Protection des univers de marque : affaire la Petite Robe noire
Protection des univers de marque : affaire la Petite Robe noire
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La protection des univers de parfum est assurée de façon efficace par l’action en parasitisme.

La petite robe noire c/ La Petite Fleur

La société qui commercialise une collection de parfums dénommée « La Petite Fleur » déclinée sous plusieurs dénominations, a été condamnée à 100 000 euros de dommages et intérêts pour parasitisme au détriment de la maison Guerlain.

Copie d’un univers de marque

La maison Guerlain lui a reproché de copier des éléments identificateurs de ses parfums « La Petite Robe Noire » et « Coque d’Or » et de profiter ainsi indûment de ses investissements.

L’examen du parfum litigieux La Petite Fleur Noire et de ses déclinaisons montre une inspiration à la fois du nom et de l’identité visuelle de La Petite Robe Noire, de la forme en noeud papillon du flacon de Coque d’Or de sorte que les éléments de ressemblance pris dans leur globalité traduisent une volonté de se placer dans le sillage de la maison Guerlain.

Reprise de codes et noms communs

Le nom des parfums est construit de manière similaire à savoir la reprise de ‘La petite’ et ‘Noire’ outre que le mot Fleur est écrit avec une majuscule comme ‘Robe’. Les parfums de la société reprennent aussi une silhouette féminine dessinée sans visage et portant une petite robe, choix effectué par Guerlain qui rompait avec les codes du secteur, et qui ne s’imposait pas pour la collection ‘La Petite Fleur’ qui aurait pu être associée à beaucoup d’autres visuels notamment floraux autres qu’une silhouette.

Ils reprennent aussi l’univers de Paris et de la Tour Eiffel, ainsi que les couleurs rosés/violets présents dans toute la communication autour du parfum de Guerlain.

Ils reprennent enfin le flacon du parfum Coque d’or dans ses caractéristiques essentielles à savoir une même démarcation centrale, quatre pans inclinés vers le bas du flacon, chaque côté reprenant un pan plus haut que l’autre et un noeud papillon sur le dessus avec une légère courbe. Ces similitudes, qui résultent de deux parfums notoires de la société Guerlain, ne sont pas fortuites et caractérisent le caractère intentionnel des captations.

Les conditions du parasitisme

La société Diffusion a réalisé des économies en profitant des investissements engagés par Guerlain, lui permettant de limiter ses frais de conception et de commercialisation de ses parfums, vendus à des prix très inférieurs à ceux de Guerlain, et s’est bornée à concentrer ses efforts pour se distinguer des parfums de Guerlain dont la valeur économique est ainsi captée.

La société Diffusion a ainsi bénéficié de l’image et de la notoriété de Guerlain dont deux parfums notoires ont été banalisés. En s’immisçant dans le sillage du succès incontestable des deux parfums de la société Guerlain ‘La Petite Robe Noire’ et ‘Coque d’or’, la société Diffusion s’est procurée un avantage concurrentiel lui permettant de bénéficier d’un transfert d’image et de notoriété aux dépens de la société Guerlain, dont elle parasite les efforts publicitaires.

Pour rappel, s’il résulte du principe de la liberté du commerce et de l’industrie que le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive, c’est sous réserve de respecter les usages honnêtes et loyaux du commerce.

A cet égard, constitue un comportement illicite comme contraire à de tels usages le fait, pour une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, de copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Un tel fait caractérise du parasitisme économique et engage la responsabilité civile de son auteur au fondement de l’article 1240 du code civil.

Il incombe toutefois à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS



Pôle 5 – Chambre 1



ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2023



(n°112/2023, 13 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : 21/19365 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CET7M



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juillet 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – 15ème chambre – RG n° 2020029271





APPELANTE



Société [Localité 5] DIFFUSION SPRL

Société de droit belge

Inscrite à la Banque-Carrefour des Entreprises sous le numéro 0847.156.032

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 3]

BELGIQUE



Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assistée de Me Ariane JOACHIMOWICZ, avocat au barreau de BRUXELLES





INTIMEE



S.A.S. [R]

Société au capital de 19 764 000 euros

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 582 022 265

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représentée et assistée de Me Christophe CARON de l’AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, toque : C0500







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.



Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON





ARRÊT :




Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige







***





EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE





La société [Localité 5] Diffusion, société de droit belge, commercialise depuis 2015 sur son site internet et sur différents sites de vente en ligne, une collection de parfums dénommée « La Petite Fleur » déclinée sous plusieurs dénominations.



La société [R] lui reprochant de copier des éléments identificateurs de ses parfums « La Petite Robe Noire » et « Coque d’Or » et de profiter ainsi indûment de ses investissements, l’a mise vainement en demeure par courriers des 25 octobre 2019, puis du 28 novembre 2019.



