris en considération pour admettre, d’une part, que malgré l’absence de tout diplôme en la matière, M. [H] occupait depuis 1991 un poste de ‘prothésiste dentaire’ devenu en 2013 ‘technicien en prothèse dentaire’, et, d’autre part, que son expérience professionnelle a conduit son employeur en 2013, lors de la modification des critères de qualification, à le maintenir à ce poste sans exiger qu’il régularise sa situation par l’obtention d’un diplôme ou d’une certification de ses connaissances professionnelles. En revanche, il est totalement inopérant pour considérer que la seule ancienneté de M. [H] aurait dû conduire son employeur à lui octroyer, en 2013, la qualification de ‘technicien qualifié en prothèse dentaire’. L’annexe I dans sa version en vigueur antérieurement à 2013 ne prévoyait aucune promotion de qualification à l’ancienneté et le texte applicable depuis cette date soumet expressément cette promotion à l’ancienneté à la condition de détention d’un CAP.

En outre et en tout état de cause, M. [H] ne démontre aucunement avoir occupé un poste de ‘technicien qualifié en prothèse dentaire’. Toute son argumentation et les attestations justificatives qu’il produit aux débats consistent uniquement à établir que depuis 2009, celui-ci travaillait ponctuellement à un poste de conception et fabrication assistée par ordinateur (CFAO), sans préciser au demeurant, quelles étaient précisément les tâches accomplies dans ce cadre. Or, à la lecture de l’annexe I, que ce soit dans sa version antérieure ou postérieure à 2013, l’accomplissement de cette tâche ne permet aucunement de considérer que M. [H] occupait un poste de ‘technicien qualifié en prothèse dentaire’, dans la mesure où elle est uniquement une des compétences cumulatives requises pour cette qualification et où aucune des pièces versées aux débats par le salarié ne permettent d’établir que M. [H] maîtrisait les autres compétences, à savoir avant 2013 la réalisation de :

‘prothèse adjointe résine : P.A.T. bi-maxillaire respectant les critères fonctionnels et esthétiques d’une prothèse totale

– prothèse conjointe céramique : réalisation d’éléments unitaires ou contiguës, pilier ou inter de bridge avec montage simple, d’après découpes classiques,

– prothèse adjointe métallique : réalisation de châssis métallique maxillaires ou mandibulaires conventionnels.

– prothèse combinée (attachement) : restauration prothétique de petite envergure avec attachement pouvant réunir une prothèse conjointe et adjointe métallique ou totale supra radiculaire’

et après 2013, la réalisation de :

‘- prothèse amovible résine : PAT bi-maxillaire respectant les critères fonctionnels et esthétiques d’une prothèse totale ;

– prothèse fixée céramique : réalisation d’éléments unitaires ou contiguës dans la limite de 4 éléments, pilier ou inter de bridge avec montage simple, d’après découpe classique ;

– prothèse mobile métallique : réalisation de châssis métalliques maxillaires ou mandibulaires conventionnels ;’

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris ayant rejeté la demande à ce titre.

– Sur la modification unilatérale du poste de travail

La mesure qui affecte un ou plusieurs éléments essentiels ou déterminants du contrat de travail d’un salarié correspond à une modification du contrat de travail nécessitant l’accord du salarié, alors que la modification décidée par l’employeur portant sur un élément non déterminant du contrat relève de son pouvoir de direction.

L’employeur ne peut imposer au salarié une modification de sa qualification ou de la nature de ses fonctions.

En revanche, l’employeur peut l’affecter à une tâche différente de celle exercée antérieurement mais correspondant à sa qualification si cette nouvelle affectation ne s’accompagne pas de la perte d’avantages salariaux ou d’une baisse de responsabilités.

En l’espèce, M. [H] soutient qu’il a réalisé pendant des années des travaux complets de prothésiste dentaire et qu’à partir du changement de gérant en 2010, puis du déménagement fin 2015 des locaux de la société, il a progressivement été rétrogradé au poste de base consistant à faire des moulages en plâtre.

