Prospection Téléphonique : décision du 14 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16410

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Prospection Téléphonique : décision du 14 avril 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/16410

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 14 AVRIL 2023

N° 2023/145

Rôle N° RG 19/16410 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFB6K

[E] [R]

C/

SA PARAGON TRANSACTION

Copie exécutoire délivrée le :

14 AVRIL 2023

à :

Me Marion ETTORI, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

+ 1 copie Pôle-Emploi

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 24 Septembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F 18/01617.

APPELANTE

Madame [E] [R], demeurant [Adresse 5]

comparante en personne, assistée de Me Marion ETTORI, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Nathalie NIGLIO, avocat au barreau de NIMES

INTIMEE

SA PARAGON TRANSACTION, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Clémence AUBRUN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, Me Fabrice PERES, avocat au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 12 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller , a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 14 Avril 2023,

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Madame [E] [R] a été embauchée en qualité de télévendeuse, statut employée, le 19 juin 1995 par la société MOORE France, devenue la société PARAGON TRANSACTION.

Par courrier recommandé du 12 juillet 2017, Madame [E] [R] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 26 juillet, puis elle a été licenciée le 31 juillet 2017 pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats.

Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre et invoquant avoir subi un harcèlement moral, Madame [E] [R] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 26 juillet 2018.

Par jugement du 24 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille a dit que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse, a condamné la SA PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] les sommes suivantes :

– 30’000 euros au titre des dommages et intérêts,

– 1250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

a débouté Madame [R] du surplus de ses demandes, a débouté la SA PARAGON TRANSACTION de ses demandes reconventionnelles et a condamné la SA PARAGON TRANSACTION aux entiers dépens.

Ayant relevé appel, Madame [E] [R] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives n° 2 notifiées par voie électronique le 5 janvier 2023, de :

RÉFORMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes le 24 septembre 2019 en ce qu’il a :

– Condamné la société PARAGON TRANSACTION à verser à Madame [E] [R] la somme de 30’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Débouté en conséquence Madame [E] [R] de sa demande de condamnation de la société PARAGON TRANSACTION à lui verser la somme de 60’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Débouté Madame [E] [R] du surplus de ses demandes.

– Dit et jugé en conséquence que le harcèlement moral de la société PARAGON TRANSACTION à l’encontre de Madame [E] [R] n’est pas caractérisé.

– Débouté en conséquence Madame [E] [R] de sa demande de condamnation de la société PARAGON TRANSACTION à lui verser la somme de 20’000 euros au titre du harcèlement subi et des actes de déloyauté commis.

– Dit et jugé qu’aucun accord n’existait entre la société PARAGON TRANSACTION et Madame [E] [R] en ce qui concerne l’indemnité d’occupation de son logement et les frais informatiques liés au télétravail.

– Débouté en conséquence Madame [E] [R] de sa demande de condamnation de la société PARAGON TRANSACTION à lui verser la somme de 2158,40 euros à titre d’indemnité d’occupation de son logement et des frais informatiques liés au télétravail.

– Débouté Madame [E] [R] de sa demande relative à la condamnation de la société PARAGON TRANSACTION à rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à Madame [E] [R] dans la limite de six mois d’indemnisation.

STATUANT A NOUVEAU :

– Juger que Madame [E] [R] est bien fondée en son appel principal.

– Condamner la société PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] la somme de 60’000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

– Si par extraordinaire la Cour ne faisait pas droit à la demande de Madame [E] [R] de condamnation de la société PARAGON TRANSACTION à des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur de 60’000 euros, la Cour condamnera la société PARAGON TRANSACTION a minima à la somme de 30’000 euros à ce titre.

– Juger que Madame [E] [R] a subi des faits de harcèlement et des actes de déloyauté de la part de la société PARAGON TRANSACTION.

– En conséquence, condamner la société PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] la somme de 20’000 euros à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement subi et pour manquement à son obligation de loyauté.

– Condamner la société PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] la somme de 2158,40 euros à titre d’indemnité d’occupation de son logement et des frais informatiques liés au télétravail.

– Condamner la société PARAGON TRANSACTION à rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Madame [E] [R] dans la limite de six mois.

LE CONFIRMER pour le surplus :

EN CONSÉQUENCE :

– JUGER que le licenciement de Madame [E] [R] est sans cause réelle et sérieuse.

– Condamner la société PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] la somme de 1250 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de la première instance ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

– Débouter la société PARAGON TRANSACTION de sa demande de condamnation de Madame [E] [R] à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de la première instance ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

– Juger que la société PARAGON TRANSACTION est mal fondée en son appel incident.

EN CONSÉQUENCE :

– Juger que le licenciement de Madame [E] [R] est sans cause réelle et sérieuse.

DANS TOUS LES CAS, EN TOUT ETAT DE CAUSE :

– Juger que les condamnations porteront intérêts au taux légal dans les conditions de l’article 1231-7 du Code civil étant précisé que la quote-part de dommages et intérêts allouée par le conseil de prud’hommes soit 30’000 euros portera intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, soit à compter du 24 septembre 2019.

– Juger que les intérêts échus depuis plus d’une année auront vocation à se capitaliser conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil.

– Condamner la société PARAGON TRANSACTION à verser à Madame [E] [R] la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC au titre de la procédure d’appel ainsi qu’aux entiers dépens d’appel.

– Débouter la société PARAGON TRANSACTION de sa demande de condamnation de Madame [R] à la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du CPC d’appel et de sa demande de condamnation de cette dernière aux entiers dépens d’appel.

La SA PARAGON TRANSACTION demande à la Cour, aux termes de ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, de :

DIRE ET JUGER l’appel partiel formé par Madame [R] à l’encontre du jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Marseille le 24 septembre 2019 mal fondé ;

L’EN DÉBOUTER ;

RECONVENTIONNELLEMENT,

DIRE ET JUGER tant recevable que bien fondée la Société PARAGON TRANSACTION en son appel incident formé partiellement à l’encontre du jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Marseille le 24 septembre 2019 ;

INFIRMER partiellement le jugement dont appel et STATUANT à nouveau ;

DÉBOUTER Madame [R] de sa réclamation dès lors que le licenciement dont elle a fait l’objet repose sur une cause tant réelle que sérieuse ;

POUR LE SURPLUS,

CONFIRMER le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a rejeté la réclamation de Madame [R] au titre du prétendu harcèlement moral et défaut de respect de l’obligation de bonne foi de l’employeur dans la relation de travail ;

CONFIRMER le jugement prononcé par le conseil de prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Madame [R] de sa demande fondée sur une prétendue indemnisation de l’occupation de son logement au titre du télétravail ;

A TITRE TRES SUBSIDIAIRE

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

EN TOUTE HYPOTHÈSE,

CONDAMNER Madame [R] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNER Madame [R] au paiement d’une somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 6 janvier 2023.