C’est dans ce contexte que par acte du 13 juillet 2020 la société [R] a fait assigner la société [Localité 5] Diffusion devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de cessation des ventes et d’indemnisation du préjudice qu’elle subi du fait des agissements de parasitisme.



Dans un jugement rendu le 12 juillet 2021, dont appel, le tribunal de commerce de Paris a :

– Déclaré qu’il était compétent ;

– Condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 694.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral ;

– Fait interdiction à la société [Localité 5] Diffusion de promouvoir et commercialiser en France les parfums de la collection « La petite Fleur » sous le flacon, l’emballage et les noms litigieux, à savoir les parfums « La petite fleur d’amour », « La petite fleur blanche », « La petite fleur noire », « La petite fleur d’or », « La petite fleur de Paris », « La petite fleur romantique » et « La petite fleur secrète », sur tout support et de quelque manière que ce soit, sur l’ensemble des sites de commercialisation de ces produits ou sur tous les réseaux sociaux, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter d’un délai de huit (8) jours suivant la signification du présent jugement, et ce pendant un délai de deux (2) mois, à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– Condamné la société [Localité 5] Diffusion à publier le dispositif du présent jugement, passé le délai de huit (8) jours à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant quatre-vingt-dix (90) jours consécutifs, en partie supérieure du site Internet accessible aux adresses www.paris-Elysées.com et https://paris-Elysées.com/’lang=fr, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard pendant un délai de deux (2) mois à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– Condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné la société [Localité 5] Diffusion aux dépens, en ce compris les frais des constats d’huissier visés en pièce n°7 qui pourront être recouvrés directement par le Cabinet Christophe Caron, conformément à l’article 699 du code de procédure civile, ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 75,50 euros dont 12,20 euros de TVA ;

– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.



La société [Localité 5] Diffusion a interjeté appel de ce jugement le 5 novembre 2021.

Moyens




Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, numérotées 2, et notifiées par RPVA le 29 novembre 2022, par lesquelles la société [Localité 5] Diffusion, appelante, demande à la cour de :



Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :

-condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 694.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral;

– fait interdiction à la société [Localité 5] Diffusion de promouvoir et commercialiser en France les parfums de la collection « La petite Fleur» sous le flacon, l’emballage et les noms litigieux, à savoir les parfums « La petite fleur d’amour », « La petite fleur blanche », « La petite fleur noire », « La petite fleur d’or », « La petite fleur de Paris », «La petite fleur romantique » et « La petite fleur secrète », sur tout support et de quelque manière que ce soit, sur l’ensemble des sites de commercialisation de ces produits ou sur tous les réseaux sociaux, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter d’un délai de huit (8) jours suivant la signification du présent jugement, et ce pendant un délai de deux (2) mois, à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– condamné la société [Localité 5] Diffusion à publier le dispositif du présent jugement, passé le délai de huit (8) jours à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant quatre-vingt-dix (90) jours consécutifs, en partie supérieure du site Internet accessible aux adresses www.paris-Elysées.com et https://paris-Elysées.com/’lang=fr , sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard pendant un délai de deux (2) mois à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte.

– condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– et condamné la société [Localité 5] Diffusion aux dépens, en ce compris les frais des constats d’huissier visés en pièce n°7 qui pourront être recouvrés directement par le Cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du CPC, ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.



Et statuant à nouveau sur les chefs ainsi critiqués :



A titre principal,



Juger que la compétence de la Cour de céans ne peut porter que sur les dommages allégués en France par [R] ;



Juger en tous cas que le Tribunal a excédé les limites de sa compétence, en ordonnant des mesures d’interdiction et publication à portée extraterritoriale ;









En conséquence, renvoyer [R] à mieux se pourvoir s’agissant de l’indemnisation de ses prétendus préjudices subis à l’étranger comme de ses demandes visant à voir donner des mesures d’interdiction comme de publication judiciaire que seules les juridictions belges ont compétence pour connaître en leur qualité de juridictions du lieu de l’évènement causal des dommages allégués ;



Juger en tant que de besoin que la loi française n’est applicable au litige qu’en ce qui concerne les dommages allégués par [R] en France ;



Juger [R] non fondée en sa demande ;



Débouter [R] de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions ;



A titre subsidiaire :



Avant-dire droit, poser à la Cour de Justice de l’Union européenne, en application de l’article 267 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne, les questions préjudicielles suivantes:



1) L’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les articles 35, 36, 56 du TFUE et l’article 3.2 de la Directive 2000/31/CE relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des mesures visant à restreindre ou empêcher la liberté pour une entreprise de copier des produits non protégés par un droit de propriété intellectuelle ‘



2) La première question reçoit-elle la même réponse si les produits copiés constituent une valeur économique, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire d’un travail intellectuel et d’investissements de l’entreprise dont les produits ont été copiés ‘



3) La première question reçoit-elle la même réponse si les mesures de restriction précitées sont justifiées par des raisons touchant à la sauvegarde d’une concurrence loyale entre entreprises contre du parasitisme ‘



