Prospection Téléphonique : décision du 23 septembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01594

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Prospection Téléphonique : décision du 23 septembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/01594

VB/KG

MINUTE N° 22/640

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

– avocats

– délégués syndicaux

– parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 23 Septembre 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01594

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRHB

Décision déférée à la Cour : 16 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

S.A.S. COMPASS GROUP FRANCE

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 632 04 1 0 42

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour

INTIME :

Monsieur [X] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

M. [X] [M] été embauché par la société Compass group France selon un contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 février 2006 à effet à compter du 1er mars 2006 en qualité de responsable développement, statut cadre, niveau 5B de la convention collective des entreprises de restauration de collectivités moyennant une rémunération annuelle brute de 39 000 € complétée par une part variable déterminée annuellement.

Par avenant du 25 juin 2010 M. [M] a été promu directeur des ventes avec effet au 1er octobre 2010, sa rémunération annuelle brute étant portée à 52 000 €, avenant par ailleurs assorti d’une clause de non-concurrence et par un nouvel avenant du 16 septembre 2016 il a été promu directeur des ventes multi-segments, statut cadre autonome, niveau 9 de la convention collective à effet au 1er octobre 2016, sa rémunération annuelle brute étant portée à 62 400 €.

M. [M] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement par courrier en date du 18 mai 2018, cette convocation étant assortie d’une dispense d’activité rémunérée.

Par courrier recommandée avec accusé réception en date du 19 juin 2018, M. [M] a été licencié pour insuffisance de résultats.

Par demande introductive d’instance enregistrée au greffe le 7 décembre 2018, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Strasbourg d’une demande tendant à voir déclaré son licenciement sans cause réelle et sérieuse et de demandes de dommages et intérêts. Il a par ailleurs formé avant dire droit une demande tendant à ce qu’il soit enjoint à la société Compass group France d’indiquer et de justifier le montant de la prime Métropole de [Localité 3] et de la prime d’atteinte/dépassement d’objectif due.

Par jugement en date du 16 février 2021, le conseil de prud’hommes a :

– rejeté la demande avant-dire droit du demandeur,

– dit et jugé le licenciement du demandeur dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamné de ce chef la défenderesse a lui payer un montant de 40 000 € à titre de dommages et intérêts,

– condamné la défenderesse à payer au demandeur un montant de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,

– condamné la défenderesse aux entiers frais et dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement.

La société Compass group France a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 15 mars 2021.

Dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 5 novembre 2021, la société Compass group France demande à la cour de :

– déclarer son appel recevable et bien fondé, d’y faire droit,

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit et jugé le licenciement de M. [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’a condamnée de ce chef à payer à M. [M] un montant de 40 000 € à titre de dommages et intérêts et un montant de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers frais et dépens, y compris les éventuels frais d’exécution du jugement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande avant dire droit et de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral,

en conséquence, statuant à nouveau,

– juger bien-fondé le licenciement de M. [M],

– juger qu’elle n’a pas manqué à son obligation d’exécuter loyalement le contrat de travail de M. [M],

sur l’appel incident,

– débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [M] de sa demande de dommages et intérêts au titre du prétendu préjudice distinct,

– débouter M. [M] de l’ensemble de ses demandes,

en tout état de cause,

– condamner M. [M] à lui payer la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [M] aux entiers dépens des deux instances.

M. [M] s’est constitué intimé devant la cour le 26 avril 2021 et dans ses conclusions transmises au greffe par voie électronique le 6 août 2021, demande à la cour de :

– direl’appel de la société Compass group France mal fondé, le rejeter,

– débouter dès lors la société Compass group France de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions,

– confirmer, en conséquence, le cas échéant par substitution de motifs, le jugement entrepris sous réserve des fins de son appel incident, en ce qu’il a été ditet jugé son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce que la société Compass group France a été condamnée à lui payer un montant de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes conclusions contraires de la société Compass group France comme non fondées,

– dire bien fondé son appel incident,

Y faisant droit,

– condamnerla société Compassgroup France à lui payer la somme de 53 750,40 € à titre de dommages-intérêts au titre du préjudice subi du fait du caractère abusif de son licenciement,

– condamner la société Compassgroup France à lui payer la somme de 5 000 € en réparation de son préjudice moral,

– condamner la société Compass group France à lui payer la somme de 15 000 € au titre de la prime « Métropole de [Localité 3] »,

– condamner la société Compass group France à lui payer la somme de 15 000 € au titre de la prime annuelle de l’année 2018 consécutive d’atteinte/dépassement d’objectif,

– débouter lasociété Compass group France de toutes conclusions contraires,

en tout état de cause,

– condamnerla société Compass group France aux entiers frais et dépens d’appel ainsi qu’à lui payer la somme de 6 000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.

Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 mars 2022.

MOTIFS

Sur le licenciement pour insuffisance de résultats :

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec accusé de réception, qui doit comporter l’énoncé du, ou des motifs de licenciement.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, et il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les deux parties.

En l’espèce, M. [M] a été licencié par lettre du 19 juin 2018 pour insuffisance professionnelle.

Il est constant que l’appréciation de l’insuffisance professionnelle relève du pouvoir de direction de l’employeur, qui doit cependant produire des éléments objectifs la caractérisant.

En outre l’insuffisance professionnelle ne peut constituer un motif de licenciement que si elle repose sur des faits concrets, précis, objectifs et matériellement vérifiables.

Par ailleurs, l’insuffisance de résultats ne peut pas constituer en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais peut le devenir si le caractère réaliste des objectifs est démontré et si la non-réalisation de ces derniers est imputable au salarié. Il appartient donc au juge de rechercher d’une part, si les objectifs assignés étaient réalistes, d’autre part, si les mauvais résultats du salarié procèdent soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute imputable au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement, notifiée à M. [M] le 19 juin 2018, est libellée comme suit :

« Ainsi que nous vous l’avons exposé lors de l’entretien, nous vous avons convoqué suite à votre insuffisance de résultats dans le cadre de vos fonctions de directeur des ventes.

Cette insuffisance de résultats se manifeste par la non-atteinte de vos résultats sur l’exercice 2016/2017, puisque votre objectif réalisé a été de seulement 36 %.

Concernant l’exercice 2017/2018, et conformément au souhait de l’entreprise de caler stratégiquement les régions géographiques de forces de ventes au périmètre opérationnel, il a été décidé de vous confier pleinement la responsabilité du développement commercial de la région Est. Le but de cette démarche était de vous permettre d’opérer vos fonctions avec un lien de proximité fort, et un pilotage géographique restreint.

Cette décision faisait également suite à l’absence de résultats commerciaux probants vous concernant ‘ 36 % seulement réalisés sur l’exercice précédent. La réduction du périmètre devait également vous permettre, alliant proximité et connaissance du territoire, d’obtenir plus facilement la concrétisation de vos résultats.

En cohérence, votre objectif commercial global pour l’exercice a été adapté, et donc réduit, vous confiant par comparaison avec les autres directeurs des ventes, le plus petit volume d’affaires à signer. Par ailleurs, à la différence d’autres périmètres géographiques, votre équipe a été maintenue stable, sans changement dans sa composition, afin de permettre à des expertises confirmées de travailler avec succès.

Or, comme nous vous l’avons exposé au cours de cet entretien, à date ‘ et donc la moitié de l’exercice écoulé ‘ force est de constater que l’atteinte de vos résultats n’est pas satisfaisante.

A date, vous totalisez une réalisation de seulement 20,75 % de votre objectif.

Lors de cet entretien, nous vous avons alerté sur des marqueurs inquiétants au regard de votre performance, qui alertaient votre hiérarchie, et qui auraient également dû vous alerte : un taux de transformation très faible : 13 % de taux de transformation en chiffre d’affaire pour rappel : celui-ci comptabilise le chiffre d’affaire des dossiers remportés par comparaison avec celui des dossiers traités) ‘ là où celui des autres directeurs des ventes se trouve à 26 % à date.

Vous avez précisé pendant l’entretien que cet indicateur ne faisait pas partie de vos objectifs individuels, ce que nous vous avons confirmé, en vous rappelant pourtant que cet indicateur était un outil de suivi pour l’ensemble des équipes commerciales de France. Il était donc pertinent de l’analyser.

Celui-ci recoupe par ailleurs le taux de transformation en nombre de dossiers (pour rappel : le nombre de dossiers remportés par comparaison au nombre de dossiers traités), qui se trouve également anormalement bas.

Lors de cet entretien, nous vous avons indiqué que ces performances globalement anormales étaient d’autant plus décevantes au regard de votre niveau de séniorité dans l’entreprise, et à votre poste. La maîtrise des outils et des processus de développement commercial utilisés dans l’entreprise vous est acquise. Nous vous avons donc interrogé sur les raisons pour lesquelles vous ne sembliez pas vous alerter sur ces différentes difficultés.

Vous n’avez pas souhaité répondre.