SUR CE :

Sur le licenciement :

Madame [E] [R] a été licenciée le 31 juillet 2017 pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats, en ces termes :

« Nous vous rappelons les faits qui vous sont reprochés :

Depuis le 19 juin 1995 vous occupez la fonction de télévendeuse dont la mission est de maintenir et de développer en toute autonomie le chiffre d’affaires sur un secteur déterminé.

Quand nous analysons vos résultats sur plusieurs années, après une tendance de redressement entamée en 2011/2012, grâce notamment à l’apport du portefeuille d’une télévendeuse ayant quitté l’entreprise, vous êtes en permanence à des résultats de chiffre d’affaires réalisés en baisse conséquente depuis 5 ans.

Votre réalisé a été divisé par deux entre 2012 et 2017. Vous passez de 415 k€ à 207 k€.

Quand nous analysons les résultats des télévendeuses qui travaillent comme vous sur un secteur et un portefeuille donnés et sur les produits traditionnels nous n’observons pas du tout la même décroissance.

[X] [Y], télévendeuse depuis le 1er juillet 1999 sur un poste identique au vôtre, a des résultats homogènes de chiffre d’affaires réalisés sur la même période. Qui plus est, ses résultats sont largement supérieurs à vos résultats avec notamment une croissance de plus de 74k€ au cours des deux dernières années. Par ailleurs, son chiffre d’affaires réalisé minimum est de 495k€, chiffre d’affaires que vous-même n’avez jamais atteint. A fin juin 2017, son chiffre d’affaires réalisé est proche de 570k€. Il est donc plus de deux fois supérieur au vôtre avec une croissance de plus de 30 k€ en comparaison à l’année précédente.

A votre décharge, vous nous avez expliqué que [X] [Y] gérait la verticalisation de Gedimat et qu’elle a récupéré du chiffre d ‘affaires au départ de [L] [C].

[T] [M] vous a à nouveau rappelé que vous aviez vous-même bénéficié du portefeuille de [B] [I] à son départ de l’entreprise en 2011.

Vous avez ajouté que les commandes que gère [X] [Y] sont différentes des vôtres en termes de quantités commandées, ce qui est sans rapport selon nous avec la baisse constante de votre chiffre d’affaires.

Vous nous avez ensuite expliqué que l’entreprise vous avait retiré certains dossiers comme le dossier ALTHUS.

[T] [M] vous a alors répondu que si l’entreprise vous a retiré de manière très exceptionnelle des dossiers pour des raisons objectives, elle a toujours essayé de compenser le chiffre d’affaires correspondant par d’autres réaffectations, notamment pour ce dossier par Qualigraf et Mip Alpes.

Vous nous avez aussi expliqué que vous aviez perdu des clients à cause de la dématérialisation ou parce que les clients choisissent d’utiliser de l’A4 au profit du formulaire.

[T] [M] vous a alors répondu que vous n’étiez pas la seule à être confrontée à cette problématique et que l’entreprise dispose d’opportunités très importantes notamment par la commercialisation de nouvelles offres de produits et services et aussi par la disparition de nombreux concurrents, ce qui laisse des possibilités de développer du chiffres d’affaires.

Si nous étudions maintenant la situation des télévendeuses [U] [P] et [V] [G] embauchées respectivement en janvier 2011 et septembre 2014 et qui travaillent sur le secteur du transport uniquement et sur des produits traditionnels comme vous, nous faisons le même constat. Elles aussi ont des résultats de chiffre d’affaires homogènes, en croissance tous les ans sans que de portefeuilles existants ne leur soient confiés, comme cela a été le cas pour vous en 2011.

Leur activité commerciale a permis le développement et le maintien d’un chiffre d’affaires qui en juin 2017 est de 400 k€ pour l’une et de 269 k€ pour l’autre avec des développements sur un an respectivement de 30 k€ et 90 k€.

En ce qui concerne l’activité télévente points de vente sur les nouveaux produits et services, que vous avez testée avec succès en 2015/2016 et que vous refusez depuis d’exercer, elle connait elle aussi une croissance de plus de 650 k€ (+8,7%) en 2017. Ces télévendeurs ont des niveaux de résultats de chiffre d’affaires réalisés et de croissance bien supérieurs aux vôtres.

Pour rappel en 2015/2016, nous vous avons confié en début d’exercice un portefeuille de clients « Points de Vente » ayant générés l’année précédente un chiffre d’ affaires de 256 000 euros.

A la fin de l’exercice, le chiffre d’affaires généré était de 428 987 euros soit une croissance de 172 987 euros sur l’exercice qui vous a permis d’avoir une rémunération variable de 2 594 euros. En effet la rémunération variable générée par cette activité représente 44,83% de la rémunération variable que vous avez perçue en 2015/2016 (hors CP sur commission), soit près de la moitié.

Compte tenu de la faiblesse de votre chiffre d’affaire réalisé en 2016/2017, nous vous avons transmis un avenant le 19 juin 2017 qui vous confiait un portefeuille additionnel de comptes FNAIM de l’activité verticalisation point de vente. Vous nous avez confirmé votre refus de cet avenant par un courrier du 4 juillet 2017. Votre refus de travailler sur une telle activité est d’autant plus incompréhensible qu’elle vous a rapporté financièrement plus en 2015/2016.

Vous nous avez confirmé que le travail de hotline ne vous intéressait pas et que vous préfériez vendre des produits imprimés. Vous avez ajouté que vous seriez restée sur cette activité si cela avait fonctionné.

Je vous ai alors répondu que cela avait fonctionné puisque le portefeuille confié en 2015/2016, vous a permis de pratiquement doubler votre rémunération variable mais qu’en revanche on pouvait douter de votre envie de vous investir sur cette activité à long terme. En effet lorsque vous avez signé votre avenant, vous avez écrit « lu et approuvé sous réserve d’une durée limitée à une année du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016. A l’issue il prendra fin automatiquement et la poursuite de cette activité nécessitera un nouvel avenant ».

L’ensemble de ces comparaisons illustre parfaitement ce que nous vous répétons depuis des mois. Certes le contexte économique est difficile, certes la dématérialisation est présente mais Paragon Transaction dispose d’opportunités très importantes notamment par la commercialisation de nouvelles offres de produits et services et aussi par la disparition de nombreux concurrents qui lui permettent de se développer en chiffres d’affaires de manière organique, comme l’illustre le tableau ci-après.

Toute votre argumentation non étayée, entre autre sur l’obsolescence des produits et la paupérisation du marché, pour expliquer vos piètres résultats en développement commercial ne résiste pas à l’analyse des faits. En effet, tant au niveau de l’entreprise, qu’au niveau individuel pour les télévendeurs et les télévendeuses force est de constater que la croissance du chiffre d’affaires est présent sauf pour vous, et ce sur une période de cinq ans.

Pour nous, les raisons de vos résultats médiocres et inacceptables sont à chercher ailleurs.