4) La première question reçoit-elle la même réponse si le parasitisme visé dans la question précédente, consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis ‘



5) La première question reçoit-elle la même réponse si le parasitisme visé dans la troisième question, consiste, pour une entreprise, à titre lucratif et de façon injustifiée, de copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire d’un travail intellectuel et d’investissements de l’entreprise dont les produits sont été copiés ‘



6) La première question reçoit-elle la même réponse si le parasitisme consiste pour une entreprise, sans fournir elle-même un effort créatif, à retirer directement un avantage d’efforts ou investissements importants dans une création à valeur économique d’une autre entreprise ‘



– Mais sans attendre la réponse de la Cour de Justice de l’Union européenne à cette question, infirmer le jugement entrepris en ce que le Tribunal a excédé les limites de son pouvoir juridictionnel – qui ne pouvait porter que sur les dommages allégués en France par [R] – en prononçant des sanctions et ordonnant des mesures d’interdiction et publication à portée extraterritoriale ;



En tout état de cause, y ajoutant,



Déclarer [Localité 5] Diffusion recevable et bien fondée en sa demande additionnelle, et par conséquent,



Condamner [R] à payer à [Localité 5] Diffusion 1 €uro à titre de dommages-intérêts, en réparation de son préjudice matériel causé par l’interdiction de commercialisation en France, de l’ensemble des parfums de la collection « La Petite Fleur », à savoir les parfums « La petite fleur d’amour », « La petite fleur blanche », « La petite fleur noire », « La petite fleur d’or », « La petite fleur de Paris », « La petite fleur romantique» et «La petite fleur secrète» ;



Condamner [R] à payer à [Localité 5] Diffusion 30.000 €uros, à titre de réparation de son dommage moral causé par la publication du dispositif du jugement déféré sur le site Internet de cette dernière ;



En tout état de cause :



Débouter [R] de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins et conclusions ;



Condamner [R] à verser à [Localité 5] Diffusion la somme de 25.000 €, au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;



Condamner [R] aux entiers dépens de première instance comme d’appel.



Vu les dernières conclusions récapitulatives remises au greffe, numérotées 2, et notifiées par RPVA le 29 novembre 2022, par lesquelles la société [R], intimée, demande à la cour de :



Confirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris, 15ème Chambre, du 12 juillet 2021 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il :



– s’est dit compétent ;

– a condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 694.000 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral ;

– a fait interdiction à la société [Localité 5] Diffusion de promouvoir et commercialiser en France les parfums de la collection « La petite Fleur » sous le flacon, l’emballage et les noms litigieux, à savoir les parfums « La petite fleur d’amour », « La petite fleur blanche », « La petite fleur noire », « La petite fleur d’or », « La petite fleur de Paris », « La petite fleur romantique » et « La petite fleur secrète », sur tout support et de quelque manière que ce soit, sur l’ensemble des sites de commercialisation de ces produits ou sur tous les réseaux sociaux, sous astreinte de 2.000 euros par infraction constatée à compter d’un délai de huit (8) jours suivant la signification du présent jugement, et ce pendant un délai de deux (2) mois, à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte ;

– a condamné la société [Localité 5] Diffusion à publier le dispositif du présent jugement, passé le délai de huit (8) jours à compter de la signification du présent jugement, et ce pendant quatre-vingt-dix (90) jours consécutifs, en partie supérieure du site Internet accessible aux adresses www.paris-Elysées.com et https://paris-Elysées.com/’lang=fr, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard pendant un délai de deux (2) mois à l’issue duquel il pourra de nouveau être fait droit, le tribunal se réservant la liquidation de l’astreinte.

– débouté la société [Localité 5] Diffusion de ses demandes autres, plus amples ou contraires;

– a condamné la société [Localité 5] Diffusion à payer à la société [R] la somme de 25.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;



– a condamné la société [Localité 5] Diffusion aux dépens, en ce compris les frais des constats d’huissier visés en pièce n° 7 qui pourront être recouvrés directement par le Cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du CPC, ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 74,50 € dont 12,20 € de TVA.



En tout état de cause et statuant à nouveau,



Débouter l’appelante de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment :

– de ses demandes principales, notamment quant à la compétence et les limites territoriales des sanctions prononcées, ainsi que la loi applicable, en ce qu’elles sont sans objet en l’espèce dans la mesure où la société [R] ne demande que la cessation des actes commis en France et la réparation matérielle et financière du préjudice subi en France et DEBOUTER l’appelante de sa demande visant à renvoyer [R] à mieux se pourvoir.

– de sa demande subsidiaire de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l’Union européenne.

