Prothésiste dentaire : 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07615

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Prothésiste dentaire : 10 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 22/07615
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-5

ARRÊT DE DEFERE

DU 10 NOVEMBRE 2022

N° 2022/

GM

Rôle N° RG 22/07615 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BJO5L

[W] [M]

C/

[I] [S]

Copie exécutoire délivrée

le : 10/11/22

à :

– Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE

– Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du magistrat de la mise en état de la cour d’appel d’AIX EN PROVENCE, en date du 12 Mai 2022 enregistrée en chambre 4-4 au répertoire général sous le n° RG 21/4905.

DEMANDERESSE AU DEFERE

Madame [W] [M], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Karine LE DANVIC, avocat au barreau de NICE

DEFENDEUR AU DEFERE

Monsieur [I] [S] exerçant sous la forme juridique d’Affaire Personnelle Artisan, sous l’enseigne ART LAB DENTAL GALLERY, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre

Monsieur Antoine LEPERCHEY, Conseiller

Madame Gaëlle MARTIN, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Karen VANNUCCI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

ARRÊT

contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Novembre 2022.

Signé par Madame Michelle SALVAN, Président de Chambre et Mme Karen VANNUCCI, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [W] [M] a été embauchée par M. [I] [S], prothésiste dentaire, à compter du 4 décembre 2017, en contrat d’apprentissage, pour une période de trois ans, soit jusqu’au 3 décembre 2020.

Un litige est né entre les parties.

Le 18 juin 2019, M.[I] [S] a saisi la formation des référés du Conseil de prud’hommes de Nice, aux fins de résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage le liant à Mme [W] [M].

Par ordonnance du 30 septembre 2019, le juge des référés a rejeté la demande de l’employeur.

Le 9 septembre 2019, Mme [W] [M] a saisi, au fond, le conseil de prud’hommes de Nice.

Mme [W] [M] demandait au conseil de prud’hommes de :

– dire que M.[I] [S] n’a pas respecté son obligation de prévention des risques professionnels et en particulier son obligation de prévention en matière de harcèlement moral

– le condamner en conséquence à lui payer la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral

– le condamner au paiement de la somme de 10.000 euros en réparation du préjudice subi par elle des faits de harcèlement moral

– subsidiairement dire qu’il a exécuté le contrat de travail de manière déloyale et le condamner à réparer le préjudice subi par elle en lui payant la somme de 10.000 euros.

En cours d’instance, M.[I] [S] a formulé une demande reconventionnelle de résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage aux torts de l’apprentie et a aussi sollicité la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat d’apprentissage.

Par jugement rendu le 2 mars 2021 le conseil de prud’hommes de Nice a :

– débouté Mme [W] [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

– débouté M.[I] [S] de l’ensemble de ses réclamations conventionnelles, fins et conclusions.

– condamné Mme [W] [M] aux dépens

Le 2 avril 2021, Mme [W] [M] interjetait appel dudit jugement dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués

Le 16 septembre 2021, M. [I] [S] notifiait des conclusions d’intimé et d’appel incident.

L’intimé demandait à la cour d’appel d’infirmer le jugement rendu le 2 mars 2021 par le conseil de prud’hommes de Nice en ce qu’il l’avait débouté de ses demandes d’indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée à son insu du contrat d’apprentissage et de la violation de l’obligation de loyauté par l’apprentie.

A titre reconventionnel, M. [I] [S] sollicitait la condamnation de Mme [W] [M] à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat et de la violation de son obligation de loyauté.

Mme [W] [M] formait un incident par conclusions remises au greffe le 14 décembre 2021. Elle concluait à l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle en indemnisation de l’intimé, au motif que celle-ci ne présenterait pas un lien suffisant avec sa demande initiale.

Par ordonnance d’incident du 12 mai 2022, le conseiller de la mise en état rejetait l’incident et déclarait recevable la demande reconventionnelle de M. [I] [S].

Le 24 mai 2022, Mme [W] [M] a communiqué par voie électronique une requête aux fins de déférer l’ordonnance rendue le 12 mai 2022 par le conseiller de la mise en état.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Par conclusions de déféré notifiées par voie électronique le 5 août 2022 Mme [W] [M] demande à la cour d’appel de :

– déclarer recevable sa présente requête

– la déclarer fondée, par application de l’article 70 du code de procédure civile

Et y faisant droit,

– confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la compétence du conseiller de la mise en état.

– l’infirmer pour le surplus et dire irrecevable la demande reconventionnelle d’indemnisation.

L’appelante soutient d’abord, en droit, que le conseiller de la mise en état est compétent pour connaître de cette procédure de déféré portant sur une fin de non-recevoir et ce en application des articles 914 et 789-6° du code de procédure civile.