Nous sommes revenus sur un entretien managérial survenu avec votre directeur commercial, [V] [J], et la signataire de la présente, le 3 avril 2018, pendant lequel vous avez été alerté sur les inquiétudes de hiérarchie concernant votre niveau d’engagement et votre implication dans la réussite de vos objectifs.

Lors de cet entretien, il a été précisément spécifié que votre maîtrise du poste n’était pas en cause, mais uniquement votre dynamisme et votre implication : cela se traduisant notamment par une démarche de prospection faible au niveau de votre région.

Lors de cet entretien, qui avait pour but de vous faire prendre conscience de l’inquiétude de votre responsable au sujet de votre capacité à atteindre vos résultats, il vous a été demandé à plusieurs reprises si vous vous sentiez confiant et serein dans l’exercice de vos fonctions. Vous n’avez pas souhaité répondre. Il vous a été précisé que ces questions avaient pour objectif de s’assurer que vous disposiez des moyens mais aussi de la sérénité nécessaire au bon exercice de votre métier. Vous n’avez pas non plus souhaité répondre ou vous exprimer.

Au mois de mai 2018, force a été de constater qu’aucune amélioration n’était à noter.

Nous sommes particulièrement surpris de ces insuffisances, notamment compte tenu du parcours professionnel confirmé qui est le vôtre.

Il est donc exclu d’imaginer que l’absence de maitrise de nos outils internes ou de tentative de vous accompagner dans la maitrise de votre poste était imputable à l’entreprise. Celle-ci a tout mis en ‘uvre pour vous permettre de maitriser vos outils et votre périmètre d’intervention.

L’absence de réponse ou d’observation de votre part à l’ensemble des questions qui vous ont été posées lors des entretiens d’avril et de mai 2018 introduisent une réelle rupture de confiance au regard de votre statut de cadre de l’entreprise.

Votre insuffisance de résultats sur une région dont le développement est stratégique et conditionne la pérennité des emplois et des activités opérationnelles de notre entreprise constitue une problématique majeure.

Compte tenu des éléments qui précèdent, et pour le bon fonctionnement de l’entreprise, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse ».

Ainsi, la société Compass group France reproche à M. [M] :

– la non atteinte des résultats sur l’exercice 2016/2017, l’objectif n’étant réalisé qu’à 36 %,

– une atteinte des résultats non satisfaisante : la réalisation de seulement 20,75 % de l’objectif à la moitié de l’exercice 2017/2018 malgré un changement de zone géographique, un petit volume d’affaires à signer et une équipe stable.

En l’espèce, M. [M] ne conteste pas le caractère réalisable des objectifs contractuels ; il explique la non réalisation de l’objectif 2016/2017 par le contexte économique, la restructuration/resegmentation de l’entreprise et la réorganisation de son équipe et fait valoir que la société Compass group France a agi de manière déloyale en ne respectant pas le caractère annuel des objectifs et en tout état de cause avoir atteint son objectif au titre de l’exercice 2017/2018 en tenant compte du marché public « Métropole de [Localité 3] » traité par son équipe en 2017 et signé en 2018.

– Sur les objectifs 2016/2017 :

Dans la lettre de licenciement de M. [M], la société Compass group France fait état d’une insuffisance de résultats sur l’exercice 2016/2017, se référant à un objectif réalisé à hauteur de 36 %.

La cour constate en premier lieu que la société Compass group France ne communique aucun élément objectif relatif aux résultats réalisés par M. [M] sur la période considérée, soit du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 conformément à la « note d’objectif de chiffre d’affaires et booster qualitatif applicables au 1er octobre 2016 » signée par M. [M].

Or, le tableau intitulé « résultats des directeurs des ventes dont les mentions confidentielles ont été occultées » produit par la société Compass group France (pièce n°5) dont la date d’établissement est inconnue indique un objectif atteint à hauteur de 31,43 % et le compte rendu d’entretien annuel pour la période 2017/2018 d’un objectif atteint à hauteur de 41 % pour l’exercice 2016/2017.

Au cours de son entretien annuel pour la période 2016/2017, le manager de M. [M] indique « objectif non atteint, notamment dans la région EST et en enseignement ‘ peu de cibles émergentes, contrairement aux années précédentes ». Par ailleurs, en commentaire des difficultés évoquées par M. [M], soit une équipe en construction, peu d’appel d’offres et un positionnement produits locaux / prix en décalage par rapport à la concurrence, le manager écrit « en accord, le repositionnement sur les circuits courts est indispensable, à travailler au niveau des achats ». Enfin, sous la rubrique « les enseignements pour l’avenir », alors que M. [M] écrit, d’une part, qu’une région, la région nord, lui a été retirée après seulement un an, d’autre part, que toutes les cartes ne lui ont pas été données pour réussir et enfin que des affaires traitées sur l’année ont été reportées sur l’année suivante pour 2,8 millions €, le manager mentionne « ok, refonte de l’organisation en cours ».