– de ses demandes additionnelles visant à condamner [R] à payer à [Localité 5] Diffusion un euro à titre de dommages-intérêts, en réparation de son prétendu préjudice matériel causé par l’interdiction de commercialisation en France, de l’ensemble des parfums de la collection « La Petite Fleur » ; et visant à condamner [R] à payer à [Localité 5] Diffusion la somme de 30 000 euros, à titre de réparation de son prétendu dommage moral causé par la publication du dispositif du jugement déféré sur le site Internet de cette dernière.



Condamner l’appelante à verser à l’intimée la somme de 25 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens d’appel, en ce compris les frais du constat d’huissier visé en pièce n°12, qui pourront être recouvrés directement par le Cabinet Christophe CARON, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

Motivation






MOTIFS DE LA DECISION :





En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises telles que susvisées.





Sur la compétence territoriale



La société [Localité 5] Diffusion demande de juger que la compétence de la cour ne peut porter que sur les dommages allégués en France par [R] et en conséquence de renvoyer la société [R] à mieux se pourvoir s’agissant de l’indemnisation de ses prétendus préjudices subis à l’étranger et de mesures d’interdiction et de publication concernant un territoire pour lequel seul la juridiction belge est compétente, son siège étant en Belgique.



Sur ce,



L’article 46 du code de procédure civile dispose que « le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur (‘) en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi».







L’article 7§2 du Règlement n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 dispose que « Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre […] en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant la juridiction où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».



En l’espèce, le procès-verbal de constat internet dressé par huissier de justice à Paris constate que le site internet sur lequel apparaissent les produits litigieux est accessible en France, et que les produits litigieux peuvent être commandés et livrés en France, de sorte que le fait dommageable et la matérialisation du dommage, à savoir la mise en vente des parfums litigieux, se produit notamment à Paris, dans le ressort du tribunal de commerce de Paris, les juridictions françaises étant en conséquence compétentes au regard du dommage subi sur le territoire français, ce qu’admet du reste la société [Localité 5] Diffusion dans le corps de ses écritures.



Les demandes de la société [R] ne concernent que la cessation des actes commis en France, l’indemnisation du préjudice subi en France et une publication judiciaire relative aux actes allégués en France de sorte que les demandes de la société [Localité 5] Diffusion de la renvoyer à mieux se pourvoir pour les préjudices subis à l’étranger sont sans objet, le tribunal n’ayant pas excédé sa compétence et les mesures d’interdiction comme de publication demandées concernant les actes allégués sur le territoire français. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.





Sur le parasitisme



La société [Localité 5] Diffusion soutient que la société [R] tente de dévoyer l’action en concurrence parasitaire en l’utilisant comme un palliatif à l’action en contrefaçon alors qu’elle ne dispose pas des droits d’auteur, ni sur le flacon « Coque d’Or », ni sur le nom « La Petite Robe Noire », ni sur l’univers parisien ; que la demande de la société [R] est incompatible avec les principes de liberté d’entreprise, de concurrence et leur corollaire, la liberté de s’inspirer d’éléments non protégés par un droit de propriété intellectuelle ; que la société [R] s’est d’ailleurs inspirée du flacon à parfum des Cristalleries de Baccarat, de la Tour Eiffel, de La Petite Robe Noire de Chanel ; qu’il existe des différences notables entre les produits respectifs des parties démontrant que la société [Localité 5] Diffusion a fourni des efforts créatifs propres et déployé d’importants investissements propres pour la réalisation de ses parfums qui se distinguent clairement, sur le plan visuel, de ceux de [R] ; que la simple copie ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale ; qu’a fortiori, le simple fait de s’inspirer d’éléments du domaine public également repris par la société [R] n’est pas non plus un acte de concurrence parasitaire ; que la société [R] a largement profité du principe de la liberté de copie puisqu’elle s’est elle-même placée dans le sillage de la société Chanel lorsqu’elle a repris l’expression « La Petite Robe Noire » pour son parfum ; qu’elle a délibérément repris sous sa signature, le flacon à parfum des cristalleries de Baccarat pour son nouveau parfum « Mon exclusif » ou pour sa poudre ; qu’elle s’est délibérément servie de la Tour Eiffel pour la promotion de son parfum ; que la société [R] a également copié le titre du conte de Pouchkine « Le Coq d’Or », pour la dénomination de son parfum « Coque d’or » ; que l’interdiction de vendre en ligne des produits qui ne constituent pas des contrefaçons des produits de [R] caractérise une entrave injustifiée à la libre circulation des services ; que les risques de confusion ou d’association entre les deux entreprises sont totalement absents, parce que les ressemblances proviennent d’inspirations communes que les deux parties en cause ont puisées dans des créations d’autrui tombées dans le domaine public, et dans d’autres éléments communs, banals et répandus, comme l’univers de Paris et la femme.











