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Protection du Savoir-faire : 7 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02421

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Protection du Savoir-faire : 7 avril 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/02421

7 avril 2023
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
21/02421

C 2

N° RG 21/02421

N° Portalis DBVM-V-B7F-K4XF

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP MAGUET & ASSOCIES

la SELARL JURISTIA – AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU VENDREDI 07 AVRIL 2023

Appel d’une décision (N° RG F19/00163)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOURGOIN-JALLIEU

en date du 04 mai 2021

suivant déclaration d’appel du 28 mai 2021

APPELANT :

Monsieur [I] [R]

né le 12 Mai 1969 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Laurent MAGUET de la SCP MAGUET & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGOIN-JALLIEU

INTIMEE :

S.A.S. VEODIS SURETE prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Jean damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA – AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE substituée par Me Christine CHEA, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 01 mars 2023,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée du rapport, et M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président, ont entendu les parties en leurs observations, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, en présence de Mme Elora DOUHERET, greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 07 avril 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 07 avril 2023.

EXPOSE DU LITIGE

M. [I] [R] a créé en 2006 la société OM3S, spécialisée dans la conception et l’installation de systèmes de sécurité pour les entreprises.

Par acte de cession en date du 15 novembre 2017, M. [I] [R] a cédé la totalité des actions qu’il détenait de la société OM3S à la société Veodis Group. La société OM3S est devenue la société par actions simplifiée (SAS) Veodis Sûreté.

Il a été prévu, dans l’acte de cession du 15 novembre 2017, la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet entre M. [I] [R] et la SAS Veodis Sûreté.

M. [I] [R] a ainsi été embauché par la SAS Veodis Sûreté en qualité de responsable d’activité sécurité, cadre, position II, échelon 135 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Le contrat de travail de M. [I] [R] prévoyait une rémunération mensuelle brute, à laquelle pouvait s’ajouter une rémunération mensuelle variable calculée sur le montant des contrats de maintenance de l’activité sécurité signés sur le mois en cours.

Par courriel en date du 23 janvier 2019, M. [I] [R] a sollicité de la SAS Veodis Sûreté le règlement de sa rémunération variable en joignant un tableau de commissions.

Par courriel en date du 28 janvier 2019, la SAS Veodis Sûreté a répondu à M. [I] [R] que les chiffres énoncés étaient en contradiction avec les termes de l’acte de cession et du contrat de travail. La SAS Veodis Sûreté lui a demandé de remplir un tableau permettant d’effectuer le calcul de ses commissions afin d’en effectuer le règlement.

M. [I] [R] a répondu à la SAS Veodis Sûreté par courrier en date du 2 février 2019.

Par courrier en date du 2 février 2019, M.'[I] [R] a été convoqué par la SAS Veodis Sûreté à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 12 février 2019.

Par lettre en date du 15 février 2019, la SAS Veodis Sûreté a notifié à M. [I] [R] son licenciement pour faute grave, invoquant plusieurs griefs, notamment dénigrement de la société, tentative de déstabilisation du personnel, non-accomplissement volontaire de ses missions contractuelles.

Par courrier en date du 18 février 2019, la SAS Veodis Sûreté a adressé à M. [I] [R], un tableau de calcul de sa rémunération variable non versée indiquant un montant de 269 euros bruts.

M. [I] [R] a reçu ses documents de fin de contrat en date du 22 février 2019 et a contesté son solde de tout compte par courrier recommandé daté du 11 mars 2019.

Par courrier en date du 19 mars 2019, la SAS Veodis Sûreté a mis en demeure M. [I] [R] de lui restituer la carte sim de son téléphone portable, utilisée dans le cadre des relations professionnelles.

Par requête en date du 29 avril 2019, M. [I] [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu aux fins d’obtenir le paiement de différentes sommes.

La SAS Veodis Sûreté s’est opposée aux prétentions adverses et a sollicité à titre reconventionnel la restitution par M. [I] [R] de la carte sim ayant servi durant les relations professionnelles.