Ainsi, au regard de ces éléments, il n’est pas démontré que les résultats de M. [M] pour la période 2016/2017 procèdent soit d’une insuffisance professionnelle, soit d’une faute qui lui est imputable, la société Compass group France reconnaissant l’existence de facteurs extérieurs à M. [M] pour expliquer les résultats réalisés inférieurs aux objectifs fixés, notamment une équipe modifiée, un contexte économique peu favorable avec peu d’appel d’offres et un problème de positionnement de la société Compass group France au regard de la concurrence, la cour observant que le tableau « résultats des directeurs des ventes » reprenant les résultats de sept directeurs des ventes, présente seulement deux directeurs ayant réalisé leurs objectifs et cinq, dont M. [M], ne les ayant pas atteints.

Or, la cour constate que M. [M], qui a été embauché en qualité de responsable développement le 1er mars 2006 par la société Compass group France, a évolué au sein de la société, le poste de directeur des ventes lui étant confié à compter du 1er octobre 2010, puis directeur des ventes multi-segments pour la région nord et est à compter du 1er octobre 2016 et n’a fait l’objet d’aucune remarque ou critique jusqu’à la réunion du 3 avril 2018 au cours de laquelle son dynamisme et son implication ont été remis en cause, réunion qui précède la convocation à l’entretien préalable au licenciement de M. [M] du 18 mai 2018 de seulement un mois et demi.

En outre, la cour relève que le compte rendu d’entretien annuel de M. [M] pour la période 2015/2016 mentionne un objectif réalisé à hauteur de 146 % en 2015, le manager qualifiant l’année de très bonne et déclarant que M. [M] avait réussi à créer une bonne dynamique région en lien avec les opérationnels.

Si M. [M] fait état d’objectifs réalisés à 145 % en 2016, sans produire d’éléments justificatifs, notamment le compte rendu d’entretien annuel 2016/2017, la cour souligne que la société Compass group France ne conteste pas ce taux et ne produit aucun élément contraire pour la période concernée.

Enfin, les appréciations portées sur les différentes rubriques « valeurs et compétences clés » dans le compte rendu d’entretien 2017/2018 sont toutes positives (notation 3 ou 4 sur une échelle du moins bon au meilleur de 1 à 4).

– Sur les objectifs 2017/2018 :

Selon la note d’objectifs 2017/2018 signée par M. [M], les objectifs de celui-ci étaient fixés à 3,2 millions € pour la période du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2018.

M. [M] a été licencié selon un courrier en date du 19 juin 2018.

Or, il est constant que l’employeur doit respecter la période d’évaluation des résultats fixés au salarié, en l’espèce jusqu’au 30 septembre 2018.

Ainsi, la société Compass group France ne pouvait licencier M. [M] pour insuffisance de résultats alors qu’une période de trois mois et demi restait à courir.

Au surplus, la société Compass group France se réfère dans la lettre de licenciement à un entretien qui s’est déroulé le 3 avril 2018 avec le directeur commercial au cours duquel il a été précisé à M. [M] que sa maîtrise du poste n’était pas en cause, mais uniquement sa dynamique et son implication, ce qui aurait eu pour conséquence notamment une démarche de prospection faible au niveau de son secteur.

Or, la société Compass group France ne justifie pas de carences dans l’exercice de ses missions par M. [M] qui auraient généré le manque de résultat allégué.

L’attestation de Mme [S] [P], responsable des ressources humaines, selon laquelle M. [D] [E], responsable développement dans la région grand-est, était freiné dans certaines démarches de développement par M. [M], est insuffisante pour justifier une insuffisance de la part de celui-ci, notamment dans le management de M. [E], faute de caractériser en quoi, concrètement, M. [M] bridait son responsable développement et l’empêchait notamment de faire de la prospection téléphonique, la cour relevant, d’une part, que l’appréciation portée sur le compte rendu d’entretien de M. [M] 2017/2018 est « bonne maîtrise, à développer » sous la rubrique « leadership managérial », M. [M] faisant état pour cette période d’une nouvelle dynamique d’équipe à peine naissante arrêtée à la suite d’une nouvelle segmentation voulue par la société, soit une évaluation en 2017/2018 en amélioration au regard du compte rendu 2015/2016 et, d’autre part qu’aucune attestation de M. [E] sur le management de M. [M] n’est produite aux débats.