A plusieurs reprises et notamment dans les courriers du 6 juin 2016, 13 décembre 2016, 21 février 2017 et du 19 juin 2017 et dans l’entretien annuel du 6 septembre 2016, nous vous avons alerté sur la faiblesse de vos résultats et la faiblesse de votre activité commerciale.

Plusieurs fois nous vous avons demandé avec effet immédiat de relancer de manière très significative votre activité téléphonique de prospection et de suivi commercial afin de palier à la décroissance naturelle du chiffre d’affaire que vous gérez.

Vous n’avez pas tenu compte de ces demandes.

Face à ce comportement nous avons analysé l’activité de votre ligne téléphonique professionnelle au cours des deux dernières années.

Les résultats parlent d’eux-mêmes. En 2016/2017, vous avez passé en moyenne 8,3 appels sortants par jour, d’une durée moyenne de 2,7 minutes ce qui représente en moyenne 21,9 minutes par jour d’appels sortants pour une durée journalière de travail de 7,5 heures. Sur l’année 2016/2017, 4,6% de votre temps de travaiL de télévendeuse a été consacré à des appels sortants quel que soit l’objet de ces appels.

Ce constat est tout à fait inacceptable. Il illustre parfaitement la cause réelle de votre situation actuelle de résultats totalement insuffisants : votre niveau d’activité téléphonique de prospection et de suivi commercial est gravement insuffisant et totalement inacceptable.

Vous nous avez expliqué que vous étiez très étonnée, que vous aviez des doutes sur la réalité de nos chiffres et que vous en feriez part à votre avocat.

Nous vous avons répondu que ces chiffres étaient ceux communiqués par l’opérateur téléphonique sur le relevé des communications qui étaient joints aux factures de la ligne professionnelle mise à votre disposition par l’entreprise.

Vous avez ajouté que vous travaillez beaucoup par mail, notamment avec certains clients.

Nous vous avons rappelé que vous occupez la fonction de télévendeuse dont la mission est de maintenir et de développer en toute autonomie le chiffre d’affaires sur un secteur déterminé par des actions de prospection ou de ventes téléphoniques.

Par ailleurs quand nous comparons l’année 2016/2017 à l’année 2015/2016 nous constatons une baisse de l’activité d’appels sortants de plus de la moitié pour le nombre moyen d’appels sortants jour (de 17 à 8.3) et les minutes moyennes journalières d’appels sortants (de 50.9 à 21,9). Votre temps de travail de télévendeuse consacré à des appels sortants quel que soit l’objet de ces appels a lui aussi diminué de plus de moitié entre 2015/2016 et 2016/2017 (de 11,5% à 4,6%).

Ce constat est à nouveau inacceptable et illustre de plus que le temps gagné à ne plus faire d’appel sortant pour l’activité « Points de vente » n’a pas été réinvesti sur le développement et la prospection de votre secteur et activité historique.

[T] [M] vous a alors demandé ce que vous faisiez les 95,4% restant de votre temps de travail puisque vous devez travailler 7,5h par jour. Vous nous avez affirmé que 100% de votre temps de travail était consacré à votre activité professionnelle au sein de Paragon Transaction.

L’ensemble de vos explications ne nous a pas convaincus. Après réflexion, compte tenu de votre absence de résultat, de la faiblesse de votre activité commerciale et de votre refus de toute solution vous permettant d’améliorer ces deux points, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats, cause que nous estimons réelle et sérieuse… ».

La SA PARAGON TRANSACTION fait valoir qu’elle s’est adressée à de nombreuses reprises à sa salariée, par lettres successives des 6 juin, 6 septembre et 13 décembre 2016 puis 21 février et 19 juin 2017 compte tenu des baisses significatives du chiffre d’affaires et de l’important écart entre le quota budgétaire et le chiffre d’affaires réalisé ; que chaque année, la salariée et son employeur s’accordaient sur les objectifs à atteindre (quotas) et sur l’éventuelle prime additionnelle, cet accord faisant l’objet d’un avenant au contrat de travail de Madame [R], que celle-ci a chaque année accepté de signer, sauf en 2017 ; que face au constat d’une totale absence d’amélioration et au refus manifeste de Madame [R] d’améliorer ses résultats tant qualitatifs que, de fait, quantitatifs, la salariée a été licenciée pour insuffisance professionnelle et insuffisance de résultats ; que l’analyse de la ligne téléphonique professionnelle de Madame [R] démontre que son activité était particulièrement faible, s’agissant du niveau d’activité téléphonique de prospection et de suivi commercial ; que Madame [R] a disposé de l’ensemble des moyens de l’entreprise pour réaliser le chiffre d’affaires qui est le gage pour la Société PARAGON de son « assise » économique et donc du maintien de l’activité et de l’emploi ; que le chiffre d’affaires réalisé par Madame [R] n’a cessé de chuter d’année en année ; que la Cour observera qu’entre l’exercice 2011/2012 et l’exercice 2016/2017, le chiffre d’affaires réalisé par la salariée s’est littéralement effondré (-50 %), ce malgré les avertissements reçus par la salariée à compter du 6 juin 2016 ; que les divers arguments invoqués par Madame [R] pour tenter de justifier la baisse importante de son chiffre d’affaires (obsolescence des produits ou paupérisation du marché de l’imprimerie) ne résistent pas aux éléments de comparaison versés par la société concluante avec l’évolution du chiffre d’affaires de l’entreprise sur la même période et avec l’évolution de l’activité des collègues de Madame [R], télévendeurs comme elle, notamment l’activité de Madame [X] [Y], télévendeuse depuis le 1er juillet 1999 sur un poste identique à celui occupé par Madame [E] [R] ; que Madame [R] a bien davantage profité des réaffectations de comptes-clients en sa faveur que de retraits de clients, contrairement à ce qu’elle avance; que Madame [R] produit de nombreux courriels entre les mois de juin 2011 et mars 2012, étant rappelé qu’elle a quitté l’entreprise en octobre 2017, ces mails concernant un seul client sur les deux mêmes litiges ; que si la consommation des produits imprimés et des imprimés de gestion est en baisse en France, pour autant les imprimeurs sont de moins en moins nombreux ; que la Société PARAGON TRANSACTION a développé non seulement des nouveaux produits et des marchés de niche, lui permettant une croissance organique comme en attestent les éléments produits aux débats, mais surtout la Société PARAGON TRANSACTION s’est trouvée être l’un des leaders du marché de l’impression en France ; qu’en réalité, la situation dont se prévaut Madame [R] s’explique par l’absence d’une activité soutenue de relances et de prospection téléphonique et par son refus de commercialiser les nouvelles offres malgré une expérience réussie en 2015/2016, ce qui est totalement inexplicable ; que la Cour infirmera le jugement et dira que le licenciement de Madame [R] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Madame [E] [R] fait valoir que :