Par jugement en date du 4 mai 2021, le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu a’:

Débouté M. [I] [R] de sa demande de rappel de commissions;

Dit que le licenciement de M. [I] [R] est justifié par une faute grave ;

En conséquence,

Débouté M. [I] [R] de l’intégralité de ses demandes ;

Ordonné à M. [I] [R] de restituer à la SAS Veodis Sûreté, la carte Sim du téléphone portable numéro [XXXXXXXX01], et à communiquer le Relevé d’Identité Opérateur (RIO) et ce sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la notification du présent jugement ;

Dit que le Conseil se réserve le droit de liquider l’astreinte ;

S’est déclaré incompétent pour statuer sur la demande d’indemnité au titre de l’engagement d’embauche

Débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 7 mai 2021.

Par déclaration en date du 25 mai 2021, M. [I] [R] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2021, M. [I] [R] sollicite de la cour de’:

Déclarer recevables, fondées et justifiées les demandes formées par M. [I] [R] à l’encontre de la SAS Veodis Sûreté,

Constater l’absence de paiement des commissions contractuellement dues,

Constater l’atteinte à une liberté fondamentale

Constater l’absence de faute grave

Constater l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la SAS Veodis Sureté

En conséquence,

Réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu le 4 mai 2021 en toute ses dispositions

Dire et juger que le licenciement de M. [I] [R] est nul à titre principal, abusif à titre subsidiaire

Condamner la SAS Veodis Sûreté à payer à M. [I] [R] les sommes suivantes :

Rappel de commissions : 31.907,49 €

Congés Payés afférents aux commissions : 3.190,75 €

Indemnité légale de licenciement : 2.324,95 €

Indemnité de préavis (3 mois de salaire) : 22.319,55 €

Congés payés afférents : 2.231,96 €

A titre principal :

Dommages et intérêts pour licenciement nul : 44.639,10 €

A titre subsidiaire :

Dommages et intérêts pour licenciement abusif : 14.879,70 €

Dommages et intérêts pour engagement d’embauche : 66.958,65 €

Article 700 du code de procédure civile : 4 000 €

Condamner la SAS Veodis Sûreté à supporter les entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 24 novembre 2021, la SAS Veodis Sûreté sollicite de la cour de’:

Vu l’article 1103 du code civil,

Vu l’article L. 1232-1 du code du travail,

Vu la jurisprudence précitée,

Vu les pièces produites aux débats, et notamment le contrat de travail du 15 novembre 2017,

Vu le jugement rendu le 4 mai 2021 par le Conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu,

Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a débouté M. [I] [R] de sa demande de rappel de commissions,

Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a dit le licenciement de M. [I] [R] justifié par une faute grave,

Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a débouté M. [I] [R] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’engagement d’embauche,

Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a ordonné à M. [I] [R] à restituer à la SAS Veodis Sûreté la carte Sim permettant l’utilisation de la ligne de téléphonie du numéro suivant : [XXXXXXXX01] et à communiquer son Relevé d’Identité Operateur (RIO), sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir.

Confirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a dit que le Conseil se réservait le droit de liquider l’astreinte,

Sur l’appel incident de la SAS Veodis Sureté :

Infirmer le jugement rendu le 4 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Bourgoin-Jallieu en ce qu’il a débouté la SAS Veodis Sureté de sa demande d’indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau

Condamner M. [I] [R] à verser à la SAS Veodis Sûreté une indemnité d’un montant de 4.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance,

En tout état de cause

Condamner M. [I] [R] à une indemnité d’un montant de 4’000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’appel.

Débouter M. [I] [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions contraires.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 5 janvier 2023. L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 1er mars 2023, a été mise en délibéré au’7 avril 2023.

MOTIFS DE L’ARRÊT

1 – Sur le rappel de commissions

Il résulte de l’article 1353 du code civil que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En application de ces dispositions, il appartient au salarié d’établir que tel élément de rémunération lui est dû, à charge pour l’employeur de justifier qu’il s’est acquitté du paiement le cas échéant.

