Prospection Téléphonique : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/03876

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Prospection Téléphonique : décision du 24 juin 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 20/03876

24/06/2022

ARRÊT N° 2022/371

N° RG 20/03876 – N° Portalis DBVI-V-B7E-N4TZ

SB/KS

Décision déférée du 25 Novembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/00117)

M MISPOULET

SECTION ACTIVITES DIVERSES

[R] [X]

C/

S.A.R.L. DEVELOPPEMENT DURABLE

CONFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

Madame [R] [X]

162 AVENUE DE LARDENNE

31100 TOULOUSE

Représentée par Me Caroline LITT, avocat au barreau de TOULOUSE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 31555.2020.026898 du 11/01/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de TOULOUSE)

INTIMÉE

S.A.R.L. DEVELOPPEMENT DURABLE

45, chemin de Melic

31450 CORRONSAC

Représentée par Me Philippe ISOUX de la SELARL CABINET PH. ISOUX, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUME, Présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUME, présidente

M. DARIES, conseillère

N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUME, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre.

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [R] [X] a collaboré avec la SARL Développement Durable à compter d’octobre 2013 sous le statut d’auto-entrepreneur.

Un contrat de travail à durée déterminée, régi par la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs-conseils, sociétés de conseils (Syntec-Cicf), a été signé entre les deux parties sur la période allant

du 18 janvier 2016 au 26 février 2016.

Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 23 janvier 2018 pour solliciter la requalification de la relation avec la SARL Développement Durable, en contrat de travail à durée indéterminée, demander la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de la société, et obtenir le versement de diverses sommes.

Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section Activités Diverses, par jugement du 25 novembre 2020, a :

-dit qu’il n’existe pas de relation de travail salariée entre les deux parties,

-rejeté l’ensemble des demandes de Madame [R] [X],

-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,

-laissé les dépens éventuels à la charge de Madame [R] [X].

***

Par déclaration du 29 décembre 2020, Mme [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 14 décembre 2020, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 23 mars 2021, Mme [R] [X] demande à la cour de :

-infirmer le jugement dont appel,

-requalifier la relationde travail entre la société et Mme [X] en contrat de travail à durée indéterminée,

-fixer la moyenne de la rémunération brute à 3 000 euros,

-en conséquence :

*condamner la société à établir des feuilles de paye sur la base de la rémunération nette versée à Mme [X] de janvier 2015 à la date de résiliation judiciaire du contrat et régulariser l’ensemble des charges sociales,

*condamner la société à payer à Mme [X] l’ensemble des congés payés sur la période afférente,

*condamner la société à payer à Mme [X] la somme de 18 000 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulée,

*prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur,

*condamner la sociét à payer à Mme [X] :

la somme de 6 000 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

la somme de 600 euros au titre des congés payés sur préavis,

la somme de 3 187,50 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

la somme de 15 000 euros autitre de l’indemnité de licenciement abusif,

*condamner la société à payer à Mme [X] la somme de6 000 euros au titre de l’article 700 al 1 ducode de procédure civile,

*statuer ce que de droit sur les dépens.

***

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique

le 21 juin 2021, la SARL Développement Durable demande à la cour de :

-confirmer le jugement dont appel,

-constater, en conséquence, l’absence de lien de subordination juridique permanent et, dès lors, l’absence de relation de travail salariée entre les parties à la présente instance,

-se déclarer, en conséquence, incompétente au profit du tribunal de commerce de Toulouse,

-rejeter, en toute hypothèse, l’ensemble des demandes, fins et prétentions formulées par Mme [X],

-et y ajoutant :

*condamner Mme [X] à payer à la société la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

*condamner Mme [X] aux dépens d’appel.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 1er avril 2022.

Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties ni de la qualification donnée à la prestation effectuée mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur.

Est considéré comme travailleur salarié celui qui accomplit une prestation de travail pour un employeur, contre le versement d’une rémunération, dans un lien de subordination juridique permanent défini comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il existe, en vertu de l’article L 8221-6 du code du travail, une présomption simple de travail indépendant et d’absence de contrat de travail d’une personne immatriculée au registre du commerce en qualité de travailleur indépendant.

Cette présomption peut être levée lorsque cette personne fournit directement ou par personne interposée des prestations à un donneur d’ouvrage dans les conditions qui la placent dans un lien de subordination comparable à celui existant entre le salarié et son employeur.

Il appartient donc à Mme [X] qui est inscrite en qualité d’autoentrepreneur avec attribution d’un numéro SIRET depuis janvier 2005 de rapporter cette preuve.

Elle expose que son travail consistait à concevoir, gérer et animer des sites internet, valoriser et commercialiser les produits de la SARL Développement Durable, à assurer la prospection téléphonique et le suivi des ventes, le tout sous les directives et l’autorité du chef d’entreprise. Elle indique qu’elle effectuait des tâches en télétravail à son domicile, en utilisant le logiciel de la société DOLIBAR, selon les instructions de l’employeur et sous le contrôle de celui-ci. Elle précise qu’elle était payée 3000 euros et établissait les factures a postériori , qu’elle a poursuivi les mêmes activités que celles d’auto-entrepreneur dans le cadre du contrat à durée déterminée conclu

du 18 janvier au 26 février 2016. Elle argue d’une absence d’indépendance économique, faisant valoir que la SARL est son unique client qui représente100% de son chiffre d’affaires, et qu’elle réalise toutes les ventes de la SARL.