-par mail du 6 février 2015, elle a alerté son employeur des difficultés auxquelles elle se trouvait confrontée : livraison de produits non conformes, retrait de clients et de dossiers de son chiffre d’affaires au prétexte du groupage au niveau national, obsolescence de nombreux produits, manque de communication avec son Directeur Commercial ; elle dénonçait en conséquence la baisse de son salaire liée à la baisse de son chiffre d’affaires et au vieillissement de son portefeuille clients ;

-à compter de l’exercice 2015/2016, la société PARAGON TRANSACTION lui proposait à partir du 1er mars 2016 une activité de verticalisation « point de vente » ; cette nouvelle activité professionnelle ne convenant pas à la salariée dans la mesure où elle alourdissait considérablement sa charge de travail sans lui procurer des primes de chiffres d’affaires satisfaisantes en rapport avec l’effort fourni, Madame [R] a refusé de reconduire cette activité sur l’année 2016/2017 ;

-à titre de rétorsion, la société PARAGON TRANSACTION lui imposait unilatéralement la réalisation d’un chiffre d’affaires colossal (400’000 euros) sur l’exercice 2016/2017, sans commune mesure avec celui réalisé sur les années 2014/2015 (278’581 euros) et 2015/2016 (214’391 euros) ; l’objectif de prospection pure de 200’000 euros était tout aussi irréaliste et fixé dans l’unique but de la faire craquer ; la salariée refusait en conséquence les objectifs que la société PARAGON TRANSACTION tentait de lui imposer ; d’ailleurs, ces quotas jamais imposés les années précédentes n’ont pas été repris en 2017-2018 (quota fixé à hauteur de 240’000 euros), ce qui confirme leur caractère irréaliste et irréalisable ;

-à partir de ce moment-là, elle sera la cible d’un acharnement de son employeur et destinataire de nombreux courriers recommandés avec AR destinés à lui mettre la pression sur le chiffre d’affaires réalisé ;

-la baisse des résultats enregistrés est consécutive à la paupérisation du marché de l’imprimerie et des produits à vendre supplantés par de nouvelles technologies, aux malfaçons ainsi qu’aux retrait de clients non compensés infligés par la société PARAGON TRANSACTION à la salariée ;

-dans le cadre des objectifs assignés le 19 juin 2017 pour l’exercice 2017-2018, la société PARAGON TRANSACTION a tenté de confier à la salariée un portefeuille additionnel de comptes FNAIM, activité de verticalisation de point de vente, qui conduisait ni plus ni moins à lui confier une activité de « verticalisation » et de « hotline » refusée par la salariée de façon tout à fait légitime l’année précédente ;

-c’est dans ce contexte qu’elle a été convoquée à un entretien préalable et licenciée le 31 juillet 2017 après plus de 20 ans d’ancienneté ;

-la SA PARAGON TRANSACTION fonde son argumentaire sur une simple paraphrase de la lettre de licenciement et sur les échanges de correspondances intervenus avec la salariée qui correspondent à de simples affirmations de l’employeur et constituent de simples preuves faites à soi-même ; elle ne justifie pas que les autres commerciaux étaient dans une situation identique à celle de Madame [R] et qu’ils intervenaient sur un secteur d’activité et des produits comparables ;

-l’activité de télévendeuse au sein des bureaux de ventes était en pleine décroissance ; deux télévendeuses ayant quitté la société en juin 2011 et en juin 2012 n’ont pas été remplacées et Madame [Y] confirme que Madame [R] et elle-même étaient les seules télévendeuses bureau de ventes encore en poste au sein de la société ;

-les objectifs assignés à Madame [R] étaient irréalistes et irréalisables ; les réalisations de Madame [R] (207’370 euros) qui ont donné lieu à l’engagement de la procédure de licenciement sont identiques à celles de l’année précédente (214’391 euros) ;

-au-delà du caractère irréaliste des objectifs, leur non-atteinte n’est pas imputable à Madame [R] : retraits significatifs de clients dénoncés par Madame [R] par mail du 6 février 2015 puis par courriers des 15 juillet 2016 et 8 février 2017, non compensés contrairement à ce qu’affirme l’employeur ; perte de clients consécutive à la politique commerciale de la société ; nombreuses malfaçons ; produits obsolètes ; paupérisation du portefeuille clients liée aux nombreuses radiations ou liquidations judiciaires des clients existants ; absence de soutien de l’employeur et de formation de la salariée à son poste ;

-à moins de 15 jours de la clôture des débats devant la cour d’appel, la SA PARAGON TRANSACTION communique les relevés téléphoniques de la salariée, moyen de preuve irrecevable car mis en place à l’insu de la salariée sans l’avoir informée au préalable qu’il pouvait s’agir d’un moyen de contrôler son activité ; cet élément est contesté par Madame [R] dans la mesure où il ne tient pas compte du fait qu’elle était affectée sur une activité « hotline » sur l’exercice 2015/2016 et qu’il est en conséquence tout à fait naturel que le nombre d’appels ait diminué entre les deux exercices (2015/2016 et 2016/2017) ; par ailleurs, la plupart des échanges avec les clients s’effectuent par mails ; il est à noter que l’employeur n’a jamais formulé aucune observation sur son temps de travail et ne lui a jamais adressé aucun reproche sur le nombre d’appels téléphoniques passés durant la relation contractuelle, cela n’ayant jamais posé aucune difficulté, étant observé que l’enregistrement produit par l’employeur concerne exclusivement les appels sortants effectués par Madame [R] et en aucun cas les appels entrants, ce qui occulte encore une grande partie de son activité ; le décompte des journées travaillées par la salariée fourni par la société est également inexact ;

-la situation des autres commerciaux dont la société se prévaut est totalement différente de celle de Madame [R] ; Madame [Y] est la seule salariée de la société à occuper un poste similaire à celui de Madame [R] (télévendeuse en bureau de ventes) ; toutefois Madame [Y], intervenant en région parisienne où se trouvent la plupart des sièges sociaux, avait une activité plus importante, ainsi qu’elle en atteste ;

-il s’ensuit que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et qu’après presque 22 ans d’ancienneté, âgée de 53 ans au moment du licenciement, ayant été indemnisée par le Pôle emploi jusqu’en juin 2021, soit quatre années après la notification de son licenciement, et se trouvant dans une situation précaire, elle est fondée à solliciter la somme de 60’000 euro à titre de dommages intérêts.

***

Si l’insuffisance de résultats au regard des objectifs fixés par le contrat ne suffit pas en soi à justifier une mesure de licenciement, elle constitue cependant une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle est due à la carence du salarié ou à son insuffisance professionnelle.

L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi.

