Prospection Téléphonique : décision du 7 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02481

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Prospection Téléphonique : décision du 7 février 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 20/02481

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 20/02481 – N° Portalis DBVH-V-B7E-H2BE

MS/EB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

03 septembre 2020 RG :F 18/00207

S.A.S. MONABEE

C/

[M]

Grosse délivrée

le

à

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 07 FEVRIER 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 03 Septembre 2020, N°F 18/00207

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

M. Michel SORIANO, Conseiller

Madame Leila REMILI, Conseillère

GREFFIER :

Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 24 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 Février 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

S.A.S. MONABEE agissant poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège social

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SCP DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Mélanie SCHLITTER de la SELARL ADJERAD AVOCATS,, avocat au barreau de LYON

INTIMÉ :

Monsieur [G] [M]

né le 20 Mars 1955 à [Localité 5] (ALGERIE)

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Martine PENTZ, avocat au barreau de CARPENTRAS

ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 10 Novembre 2022

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 07 Février 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

M. [G] [M] a été engagé par la SAS Monabee à compter du 04 novembre 2015 suivant contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chargé de clientèle.

Par courrier du 29 juin 2017, il était convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé au 13 juillet 2017.

Par courrier du 24 juillet 2017, il était licencié pour faute simple aux motifs suivants :

« ‘ vous procédiez à la prise de rendez-vous par téléphone pour vos deux collègues, et n’assuriez plus de rendez-vous physiques avec les prospects. En contrepartie, vous perceviez une partie des primes issues des contrats conclus par vos deux collègues, Messieurs [V] et [J].

Ainsi, vous avez bénéficié de commissions sur dix ventes depuis le début de l’année alors que vous n’en aviez finalisé que quatre en réalité. Cette attribution vous a ainsi permis de dépasser le palier de CA HT de 10.000 euros, déclenchement des primes.

Sur ces ventes, vous avez ainsi reçu la somme de 2.144,97 euros bruts à titre de commissions.

De nos échanges le 13 juillet, nous avons compris que les objectifs réels de cette organisation étaient :

*d’une part, de couvrir votre absence d’activité commerciale, car vous n’assuriez plus depuis plusieurs mois ni le nombre de rendez-vous attendus, ni le nombre de ventes à finaliser ;

*d’autre part, de récompenser le nouveau rôle de téléprospecteur que vous vous étiez attribué au sein de l’Agence, à l’insu de votre direction, par l’attribution à votre bénéfice de primes indues.

Cette attitude caractérise un manque de loyauté patent envers la société, et démontre la volonté de dissimuler les résultats attendus sur votre activité commerciale. Elle constitue un manquement à vos obligations professionnelles contractuelles… ».

Contestant la légitimité de la mesure prise à son encontre, le 07 novembre 2018, M. [M] saisissait le conseil de prud’hommes d’Orange afin de solliciter la régularisation de ses commissionnements et la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement contradictoire du 3 septembre 2020, le conseil de prud’hommes d’Orange a :

– dit que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse

– dit que le paiement des commissionnements est dû sur le montant des intérêts retenus par l’organisme de financement

– condamné la SAS Monabee à verser à M. [M] les sommes suivantes :

* 14 603 euros pour dommages et intérêts (représentant 6 mois de salaires)

* 8751,60 euros à titre de commissionnement

– condamné la SAS Monabee à recalculer l’indemnité de licenciement en tenant compte de la part des commissionnements portés à 8751, 60 euros en sus,

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

– condamné la SAS Monabee à régler à M. [M] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la SAS Monabee aux entiers dépens de l’instance.

Par acte du 06 octobre 2020, la société Monabee a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par conclusions d’incident du 20 avril 2020, la société Monabee saisissait le conseiller de la mise en état afin qu’il déclare irrecevables les conclusions et pièces de M. [M] communiquées le 9 avril 2021.

Suivant ordonnance d’incident du 12 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a :

– déclaré les conclusions de M. [M] irrecevables,

– dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [M] aux éventuels dépens de la procédure sur incident.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 30 décembre 2020, la SAS Monabee demande à la cour de :

– accueillir l’appel interjeté,

– le dire recevable et bien fondé,

– infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange le 3 septembre 2020, en ce qu’il :

* dit que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* dit que le paiement des commissionnements est dû sur le montant des intérêts retenus par l’organisme de financement.