Elle prétend que la société [R] n’apporte pas la preuve d’investissements dont elle aurait profité ; qu’elle a engagé des investissements propres pour réaliser sa collection de parfums, son conditionnement et la communication autour de sa collection de parfums ; que la société [R] ne peut empêcher la mise sur le marché de produits qui ont été légalement fabriqués et commercialisés en Belgique ; qu’il n’y a pas de ressemblance fautive entre « La Petite Fleur Noire » et « La Petite Robe Noire » de [R] ; que les coloris noirs et violets sont une constante dans le domaine des parfums féminins ; que la société [R] n’a fourni aucun effort créatif ni produit une valeur économique propre ; qu’un fascicule édité par la maison Chanel mettant en avant ses propres « codes » montre « la petite robe noire », des tons rosés et noir, le n’ud papillon, l’univers parisien et des silhouettes féminines ; que les investissements engagés par la société [R] pour la promotion du parfum « La Petite Robe Noire » postérieurs à la création du parfum de la collection « La Petite Fleur » ne doivent pas être pris en considération ; que le flacon du parfum « Coque d’Or » sur lequel s’appuient les prétentions de [R], n’est pas une création de [J] [R] mais une création des Cristalleries de Baccarat ; que [R] ne produit aucune pièce de nature à démontrer qu’elle aurait acquis des droits d’auteur sur ce flacon; que le flacon est dans le domaine public puisqu’il n’y a pas d’identification incontestée de la personne physique l’ayant créé ; que [R] n’est donc pas fondée à incriminer la commercialisation d’un flacon à parfum inspiré par une création d’autrui tombée dans le domaine public ; que l’utilisation du n’ud papillon dans le secteur de la parfumerie féminine n’est pas atypique ; que [R] n’a pas d’exclusivité sur l’expression « la petite robe noire » apparue dans les années 20 à une époque où de nombreuses femmes portaient le deuil, en la mémoire des morts de la première guerre mondiale et de la grippe espagnole ; que cette expression n’est pas plus une valeur économique produite par [R] puisqu’elle est attribuée à une création emblématique de Chanel ; que la dénomination « la petite fleur noire » est différente de « la petite robe noire»; que « la petite robe noire » est dans l’air du temps, mais aussi utilisée par Chanel pour ses propres parfums, par Lanvin et par Cartier.



La société [Localité 5] Diffusion soutient enfin que les attestations portant sur les investissements engagés par [R] sont dépourvues de toute valeur probante car elles sont établies par des salariées de [R] qui n’étaient même pas nées au moment du lancement du parfum Coque d’Or ; que l’utilisation d’une silhouette de femme sur un packaging est banale ; que [Localité 5] Diffusion le fait de façon radicalement différente pour célébrer la féminité et la sensualité de la femme ; que de nombreuses marques font de même comme [I] [M] ou Agatha ; que le flacon à parfum « La Petite Fleur » s’inspire de la forme d’un n’ud papillon mais les proportions, les couleurs, le bouchon et la typographie sont différentes du flacon Coque d’Or ou La Petite Robe Noire ; que les emballages sont différents car ceux de [Localité 5] Diffusion sont plus exubérants avec des silhouettes de femmes en mouvement dessinées à la ligne claire, plus colorés et ne montrent pas systématiquement des robes mais aussi des jupes ou simplement des jambes ; qu’elle utilise une police d’écriture manuscrite très régulière tandis que [R] utilise une police d’écriture très spécifique ; que d’autres parfumeurs utilisent une écriture cursive pour le nom de leur parfum ; que les tons utilisés dans sa communication ne se concentrent pas sur le rose et le violet de « La Petite Robe Noire » mais varient aussi au jaune et au blanc ; que les seuls mots communs dans la dénomination sont « La » et « Petite » suivis d’un adjectif qualificatif ; que les parfums de la collection « La Petite Fleur » autres que « La Petite Fleur Noire » ne ressemblent aucunement à « La Petite Robe Noire » ; que l’univers de cette collection de parfum renvoie à la ville de [Localité 4], capitale du parfum et des fleurs, et à la dénomination de la société [Localité 5]; qu’elle ne s’est pas procurée un avantage concurrentiel sur le marché, dans un but lucratif, au détriment de [R] ; qu’elle n’a donc commis aucun acte parasitaire.











La société [R] soutient que la société [Localité 5] Diffusion se borne à invoquer la liberté de copier les éléments caractéristiques de plusieurs produits à succès de [R] ; que l’abus de liberté est sanctionné par la loi ; que l’exploitation fautive de copies est sanctionnable sur le fondement du parasitisme ; que le fait de considérer que la société [R] a elle-même copié d’autres acteurs du secteurs n’a pas un effet exonératoire de responsabilité ; que la caractérisation d’un risque de confusion n’est pas requise ; que le faisceau d’indices constitué d’une répétition d’inspirations et de reprises, auquel s’ajoute l’aveu de la partie adverse, ne laisse aucun doute quant à la volonté de s’immiscer dans le sillage de [R] ; que les différentes reprises ne peuvent être le fruit du hasard, ni résulter « d’inspirations commune que les parties auraient puisées dans le domaine public ».