Il est constant qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et de vérifier que les objectifs fixés étaient raisonnables et réalisables, que la situation du marché permettait de les atteindre et que l’insuffisance repose sur des faits objectifs, matériellement vérifiables, imputables au salarié. Le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La SA PARAGON TRANSACTION produit les pièces suivantes :

-le contrat de travail à durée indéterminée du 30 juin 1995 de Madame [R], précisant que sa mission consistait essentiellement à participer au maintien et au développement de la clientèle du territoire et à assurer la tenue des dossiers clients et le suivi des commandes ;

-un premier courrier recommandé du 6 juin 2016 adressé à Madame [E] [R], lui demandant de se “ressaisir” au vu du retard très important de la réalisation de ses objectifs (niveau de réalisation de 76% des objectifs et retard cumulé sur les 10 premiers mois de l’exercice en cours de plus de 55’440 euros), l’employeur parlant d’un “constat alarmant” et de “résultats de facturation inacceptables” et prenant acte du fait que la salariée ne souhaitait pas continuer à travailler sur le nouveau portefeuille client de la «verticalisation point de vente » ;

-un deuxième courrier recommandé du 13 décembre 2016 demandant à Madame [R] de réagir et de “relancer de manière très significative (son) activité de prospection et d’activité commerciale téléphonique afin de pallier à la décroissance du chiffre d’affaires (qu’elle gère)” alors que “l’analyse de (son) chiffre d’affaires à fin octobre 2016 soit après 4 mois d’exercice en cours, laisse apparaître un retard très important”, constat jugé “alarmant” ;

-un troisième courrier recommandé du 21 février 2017 adressé à Madame [R], en ces termes :

« En réponse à votre courrier du 8 février je vous transmets les éléments de réponse suivants.

Oui je fais un suivi de votre activité, oui je suis dans l’obligation de formaliser par écrit, cela fait partie de mon rôle de responsable hiérarchique.

Oui je vous soutiens, les faits sont là et sont têtus. Par contre, je ne peux réaliser votre mission de télévendeuse à votre place. C’est à vous de relancer vos clients. c’est à vous de faire de la prospection. Je ne peux ni ne dois le faire à votre place. C’est la raison d’être de votre poste.

Non vous n’êtes pas une victime, ni de la décroissance du marché, ni de disparitions inexpliquées de clients. Non vous n’êtes pas celle qui doit vendre des produits obsolètes ou qui est la victime de non qualité.

Les faits sont là. L’entreprise est en croissance, a une bonne image, des prestations et des produits reconnus, un taux de non qualité convenable pour des produits et prestations sur mesure, et sur des postes comparables aux vôtres, nous n’observons aucune décroissance comparable à celle de votre portefeuille client.

Par aillieurs et pour rappel, vous avez refusé de continuer une activité de télévente sur les offres nouvelles de l’entreprise malgré la réussite, tant en croissance du portefeuille que nous vous avions confié qu’en terme de rémunération vous concernant.

Vous mettez en avant pour expliquer ce refus, des missions chronophages. Utilisez donc ce temps aujourd’hui pour developper et prospecter : les résultats seront immédiats.

Aujourd’hui ce qui est à remettre en cause c’est votre attitude et votre position défaitiste qui ne vous permet pas de sortir de votre leitmotiv : je suis victime et responsable de rien.

Je reviens maintenant à l’analyse de votre chiffre d’affaires à fin janvier 2017, soit après sept mois d’exercice en cours, qui laisse apparaître un retard très important :

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Quota budgétaire à fin janvier 2017 Réalisé à fin janvier 2017

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149 107 € 71 747 €

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soit un niveau de réalisation de 50% des objectifs et un retard cumulé sur ces quatre premiers mois de plus de 119k€.

Par rapport au réalisé cumulé de l’an dernier qui est de 125 605 € à fin janvier, vous êtes en recul de plus de 4% et de plus de 4k€.

Je vous rappelle par ailleurs que la mensualisation des objectifs ainsi que son suivi sont en place depuis des années. Vous ne pouvez vous en étonner et faire prévaloir comme seul suivi valide et ayant du sens, un suivi annuel des objectifs.

Je considère donc que vous devez réagir pour vous donner les moyens de réussir.

A cet effet, je vous rappelle à nouveau que vous devez relancer de manière très significative votre activité de prospection et de suivi commerciale téléphonique afin de palier à la décroissance du chiffre d’affaire que vous gérez.

Je compte, encore une fois, sur une réaction immédiate de votre part pour inverser cette situation et revenir sans délai à une croissance significative du chiffre d’affaires généré.

Bien entendu, je reste à votre entière disposition comme cela a toujours été le cas.

Concernant votre lieu de travail je vous laisse choisir la solution qui vous permettra de redresser sans délai vos résultats, en vous rappelant que le choix est limité à continuer de travailler à partir de votre domicile ou bien de travailler à partir des locaux de l’entreprise à [Localité 2].

Je vous remercie de me communiquer votre choix » ;

-un quatrième courrier recommandé du 19 juin 2017 adressé à la salariée, en ces termes :

« La fin de l’exercice fiscal approche. Votre réalisé de chiffre d’affaires sera comparable à celui de l’an dernier (214 391 €).

Ce constat, certes rassurant car les baisses de plus de 15% voire 20% des années précédentes sont enrayées, n’est cependant pas suffisant. En effet, vos résultats de développement commercial restent très insuffisants.

A cet effet, je vous rappelle à nouveau que vous devez relancer de manière très significative votre activité téléphonique de prospection et de suivi commercial afin d’inverser la tendance de décroissance du chiffre d’affaire que vous gérez.

C’est la clé de votre réussite et vous le savez.

Pour l’année 2017/2018, nous ne pouvons vous laisser avec un portefeuille de chiffre d’affaires réalisé aussi faible (environ 210k€ en estimé à ce jour). Au-delà de l’objectif de développement sur votre portefeuille historique, nous vous confions donc un portefeuille additionnel de comptes FNAIM, de l’activité verticalisation point de vente.

En pièce jointe, vous trouverez un avenant en double exemplaire qui formalise cette évolution

Je vous remercie de les signer et de me les retourner.

A réception, je les signerai et les transmettrai à la DRH qui vous retournera un exemplaire dûment signé » ;

-l’avenant au contrat de travail du 19 juin 2017 de Madame [R], précisant les modalités de paiement de la prime quota annuelle et, en pièces jointes, la liste des 1825 comptes FNAIM affectés à la salariée “pour l’activité verticalisation point de vente” et les quotas 2017/2018 (240’000 euros) ;

-un courrier recommandé du 11 juillet 2017 adressé à la salariée :

« J’accuse réception de votre courrier du 4 juillet 2017 et de votre refus de l’avenant que nous vous avons proposé.

Malgré nos différentes alertes depuis plusieurs mois sur la faiblesse de votre activité commerciale et de ses résultats, nous constatons que vous refusez toute solution vous permettant de relancer tant votre activité que vos résultats.