Elle ajoute que, par un avis du 3 juin 2021, la Cour de cassation a par ailleurs précisé que : ‘ le conseiller de la mise en état ne peut connaître ni des fins de non-recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état, ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n’ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge. ‘

Or, en l’espèce, la fin de non recevoir relative à la demande reconventionnelle, présentée sur le fondement de l’article 70 du code de procédure civile, n’a pas été tranchée par le conseil de prud’hommes. De plus, elle n’est pas de nature à remettre en cause l’autorité de la chose jugée attachée au jugement du conseil de prud’hommes puisque M. [I] [S] a été débouté de toutes ses demandes.

L’appelante estime que l’ordonnance déférée ayant retenu la compétence du conseiller de la mise en état ne peut être que confirmée sur ce point.

Sur l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle de l’intimé, Mme [W] [M] invoque l’article 70 du code de procédure civile, lequel dispose notamment que les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Mme [W] [M] ajoute que s’agissant de demandes issues du même contrat de travail, depuis la suppression du principe de l’unicité de l’instance il y a notamment lieu de distinguer entre les demandes liées à l’exécution du contrat et celles relatives à la rupture de celui-ci.

En l’espèce et lors de la première instance, M. [I] [S] demandait au conseil de prud’hommes de prononcer la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage et de lui accorder des dommages et intérêts de 10.000 euros en réparation du préjudice qui en résultait.

Dans le cadre de cette procédure de déféré, M. [I] [S] ne saurait soutenir désormais que le préjudice dont il réclame l’indemnisation n’est plus celui causé par la prétendue rupture anticipée et déloyale (dont il demandait le prononcé judiciaire) mais plutôt par une exécution déloyale du contrat d’apprentissage.

S’il devait être retenu que la demande reconventionnelle de l’intimé vise à réparer un préjudice causé par l’exécution déloyale du contrat et non plus par la rupture de celui-ci, une telle demande serait jugée irrecevable comme étant nouvelle en cause d’appel par référence à sa demande de première instance telle que rappelée ci-avant, ce que la cour d’appel devra le cas échéant relever d’office.

En tout état de cause M. [I] [S] devra préciser s’il demande la réparation d’un préjudice consécutif à la rupture du contrat d’apprentissage ou d’un préjudice résultant d’une faute commise pendant l’exécution de ce contrat (absentéisme).

La tentative de précision faite par M. [I] [S] ne convainc pas. En précisant qu’il : « fait valoir que cette rupture a été déloyale parce qu’anticipée  », l’appelant confirme qu’il réclame la réparation d’un préjudice causé par la rupture.

Or, une demande reconventionnelle d’indemnisation résultant de la rupture du contrat d’apprentissage ne présente pas de lien, à tout le moins ce lien n’est pas suffisant, avec la demande principale de l’apprentie relative au harcèlement moral qu’elle prétend avoir subi pendant l’exécution de la relation.

Par conclusions en réponse au déféré à la cour notifiées par voie électronique le 28 juin 2022, M. [I] [S] demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance d’incident rendue le 12 mai 2022 par le conseiller de la mise en état

– condamner Mme [W] [M] aux dépens de la procédure de déféré.

M. [I] [S] soutient qu’il existe un lien suffisant entre la demande originaire et la demande reconventionnelle.

En fait, il précise que la demande initiale de la salariée portée devant le conseil de prud’hommes concerne l’existence d’un prétendu harcèlement moral et d’une exécution déloyale du contrat d’apprentissage par l’employeur.

Il ajoute que, pour ce qui le concerne, sa demande reconventionnelle ne se cantonne pas à contester la rupture du contrat de travail mais évoque aussi la déloyauté de l’apprentie dans l’exécution de son contrat d’apprentissage.

M. [I] [S] rappelle qu’il forme la demande reconventionnelle indemnitaire suivante : «  en réparation du préjudice subi du fait de la rupture anticipée du contrat et de la violation de l’obligation de loyauté de l’apprentie. ».

M. [I] [S] précise encore qu’il ne remet pas en cause la rupture du contrat en elle-même mais fait valoir que cette rupture a été déloyale parce qu’anticipée, intervenue à son insu, s’additionnant à la totalité des absences d'[W] [M] à son poste de travail.

Selon lui, tous ces éléments ont un lien direct puisqu’ils concernent la relation de travail dans son ensemble et sont liés à l’obligation de loyauté de l’apprentie et de l’employeur exigée du début jusqu’à la fin du contrat de travail, telle que prévue par les dispositions de l’article L1222-1 du Code du travail et 1134 du Code civil.

Enfin, les éléments apportés par cette demande reconventionnelle permettent au juge une meilleure compréhension du dossier et de la relation de travail.