* la condamne à verser à M. [M] les sommes suivantes :

° 16.603,00 euros pour dommages et intérêts

° 8.751,60 euros à titre de commissionnements

* la condamne à recalculer l’indemnité de licenciement en tenant compte de la part des commissionnements portés à 8.751,60 euros en sus.

* la condamne à payer à M. [M] la somme de 1.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* la condamne aux entiers dépens de l’instance.

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Orange le 3 septembre 2020 en ce qu’il déboute M. [M] de sa demande au titre du rappel d’indemnité de congés payés sur commissions.

En conséquence, et statuant à nouveau :

A titre principal,

Vu les dispositions de l’article L 1471-1 du code du travail,

– déclarer prescrite et irrecevable l’action de M. [M],

– débouter en conséquence M. [M] de l’intégralité de ses demandes relatives à son licenciement,

A titre subsidiaire,

Vu les articles L 1232-1 et L 1222-1 du code du travail,

– juger que le licenciement de M. [M] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter en conséquence M. [M] de l’intégralité de ses demandes à ce titre,

En toute hypothèse,

– débouter M. [M] de ses demandes au titre des rappels de commissions,

– rejeter en conséquence l’intégralité des demandes, fins et prétentions de M. [M] ;

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [M] aux entiers dépens, tant de première instance que d’appel.

Elle soutient que :

– sur la prescription

– M. [M] conteste le bienfondé de son licenciement intervenu le 24 juillet 2017.

La saisine est intervenue le 07 novembre 2018,

– cette demande est de ce fait prescrite et irrecevable eu égard à l’article L. 1471-1 du code du travail issu de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017,

– à compter de l’entrée en vigueur de cette ordonnance, soit à compter du 24 septembre 2017, la prescription est fixée à douze mois et s’applique aux prescriptions en cours,

– le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure,

– le salarié avait donc jusqu’au 24 septembre 2018 pour saisir le conseil de prud’hommes,

– sur le licenciement

– M. [M] a été licencié pour manquement à ses obligations professionnelles en s’abstenant de réaliser ses missions, et en obtenant le versement d’une rémunération variable qui ne lui était pas due. Il a choisi de ne pas respecter ses missions, en se concentrant sur une activité de téléprospection, manquant ainsi à ses obligations,

– M. [M] était contractuellement tenu de, notamment, rechercher en prospection directe de nouveaux clients,

– entre le 15 février 2016 et le 29 avril 2016, le salarié avait fait l’objet d’une suspension de son permis de conduire et était dès lors dans l’impossibilité de réaliser une prospection commerciale et une concrétisation des rendez vous auprès des clients.

Il se retrouvait ainsi à prendre les rendez-vous pour les autres commerciaux à l’exclusion de tout rendez-vous physique,

– à compter du 29 avril 2016, M. [M] exécutait de nouveau son contrat aux conditions de travail initialement conclues,

– à compter de février 2017, le salarié a, de sa propre initiative, restreint ses missions à la réalisation de prospection téléphonique,

– elle n’a jamais validé ou accepté cette organisation en 2017,

– M. [M] a manqué à son obligation générale de loyauté en percevant, grâce à ses man’uvres, une rémunération qui ne lui était pas due,

– la rémunération variable de M. [M] (comme celle de tous les chargés de clientèles) devait être calculée sur les montants hors taxe encaissés « des factures sur l’ensemble du chiffre d’affaires MONABEE Distribution (MAD) réalisé par le Salarié et réglées par les clients, ou organisme de financement à la Société »,

– malgré cela, le salarié se désignait lui-même comme titulaire de ventes qu’il n’avait pas réalisées,

– le fait pour M. [M] de bénéficier du chiffre d’affaires réalisé par d’autres salariés lui permettait de dépasser les seuils de déclenchement de versement des commissions,

– sur le rappel de commissions

– M. [M] conteste le montant des commissions perçues sur les opérations faisant intervenir l’organisme de financement CETELEM,

– certaines ventes enregistrées par les chargés de clientèle étaient éligibles à un financement par l’organisme CETELEM,

– l’organisme CETELEM lui réglait le montant TTC facturé au client, après avoir retenu les intérêts du financement,

– l’assiette du calcul de la rémunération variable, en cas de financement par un organisme

de crédit tel que CETELEM est, conformément au contrat de travail, la somme qu’elle a

réellement perçue,

– l’avenant de rémunération variable du salarié prévoit expressément que « ces primes s’entendent 10 % de congés payés inclus ».