Compte tenu de ces éléments, nous vous tiendrons informés des suites que nous entendons donner à cette situation », ce courrier ayant été suivi du courrier recommandé du 12 juillet 2017 de convocation à un entretien préalable fixé le 26 juillet 2017 à 11 heures ;

-les avenants au contrat de travail de Madame [R] en date des 30 août 2011, 27 juin 2012, 24 juin 2013, 24 juin 2014 et 29 juin 2015, signés par la salariée, chacun des avenant fixant le quota pour l’année de référence et les modalités de la prime additionnelle ;

-les liasses fiscales de la société PARAGON TRANSACTION sur les années 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017, dont il ressort les résultats d’exploitation suivants :

-au 30 juin 2012 : -330’417 euros (chiffre d’affaires de 65’748 277 euros),

-au 30 juin 2013 : 923’386 euros,

-au 30 juin 2014 : 1’265’930 euros,

-au 30 juin 2015 : 1’269’843 euros,

-au 30 juin 2016 : 1’738’250 euros,

-au 30 juin 2017 : 2’671 271 euros (chiffre d’affaires de 80’487 521 euros) ;

-les états de suivi de la société PARAGON TRANSACTION concernant les chiffres d’affaires réalisés et les objectifs de la force de vente, tableaux non datés (l’employeur ayant ajouté manuscritement sur chaque tableau une date : 2011, 2012, 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017) ;

La société PARAGON TRANSACTION relève que Madame [E] [R] a réalisé :

-sur l’exercice 2011/2012 : un chiffre d’affaires de 415’729 euros et une atteinte des objectifs de 87%,

-sur l’exercice 2016/2017 : un chiffre d’affaires de 207’370 euros et une atteinte d’objectifs et de 52%,

et que Madame [X] [Y] a réalisé au minimum un chiffre d’affaires de 495’000 euros et a connu une augmentation de son chiffre d’affaires de plus de 74’000 euros entre les exercices 2015/2016 et 2016/2017 (569’397 euros de chiffre d’affaires fin juin 2017) ;

-les bulletins de paie de Madame [E] [R] de juillet 2015 à juillet 2017 ;

-l’avenant au contrat de travail du 27 juin 2012 de Madame [X] [Y] fixant un quota de 615’000 euros ; l’avenant au contrat de travail du 24 juin 2013 de Madame [X] [Y] fixant un quota de 533’448 euros ; l’avenant au contrat de travail du 24 juin 2014 de Madame [X] [Y] fixant un quota de 620’000 euros ; l’avenant au contrat de travail du 29 juin 2015 de Madame [X] [Y] fixant un quota de 481’221 euros ;

-le contrat de travail du 22 août 2014 de Madame [V] [G], employée en qualité de télévendeuse, prévoyant un objectif minimum de développement de chiffre d’affaires hors taxes de 100’000 euros sur 12 mois, objectif qui sera suspendu lorsque le chiffre d’affaires hors taxes de 400’000 euros sera atteint (selon les états de suivi : 113’420 euros en 2014/2015, 269’222 euros en 2016/2017) ;

-le contrat de travail du 17 décembre 2010 de Madame [U] [P], employée en qualité de télévendeuse, prévoyant un objectif minimum de développement de chiffre d’affaires hors taxes de 100’000 euros sur 12 mois, objectif qui sera suspendu lorsque le chiffre d’affaires hors taxes de 400’000 euros sera atteint (selon les états de suivi : 221’224 euros en 2011/2012, 401’767 euros en 2016/2017) ;

-les factures de téléphone concernant la ligne téléphonique de Madame [R] entre le mois d’août 2015 à juin 2017 ;

La SA PARAGON TRANSACTION conclut que l’examen des factures démontre que, sur l’exercice 2016/2017, Madame [R] a passé en moyenne 8,3 appels sortants par jour, d’une durée moyenne de 2,7 minutes, ce qui représente en moyenne 21,9 minutes par jour d’appels sortants, pour une durée journalière de travail de 7,5 heures, et qu’ainsi, 4,6 % du temps de travail de Madame [R] a été consacrés à des appels sortants ; que par ailleurs, la comparaison avec l’exercice 2015/2016 revèle une baisse de l’activité d’appels sortants de plus de la moitié pour le nombre d’appels sortants par jour (de 17 en 2016/2017 à 8,3 en 2016/2017) ;

-le relevé des jours ouvrés et des jours travaillés par Madame [R] de juillet 2015 à juin 2016.

***

Sur la comparaison avec d’autres salariées :

Madame [E] [R] soutient qu’elle ne peut être comparée aux deux télévendeuses, Mesdames [U] [P] et [V] [G], lesquelles intervenaient au sein de la Direction des Offres et des Marchés et de la Direction des Marchés Transports / Eddotrans sous la Direction du Responsable de la Commercialisation, secteurs d’activité distincts de celui de Madame [R]. Elle fait également valoir que sa situation n’est pas comparable à celle de Madame [Y], seule salarié de la société à occuper un poste similaire à celui de Madame [R] (télévendeuse en bureau de ventes) mais dont l’activité n’a rien de comparable compte tenu de son positionnement géographique : Madame [Y] intervient en région parisienne où se trouvent la plupart des sièges sociaux induisant de fait une activité plus importante et bénéficiant en plus d’un apport de GEDIMAT et des bibliothèques municipales de France.

Elle relève que, sur le seul client GEDIMAT qui a été apporté à Madame [Y] par la société PARAGON TRANSACTION, cette dernière réalisait une part conséquente de son chiffre d’affaires :

– 166’886 euros de quota prévu sur l’exercice 2012/2013,

– 157’548 euros de quota prévu sur l’exercice 2013/2014,

– 174’553 euros de quota prévu sur l’exercice 2014/2015,

– 121’299 euros de quota prévu sur l’exercice 2015/2016,

et que par ailleurs, Madame [Y] était essentiellement titulaire de grands comptes (chiffre d’affaires supérieur à 7140 euros voire plus de 15’973 euros) quand l’essentiel du portefeuille de Madame [R] était constitué de petits clients (moyenne de 327 euros).

La Cour constate que les chiffres ci-dessus avancés par l’appelante sont confirmés par l’analyse des pièces versées par la SA PARAGON TRANSACTION (pièces 29, 30, 32 et 33 – avenants au contrat de travail de Madame [Y]).

Madame [R] fait valoir également que Madame [Y] a récupéré le chiffre d’affaires d’un Directeur de Clientèle [L] [C] (ses pièces 110 et 111), sans avoir subi de retrait de dossiers contrairement à Madame [R].

Elle produit l’attestation du 29 avril 2019 de Madame [X] [Y], en retraite depuis le 1er octobre 2018, qui témoigne :

« Je connais les clients de [E] [R], puisqu’à son départ, j’ai récupéré en plus de mon portefeuille, la totalité de sa clientèle. Je peux dire que le CA par clients était pour la majorité très petit, moins de 200 € par commande. Ce qui nétait pas le cas de ma clientèle. De plus la plupart de ses clients ne commandaient pas tous les ans. Mais, tous les 2 à 5 ans, voir 10 ans. Elle n avait pas comme moi, un fond qui se renouvelait tous les ans.

