Prospection Téléphonique : décision du 27 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/05726

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Prospection Téléphonique : décision du 27 janvier 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/05726

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 27 JANVIER 2023

N° 2023/049

Rôle N° RG 19/05726 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BECVT

[Z] [S]

C/

SAS CITYCARE

Copie exécutoire délivrée

le : 27 janvier 2023

à :

Me Jean-Pierre RAYNE, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’AIX-EN-PROVENCE en date du 22 Janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 17/00310.

APPELANTE

Madame [Z] [S], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Jean-Pierre RAYNE de l’ASSOCIATION RAYNE / SALOMEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

SAS CITYCARE en son établissement de [Localité 8], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Agnès BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Madame [Z] [S] a été embauchée par la société CITYCARE, spécialisée dans la location de défibrillateurs, par contrat à durée indéterminée le 16 avril 2015 en qualité de visiteuse, statut VRP, moyennant un salaire brut mensuel de 1’600,00 euros, outre une rémunération variable. Par avenant du même jour, le mode de calcul de la rémunération variable était précisé.

Initialement affectée à [Localité 6], elle a sollicité le 26 juillet 2016 sa mutation dans la région de [Localité 5] qui a été acceptée par la société CITYCARE.

Les relations contractuelles étaient régies par l’accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.

L’entreprise occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

Par lettre recommandée remise en main propre le 30 janvier 2017, Madame [S] a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement prévu le 7 février 2017 et mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 14 février 2017, elle a été licenciée pour faute grave.

Madame [S] a saisi, par requête réceptionnée au greffe le 3 mai 2017, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence pour contester son licenciement et solliciter diverses sommes à caractère indemnitaire et salarial.

Par jugement du 22 janvier 2019 notifié le 6 mars 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, section encadrement, a ainsi statué’:

– dit que le licenciement de Madame [Z] [S] repose bien sur une faute grave,

– déboute Madame [Z] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

– condamne Madame [Z] [S] à verser à la SAS CITYCARE la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne Madame [Z] [S] aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration du 8 avril 2019 notifiée par voie électronique, Madame [Z] [S] a interjeté appel du jugement dont elle a sollicité l’infirmation pour chacun des chefs du dispositif.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 2 mai 2019, Madame [Z] [S], appelante, demande à la cour de :

– réformer le jugement rendu le 22 janvier 2019 par le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence dans toutes ses dispositions,

statuant à nouveau :

– fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3’796,00 euros,

– constater que le licenciement pour faute grave ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société CITYCARE à lui payer les indemnités suivantes’:

– 30’000,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement abusif,

– 3’796,00 euros à titre d’indemnité de préavis (1 mois),

– 379,00 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 1’793,00 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1’898,00 euros au titre du rappel de salaire sur mise à pied,

– 189,00 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire,

– 1’200,00 euros au titre de la prime de voyage,

– débouter la société CITYCARE de l’ensemble de ses demandes dirigées à son encontre,

– fixer les intérêts courant à compter de la demande en justice, la capitalisation de ceux-ci,

– condamner la société CITYCARE à lui payer la somme de 1’500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société CITYCARE aux entiers dépens.

L’appelante soutient qu’aucun des griefs qui lui sont reprochés n’est fondé. Elle souligne qu’elle n’avait jamais reçu le moindre reproche, avertissement et donnait entière satisfaction.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 juillet 2019, la société CITYCARE demande à la cour de’:

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence le 22 janvier 2019,

– dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame [S] est justifié,

– condamner Madame [S] à lui verser la somme de 1’000,00 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens de l’instance.

L’intimée réplique que’le licenciement pour faute grave est fondé au regard des plaintes de clients démarchés dénonçant l’attitude agressive et les méthodes commerciales de la salariée ainsi que de la déclaration de faux frais professionnels pour tenter d’en obtenir le remboursement.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 21 novembre 2022, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 7 décembre suivant.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement pour faute grave :

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. Il incombe à l’employeur d’en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement de Madame [S] est ainsi motivée :

«’Madame,

Nous vous avons reçue, ainsi le mardi 7 février 2017 pour l’entretien préalable au licenciement que nous envisageons de prononcer à votre encontre.