La société [R] ajoute qu’elle a procédé à des investissements tant humains, matériels que financiers considérables, afin de créer et faire la promotion de son parfum « La petite Robe noire » et de le différencier des autres parfums du marché ; qu’elle a fait appel à de nombreuses personnes pour créer l’identité visuelle du parfum ; que l’omniprésence du parfum sur les affiches publicitaires, les devantures et les intérieurs de magasins, dans la presse, sur les espaces publicitaires publics, dans les métros, sur des objets, dans des films diffusés à la télévision et sur Internet montrent ses efforts promotionnels ; qu’elle a réalisé un travail humain et intellectuel important afin de trouver un équilibre combinant esthétique et praticité, au-delà de l’aspect novateur associant la mode et la parfumerie ; que ce flacon a été utilisé pour trois autres parfums et pour une poudre, devenant particulièrement emblématique de la Maison [R] ; que la collaboration avec Baccarat ne permet pas d’éluder les lourds investissements engagés ; que de nombreux investissements publicitaires ont été réalisés pour chaque produit dans des magazines, réseaux sociaux et affiches publicitaires ; que ce flacon est un élément distinctif majeur ; que la société [Localité 5] Diffusion reprend les éléments caractéristiques du flacon « Coque d’Or »; que les deux flacons sont quasiment identiques au millimètre près ; que la société [Localité 5] Diffusion a enregistré un dépôt pour son parfum Dawamesk qui est la reprise pure et simple de la forme du flacon exploité par [R] et aucune facture de création n’a été fournie à la procédure ; que le fait d’avoir ajouté un bouchon différent pour s’en distinguer n’ôte pas le caractère illicite de ces reprises volontaires et délibérées ; que les noms de chaque parfum de la collection de [Localité 5] Diffusion ont une construction identique au nom choisi par [R] pour son parfum « La petite Robe noire »; que la collection « La petite Fleur » aurait pu être associée à bien d’autres choses qu’une silhouette portant une petite robe, par exemple à des fleurs tout simplement, en référence au nom de la collection ; que le choix d’une silhouette de femme dessinée n’a rien d’une « banalité absolue » pour un parfum car ce sont généralement des égéries connues qui représentent les parfums ; que le changement de postures est très caractéristique du personnage de « La Petite Robe noire » ; que la société [Localité 5] Diffusion a aussi choisi de ne pas mettre de visage et d’axer la spécificité sur des jeux de postures avec les bras et/ou les jambes du personnage ; qu’elle s’inspire délibérément des éléments caractéristiques de la société [R], c’est-à-dire la dénomination, le flacon, l’univers parisien et les silhouettes féminines, sans chercher à développer une identité qui lui est propre, caractérisant ainsi le parasitisme ; que la société [Localité 5] Diffusion tente de se rattacher à la société [R] en proposant des produits dérivés similaires ; qu’elle s’immisce dans son sillage et la vague de succès des parfums « La petite Robe noire » et « Coque d’Or » et se procure de nombreux avantages concurrentiels en faisant des économies, en bénéficiant d’un transfert d’image et de notoriété, en limitant l’aléa commercial et en bénéficiant des efforts publicitaires, le tout au détriment de la société [R].



Sur ce,



S’il résulte du principe de la liberté du commerce et de l’industrie que le simple fait de copier un produit concurrent qui n’est pas protégé par des droits de propriété intellectuelle ne constitue pas en soi un acte de concurrence déloyale et que la recherche d’une économie au détriment d’un concurrent n’est pas en tant que telle fautive, c’est sous réserve de respecter les usages honnêtes et loyaux du commerce.



A cet égard, constitue un comportement illicite comme contraire à de tels usages le fait, pour une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, de copier une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements. Un tel fait caractérise du parasitisme économique et engage la responsabilité civile de son auteur au fondement de l’article 1240 du code civil.



Il incombe toutefois à celui qui se prétend victime de parasitisme économique d’établir que les éléments constitutifs de ce comportement illicite sont réunis.



En l’espèce c’est par des motifs pertinents que la cour approuve, que le tribunal de commerce a relevé que la société [R] établit par des éléments chiffrés, soutenus par les attestations de son directeur financier et de sa directrice marketing, que la renommée et le succès de ses parfums sont le fruit d’investissements importants, tant en matière de création, qu’en terme promotionnels et publicitaires.



La société [R] démontre ainsi l’omniprésence du parfum La Petite Robe Noire sur les affiches, les devantures de magasins et d’immeuble et dans la presse de sorte que sa valeur économique individualisée est caractérisée. Le parfum Coque d’or a également fait l’objet d’investissements depuis 1937, peu important qu’il a été fabriqué par les Cristalleries de Baccarat, alors qu’il est démontré que ce parfum, qui ne fait l’objet d’aucune revendication de droit de propriété intellectuelle par un tiers, est notoirement associé à la société [R], et qu’il a été décliné depuis lors dans deux autres parfums Kriss et Dawamesk, puis réédité en 2014 en nombres limités en cristal de Baccarat, et aussi en verre laqué or pour une poudre [R] pour le corps et les cheveux, ce fameux flacon étant présent dans de nombreux magazines, réseaux sociaux et sur des affiches publicitaires, de sorte que sa valeur économique individualisée est également caractérisée.