L’affaire a été fixée à l’audience du 20 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Selon les alinéas 1 et 2 de l’article 916 du code de procédure civile : Les ordonnances du conseiller de la mise en état ne sont susceptibles d’aucun recours indépendamment de l’arrêt sur le fond. Toutefois, elles peuvent être déférées par requête à la cour dans les quinze jours de leur date lorsqu’elles ont pour effet de mettre fin à l’instance, lorsqu’elles constatent son extinction ou lorsqu’elles ont trait à des mesures provisoires en matière de divorce ou de séparation de corps.

Sur la recevabilité de la requête de la demanderesse au déféré :

L’intimé ne critiquant pas ni les conditions de forme ni les conditions de délais du déféré de l’appelante, il y a lieu de le déclarer recevable.

Sur la compétence du conseiller de la mise en état ayant statué sur l’incident :

Par ordonnance d’incident du 12 mai 2022, le conseiller de la mise en état rejetait l’incident et déclarait recevable la demande reconventionnelle de M. [I] [S].

En l’absence de toute contestation de la part de l’intimé sur ce chef de demande, il y a lieu de faire droit à la demande de Mme [W] [M], laquelle sollicite que la cour d’appel confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a retenu la compétence du conseiller de la mise en état.

Sur la recevabilité de la demande reconventionnelle de l’intimé :

Selon l’article 70 alinéa 1er du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Mme [W] [M] estime que la demande reconventionnelle de l’intimé n’est pas recevable, faute de se rattacher pas par un lien suffisant à sa demande originaire.

Afin de vérifier l’existence de ce lien suffisant, il convient en premier lieu de préciser les demandes originaires et reconventionnelles litigieuses des parties.

Les demandes originaires principales, en première instance, de l’appelante, étaient des demandes en indemnisation à hauteur de 3 000 euros et de 10 000 euros, en réparation de son préjudice moral et du préjudice subi par elle des faits de harcèlement moral. son obligation de prévention des risques professionnels et en particulier son obligation de prévention en matière de harcèlement moral.

La demande originaire subsidiaire de l’appelante, était également une demande en indemnisation de 10 000 euros fondée sur l’exécution déloyale par l’intimé du contrat de travail.

Dans le cadre de son appel, l’apprentie formule les mêmes demandes principales et subsidiaires en indemnisation contre M. [I] [S].

En première instance, M. [I] [S] pour sa part, avait présenté les demandes reconventionnelles suivantes :

– la résiliation judiciaire du contrat d’apprentissage aux torts de l’apprentie

– la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation anticipée du contrat d’apprentissage.

Désormais, devant la cour d’appel, M. [I] [S] demande reconventiontionnellement la condamnation de l’appelante à lui verser la somme de 10.000 euros non seulement en réparation de la rupture anticipée du contrat mais également aussi en raison de la violation de son obligation de loyauté par l’apprentie.

D’abord, Mme [W] [M] estime que la nouvelle demande de l’intimé fondée sur la violation de l’obligation de loyauté serait irrecevable en ce qu’elle est nouvelle en cause d’appel. Il reviendrait à la cour d’appel de relever d’office cette irrecevabilité.

Cependant, dans le dispositif de ses conclusions sur déféré, l’appelante ne reprend pas cette fin de non-recevoir relative à la demande reconventionnelle nouvelle de l’intimé fondée sur un manquement à l’obligation de loyauté.

Or, il résulte de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Dès lors, la cour d’appel, dans le cadre de ce déféré, ne saurait statuer sur cette demande d’irrecevabilité soulevée par l’appelante à l’encontre d’une demande reconventionnelle de l’intimé fondée sur un manquement au devoir de loyauté.

Ainsi, à ce stade des débats, la cour d’appel, saisie sur déféré, reste valablement saisie de la demande reconventionnelle de l’intimé à hauteur de 10.000 euros non seulement en réparation de la rupture anticipée du contrat mais également en raison de la violation de son obligation de loyauté par l’apprentie.

Cette demande reconventionnelle de l’intimé se rattache par un lien suffisant à la demande originaire de Mme [W] [M] en indemnisation pour harcèlement moral ou pour exécution déloyale du contrat de travail en ce qu’elle dérive du contrat de travail.

L’ordonnance d’incident déférée est confirmée en ce qu’elle a déclaré recevable la demande reconventionnelle de M. [I] [S].

Sur les frais du déféré :

M. [I] [S] doit être condamné aux dépens du déféré.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe, en matière prud’homale,

– Déclare recevable la requête de déféré formée par Mme [W] [M] ;

– Confirme l’ordonnance déférée rendue le 12 mai 2022 en toutes ses dispositions ;

– Condamne Mme [W] [M] aux dépens du déféré.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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