A titre liminaire, il y a lieu de relever qu’aucune des parties ne précise qu’elles étaient initialement les tâches confiées à M. [H], étant rappelé que s’il a officiellement été engagé en qualité de prothésiste par son cousin en 1991, il n’avait aucune qualification professionnelle sur ce poste, si ce n’est une expérience de quatre mois dans le cadre d’un stage d’accès à l’emploi.

Par ailleurs, il produit lui-même un courrier du 16 janvier 2017 du gérant, M. [K], lui reprochant de ne pas avoir réalisé sur ordinateur une prothèse en double scan pour tester le protocole établi à l’occasion d’une réunion du secteur numérique. Il se déduit de ce document que contrairement à ce qu’il soutient il n’était pas affecté, depuis 2015, uniquement au moulage en plâtre.

Au demeurant, les attestations qu’il verse aux débats vont dans le même sens, puisqu’elles visent toutes le fait que M. [H] a été, ‘pendant toutes ces années’, affecté à la fois au CFAO (secteur numérique, conception et fabrication assistée par ordinateur) et au moulage en plâtre, les tâches étant réparties sur la journée comme suit : moulage plâtre le matin et CFAO l’après midi. Si certaines attestations évoquent de manière très lacunaire le fait que M. [H] aurait ‘fini par ne faire que du plâtre’, en l’absence de tout indication temporelle et tout élément circonstancié et précis, elles ne sont pas suffisantes pour établir la ‘rétrogradation’ dont se plaint le salarié.

De surcroit et en tout état de cause, alors que M. [H] aurait subi une modification de son poste de travail et de ses attributions depuis 2010 sans pour autant qu’il ne justifie de la moindre plainte ou critique de sa situation auprès de son employeur jusqu’à l’introduction en novembre 2018 de son instance en résiliation judiciaire, force est de constater qu’il ne démontre pas en quoi réaliser des moulages en plâtre correspondrait à une rétrogradation et une baisse de responsabilités et ne constituerait pas uniquement une modification de ses attributions correspondant à sa qualification, étant précisé qu’il est constant qu’il n’a subi aucune perte d’avantages salariaux.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement entrepris.

– Sur le rappel de salaire

M. [H] demande un rappel de salaire sur la période non prescrite allant du 1er novembre 2015 au 1er novembre 2018 soutenant que le salaire de base applicable à sa qualification ne respectait pas le minimum conventionnel, ce qui avait également une incidence sur le calcul de sa prime d’ancienneté, l’assiette de calcul étant inférieure au salaire minimum conventionnel.

L’article 31 de la convention collective applicable prévoit que ‘les salaires sont mensualisés. Les salaires minima des différentes catégories sont fixés selon la grille de classification qui a fait l’objet de l’accord du 16 avril 1999, étendu par voie d’arrêté ministériel du 19 octobre 1999, et figure en annexe.’

L’article 33 précise que ‘les salariés bénéficieront d’une prime d’ancienneté calculée sur le salaire conventionnel de la catégorie du salarié et s’ajoutera au salaire réel. Elle est fixée comme suit : 1 % après 2 ans de présence dans le même laboratoire, puis 1 % par an dans la limite de 20 %.

Les salariés ayant de 20 ans à moins de 25 ans de présence, bénéficieront d’un jour annuel de congé supplémentaire.

Les salariés ayant de 25 ans à moins de 30 ans de présence bénéficieront d’un second jour annuel de congé supplémentaire.

Les salariés ayant 30 ans de présence et plus bénéficieront d’un troisième jour annuel de congé supplémentaire.

Les années effectuées au titre de l’apprentissage seront prises en compte rétroactivement pour le calcul de l’ancienneté lors de l’intégration du salarié dans l’effectif.

Cette prime devra figurer à part sur le bulletin de salaire.

En cas de réembauche dans l’entreprise d’un salarié licencié, il conservera son ancienneté uniquement au titre du calcul de sa prime d’ancienneté.’

