Prospection Téléphonique : décision du 15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04593

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Prospection Téléphonique : décision du 15 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04593

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRET DU 15 DECEMBRE 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04593 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDMN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Juin 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° F 18/02636

APPELANT

Monsieur [P] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Chaouki GADDADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C0739

INTIMEE

S.A.S. TRACE SOFTWARE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie LECRUBIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1644

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre

Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Joanna FABBY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière en stage de préaffectation sur poste, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROC”DURE ET PR”TENTIONS DES PARTIES

M. [P] [M] a été engagé par la société Trace Software, spécialisée dans le secteur d’activité de l’édition de logiciels, d’outils de développement et de langages, par contrat à durée indéterminée du 7 juin 2005, en qualité de directeur commercial. En dernier lieu, il percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 5.817,51 euros.

La convention collective applicable est la convention Syntec et la société emploie plus de dix salariés.

Par courrier du 6 avril 2017, M. [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 avril 2017.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 9 mai 2017, la société Trace Software a notifié à M. [M] son licenciement pour faute pour les motifs suivants :

– mauvaise gestion de l’équipe commerciale et du formateur (manque de présence physique et de rencontres avec les membres de l’équipe, absence de suivi suffisant des actions et des personnes),

– mauvaise gestion des grands comptes,

– attitude à l’égard des nouvelles assistantes commerciales et en particulier de la dernière assistante marketing pouvant être considérée comme constitutive d’un harcèlement moral avec propos dégradants et chantage.

Il a été dispensé d’exécuter son préavis.

M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 27 août 2018 afin de contester son licenciement.

Par jugement contradictoire du 16 juin 2020, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société Trace Software à verser à M. [M] les sommes suivantes :

2.179,01 euros à titre de rappel de salaires sur les primes de vacances pour les mois d’avril 2014 à avril 2017 et 217,90 euros au titre des congés payés afférents,

– rappelé que les créances salariales porteront intérêts de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation, soit le 12 septembre 2018 et les créances à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du présent jugement,

– débouté M. [M] du surplus de ses demandes,

– débouté la société Trace Software de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Trace Software aux entiers dépens de l’instance.

Par déclaration notifiée par le RVPA le 15 juillet 2020, M. [M] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 14 octobre 2020, M. [M] demande à la cour de :

– confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a condamné la société Trace Software à lui payer les sommes suivantes :

2.179,01 euros à titre de rappel de salaires sur les primes de vacances pour les mois d’avril 2014 à avril 2017, outre 217,90 euros de congés payés afférents.

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes,

en conséquence, statuant à nouveau :

– juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société Trace Software à lui payer les sommes suivantes :

69.810,12 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse soit 12 mois de salaire ;

2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner à la société Trace Software la remise des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document à compter du prononcé de la décision.

Le salarié considère que les griefs qui lui sont reprochés ne sont pas établis.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 11 janvier 2021, la société Trace Software demande à la cour de :

– juger recevable mais mal fondé l’appel initié par M. [M],

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause et réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Bobigny en ce qu’il l’a condamnée pour le surplus à payer à M. [M] la somme de 2.179,01 euros à titre de rappel de salaires,

– débouter M. [M] de sa demande de condamnation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [M] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.

L’employeur considère au contraire que les attestations qu’il produit aux débats justifient la mesure de licenciement pour faute simple.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 15 juin 2022.

MOTIFS

Sur le rappel de salaire au titre de la prime de vacances

Les deux parties s’accordent sur la confirmation du jugement sur ce point.

Sur la rupture du contrat

Aux termes de l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

M. [M] a été engagé par la société Trace Software en qualité de directeur commercial avec, aux termes de son contrat de travail, les missions suivantes :

– encadrer et développer l’ensemble de la force commerciale ;

– étudier le positionnement des produits de la société Trace Software sur le marché ;

– formaliser la politique commerciale de la société Trace Software ;

– participer aux travaux de réflexion stratégique produit.

A l’appui des griefs formulés à l’encontre de M. [M], la société produit plusieurs attestations.

Aux termes de ces témoignages, plusieurs salariées ayant travaillé avec M. [M] font état de ses manquements en terme de gestion de l’équipe.