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d’une discussion contradictoire.

En l’espèce, le contrat de travail conclu le 15 novembre 2017 entre M. [R] et la Société Veodis Sûreté stipule que’:

«’Article 4 – Mission

Monsieur [I] [R] est chargé de commercialiser les produits et la main d”uvre de la société OM3S dans le cadre des responsabilités et des ordres qui lui seront donnés par la Direction commerciale. Monsieur [I] [R] exercera son activité dans les départements ou intervient le groupe VEODIS et dans lesquels Monsieur [I] [R] ne bénéficie d’aucune exclusivité. […]

Monsieur [I] [R] sera plus particulièrement chargé de la recherche de nouveaux clients et de la commercialisation’: le négoce, l’installation et la maintenance de toutes solutions de contrôle d’accès, Vidéo, incendie, alarmes intrusion et la sécurisation de locaux. […]

Article 6 ‘ Rémunération

Article 6.1 Rémunération fixe

En contrepartie de l’accomplissement de sa mission, Monsieur [I] [R] percevra une rémunération fixe d’un montant brut mensuel de 4’200’€ (sur 12 mois) pour un horaire mensualisé de 151.67’H à la Société ou chez le client. […].

Article 6.2 Intéressement variable

À la rémunération fixe viendra s’ajouter un intéressement variable calculé sur le montant des contrats de maintenance de l’activité Sécurité signés sur le mois en cours.

Pour les contrats de maintenance d’une durée de 1 à 3 ans

Un intéressement brut mensuel de 5’% calculé sur le montant des contrats de maintenance Hors taxes signés (valorisés au montant d’une année de maintenance) par Monsieur [I] [R] durant le mois en cours moins le montant des contrats de maintenance résiliés sur cette même période (valorisés au montant d’une année de maintenance).

Pour les contrats de maintenance d’une durée de 3 à 5 ans

Un intéressement brut mensuel de 10’% calculé sur le montant des contrats de maintenance Hors taxes signés (valorisés au montant d’une année de maintenance) par Monsieur [I] [R] durant le mois en cours en moins le montant des contrats de maintenance résiliés sur cette même période (valorisés au montant d’une année de maintenance).

Les affaires prises en compte dans le calcul de l’intéressement sont’:

– Celles traitées par Monsieur [I] [R],

– Les appels d’offres négociés initiés par Monsieur [I] [R] et déclarés dans le portefeuille avant leur parution,

– Les nouveaux contrats de maintenance signés et valorisés à une annuité uniquement.

Les affaires non prises en compte dans le calcul de l’intéressement sont’:

– Les appels d’offres publics non initiés par Monsieur [I] [R]

– Le renouvellement des contrats de maintenance ayant plus d’un an d’existence. Aucun intéressement ne pourra être réclamé par Monsieur [I] [R] et, le montant de ce contrat ne rentrera pas dans le calcul des intéressements,

– La tacite reconduction des contrats de maintenance n’entrainera pas d’intéressement.

Nota’: En cas d’affaires apportées par un autre commercial ou faisant intervenir un autre commercial de la société, le montant du Chiffre d’affaires et des contrats de maintenance pris en compte pour le calcul de l’intéressement sera divisé en fonction de l’investissement de chacun. L’usage est de diviser par 2 les montants pour le calcul de l’intéressement.’».

M. [R] verse aux débats un tableau récapitulatif des commissions revendiquées, ainsi que les justificatifs des contrats y afférents.

Par ailleurs il ressort de ses bulletins de paie qu’aucune rémunération variable ne lui a été réglée depuis novembre 2017.

Aussi, il importe peu que le salarié n’ait pas formulé de demande de versement de sa rémunération variable au cours de la relation de travail.

Enfin, le seul fait que le salarié n’a pas effectué de déclarations mensuelles de ses visites ne saurait le priver de sa rémunération variable.

Ainsi, le salarié établit qu’une rémunération variable lui était due depuis son embauche en novembre 2017 et que celle-ci ne lui a pas été versée.