Malgré les explications que vous avez fournies nous avons pris la décision de vous licencier.

Ainsi que nous l’avons exposé lors de cet entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants’:

Le jeudi 26 janvier 2017, nous avons été avertis par notre prestataire en prise de rendez-vous qualifiés, la société Nexus Call Center, du mécontentement appuyé et inédit d’un prospect’: le docteur [V] [U] domicilié à [Localité 7] (13).

Ce chirurgien-dentiste a ainsi indiqué avoir été démarché au nom de notre société et avoir accepté un rendez-vous commercial avec vous pour le 2 janvier 2017.

Ce rendez-vous qui vous était attribué a été annulé puis reporté par vos soins au 24 janvier 2017.

De nouveau, vous avez annulé et souhaité reporter ce rendez-vous. C’est suite à cette nouvelle annulation que le prospect s’est adressé à notre prestataire pour lui faire part de son insatisfaction totale sur le suivi de cette démarche commerciale ainsi que sur votre attitude selon ses termes « extrêmement agressive » à l’égard de ses employés. L’ensemble de cet échange que nous vous avons fait écouter a été enregistré dans le cadre de la procédure de gestion/satisfaction client de notre prestataire.

Travaillant depuis janvier 2016 avec la société Nexus Call Center, c’est la première fois sur les 4 000 rendez-vous que ce prestataire nous a fournis qu’une telle remontée nous parvient. Le grief du prospect n’est pas sur la démarche commerciale initiée mais sur l’absence de suivi, le manque de professionnalisme de notre société personnalisé par votre comportement catastrophique sur ce dossier.

Il s’agit là d’un manquement grave à nos procédures commerciales qui vient non seulement pénaliser notre société en ayant empêché la signature d’un contrat commercial (et le chiffre d’affaires qui y aurait été associé) mais plus grave encore, qui a entaché notre image vis-à-vis d’un prospect issue d’une population extrêmement importante dans notre développement : un membre du secteur médical.

Ce manquement à notre politique commerciale et notre accompagnement de nos clients et prospects a été également mis en lumière au travers de la gestion du dossier de Madame [M] [N], infirmière libérale à [Localité 5].

Par courrier recommandé avec accusé de réception reçu le 16 janvier 2017, cette cliente que vous aviez signée le 19 octobre 2016 a souhaité obtenir un rendez-vous avec la direction de la société afin d’annuler son contrat.

Dans le cadre de l’entretien, cette cliente a fait part le 26 janvier 2017 de son souhait de profiter de la possibilité que vous lui aviez offerte de « basculer » le contrat signé vers un autre client. Elle nous a précisé qu’hésitant à contracter vous lui aviez proposé de garder le matériel en argumentant qu’elle pourrait demander le transfert de son contrat sur un autre Siret pour la durée restant à courir pour le contrat ‘initial. Ce faisant vous vous assuriez de la conclusion du contrat et du bénéfice direct du commissionnement qui en découlait.

Cette pratique est totalement interdite par notre société en ce qu’elle viole directement les directives commerciales de la société et la durée ferme de 60 mois des contrats commerciaux proposés. Ces deux éléments précisés dès la formation de nos nouveaux collaborateurs ne souffrent aucune exception. Seule une sortie de contrat avec paiement d’une valeur de rachat est possible.

Dans le cas présent, vous n’aviez pas prévenu la cliente de cette seule possibilité de rupture anticipée du contrat commercial. De plus, vous avez toujours refusé de répondre aux multiples appels de cette cliente, confirmant ainsi votre mensonge.

Ce faisant vous avez une nouvelle fois terni l’image de notre entreprise auprès d’un client (et professionnel de santé) et violé nos procédures commerciales en donnant de fausses informations à un prospect dans le but de signer un contrat.

Le 24 janvier 2017 notre Responsable Communication, Madame [A] [G], a reçu de la part de Monsieur [V] [H], opticien à [Localité 4], un courriel à l’intitulé parfaitement explicite : « rétractation/abus ».

Par ce courriel, ce client dénonce les méthodes de vente que vous avez utilisées.

Le client précise que le 6 janvier 2017 vous êtes intervenue pour lui présenter notre défibrillateur.

