Prospection Téléphonique : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03806

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Prospection Téléphonique : décision du 21 mars 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/03806

EP /KG

MINUTE N° 23/311

Copie exécutoire

aux avocats

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 21 MARS 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03806

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVC7

Décision déférée à la Cour : 25 Juin 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM

APPELANTE :

Madame [L] [O]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Corinne ZIMMERMANN, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

SARL AS FORMATION

prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 413 03 6 4 36

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Bernard ALEXANDRE, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [L] [O] a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée du 9 février 1998 par la société As Formation, en qualité de formateur en bureautique et gestion, avec un temps de travail de 40 heures par semaine.

Par avenant au contrat conclu le 29 juin 2012, Madame [O] est devenue coordinatrice développement, avec un temps de travail de 21 heures par semaine.

Par avenant du 30 juin 2018, elle a été promue responsable commerciale, cadre, niveau F, coefficient 310 de la convention collective nationale des organismes de formation, à compter du 1er juillet 2018, avec une durée de travail de 35 heures par semaine.

L’avenant du 30 juin 2018 a été mis en place à la suite du rachat des parts de la société As Formation, les anciens associés, dont Madame [O] faisait partie avec Monsieur [G] (associé majoritaire), Madame [E], et Monsieur [F], ayant revendu leurs parts aux époux [Y].

Par lettre remise en mains propres, le 10 octobre 2018, la Sarl As Formation a convoqué Madame [L] [O] à un entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 octobre 2018, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.

Par requête du 9 mai 2019, Madame [L] [O] a saisi le Conseil de prud’hommes de Strasbourg, section encadrement, d’une demande de contestation de son licenciement et aux fins d’indemnisations.

Par jugement du 11 juillet 2019, ledit Conseil a renvoyé les débats et les parties devant le Conseil de prud’hommes, section encadrement, de Schiltigheim, au visa de l’article 47 du code de procédure civile, Madame [R] [P], conseillère prud’homale, qui n’était pas dans la formation de jugement, étant directrice des ressources humaines de la société As Formation.

Par jugement du 25 juin 2021, le Conseil de prud’hommes de Schiltigheim, section encadrement, a dit et jugé que le licenciement reposait sur une faute grave et débouté Madame [O] de l’ensemble de ses demandes en disant que chaque partie fera l’affaire de ses frais.

Par déclaration du 5 août 2021, Madame [L] [O] a interjeté appel du jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Par écritures transmises par voie électronique le 26 octobre 2022, Madame [L] [O] sollicite l’infirmation du jugement entrepris, et que la Cour statuant, à nouveau, :

– dise et juge que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse a fortiori de faute grave.

En conséquence,

– condamne la société As Formation au paiement des montants suivants :

* 46 500 euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, augmentés des intérêts légaux à compter de la décision à intervenir,

* 18 415,75 euros, à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement augmentés des intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation par le greffe,

* 9 000 euros bruts, à titre d’indemnité compensatrice de préavis, augmentés des intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation par le greffe

* 900 euros bruts, à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, augmentés des intérêts légaux à compter de la réception par 1’employeur de la convocation par le greffe,

* 1 428,79 euros bruts, à titre de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, augmentés des intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation par le greffe

* 142,88 euros bruts, à titre de congés payés sur salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, augmentés des intérêts légaux à compter de la réception par l’employeur de la convocation par le greffe,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les dépens y compris l’intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d’huissier et en particulier tous les droits de recouvrement ou d’encaissement sans exclusion du droit de recouvrement ou d’encaissement à la charge du créancier.

Par écritures transmises par voie électronique le 25 janvier 2022, la Sarl As Formation sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de Madame [O] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens d’appel.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions pour plus amples exposé des prétentions et moyens de cette partie.

Une ordonnance de clôture de l’instruction a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS

I. Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La charge de l’administration de la preuve de la faute grave repose sur l’employeur (dans le même sens, notamment, Cass. soc 20 mars 2019, n° 17-22.068).

En l’espèce, il est reproché à la salariée, dans la lettre de licenciement qui fixe les débats :

– non exécution du travail de prospection téléphonique, notamment pour la période du 20 août 2018 au 13 octobre 2018, et d’entretiens ou tâches, malgré mentions sur l’agenda,

– planification de formations avec réservation de salles, malgré absence de confirmation des commandes clients,

– mensonges à plusieurs reprises à la responsable hiérarchique, Madame [D] [E],

– refus d’informer un stagiaire Monsieur [N], de lui faire bénéficier d’un accompagnement,

– le 9 octobre 2018, avoir tenu un entretien de sortie de formation bâclé avec Monsieur [N],

– des comportements inacceptables et inadaptés en imposant, notamment, à des collègues, des discussions déplacées,

– d’être à l’origine de polémiques et rumeurs visant à nuire à son responsable hiérarchique, et altérant le climat social de l’entreprise.