En bref, il s’agissait d’un portefeuille clients en voie de disparition. J’ai eu la responsabilité de sa clientèle pendant 2 ans, et j’ai clairement constaté, la perte de très nombreux clients, due aux changements de technologie, ou cessation d’activité pour retraite sans repreneur ou liquidation judiciaire.

Je peux également certifier qu’aucun client ne m’a été repris par ma Direction, lors de mes 20 ans de télévendeuse au sein de la SOCIETE PARAGON TRANSATION, au contraire, ma hiérarchie me confiait de nouveaux dossiers de temps à autre, afin de compenser la perte « naturelle » de mon CA.

Ce qui à priori n’était pas le cas de [E] [R].

Je confirme également que tous les clients que j’ai repris après son départ de la SOCIETE, étaient très satisfaits de son travail, et certains un peu frileux d’avoir un nouvel interlocuteur.

Lorsque j’ai récupéré les dossiers papier de [E] [R], ils étaient tous à jour, et les renouvellements potentiels notés sur chaque dossier et sur tous les dossiers, même les plus petits à moins de 100 €.

Notre portefeuille était constitué d’un CA TRES IMPORTANT (la moitié de mon CA, en ce qui me concerne) de la vente des RECOMMANDES DE LA POSTE. La Poste avait reçu pour consigne de ne plus donner les recommandés gratuitement aux entreprises. Malheureusement, dans plusieurs régions et surtout dans le SUD, la poste redonnait les recommandés gratuitement.

Les clients de RECOMMANDES, de [E] [R], étaient pour la plupart des commandes de 50 à 200 € maxi, et représentaient autant de travail et de temps qu’un client à 5 000 €. A comparer, mon mini par commande était de 198 € et souvent des commandes de 1500 à 7000 €

[E] et moi, étions des télévendeuses sans assistante. Nous faisions tout de A à Z (de la prospection à la relance de paiement). Pour un même client, et ce même pour une commande à 50 €, nous pouvions envoyer une dizaine de mail (explications, devis, maquette, bon à tirer …. ) à cela s’ajoutaient quelques dysfonctionnements, litiges … qui nous permettait pas de faire certains jours autre chose que de l’administratif. Au moins une fois par semaine, je ne faisais aucun appel sortant faute de temps.

[E] et moi-même avions (et nous étions que nous deux), la même typologie de client. Mais, étant basée en région parisienne, mes clients étaient plus riches, plus gros, du fait que de nombreux sièges sociaux ou de décideurs sont implantés à [Localité 7]. Ce qui a favorisé aussi de développement de nouveaux clients avec un CA beaucoup plus important.

J’avais également deux marchés verticaux LE GROUPE GEDIMAT et LES BIBLIOTHEQUES UNlVERSITAIRE, et ce sur toute la France, qui m’assuraient un CA mensuel.

En 2015/2016 [E] [R], m’a dit que PARAGON lui avait budgété un chiffre d’affaire annuel de prospection pure de 200 000 € ! Je peux certifier que l’on ne m’a jamais budgété de CA en prospection. Chaque année mon budget était fait en fonction de mes réussites et pertes de l’année précédente. Mon objectif était toujours très proche du CA REALISE, l’année précédente.

Je certifie qu’un budget de 200 000 € en prospection avec la typologie de nos clients, et de notre charge administrative est impossible à réaliser.

Je peux également confirmer que [E] travaillait de chez elle, et était complétement isolée du «monde PARAGON ». Et pour cause, je l’ai souvent informée moi-même, de quelques changements ou nouveautés chez PARAGON, personne ne l’ayant fait.

J’ai toujours eu chez PARAGON, où je suis restée 42 ans, une bonne réputation professionnelle. Je connais [E] [R], depuis des années et je peux certifier qu’elle avait une réputation professionnelle égale à la mienne. Réputation que nous nous sommes forgées en travaillant sans relâche. Nous avions toutes les deux un impératif, la satisfaction à 100 % de nos clients. Et pour cela, non seulement nous ne comptions pas nos heures, mais avons dû travailler pendant nos congés, et parfois le week-end.

Alors, lorsque [E] a reçu des lettres recommandées successives, cela l’a beaucoup affectée.

Je peux également rappeler que nous étions les deux seules télévendeuses à faire le même travail sur des produits traditionnels d’imprimerie et sur les recommandés. Les autres télévendeuses de la SOCIETE travaillant sur des secteurs dits verticaux, (les prix sont déjà négociés) ne sont en aucun cas comparables. Et je sais de quoi je parle, puisque j’avais moi-même deux dossiers dits verticaux (Groupe GEDIMAT et les BIBLIOTHEQUES UNIVERSITAIRES). La négociation du prix est souvent longue et périlleuse. Travailler sans avoir à négocier le prix est un gain de temps inestimable ».

Ainsi, il résulte des éléments produits que la situation de Madame [R] n’était pas comparable à celle de Madame [Y].

S’agissant de la comparaison avec Mesdames [U] [P] et [V] [G], l’appelante produit un “organigramme PARAGON TRANSACTION” de la Direction des offres et des marchés à laquelle est rattachée la “Direction de Marché Transports/Eddotrans” dont dépendent ces deux télévendeuses (sa pièce 145), le secteur en charge de la commercialisation d’imprimés et de consommables de transports ainsi que de formulaires douaniers et étiquettes de matières dangereuses (pièces 112 et 113 versées par l’appelante), activité soutenue puisque tous ces documents sont rendus obligatoires par la législation en vigueur.

Ainsi, il ressort des éléments produits aux débats que Madame [R] était la seule télévendeuse positionnée sur un secteur d’activité spécifique et la seule à dépendre de la “Direction des Ventes Province” (selon organigramme versé en pièce 145 – Madame [Y] était rattachée au “Directeur des Ventes IDF”) et que sa clientèle était composée de “petits” clients (“moins de 200 € par commande”), constituant “un portefeuille clients en voie de disparition” (selon le témoignage de Madame [Y]).

En conséquence, aucune comparaison quant aux chiffres d’affaires réalisés par Madame [R] avec ceux réalisés par d’autres salariés ne peut être effectuée de manière pertinente.

Sur les objectifs assignés à Madame [R] :

Les objectifs assignés à Madame [R] ont été les suivants :

– 480’081 euros sur l’exercice 2011/2012 (avenant au contrat de travail du 30 août 2011),

– 457’911 euros sur l’exercice 2012/2013 (avenant au contrat de travail du 27 juin 2012),

– 377’927 euros sur l’exercice 2013/2014 (avenant au contrat de travail du 24 juin 2013),

– 368’855 euros sur l’exercice 2014/2015 (avenant au contrat de travail du 24 juin 2014),

– 282’283 euros sur l’exercice 2015/2016 (avenant au contrat de travail du 29 juin 2015),

– 400’000 euros sur l’exercice 2016/2017 (avenant non signé par la salariée – pièce 7 versée par l’appelante),

-240’000 euros sur l’exercice 2017/2018 (lettre recommandée du 19 juin 2017 de PARAGON TRANSACTION avec avenant du 19 juin 2017, non signé par la salariée).