Ainsi, les deux assistantes commerciales engagées en septembre 2016, Mesdames [N] et [U], indiquent pour la première avoir été laissée sans aucune directive, devant s’auto-formée sans fiche de poste ni objectifs, que M. [M] ne venait qu’une fois par trimestre au siège social et que si des réunions avaient lieu tous les lundis pour évoquer la semaine passée, les semaines à venir n’étaient pas préparées et pour la seconde avoir dû également réclamer à plusieurs reprises des argumentaires de vente. Mme [U] précise qu’elle était en charge de rédiger les comptes rendus des réunions et que M. [M] modifiait certains points qu’il voulait garder ‘off’ avant de les transmettre à ses supérieurs. Elles font état également des mensonges de leur supérieur aux clients sur les fonctionnalités des logiciels de la société.

Mme [W], assistante commerciale, Mme [O], commerciale sédentaire, Mme [X] en charge de la prospection téléphonique et Mme [A], commerciale, décrivent également un manque de suivi des dossiers, l’absence de note dans l’outil de suivi en interne, un service commercial fermé par rapport aux salariés d’autres services, ne respectant pas les procédures mises en place par la Gestion des Ventes ou encore l’absence de réponse de M. [M] aux demandes de soutien.

Par ailleurs, Mme [H], qui a repris la direction commerciale en juillet 2017 après le départ du salarié, atteste avoir réalisé un audit du service et avoir constaté notamment une rupture totale entre les services commerce et développement sans aucune communication, l’absence de formation des nouveaux collaborateurs qui n’étaient pas encadrés, l’existence d’un grand nombre d’erreurs dans la facturation et un chiffre d’affaires du service en berne.

M. [G], directeur technique, confirme la difficulté de collaborer avec le service de M. [M] en mentionnant son manque d’esprit d’équipe et d’implication dans le développement de l’entreprise.

Sur le suivi insuffisant du formateur, il ressort du compte rendu de l’entretien préalable rédigé par Mme [L] ayant assisté M. [M] que celui-ci a reconnu ne pas avoir vérifié si celui-ci rédigeait des comptes rendus, l’employeur déplorant également l’absence de mise à jour des documents afférents à un nouveau produit.

Sur le comportement inadapté pouvant s’apparenter à du harcèlement moral, les attestations susvisées font état des éléments suivants :

– Mme [W], qui a demandé à être mutée dans un autre service, mentionne qu’elle n’a pas été consultée pour la prise de ses congés annuels, qu’elle n’a pas été conviée aux réunions commerciales et qu’elle a été traitée de ‘paranoïaque’ par M. [M] lorsqu’elle a demandé une confirmation par mail au sujet d’une réorganisation du service,

– Mme [N] déclare avoir été menacée par M. [M] en ces termes ‘d’autres personnes comme toi qui ont eu ces propos aujourd’hui ne font plus partie de la société’, avoir été confinée dans son bureau avec la porte fermée, aucun collègue ne lui disant bonjour et avoir entendu le salarié dénigrer des collègues ayant quitté l’entreprise,

– Mme [U] considère quant à elle avoir été mise à l’écart avec une communication inexistante et précise que son supérieur, à la suite d’un entretien qu’elle avait eu avec la direction générale, a essayé ‘d’acheter son silence’ en lui promettant une augmentation,

– Mme [O] estime pour sa part qu’elle a été épiée chaque jour sur ses moindres faits et gestes en travaillant dans une ambiance tendue,

– Mme [X] ajoute qu’elle a donné sa démission à cause du comportement de M. [M] (absence de fiabilité) et ne supportant plus l’isolement.

La société produit également un mail du 13 mars 2017 de Mme [S], assistante marketing, dans lequel elle explique sa décision de quitter l’entreprise par ‘les attaques répétées de M. [M] et sa détermination à interférer dans son travail’. Elle précise que son supérieur lui a ‘rappelé qu’en tant qu’assistante, elle n’avait d’autre droit que celui de se taire et de surtout ne pas divulguer à la hiérarchie les dysfonctionnements qu’elle rencontrait’.