En réponse, la société Veodis Sûreté se contente d’affirmer que le salarié ne lui a pas transmis le tableau à compléter afin de vérifier ses demandes, alors qu’il incombe à l’employeur, par la production de pièces comptables, d’établir que le salaire effectivement dû a été payé et de permettre au salarié de vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.

Or, la SAS Veodis Sûreté ne produit aucun élément pertinent quant aux affaires indiquées par le salarié, se contentant, par de simples affirmations, de critiquer son tableau et son décompte.

Dès lors, l’employeur échoue à démontrer que le rappel de commissions sollicité par M. [R] ne correspond pas aux critères prévus par le contrat de travail.

En conséquence, il convient de condamner la SAS Veodis Sûreté à payer à M. [I] [R] la somme de 31’907,49’euros bruts à titre de rappel de commissions sur la période de novembre 2017 à février 2019, outre 3 190,75 euros de congés payés afférents.

2 – Sur la nullité du licenciement

Conformément à l’article L.’1134-4 du code du travail, est nul et de nul effet le licenciement d’un salarié faisant suite à une action en justice engagée par ce salarié ou en sa faveur, sur le fondement des dispositions du chapitre II, lorsqu’il est établi que le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse et constitue en réalité une mesure prise par l’employeur en raison de cette action en justice. Dans ce cas, la réintégration est de droit et le salarié est regardé comme n’ayant jamais cessé d’occuper son emploi.

En application des articles L.’2281-3 et L.’1121-1 du code du travail, les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement.

Sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d’expression à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.

Toutefois, des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs peuvent caractériser un abus par le salarié de sa liberté d’expression.

Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

En application de l’article L.’1235-3-1 du code du travail, l’article L.’1235-3 n’est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d’une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes, notamment, à la violation d’une liberté fondamentale.

En l’espèce, d’une première part, M. [I] [R] n’établit pas que la société Veodis Sûreté aurait reconnu l’avoir sanctionné «’au motif de l’annonce de l’engagement d’une procédure prud’homale’» (page 18 de ses écritures), étant donné que cette phrase n’apparaît pas dans les premières conclusions de la société devant le conseil de prud’hommes, que la question d’une procédure prud’homale n’apparaît que dans le cadre de la citation d’une attestation d’un autre salarié de la société (page 20 des conclusions de la société) et que le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 29 avril 2019.

En outre, il ne ressort pas de la lettre de licenciement que la société reproche au salarié sa demande concernant le rappel de commissions auquel elle avait apporté une réponse, mais d’autres faits survenus à la même période en janvier 2019.

Ainsi, M. [I] [R] ne démontre pas que son licenciement constituerait une sanction quant à une annonce de l’engagement d’une procédure prud’homale.

Dès lors, il convient d’écarter ce moyen soulevé au titre de la nullité de son licenciement.

D’une seconde part, il ressort de la lettre de licenciement en date du 15 février 2019 que la société Veodis Sûreté reproche à M. [I] [R] d’avoir tenu des propos irrespectueux et diffamants à l’égard du président de la société et d’avoir dénigré la société auprès d’autres salariés et de clients.

M. [R] soutient que ces propos allégués «’sont loin de constituer tant un dénigrement qu’un abus de la liberté d’expression’» et que le licenciement est intervenu «’opportunément à la suite de la demande de Monsieur [R] d’être payé de ses commissions’» (pages 18, 22 et 24 de ses écritures).

S’agissant du dénigrement de la société auprès d’autres salariés et de clients de la société, les attestations produites par l’employeur sont insuffisantes en ce que le salarié n’est pas directement visé, que les propos tenus sont trop généraux et qu’aucun autre élément probant n’est versé aux débats, de sorte qu’aucun abus de la liberté d’expression n’est établi à cet égard.

S’agissant des propos tenus à l’encontre du président de la société, les attestations de M. [J] [P] et de M. [B] [H] établissent suffisamment que M. [I] [R] a tenu des propos dénigrants à l’encontre de M. [U].