De même, la perte de confiance à la suite de l’entretien de M. [M] avec M. [J] le 3 avril 2018 invoquée par la société Compass group France n’est pas caractérisée, M. [J] n’évoquant pas les suites de cet entretien dans son attestation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de M. [M] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

Sur le montant des dommages et intérêts :

Selon les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, en cas de refus de la réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux qui sont fixés par un tableau, en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés employés habituellement dans cette entreprise.

Pour une ancienneté de douze ans, l’article L. 1235-3 du code du travail prévoit une indemnité comprise entre trois et onze mois de salaire brut, pour les entreprises ayant un effectif de plus de onze salariés, ce qui est le cas en l’espèce.

M. [M], formant un appel incident, demande une indemnisation d’un montant de 53 750,40 €.

M. [M], âgé de 45 ans au jours de la rupture de son contrat de travail, déclare, sans contestation sur ce point de la société Compass group France, qu’il percevait à la date du licenciement un salaire moyen de 4 886,40 € bruts. Si M. [M] ne justifie pas de sa situation postérieurement au licenciement, force est de constater que son profil linkedin, produit par la société Compass group France, mentionne qu’il travaille en qualité de directeur régional des ventes depuis le mois d’octobre 2018.

Au vu de ces éléments, il sera alloué à M. [M] la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu’il a été alloué à M. [M] la somme de 40 000 € à titre de dommages et intérêts et, ajoutant au jugement, il sera dit que cette indemnité est exprimée en brut.

Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail :

M. [M] sollicite la condamnation de la société Compass group France à lui payer la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi pour non-exécution de bonne foi de son contrat de travail.

En application des dispositions de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi. La bonne foi contractuelle étant présumée, il appartient au salarié qui se prévaut d’une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur, de démontrer que ce dernier a pris des décisions pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise ou que ces décisions ont été mis en ‘uvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

M. [M] ne démontre pas l’existence d’un préjudice en lien avec une faute de la société Compass group France dans l’exécution du contrat de travail indépendamment du préjudice indemnisé au titre de l’article L. 1235-3 du code du travail.

M. [M] sera en conséquence débouté de sa demande et le jugement sera confirmé en ce qu’il a été débouté du surplus de ses demandes.

Sur la prime « Métropole de [Localité 3] » et sur la prime annuelle 2018 :

M. [M] demande le paiement de deux primes d’un montant de 15 000 € chacune, l’une relative au contrat dénommé « Métropole de [Localité 3] » et l’autre au titre de résultats de l’année 2018.

M. [M] ne rapporte pas la preuve qu’il avait en charge le contrat « Métropole de [Localité 3] », la production de deux courriels, l’un du 15 septembre 2017 relatif à la saisie de données d’une société de restauration, Shcb, et l’autre du 21 septembre 2017 transmettant « la BH de demain sur les scolaires de la Métropole lyonnaise », sans autres éléments clairs et objectifs, étant insuffisants à ce titre ni ne justifie le montant de ce marché.

Il ne fonde en outre pas la prime demandée au titre de l’année 2018 alors que le licenciement est antérieur à la fin de la période d’objectifs fixée.

Au surplus, pour les deux primes dont il demande le paiement, M. [M] n’en explicite pas le mode de calcul, la cour soulignant qu’il fait état de primes qui « seraient chacune de l’ordre de 15 000 € ».

Il sera en conséquence débouté de sa demande de paiement de primes. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a été débouté du surplus de ses demandes.

Sur les demandes annexes :

Aux termes de l’article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3 et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes interéssés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé ;

Le remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l’exspèce ;

Il conviendra en conséquence d’ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de six mois ;

La société Compass group France, qui succombe, a été condamnée à bon droit aux dépens de première instance et sera condamnée aux dépens d’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

L’équité commande de mettre à la charge de la société Compass group France une indemnité de procédure pour frais irrépétibles de 2 000 € au profit de M. [M] et de confirmer les dispositions du jugement déféré qui lui a alloué 1 500 € de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Strasbourg du 16 février 2021 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Dit que le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est exprimé en brut,

Ordonne le remboursement par la société Compass group France à Pôle Emploi Grand Est les indemnités de chômage versées le cas échéantà M. [X] [M] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail ;

Condamne la Sas Compass group France aux dépens d’appel,

Condamne la Sas Compass group France à payer à M. [X] [M] la somme de 2 000 € (deux mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande formée par la Sas Compass group France au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 23 septembre 2022, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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