La tribunal a ensuite relevé à juste titre par des motifs que la cour adopte que l’examen du parfum litigieux La Petite Fleur Noire et de ses déclinaisons montre une inspiration à la fois du nom et de l’identité visuelle de La Petite Robe Noire, de la forme en n’ud papillon du flacon de Coque d’Or de sorte que les éléments de ressemblance pris dans leur globalité traduisent la volonté de [Localité 5] Diffusion de se placer dans le sillage de [R].



La cour considère en effet comme le tribunal que le nom des parfums est construit de manière similaire à savoir la reprise de ‘La petite’ et ‘Noire’ outre que le mot Fleur est écrit avec une majuscule comme ‘Robe’. Les parfums de la société [Localité 5] Diffusion reprennent aussi une silhouette féminine dessinée sans visage et portant une petite robe, choix effectué par [R] qui rompait avec les codes du secteur, et qui ne s’imposait pas pour la collection ‘La Petite Fleur’ qui aurait pu être associée à beaucoup d’autres visuels notamment floraux autres qu’une silhouette. Ils reprennent aussi l’univers de Paris et de la Tour Eiffel, ainsi que les couleurs rosés/violets présents dans toute la communication autour du parfum de [R]. Ils reprennent enfin le flacon du parfum Coque d’or dans ses caractéristiques essentielles à savoir une même démarcation centrale, quatre pans inclinés vers le bas du flacon, chaque côté reprenant un pan plus haut que l’autre et un noeud papillon sur le dessus avec une légère courbe. Ces similitudes, qui résultent de deux parfums notoires de la société [R], ne sont pas fortuites et caractérisent le caractère intentionnel des captations.



C’est également par des motifs pertinents que le tribunal a relevé que la société [Localité 5] Diffusion a réalisé des économies en profitant des investissements engagés par [R], lui permettant de limiter ses frais de conception et de commercialisation de ses parfums, vendus à des prix très inférieurs à ceux de [R], et s’est bornée à concentrer ses efforts pour se distinguer des parfums de [R] dont la valeur économique est ainsi captée. La société [Localité 5] Diffusion a ainsi bénéficié de l’image et de la notoriété de [R] dont deux parfums notoires ont été banalisés. En s’immisçant dans le sillage du succès incontestable des deux parfums de la société [R] ‘La Petite Robe Noire’ et ‘Coque d’or’, la société [Localité 5] Diffusion s’est procurée un avantage concurrentiel lui permettant de bénéficier d’un transfert d’image et de notoriété aux dépens de la société [R], dont elle parasite les efforts publicitaires.



Il est ainsi établi, en considération de l’ensemble des observations qui précèdent, que la société [Localité 5] Diffusion a commis au détriment de la société [R] des agissements illicites constitutifs de parasitisme économique et ouvrant droit à réparation.



Il n’y a pas lieu de faire droit à la demande subsidiaire de questions préjudicielles qui est infondée, le droit de l’Union n’étant pas concerné par la question préjudicielle en l’absence d’harmonisation du parasitisme et de la responsabilité civile délictuelle, étant au surplus observé que le droit de l’Union consacre l’objectif légitime de lutte contre le parasitisme.





Sur les mesures de réparation



La société [Localité 5] Diffusion soutient que la mesure de cessation réclamée par la société [R] qui dépasse les limites du territoire français n’est pas fondée ; qu’elle a cessé la commercialisation des parfums critiqués sur le territoire français ; que la promotion et la commercialisation des parfums litigieux, y compris via les sites de commercialisation et réseaux sociaux, par d’autres sociétés que la société [Localité 5] Diffusion n’est pas interdite.



Elle fait valoir que les montants demandés sont disproportionnés par rapport à son chiffre d’affaires et ses bénéfices ; qu’il incombe à [R] de prouver l’étendue de son préjudice ; que les juges de première instance n’auraient pas dû se fonder sur l’attestation du directeur financier de [R] pour évaluer le préjudice matériel car ce dernier ne présente aucune des garanties de neutralité, d’impartialité, d’indépendance et d’objectivité, par rapport aux parties au litige ; que les ventes et la communication promotionnelle de la collection La Petite Fleur n’ont eu aucun impact sur la stratégie de communication de [R] ; que les parfums de [R] sont des produits de luxe non susceptibles d’être substitués à ses parfums à bas prix; qu’elle n’a pas porté atteinte à la qualité et au prestige des parfums de [R] ;qu’elle ne fait aucune référence aux parfums de la Maison [R] dans sa communication ; qu’il n’y a donc aucun risque de confusion ou d’association ni aucune dilution de la notoriété de [R].