M. [M] pour expliquer son absence physique au sein de l’entreprise justifie d’un malaise au volant de son véhicule en se rendant dans les locaux de la société Trace Software. Toutefois, l’attestation de son médecin, si elle évoque une crise de panique en conduisant son véhicule en 2009 avec prescription d’anxiolytiques, précise que ces difficultés ont duré environ deux ans et n’explique donc pas la présence seulement ponctuelle du salarié au sein de son équipe sur les années postérieures à 2011. Par ailleurs, il ne justifie pas avoir informé son employeur d’une quelconque difficulté pour se déplacer et si son contrat précisait que son lieu de travail serait à son domicile parisien, il était également ajouté qu’il serait amené à se rendre ‘fréquemment’ au siège social situé en Seine Maritime (76).

De même, si M. [M] précise qu’avant son malaise, il ne venait déjà plus qu’une fois par mois en moyenne au siège en soutenant que la plus importante partie du management était à destination des quatre commerciaux ainsi que du formateur, tous en télétravail, et qu’il organisait une réunion par semaine (en distanciel), il n’en demeure pas moins que trois assistantes travaillaient au siège de l’entreprise, encadrées par la responsable du pôle sédentaire, mais comme il le précise lui même ‘sous sa supervision’. Or, comme précédemment examiné, plusieurs collaboratrices de son service ont estimé ne pas avoir bénéficié d’un suivi suffisant et en particulier, si Mme [L] confirme que la formation des assistantes était assurée par ses soins, ce n’est que lors de la réunion du 10 avril 2017 qu’a été évoquée la transmission d’un argumentaire sur les produits Elecworks et Archelios Calc et Pro, soit plusieurs mois après leur engagement.

S’agissant du formateur, le fait que celui-ci soit considéré comme un bon professionnel par les clients, ne retire rien au grief fait à M. [M] d’une absence de suivi de son activité et notamment quant à la rédaction des comptes rendus.

Sur les propos et attitudes inadaptés, le salarié se borne, d’une part, à affirmer que la société Trace Software destinataire d’un courrier de la médecine du travail lui enjoignant de faire cesser des faits de harcèlement a cru, à tort, qu’il était le responsable de ces faits et, d’autre part, à contester les attestations produites. Il indique sur ce point qu’elles sont datées, au plus tôt, du mois de septembre 2018, soit postérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes et qu’elles ont manifestement été construites de toutes pièces pour les besoins de la cause, aucune d’entre elles ne comportant en outre les mentions obligatoires prescrites par l’article 202 du code de procédure civile.

Etant rappelé que les témoignages, contenus dans les attestations fournies par l’employeur, ne peuvent être considérés comme étant faits par complaisance au seul motif qu’ils émanent de personnes ayant des liens avec celui-ci, sans éléments objectifs de nature à pouvoir suspecter leur sincérité, les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile relatives aux attestations ne sont pas prescrites à peine de nullité et il appartient au juge d’apprécier la force probante des éléments produits par les parties.

En l’occurrence, les attestations dactylographiées sont signées et accompagnées d’une pièce d’identité de leur auteur. En outre, aucun élément ne permet de remettre en cause leur sincérité, étant observé leur caractère circonstancié, précis et concordant et comme le souligne la société, les ‘comptes rendus d’entretien annuel’ produits par M. [M] au nom de certains collaborateurs qui font état d’une bonne ambiance dans le service ne peuvent être retenus, en l’absence de signature de ces documents par les intéressés.

Il importe également peu que les attestations portant sur les griefs reprochés au salarié aient été rédigées postérieurement à l’entretien préalable, l’employeur pouvant dans le cadre de la procédure prud’homale produire tout élément de preuve légalement admissible.

Enfin, le fait que d’autres salariés aient attesté en faveur de M. [M] ne peut remettre en cause les témoignages nombreux et concordants examinés ci dessus.

Il découle de ces observations, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le dernier grief tenant aux grands comptes, que M. [M] a manqué à plusieurs de ses obligations découlant de sa fonction de directeur commercial et a tenu à certaines collaboratrices de son service des propos inadaptés ayant entraîné une dégradation de leurs conditions de travail, griefs qui caractérisent une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Le jugement sera confirmé en ce sens.

Sur les demandes accessoires

M. [M] qui succombe en son appel devra supporter les dépens et participer aux frais irrépétibles engagés par la société.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE M. [M] à payer à la société Trace Software la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [M] aux dépens d’appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE.

 


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