Ainsi M. [J] [P] atteste que M. [R] a notamment exprimé, lors d’une conversation téléphonique, le « fait que Mr [U] voulait « L’escroquer » sur ces commissions ».

Et M. [B] [H] atteste que M. [R] a notamment déclaré, lors d’une conversation, dans son bureau que « M. [U] lui devait des commissions à hauteur de 33 000 €, qu’il ne lui paierais certainement pas, [il m’a également dit] que M. [U] gérait la société comme un margoulin ».

Ainsi ces propos ont été tenus dans le cadre restreint de discussions privées entre collaborateurs et aucun élément produit ne permet d’établir qu’ils auraient été tenus publiquement ou plus largement.

En outre, les propos litigieux qui portent sur les capacités de gestion du président, se révèlent directement liés aux demandes du salarié concernant le paiement de ses commissions.

Au regard du contexte dans lesquels ces propos ont été exprimés et du fait que les revendications du salarié ont été jugées fondées, les propos reprochés ne caractérisent par un abus par M. [I] [R] de sa liberté d’expression.

Le salarié a ainsi usé de son droit d’expression, sans que la société, ayant elle-même manqué à l’une de ses obligations essentielles tenant au paiement du salaire convenu, ne démontre que les critiques exprimées constitueraient un abus de sa liberté d’expression.

Par conséquent, compte tenu de la violation par l’employeur des dispositions des articles L.’1121-1 et L.’2281-3 du code du travail et sans qu’il soit nécessaire d’apprécier le caractère réel et sérieux des griefs visés dans sa lettre de licenciement, le licenciement notifié le 15 février 2019 à M. [I] [R] est nul.

Le jugement entrepris est donc infirmé à ce titre.

3 – Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail

D’une première part, le licenciement étant nul, il convient de condamner la société Veodis Sûreté à payer à M. [I] [R] les sommes suivantes’:

– 2.324,95 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 22.319,55 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis, outre 2.231,96 euros bruts au titre des congés payés afférents.

D’une seconde part, au visa de l’article L.’1235-3-1 du même code, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l’exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En considération de l’ancienneté de M. [I] [R] de un an et trois mois, de sa rémunération brute mensuelle d’un montant de 7’439,85’euros, de son âge (50 ans) au moment de son licenciement, et du fait qu’il justifie d’une période de chômage entre le 1er mars 2019 et le 29 février 2020, il convient de condamner la société à verser à son salarié la somme de 44’639,10’euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

Le jugement entrepris est donc infirmé à ce titre.

4 – Sur la demande au titre de l’engagement contractuel

Conformément à l’article 1188 du code civil, le contrat s’interprète d’après la commune intention des parties plutôt qu’en s’arrêtant au sens littéral de ses termes. Lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat s’interprète selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

En l’espèce, le contrat de cessions d’actions de la société OM3S conclu entre M. [I] [R] et la société Veodis Group prévoit, en son article I.6 intitulé «’Contrat de travail conclu par le cédant avec la société’», que’:

«’Le cessionnaire rappelle que sa décision de se porter acquéreur des actions a été déterminée en tenant compte du savoir-faire des équipes de la société, et plus spécialement des compétences, habilitations et agréments du Cédant, dont le cessionnaire et son dirigeant sont parfaitement informés qu’elles ne les dispensent pas le cas échéant d’obtenir eux-mêmes de nouveaux agréments et habilitations pour poursuivre les activités, et réaffirme son souhait de conserver ce dernier au sein de la société en qualité de salarié de la société au titre des fonctions de responsable d’activité sécurité.

La présence du Cédant au sein du personnel de la société, es qualité de salarié, pour une période d’au moins de vingt-quatre (24) mois, constitue une condition essentielle et déterminante de la réalisation par le Cessionnaire de l’opération objet du présent contrat sans laquelle il ne serait pas porté acquéreur des actions.’».