La société [R] soutient que la mesure de cessation s’impose pour les actes litigieux commis en France ; que la société [Localité 5] Diffusion continue à exploiter les parfums litigieux et à en faire la promotion en France, à travers ses sites internet et ses nombreux comptes sur les réseaux sociaux ; que toutes publicités permettant de promouvoir ces parfums sous le packaging et le nom litigieux doivent être prohibées ; que la société [Localité 5] Diffusion est bien responsable du site Internet de commercialisation.



Elle ajoute que le tribunal a fait une évaluation proportionnée du préjudice matériel qui ne prend pas en compte l’ensemble des ventes litigieuses dans le monde entier ; que [Localité 5] Diffusion bénéficie d’économies d’investissement, les seuls frais étant ceux pour se distinguer de [R] ; que le montant est circonscrit au territoire français, à la promotion du parfum « La Petite Robe Noire» et ne prend pas en compte les investissements intellectuels et matériels ; que de nombreux éléments attestent de la solide situation financière de la société [Localité 5] Diffusion (filiale du groupe [Localité 5] installée en Europe, exploitation de plus de sept sites Internet marchands, vente des produits de la marque [Localité 5] dans plus de 30 pays et forte présence sur les réseaux sociaux) ; que les actes parasitaires de la société [Localité 5] Diffusion entraînent nécessairement une dilution, un ternissement et une banalisation des parfums « La Petite Robe Noire » et « Coque d’Or », une atteinte à la réputation commerciale ainsi qu’une atteinte à son image ce qui lui cause un préjudice moral important.



Sur ce,



La mesure d’interdiction sous astreinte prononcée par le tribunal de commerce, qui est circonscrite aux actes de promotion et de commercialisation commis en France et à partir de sites internet accessibles depuis le territoire français, est nécessaire pour faire cesser les actes parasitaires illicites, et proportionnée au regard de l’objectif recherché. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.



Il est acquis que la réparation du préjudice subi du fait des actes parasitaires peut être évaluée en prenant en considération l’avantage indu que s’est octroyé l’auteur desdits actes, et donc les économies d’investissements, de toute nature, réalisées indûment par le parasite.



En l’espèce, c’est avec raison que les premiers juges ont pris en compte les économies indues de la société [Localité 5] Diffusion qu’ils ont estimées, raisonnablement, au regard des circonstances de la cause, à 1% des dépenses publicitaires, engagées par la société [R], sur le territoire français, pour le seul parfum ‘La Petite Robe Noire’ de 2012 à 2019, soit 9,9 millions d’euros par an, somme qui résulte de l’attestation claire et précise du directeur administratif et financier de la société [R], pourcentage appliqué sur six ans, la collection litigieuse ayant été lancée en 2015 et s’étant poursuivie au moins jusqu’au prononcé du jugement de première instance en 2021. Au regard de ces éléments d’appréciation, la somme de 594 000 euros fixée par les premiers juges au titre de la réparation du préjudice matériel est satisfactoire et sera confirmée.



Le jugement entrepris doit aussi être confirmé en ce qu’il a évalué à 100 000 euros le préjudice moral subi par la société [R] compte tenu de la dilution de la notoriété de deux de ses parfums notoires, de l’atteinte à sa réputation commerciale, cette dernière pouvant apparaître comme incapable de protéger les spécificités de ses parfums, ainsi qu’à son image de marque, la vente d’une collection de parfums parasites, à bas prix, dépréciant la qualité et le prestige que la maison [R] veut réserver à ses parfums.



Enfin, la mesure de publication judiciaire sur les deux sites internet de la société [Localité 5] Diffusion, accessibles depuis le territoire français, telle qu’ordonnée par les premiers juges, qui n’ont aucunement excédé leur compétence territoriale, est nécessaire à la juste réparation du préjudice de la société [R], et proportionnée à la nécessité d’informer le public sur les agissements illicites. Le jugement entrepris sera également confirmé de ce chef.





Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts



La société [Localité 5] Diffusion demande la condamnation de la société [R] à lui payer la somme de 1 euro en réparation du préjudice causé par la mesure d’interdiction, ainsi que la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral causé par la mesure de publication du dispositif du jugement, qui l’a exposée au discrédit de ses clients et partenaires.



Ses demandes seront rejetées, les mesures d’interdiction comme de publication qui sont justifiées ayant été confirmées.




Dispositif

PAR CES MOTIFS,





Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Rejette la demande avant-dire droit de questions préjudicielles,



Déboute la société [Localité 5] Diffusion de toutes ses demande,



Condamne la société [Localité 5] Diffusion aux dépens d’appel, et vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à verser à ce titre à la société [R] , la somme de 25 000 euros.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


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