Il résulte de l’attestation de témoin de :

– Madame [H] [M] que Madame [L] [O] lui tenait des propos plus que déplacés à caractère sexuel, par exemple : ” [H], as-tu un godemichet dans ton sac ‘ Non ‘ Tu devrais, ça fait du bien aux toilettes ” ou ” [B], Tu aimes sucer ‘ “, et que Madame [L] [O] lui posait des questions d’ordre intime et personnel, même lorsqu’on lui demandait d’arrêter.

Madame [M] ajoute que Madame [L] [O] lui a indiqué qu’elle travaillait trop et que pour se détendre, elle ferait mieux de ” se prendre un bon coup de queue “,

– Madame [I] [W], que sur le plan personnel, Madame [L] [O] pouvait poser des questions très gênantes, par exemple : ” et toi, morue, tu jouis comment ‘ Tu t’accroches aux rideaux ‘ “,

– Madame [V] [K] que Madame [L] [O] lui racontait régulièrement sa vie privée, même intime et lui posait régulièrement des questions déplacées ; ‘ ce sont des choses et conversations qui arrivaient quotidiennement tout au long des 12 années de travail ‘.

Madame [K] ajoute qu’elle lui disait clairement qu’elle ne voulait pas parler de ce sujet avec elle et que Madame [L] [O] poursuivait néanmoins et lui posait des questions comme :

” coco, comment tu jouis ‘ coco, comment tu fais caca ‘ combien de fois, tu fais l’amour par semaine ‘ Est-ce que tu simules pendant l’amour ‘ est ce que tu as un vibromasseur ‘ “.

Madame [K] précise qu’au restaurant, en plein repas, Madame [L] [O] l’a regardé et lui a dit : ” j’adore sucer des bites, pas toi ‘ “, que Madame [L] [O] racontait ses ébats avec son petit ami du moment.

Il n’est pas soutenu, à fortiori, établi que, dans cette société, il était courant que les salariés tiennent régulièrement des propos grivois, ou à caractère sexuel.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salarié(e)s.

Commet une faute grave, la salariée, ayant des fonctions d’encadrement, qui impose à des collègues de travail des propos vulgaires à caractère sexuel, et qui importune ces dernières en les interrogeant sur leur vie et pratiques sexuelles alors même qu’elles ont clairement indiqué ne pas vouloir aborder ces sujets.

Si Madame [L] [O] produit, quant à elle, des attestations de témoin de Mesdames [S] [T] et [C] [A] aux termes desquelles elles ont toujours eu avec Madame [L] [O] des échanges cordiaux et respectueux, ces attestations ne permettent pas d’écarter la matérialité faits commis à l’égard de Mesdames [M], [W] et [K].

De même, des courriels, produits par Madame [O], de Madame [V] [K], des 5 mars 2011, 26 février 2014, et 1er octobre 2016, montrant une relation d’amitiés avec cette dernière, ne sauraient justifier le comportement déplacé, et réitéré, de Madame [L] [O], alors que Madame [K] précise, dans son attestation de témoin, comme rappelé ci-dessus, qu’à plusieurs reprises, elle avait clairement indiqué à Madame [L] [O] qu’elle ne souhaitait pas aborder les sujets à caractère sexuel.

La non révélation des faits précités, par Mesdames [M], [W] et [K], malgré leur caractère prolongé dans le temps, trouve son explication dans le fait que Madame [L] [O] était, non seulement, cadre avec des fonctions de responsabilité, mais également associée dans la société jusqu’en mars 2018, Madame [H] [M] précisant que, selon elle, Madame [L] [O] était protégée par l’ancien directeur, de telle sorte que Madame [O] pouvait agir comme bon lui semblait.

La Cour relève, au regard de l’attestation de témoin, du 20 octobre 2021, de Monsieur [Z] [F], ancien directeur et également, comme Madame [L] [O], ancien associé de la société, que l’employeur n’était pas informé du comportement déviant de Madame [L] [O] à l’égard de plusieurs salariées.

Informé de tels faits, qui pouvaient être constitutifs de harcèlement, l’employeur ne pouvait que procéder au licenciement de la salariée en cause, ces fautes, par leur importance, rendant impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise.

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres motifs, le licenciement pour faute grave apparaît bien fondé.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis, d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire, outre congés payés y afférents.

II. Sur les demandes annexes

En application de l’article 696 du Code de procédure civile, Madame [L] [O] sera condamnée aux dépens d’appel.

Elle sera condamnée à payer à la Sarl As Formation la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sa demande, à ce titre, sera rejetée.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 25 juin 2021 du Conseil de prud’hommes de Schiltigheim ;

Y ajoutant,

DEBOUTE Madame [L] [O] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [L] [O] à payer à la Sarl As Formation la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [L] [O] aux dépens d’appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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