Dans le cadre de ce rendez-vous, vous avez évoqué la « subvention de l’Etat pour installer ce genre de produits dans les lieux recevant du public ». Le client explique ensuite que vous lui avez fait remplir un questionnaire dont le but était de savoir s’il était « éligible à ce dispositif et cette subvention de l’Etat ». Vous avez ainsi utilisé un argument fallacieux dans le seul but de signer un contrat.

De nouveau, suite à votre comportement c’est l’image de la société qui est ternie et ce témoignage met encore en lumière un usage répété de pratiques commerciales interdites que nous condamnons sans réserve.

Parallèlement à ces trois faits, le 16 janvier 2017, vous avez déposé à l’agence une note de frais au titre du mois de décembre 2016. Le contrôle de celle-ci a permis d’identifier que les frais transmis n’étaient non seulement pas tous rattachés à la période concernée (certains justificatifs dataient de janvier 2017) mais en plus, tous déconnectés de votre activité professionnelle car issus de régions que vous ne couvrez pas et pendant des périodes de congés. Vous avez ainsi fourni par exemple une note de restaurant pour un soir de décembre qui faisait apparaître deux menus enfants, un justificatif de repas pris dans une station-service pendant que vous étiez en congés de fin d’année ainsi que de nombreux justificatifs de repas pris en dehors de votre zone. Pour ces derniers justificatifs vous avez reconnu durant notre entretien les avoir récupérés auprès de certains de vos collègues. Ce faisant vous avez déclaré de faux frais ce qui est parfaitement inacceptable.’»

La salariée a donc été licenciée pour faute grave en raison de son attitude vis-à-vis d’un prospect, le docteur [U], de pratiques commerciales interdites par la société et de la déclaration de faux frais professionnels.

Sur l’attitude vis-à-vis d’un prospect, le docteur [U]’:

Il est d’abord reproché à Madame [S] une gestion fautive dans la relation avec un prospect, le docteur [U], chirurgien-dentiste se traduisant par l’annulation successive de deux rendez-vous (2 et 24 janvier 2017) et une attitude agressive à l’égard des employés du cabinet dentaire, qui a empêché la signature d’un contrat commercial et entaché l’image de l’entreprise.

La société CITYCARE verse aux débats le contrat de travail aux termes duquel Madame [S] s’est engagée à «’effectuer personnellement tous les déplacements et visites’» qui lui «’seront prescrits par la société CITYCARE dans les conditions et délais’» qui lui «’seront fixés’» (article 3.1).

Elle justifie avoir été alertée par courriel du 26 janvier 2017 par la société NEXUS (centre d’appels) de la plainte d’un prospect «'[U] [V]’». Elle produit l’enregistrement audio et la retranscription écrite d’un échange téléphonique entre un contact de la société NEXUS et une personne se présentant comme le docteur [U] se plaignant de l’annulation de trois rendez-vous par Madame [S] et de son attitude «’très agressive au téléphone’» depuis trois mois et particulièrement le mardi au soir précédent pour annuler un rendez-vous. Il est indiqué’: «’Elle a été encore une fois très agressive avec le personnel donc vous ne prendrez plus de rendez-vous avec nous. Vous avez compris”’»’; «’Voilà parce que ça fait 3 mois qu’elle est agressive et pas que depuis hier’»’; «’Ça fait 3 mois’»’; «’c’est pas normal de parler aux gens comme ça quand on a quelque chose à vendre’».

Il résulte des explications des deux parties que l’interlocuteur au téléphone (voix féminine) n’est pas le docteur [U] mais serait son assistante.

Madame [S] ne conteste pas les deux annulations de rendez-vous évoqués dans la lettre de licenciement mais explique que les rendez-vous avec les clients étaient fixés par la société CITYCARE via la société de prospection téléphonique NEXUS et que la qualité de la prise de rendez-vous était souvent discutée. Elle indique que les rendez-vous étaient communiqués la veille pour le lendemain’et que, prospectant également de son côté, elle devait fréquemment décaler des rendez-vous. Elle précise que le 2 janvier 2017, son emploi du temps ne lui permettait pas d’honorer le rendez-vous et que le 24 janvier 2017, elle était en arrêt maladie. Elle dément s’être montrée agressive avec l’assistante du docteur [U] et souligne que cette dernière a montré son agacement en raison du démarchage commercial.