L’accord du 13 février 2015 fixe pour l’année 2015 le salaire minimum conventionnel des prothésistes dentaires à la somme de 1 571 euros et celui du 2 décembre 2016 le fixe à la somme de 1 602 euros pour l’année 2017. Aucun accord n’a été conclu pour l’année 2018.

Il résulte de l’examen des bulletins de salaires de M. [H] que sur la période considérée, il a perçu un salaire mensuel de base pour un temps plein de 1 570,53 euros, auquel s’ajoutait une prime exceptionnelle de 665,36 euros pour la période de travail à temps plein et 532,29 euros à partir de la mise en place du temps partiel thérapeutique, ainsi qu’une prime d’ancienneté de 314,11 euros correspondant à 20 % du salaire de base.

Contrairement à ce que soutient M. [H], pour apprécier le respect des minima conventionnels, il y a lieu de prendre en compte la prime exceptionnelle versée mensuellement au salarié, l’argument tiré de ce que la convention collective prévoit que les primes CQP et CQP CPES doivent s’ajouter au salaire mensuel de base étant inopérant, la prime exceptionnelle versée à M. [H] ne pouvant être assimilée à ces primes versées uniquement aux titulaires de certificats de qualification professionnelle ou de certificats de pratiques et d’études supérieures que le salarié n’est pas.

Ainsi, pour les années 2015 et 2016, M. [H] a perçu un salaire mensuel réel pour une base temps plein hors prime d’ancienneté de 2 235,89 euros, soit une somme bien supérieure au minimum conventionnel fixé. Cette base de calcul a été respectée lors de son passage à temps partiel thérapeutique.

Pour les années 2017 et 2018, M. [H] a perçu le même salaire mensuel réel, soit une somme toujours supérieure au minimum conventionnel fixé. Cette base de calcul a été respectée lors de son passage à temps partiel thérapeutique.

En conséquence, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de débouter M. [H] de sa demande à ce titre.

En revanche, c’est à juste titre qu’il critique l’assiette de calcul de sa prime d’ancienneté. En effet, les dispositions sus-visées précisent expressément que l’assiette de calcul correspond au ‘salaire conventionnel de la catégorie du salarié et s’ajoutera au salaire réel’. Or, en l’espèce, sa prime d’ancienneté de 20 % a été calculée sur son salaire de base de 1 570,53 euros qui est inférieur au salaire conventionnel fixé à 1 571 euros pour 2015 et 2016 et à 1 602 euros pour 2017 et 2018.

En conséquence, il est dû, à ce titre, à M. [H] un rappel de salaire d’un montant de 139,64 euros, outre la somme de 13,96 euros au titre des congés payés y afférents, le jugement étant ainsi infirmé.

– Sur la discrimination

En application de l’article L. 1132-1 du code du travail, il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’âge du salarié pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline, et de rupture du contrat de travail.

L’article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige survenant en raison d’une méconnaissance des règles de non discrimination, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au sens du droit communautaire.

C’est au vu de ces éléments, qu’il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à toute discrimination, précision faite que des faits peuvent être en soi discriminatoires, notamment des faits de harcèlement discriminatoire sans que l’employeur ne puisse les justifier par des éléments objectifs.

En l’espèce, M. [H] expose que certains salariés, et notamment MM [C] [M] et [E] [L] qui exécutent tous les deux des tâches moins qualifiées que lui, perçoivent un salaire plus important que lui, de sorte qu’est caractérisée une discrimination salariale due à son âge.

M. [H] ne précise pas quel est l’âge des deux salariés qu’il cite en exemple, ni leur date d’embauche, ni quelles sont les tâches précises qui leur sont confiées en dehors du fait que M. [M] serait plâtrier, ce qui correspond, eu égard aux motifs adoptés précédemment, à une des tâches également confiées à M. [H] et qu’il ne communique aucune pièce étayant ses affirmations.