Il ressort de la clause précitée qu’elle a été rédigée et conclue dans l’intérêt du cessionnaire en vue de lui garantir le maintien des compétences du cédant au service de l’entreprise pendant une période d’au moins vingt-quatre mois.

Partant le salarié ne peut pas se prévaloir d’un engagement contractuel lui assurant un salaire pendant vingt-quatre mois, ladite clause ne constituant pas une garantie d’emploi et partant de salaire du cédant.

Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient de débouter M. [R] de sa demande de dommages et intérêts à raison d’une violation d’un tel engagement contractuel.

5 – Sur la demande de la société Veodis Sûreté au titre du téléphone portable

Le contrat de travail de M. [R] prévoit en son article 8 qu’il «’aura à sa disposition un téléphone mobile professionnel avec un forfait illimité’».

Par ailleurs, il ressort d’une demande d’abonnement SFR et d’une facture produites par l’employeur que le numéro de téléphone associé à M. [R] a été sollicité par l’ancienne entreprise, OM3S, de sorte que le téléphone était compris dans la cession et appartenait donc à la SAS Veodis Sûreté.

En outre, les factures produites par M. [I] [R] ne démontrent pas que ce numéro de téléphone lui appartenait, dès lors qu’elles sont toutes postérieures à la cession et qu’aucun élément n’est produit quant au paiement du forfait par le salarié.

Dès lors, il résulte des énonciations précédentes que la SAS Veodis Sûreté établit suffisamment que la carte sim est rattachée à la relation de travail et que le salarié ne pouvait donc pas la conserver.

Par conséquent, par confirmation du jugement entrepris, il convient d’ordonner à M. [I] [R] de restituer à la SAS Veodis Sûreté la carte sim du téléphone portable ayant le numéro [XXXXXXXX01] et de lui en communiquer le relevé d’identité opérateur (RIO).

En revanche, par infirmation du jugement entrepris, les circonstances de l’espèce ne justifient pas d’assortir l’injonction faite au salarié de ce chef du prononcé d’une astreinte.

6 – Sur les demandes accessoires

La SAS Veodis Sûreté, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens de première instance et d’appel.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [I] [R] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de condamner la SAS Veodis Sûreté à lui verser la somme de 2’500’euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel.

En conséquence, la demande indemnitaire de la société au titre des frais irrépétibles qu’elle a engagés est rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a’:

– Débouté M. [I] [R] de sa demande au titre de l’engagement contractuel,

– Ordonné à M. [I] [R] de restiter à la SAS Veodis Sûreté la carte sim du téléphone portable ayant comme numéro 06.81.94.05 et à lui communiquer le relevé d’identité opérateur (RIO) correspondant,

– Débouté la SAS Veodis Sûreté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

L’INFIRME pour le surplus’;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

PRONONCE la nullité du licenciement de M. [I] [R] en date du 15 février 2019′;

CONDAMNE la SAS Veodis Sûreté à payer à M. [I] [R] les sommes suivantes’:

– 31 907,49’euros bruts (trente-et-un mille neuf cent sept euros et quarante-neuf centimes) au titre du rappel de commissions,

– 3 190,75’euros (trois mille cent quatre-vingt-dix euros et soixante-quinze centimes) au titre des congés payés afférents,

– 2 324,95 euros (deux mille trois cent vingt-quatre euros quatre-vingt-quinze centimes) au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 22 319,55 euros bruts (vingt-deux mille trois cent dix-neuf euros et cinquante-cinq centimes) au titre de l’indemnité de préavis,

– 2 231,96 euros bruts (deux mille deux cent trente-et-un euros et quatre-vingt-seize centimes) au titre des congés payés afférents,

– 44’639,10’euros bruts (quarante-quatre mille six cent trente-neuf euros et dix centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul.

DÉBOUTE la SAS Veodis Sûreté de sa demande de prononcé d’une astreinte’;

DÉBOUTE la SAS Veodis Sûreté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE la SAS Veodis Sûreté à payer à M. [I] [R] la somme de 2’500’euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;

CONDAMNE la SAS Veodis Sûreté aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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