La salariée produit des extraits de courriels avec un interlocuteur de la société NEXUS ([Courriel 3]). Dans un échange du 12 janvier 2017, celui-ci indique notamment’: «’J’ai moi-même écouté les prises de RDV et les confirmations et relevé les manquements. Des ajustements ont été apportés et un retour à la normale est prévu pour mardi’». Il est relevé que les courriels produits ne paraissent pas se suivre et être complets.

Madame [S] n’apporte aucun élément concernant le 2 janvier 2017. Elle verse par contre aux débats s’agissant de l’annulation du rendez-vous du 24 janvier 2017 un arrêt de travail initial non daté mentionnant un arrêt maladie jusqu’au 27 janvier 2017. La partie concernant l’identification de l’employeur et le praticien n’est pas complétée. Le bulletin de paie de janvier 2017 de la salariée mentionne une absence maladie du 23 au 27 janvier.

Au regard de ces éléments, il est retenu que seuls sont établis l’annulation sans justification du rendez-vous du 2 janvier 2017 et le comportement agressif de la salariée lors d’échanges téléphoniques avec le cabinet dentaire entraînant le refus de celui-ci de tout rendez-vous à venir avec société CITYCARE.

Sur les pratiques commerciales interdites’:

Il est ensuite fait grief à Madame [S] d’avoir utilisé des pratiques commerciales interdites avec deux prospects afin de leur faire signer un contrat.

S’agissant du dossier [N]’:

L’employeur reproche d’abord à la salariée d’avoir affirmé à Madame [N], infirmière libérale, pour la convaincre de signer le contrat, qu’elle pourrait demander a posteriori le transfert du contrat vers un autre client pour la durée restant à courir. Or, il précise que les contrats commerciaux ont une durée ferme de 60 mois et que seule une sortie de contrat avec paiement d’une valeur de rachat est possible.

Il verse aux débats les pièces suivantes’:

– un courriel du 30 janvier 2017 émanant de Madame [M] [N], infirmière libérale, adressée au président de la société CITYCARE rédigé dans ces termes’: «’Bonsoir Monsieur le Président, Retenue par mes contraintes professionnelles, je n’ai pu, à mon grand regret, me rendre au rendez-vous le jeudi 26 janvier 2017 à 10H00 dans vos locaux à [Localité 8]. Je vous remercie d’avoir reçu ma mère (spécialiste RH et chargée de recrutement) garante de mes dossiers administratifs. J’espère trouver un acquéreur afin de pouvoir effectuer un transfert de dossier comme vous l’avez proposé. Je ne suis pas menteuse, ni naïve, j’ai seulement fais confiance aux dires de Mme [S]. Bien cordialement Mme [M] [N] infirmière libérale’»’;

– un modèle de contrat de location Citycare avec les conditions générales du contrat qui précisent à l’article B2 relatif au départ de location et sa durée’: «’Cette location est consentie à compter de la date de signature du procès-verbal de réception du matériel. La durée du contrat est non seulement déterminée mais également irrévocable pour une durée de 60 mois choisie par le Locataire, chaque période commerciale devant être menée à son terme. (‘)’»’;

– un courriel du 5 septembre 2015 adressé à Madame [S] par Monsieur [D], directeur de développement, peu avant sa prise de poste au sein de l’équipe de [Localité 8] qui reproche à la salariée les reports successifs de sa reprise de poste et évoque notamment sa faible performance en 2015 en nombre de contrats par mois et le fait qu’elle est «’actuellement la collaboratrice qui cumule le plus de dossiers en litige chez nos leasers’», «’la dernière du classement’»’;

– le contrat de travail aux termes duquel Madame [S] s’est engagée à «’- respecter rigoureusement les tarifs et conditions de vente établis par la société CITYCARE et à – n’accorder aucune remise ou réduction sans l’autorisation expresse de votre direction – à ne rédiger aucun avenant ou lettre ‘ contrat d’abonnement qui vous sont confiés’».

Madame [S] ne conteste pas avoir présenté des arguments pour la signature du contrat avec Madame [N] en contradiction avec les conditions générales dudit contrat mais réplique avoir appliqué les méthodes de son nouveau manager à [Localité 5], Monsieur [X].