Elle fait valoir que l’employeur a rompu les relations contractuelles par la suppression de l’accès au site internet.

L’employeur objecte quant à lui, que Mme [X] en qualité de travailleur indépendant a créé un site internet bac-graisse.com qui lui appartient et à l’aide duquel elle a commercialisé les produits de la société Développement durable par le développement des contacts avec les prospects et les prises de commandes. Il précise qu’elle a toujours conservé la totale maitrise sur ce site qu’elle continue de développer pour sa propre activité. Ce n’est que parce que le revenu tiré de cette activité par Mme [X] se rapprochait du plafond applicable au statut d’auto-entrepreneur (32 400 eurosHT) que les conditions de la relation ont été rediscutées par les parties fin 2016 sans parvenir à un accord.

Il soutient que le contrat à durée déterminée conclu du 18 janvier au 26 février 2016 , qui correspondait à une mission de recherche et développement, est sans incidence sur la relation commerciale qui s’est poursuivie , y compris pendant la durée de ce contrat de travail, par l’émission de factures à destination de la société.

Elle expose que Mme [X] disposait d’une indépendance totale dans son travail exclusive de tout lien de subordination.

Sur ce

Il résulte l’analyse des pièces produites aux débats que Mme [X] est travailleur indépendant depuis janvier 2003, et qu’elle était soumise au régime fiscal des autoentrepreneurs lors de l’établissement de ses relations avec la SARL Développement Durable en janvier 2013. Ce n’est qu’après alerte de l’expert comptable de la SARL en septembre 2016 sur un risque de dépassement par Mme [X] du niveau limite de chiffre d’affaires relevant du statut d’auto-entrepreneur, que les parties ont entrepris des discussions en vue de modifier leurs relations contractuelles. Leurs échanges fournis par courriers électroniques entre janvier 2017 et janvier 2018 attestent de leurs divergences et de l’impossibilité de parvenir à la conclusion d’un contrat.

Il est établi par Mme [X] qu’elle réalisait la totalité de son chiffre d’affaires avec la SARL Développement durable, ce dont il résultait une dépendance économique certaine.

Il importe de déterminer, au-delà de cette dépendance, si l’intéressée se trouvait dans une situation de subordination permanente à l’égard de la SARL.

Il est relevé par la cour au vu des factures produites que l’ensemble des prestations fournies par Mme [X] à la société Développement Durable donnait lieu à facturation, sans qu’il soit démontré par un quelconque élément de preuve que les factures aient été établies a postériori ainsi que le soutient l’appelante. De surcroit la périodicité et le montant des factures émises par Mme [X] variait d’un mois sur l’autre, oscillant entre 1 700 euros et 4 100 euros sur la période d’octobre 2013 à décembre 2017 , ce qui prive de pertinence l’affirmation de celle-ci selon laquelle son revenu mensuel se serait élevé mensuellement à 3000 euros, avec la constance d’un salaire.

Il est par ailleurs constant que Mme [X] travaillait à son domicile avec une totale indépendance dans l’organisation de son travail, aucun contrôle n’ayant été assuré par la SARL sur ses horaires de travail et sur son organisation, constat qui est incompatible avec le télétravail qui implique le maintien d’un contrôle de l’employeur sur l’activité et le temps de travail du salarié travaillant à son domicile.

Les divers échanges par courriels de quelques lignes produits par l’appelante relèvent d’une nécessaire communication entre le représentant de la SARL et Mme [X] qui ne travaillent pas sur un même lieu afin de faciliter l’intervention coordonnée de chacun, notamment sur les procédures d’établissement des devis, commandes et paiements sur le site internet. Ils ne comportent aucune directive ni demande tendant à un contrôle du travail fourni Mme [X]. Sur ce point, la consigne donnée à Mme [X] par la SARL de ne pas utiliser le site internet pendant une mise à jour informatique est dictée par les nécessités de l’outil informatique mais ne peut s’analyser en instruction. Il n’est pas davantage justifié de sanctions susceptibles d’être prononcée par la SARL.

Les motifs qui ont présidé à la signature d’un contrat à durée déterminée par les parties sur une courte période du 18 janvier au 26 février 2016 ne sont pas clairement explicités. Il demeure qu’à l’issue de ce contrat les parties ont repris immédiatement leurs modalités de travail antérieures jusqu’en décembre 2017 sans revendication particulière d’une prolongation de la relation de travail salariée par Mme [X]. Aucune conséquence ne saurait donc être tirée de ce contrat sur la qualification des relations contractuelles depuis mars 2016.

Les éléments développés ne démontrent pas l’existence d’un lien de subordination et donc d’une relation contractuelle salariée entre les parties.

Le jugement entrepris sera confirmé ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande de requalification de la relation contractuelle avec la SARL Développement Durable en contrat de travail et des demandes financières afférentes.

Sur les demandes annexes

Mme [X], partie perdante, supportera les entiers dépens d’appel.

Aucune circonstance d’équité ne justifie de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.

Le jugement déféré est confirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions

Condamne Mme [X] aux entiers dépens d’appel

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile

Le présent arrêt a été signé par S.BLUMÉ, présidente et par C.DELVER, greffière.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

C.DELVER S.BLUMÉ

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