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.

Par ordonnance en date du 03 octobre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 10 novembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 24 novembre 2022.

MOTIFS

Aux termes des dispositions des articles 472 et 954 du code de procédure civile, lorsque l’intimé ne comparaît pas ou que ses conclusions ont été déclarées irrecevables, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés et doit examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges se sont déterminés, motifs que la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier.

En effet, aux termes de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement.

Sur le licenciement

Aux termes de l’article L 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013 toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

L’article L 1471-1 alinéa 2 du code du travail dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 22 septembre 2017 ajoute que toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.

Aux termes de l’article 40-II de l’ordonnance du 22 septembre 2017, les dispositions des articles 5 et 6 de l’ordonnance précitée, qui raccourcissent la durée de la prescription de l’action portant sur la rupture du contrat de travail, s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de publication de l’ordonnance, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il ressort des éléments du dossier que le licenciement a été notifié au salarié le 24 juillet 2017, cette date constituant le point de départ du délai de prescription.

En application des dispositions transitoires de l’ordonnance du 24 septembre 2017, le salarié disposait d’un délai jusqu’au 24 septembre 2018 pour saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en contestation de la rupture de son contrat de travail.

M. [M] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 7 novembre 2018, c’est à tort que les premiers juges ont jugé que son action n’était pas prescrite.

Le jugement sera dans ces circonstances réformé de ce chef et les demandes liées à la rupture du contrat de travail seront déclarées irrecevables.

Sur le rappel de commissions

M. [M] a sollicité devant les premiers juges un rappel de commissions à hauteur de

17.812,99 euros, le conseil de prud’hommes lui ayant accordé la somme de 8751,60 euros.

Les premiers juges se sont fondés sur un tableau produit par le salarié.

Or, les conclusions et les pièces annexées de l’intimé ayant été déclarées irrecevables, la cour constate que le salarié ne produit aucun élément lui permettant de vérifier la réalité de la somme réclamée, le jugement dont appel ne donnant par ailleurs aucune précision sur la période concernée par le rappel de commissions.

Le mode de calcul de la rémunération est prévu par l’annexe n°1 à l’avenant du 24 janvier 2017, en ces termes :

‘Il est précisé que les pourcentages définis ci-dessus sont calculés sur les montants hors

taxes encaissés, déduction faite de tout frais de port, avoirs et de toute remise

immédiate ou différée, des factures sur l’ensemble du chiffre d’affaires « Monabee

Distribution » (MAD) réalisé par le Salarié et réglées par les clients, ou organisme de

financement, à la Société.’

Cette clause est claire et précise en ce que l’assiette de calcul de la rémunération variable

a toujours été constituée du montant des ventes réellement perçu par la société.

C’est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la déduction des frais et agios financiers retenus par l’organisme Cetelem pour calculer les commissions dues au salarié était abusive.

L’employeur justifie, par les pièces de son dossier, du montant des commissions versées à M. [M], lequel a été rendu destinataire des tableaux de base de calcul faisant

apparaitre le chiffre d’affaires hors taxe mensuel encaissé, le salarié n’ayant jamais contesté le montant de sa rémunération variable après l’avoir perçue.

M. [M] sera dans ces circonstances débouté de sa demande et le jugement querellé réformé de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Il serait inéquitable de laisser à la charge de l’appelante les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’exposer et qui ne sont pas compris dans les dépens, les dispositions du jugement sur ce point devant être réformées.

M. [M] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,

Réforme le jugement rendu le 3 septembre 2020 par le conseil de prud’hommes d’Orange en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté M. [G] [M] de sa demande de rappel de congés payés sur le rappel de commissions,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Déclare prescrite l’action de M. [G] [M] au titre de la rupture du contrat de travail et en conséquence déclare M. [G] [M] irrecevable en ses demandes liées à ladite rupture,

Déboute M. [G] [M] de sa demande de rappel de commissions,

Condamne M. [G] [M] à payer à la SAS MONABEE la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] [M] aux dépens de première instance et d’appel,

Arrêt signé par le président et par la greffiere.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT,

 


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