Elle communique une attestation du 29 mai 2017 du docteur [E] [O] qui dit avoir découvert suite à la signature du contrat et la venue le 22 décembre 2016 de Madame [S], accompagnée de Monsieur [C], que la durée de location était de 60 mois. Il précise avoir adressé une demande d’annulation du contrat à la société CITYCARE le 28 décembre et échangé le lendemain avec Monsieur [X], qui lui a affirmé’: «’Il n’y a pas de problème vous n’êtes pas engagé pour 5 ans. Mme [S] reviendra vers vous dans 1 an et si vous ne souhaitez pas conserver votre matériel nous basculerons votre contrat sur un de vos confrères de votre secteur’». Monsieur [O] ajoute’: «’J’ai découvert par la suite que ceci était purement et simplement un mensonge’».

Il est relevé que dans le compte-rendu d’entretien préalable qu’elle communique, la salariée affirmait que c’est Monsieur [X] qui avait fait la proposition à Madame [N], ce qui est en contradiction avec la version de l’infirmière libérale, et n’est plus la version soutenue par l’appelante dans le cadre de l’instance.

Au regard de ces éléments, il apparaît que Madame [S] avait parfaitement conscience de tenir un discours en contradiction avec les dispositions du contrat de location puisqu’elle évoque des pratiques différentes dans le cadre de sa nouvelle affectation de celles de la région parisienne. Toutefois, elle met en évidence que cette pratique était connue et validée par son responsable hiérarchique, Monsieur [X].

Ce second grief sera donc écarté.

Sur le dossier de Monsieur [H]’:

Il est fait grief à Madame [S] d’avoir à nouveau utilisé un argument mensonger en vue de la signature d’un contrat de location le 6 janvier 2017 avec un opticien, Monsieur [H] en évoquant cette fois une subvention de l’Etat en cas d’installation du produit dans un lieu recevant du public.

L’employeur produit un courriel du 24 janvier 2017 émanant de Monsieur [H], opticien, qui se plaint de méthodes commerciales abusives s’apparentant à de «’la vente forcée et masquée’» suite à la visite de la commerciale le 6 janvier 2017. Il précise qu’elle lui a présenté un questionnaire pour vérifier s’il était éligible à une subvention d’Etat qui n’avait «’rien d’officielle et de concrète’». Il dit avoir reçu les jours suivants le matériel et découvert alors la durée du contrat de «’60 mois’» et le «’tarif exorbitant’».

Madame [S] ne conteste pas avoir effectué le rendez-vous du 6 janvier 2017 avec Monsieur [H] mais précise avoir uniquement appliqué la méthode commerciale et agressive, élaborée par la S.A.S. CITYCARE.

La salariée verse aux débats les pièces suivantes’:

– un script télémarketing élaboré et adressé par courriel par Monsieur [X] dans lequel il est notamment indiqué’: «’visiteur’: vous êtes bien le seul décisionnaire de votre établissement”

client’: oui

Si oui’: Dans ce cas, il faudrait qu’il soit présent lors de l’entretien parce que je vais engager ma structure pour vous octroyer une aide à l’équipement, j’aurais donc besoin d’un positionnement positif ou négatif à la fin de l’entretien’»’;

– un courriel non daté émanant de Madame [G] dans lequel elle transmet «’le nouveau storyboard et le dossier d’éligibilité’»’;

– le «’storyboard’» qui décrit dans le détail les différentes étapes avec le client potentiel et fait référence à plusieurs reprises au «’dossier d’éligibilité’» qu’il convient de présenter au client et compléter avec lui.

Il résulte de ces éléments que si la pratique commerciale de la salariée est en effet critiquable, celle-ci appliquait visiblement les méthodes de vente préconisées par la société. Ce grief sera également écarté.

Sur la déclaration de faux frais professionnels’:

Enfin, l’employeur reproche à Madame [S] d’avoir sollicité via une note de frais au titre du mois de décembre 2016 le remboursement de frais déconnectés avec son activité professionnelle.