Certes, l’employeur produit une attestation rédigée par M. [M] pour établir le manque de rigueur de M. [H] et contester le harcèlement dont M. [M] aurait été l’auteur à son égard qui permet à la cour de constater que M. [M] a dix ans de moins que M. [H]. Toutefois, ce seul élément, alors que par ailleurs, il ressort de ladite attestation que M. [M] en tant que plâtrier en prothèse dentaire a une expérience et une ancienneté professionnelles au moins égales à la celle de M. [H] (plus de 26 ans selon ses propres déclarations), ainsi qu’un savoir-faire spécifique lui permettant, lorsque cela était nécessaire, de corriger les erreurs de M. [H], la seule allégation qu’il existerait une différence de rémunération entre les deux salariés, même à la considérer comme avérée, ne permet pas de considérer que M. [H] présente des éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination, cette situation s’expliquant manifestement par des éléments étrangers à toute discrimination liée à l’âge de M. [H].

En conséquence, il y a lieu de considérer que le salarié ne présente pas des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination salariale liée à son âge.

Dans ces conditions, conformément à l’application des dispositions des articles 9 à 11 et 138 du code de procédure civile, la demande de communication de pièces présentées par M. [H] ne peut aboutir, dès lors qu’elle aurait pour effet de pallier la carence de ce dernier dans l’administration de la preuve qui lui incombe en application des dispositions de l’article L 1134-1 du code du travail. En effet, en l’absence d’éléments laissant présumer l’existence d’une discrimination à raison de l’âge en comparaison des situations de MM. [M] et [L], la pertience des éléments de comparaison dont la production est sollicitée (historique de carrière, les bulletins de salaire du 1er novembre 2015 au 30 novembre 2018 de MM. [C] [M] et [E] [L] et le registre d’entrées et de sorties du personnel) n’est pas démontrée.

Le jugement entrepris est ainsi confirmé.

* Sur les demandes au titre de la rupture du contrat de travail

– Sur la demande de résiliation judiciaire

Lorsqu’un salarié saisit le conseil des prud’hommes d’une demande de résiliation de son contrat de travail et qu’il est ensuite licencié, le juge doit d’abord examiner la demande de résiliation judiciaire, avant de se prononcer sur la régularité du licenciement.

La résiliation judiciaire du contrat de travail peut être prononcée si l’employeur n’exécute pas ses obligations contractuelles et que les manquements sont d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dés lors qu’à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Lorsque le salarié n’est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement ou au jour de la prise d’acte de rupture ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de son employeur.

La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.

En l’espèce, au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, M. [H] reprend tous les éléments fondant ses demandes au titre de l’exécution du contrat de travail.

Il résulte des motifs adoptés précédemment que seule une erreur sur l’assiette de calcul de la prime d’ancienneté peut être reprochée et imputée de manière fautive à l’employeur.

Or, ce seul élément, qui représente une perte financière non significative, ne peut être retenu comme une faute de l’employeur justifiant la résiliation du contrat de travail à ses torts exclusifs.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

* Sur les dépens et les frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Dental Coceram aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à M. [H] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a alloué à M. [S] [H] les sommes de 610,52 euros bruts au titre des rappels de salaires pour non-respect du salaire minima conventionnel et congés payés y afférents pour 61,05 euros et 144,76 euros bruts au titre de la prime d’ancienneté calculée sur le salaire de base minimal conventionnel et congés payés y afférents pour 14,47 euros ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. [S] [H] de sa demande de rappel de salaires pour non-respect du salaire minimum conventionnel ;

Condamne la société Dental Coceram à payer à M. [S] [H] la somme de 139,64 euros à titre de rappel de prime d’ancienneté, outre la somme de 13,96 euros au titre des congés payés y afférents ;

Confirme, pour le surplus, le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Déboute la société Dental Coceram de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Dental Coceram à payer à M. [S] [H] la somme de 500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel ;

Condamne la société Dental Coceram aux entiers dépens de l’instance.

La greffièreLa présidente

 


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