Il produit une note de frais au nom de la salariée concernant des frais de restauration manifestement sans lien avec l’activité professionnelle eu égard aux justificatifs joints concernant notamment des repas pris dans des restaurants des départements du Morbihan, du Nord, de Seine-et-Marne, du Pas-de-Calais, comprenant parfois des menus enfants.

Madame [S] répond qu’elle avait sollicité la prise en charge de frais supplémentaires et que son employeur avait accepté par courriel du 2 janvier 2017.

Après vérifications, le président de la société avait en effet accepté d’augmenter la prise en charges des frais de la salariée, fixée à 500,00 euros, à 300,00 euros supplémentaires à compter du 1er décembre 2016 pour les frais de péage et sur justificatifs. Dans le compte-rendu d’entretien qu’elle produit, la salariée explique qu’elle n’avait pas conservé les notes pour les péages et avoir demandé à des collègues de lui fournir des reçus.

Ce grief consistant dans l’établissement de déclarations mensongères en vue d’obtenir des remboursements de frais professionnels est caractérisé et constitue à lui seul une faute justifiant la rupture du contrat de travail.

Au regard de ce qui précède, par voie d’infirmation du jugement déféré, il y a lieu de dire par conséquent que 2la faute de la salariée est établie et constituait une cause réelle et sérieuse de licenciement mais que celle-ci ne rendait pas impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis. Madame [S] est par conséquent déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les indemnités de rupture au titre du licenciement pour cause réelle et sérieuse’:

La salariée demande à la cour de fixer la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 3’796,00 euros.

Les remboursements de frais n’étant pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence, celui-ci sera fixé à la somme de 3’290,32 euros.

Par voie d’infirmation du jugement déféré, la société CITYCARE sera donc condamnée au paiement des sommes suivantes :

– 3’290,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 329,03 euros au titre des congés payés afférents,

– 1’316,13 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Par ailleurs, la société CITYCARE est redevable des salaires dont la salariée a été privée durant la période de mise à pied conservatoire ainsi que des congés payés afférents.

Madame [S] sollicite à ce titre la somme de 1’898,00 euros, outre 189,00 euros au titre des congés payés afférents.

Après vérification, l’employeur a déduit dans le bulletin de février 2017 la somme de 886,13 euros au titre de la mise à pied.

Il sera par conséquent fait droit à la somme de 886,13 euros au titre de la mise à pied, outre 88,61 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement déféré est également infirmé sur ce point.

Sur la demande de paiement d’une prime de voyage’:

Madame [S] forme une demande de rappel de prime de voyage à hauteur de 1’200,00 euros brut sans toutefois préciser le fondement de sa demande ni produire aucune pièce à l’appui de celle-ci.

Il y a lieu de constater que ni le contrat de travail du 16 avril 2015 de la salariée ni l’avenant du même jour précisant le mode de calcul de la rémunération variable ne mentionnent l’existence d’une prime de voyage.

Au vu de ces éléments, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté Madame [S] de sa demande de rappel de prime de voyage.

Sur les demandes accessoires :

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les créances salariales,3 et à défaut de demande initiale, à compter de la date à laquelle ces sommes ont été réclamées.

En l’absence d’accusé de réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, le cours des intérêts court à compter de l’audience du bureau de conciliation et d’orientation du 8 juin 2017 à laquelle la société CITYCARE était représentée.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil, par infirmation du jugement.

Le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné Madame [S] aux dépens de première instance et infirmé s’agissant de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [S], succombant partiellement, est condamnée aux dépens d’appel.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes des parties présentées à ce titre seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame [Z] [S] de sa demande de rappel de prime de voyage et l’a condamnée aux dépens,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Madame [Z] [S] est fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non pas sur une faute grave,

DEBOUTE Madame [Z] [S] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la société CITYCARE à payer à Madame [Z] [S] les sommes de :

avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2017 date de l’audience devant le bureau de conciliation valant mise en demeure,

– 3’290,32 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 329,03 euros au titre des congés payés afférents,

– 1’316,13 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 886,13 euros de rappel de salaire pour mise à pied injustifiée, outre 88,61 euros au titre des congés pays afférents,

DIT qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus,

CONDAMNE Madame [Z] [S] aux dépens d’appel,

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société CITYCARE Madame [Z] [S] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président

 


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