Sur les exercices 2011/2012 à 2013/2014, Madame [R] a réalisé un chiffre d’affaires correspondant à 87-88 % de son quota. Elle a réalisé 76 % de son quota sur les exercices 2014/2015 et 2015/2016 (chiffres d’affaires respectifs de 278’581 euros et de 214’391 euros), et 52 % de son quota sur l’exercice 2016/2017 (chiffre d’affaires de 207’370 euros).

Jusqu’à juin 2014 (fin de l’exercice 2013/2014), Madame [R] a réalisé un pourcentage constant de son quota d’objectifs (88 %) sans que l’employeur ne présente d’observation à la salariée sur ses résultats.

La baisse de la réalisation de son quota d’objectifs survient à partir de l’exercice 2014/2015 (76 % de réalisé sur les deux exercices 2014/2015 et 2015/2016). Si la société PARAGON TRANSACTION invoque, dans la lettre de licenciement, un réalisé divisé par deux entre 2012 et 2017 (415’729 euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2011/2012, 207’370 euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2016/2017), il convient toutefois d’observer que les objectifs assignés à Madame [R] ont été fortement diminués, du moins jusqu’à juin 2016 (quota de 480’081 euros sur l’exercice 2011/2012, 282’283 euros sur l’exercice 2015/2016). La baisse des quotas de Madame [R] signifie que la SA PARAGON TRANSACTION a tenu compte du contexte économique difficile dans lequel travaillait la salariée (notamment au regard de la dématérialisation évoquée dans la lettre de licenciement).

La SA PARAGON TRANSACTION n’apporte aucune explication sur le quota fixé à 400’000 euros sur l’exercice 2016/2017 (soit + 117′ 717 euros par rapport au quota fixé sur l’exercice 2015/2016) et ne verse aucun élément susceptible de démontrer que les objectifs fixés sur l’exercice 2016/2017 étaient raisonnables et réalisables. Sur l’année suivante (2017/2018), la société a assigné à Madame [R], sans explication, un quota de 240’000 euros (inférieur au quota de 282’283 euros sur 2015/2016)

En conséquence, la Cour ne tient pas compte du pourcentage de réalisé retenu par l’employeur (52 % sur 400’000 euro de quota). Elle constate que la salariée a réalisé, sur l’exercice 2016/2017, 73,46 % du quota de 2015/2016 (chiffre d’affaires de 207’370 euros sur un quota de 282’283 euros).

Ainsi, la Cour retient que Madame [R] a réalisé 88 % de son quota jusqu’à juin 2014, sans reproche de son employeur, puis que son chiffre d’affaires a baissé à partir de juin 2014 (76 % de réalisation de juillet 2014 à juin 2016, 73,46 % de réalisation sur 2016/2017).

Il convient de vérifier si la situation du marché permettait à Madame [R] d’atteindre ses objectifs et si l’insuffisance de résultats repose sur des faits objectifs, imputables à la salariée.

Sur les difficultés rencontrées par la salariée :

Par mail du 6 février 2015, Madame [E] [R] a alerté son Directeur Commercial, [T] [M], sur les difficultés auxquelles elle se trouvait confrontée : livraison de produits non conformes (perte du client GOLS – 1200 € HT de chiffre d’affaires annuel), retrait de clients pour groupage au niveau national, disparition des clients “Formulaires” (car ils s’informatisent et utilisent du A4 blanc), baisse des clients “Listing” (qui ont changé leurs imprimantes pour des imprimantes laser), distribution par La Poste de recommandés à certains clients, retrait d’un client LIDL à [Localité 8] sans être prévenue, manque de communication avec son Directeur Commercial, baisse de son salaire en raison de son chiffre d’affaires et du “vieillissement de (son) portefeuille clients”.

– S’agissant de retraits de clients :

Madame [E] [R] dénonçait à nouveau, par courriel du 15 juillet 2016, « les retraits de clients qui ne sont pas compensés par de nouvelles affectations et diminuent d’autant mes réalisations. Pour un dernier en date, j’évoquais le client ALTHUS mais il y en a eu de nombreux, toujours sous des prétextes fallacieux de gestion de compte au niveau national (LABAZUR, NEUILLY CONTENTIEUX,’) ».

Elle produit de multiples pièces sur la perte du chiffre d’affaires du client ALTHUS (7000 € HT – pièces 29-1 à 29-7). Il était précisé, dans un courriel du 2 mai 2016 de [S] [F] que « ce client représente 2 % du CA global de [E] donc non négligeable sur cet exercice et il est budgété sur l’exercice prochain à hauteur de 3250 euros sur l’année ».

Il était proposé à Madame [R] de compenser la perte du compte ALTHUS par l’attribution de deux comptes Qualigraf et MIR Alpes, par courriel du 9 mai 2016. Toutefois, Madame [E] [R] faisait observer, par courriel du 15 février 2017, que ces deux clients étaient toujours sous le code vendeur d’un autre employé (deux commandes d’un montant total de 1837 euros).

Par ce même mail du 15 février 2017, Madame [R] indiquait qu’un de ses clients AVOCATS ASSOCIÉS SJOA lui avait été retiré et qu’elle n’avait “encore une fois pas été mise au courant”.

Madame [R] produit également des pièces relatives à la perte de clients : NEUILLY CONTENTIEUX (pièces 30-1 à 30-3), LABAZUR NICE (pièces 31-1 à 31-3), Maître [H] (pièces 32-1 à 32-3), NEOLIA (pièces 33-1 et 33-2), DISTRIBIKE (pièces 34-1 à 34-3), CHAVENEAU BERNIS (pièce 35), BOURBON AUTOMOBILES (pièce 36), RHINOS (pièce 37), BIAIS (pièces 38-1 et 38-2), Chambre des Métiers et de l’Artisanat du Pays de la Loire (pièces 39-1 et 39-2), GIE HUMANIS (pièces 40-1 à 40-3), etc. Elle fait valoir que les dossiers qui lui ont été retirés ou pris à son insu représentent au total une perte de chiffres d’affaires de 39’607 euros (récapitulatif des dossiers pris de l’exercice 2009/2010 à 2016/2017 – pièce 28).

Outre que la SA PARAGON TRANSACTION souligne que cette perte de chiffres d’affaires de 39’607 euros sur 8 ans représente en commissions annuelles une somme de 610 euros, elle soutient que Madame [R] a bien davantage profité de réaffectations de comptes clients en sa faveur que de retraits de clients.

Elle n’invoque toutefois que la seule affectation en 2011 du portefeuille clients d’une télévendeuse ayant quitté l’entreprise, ce à compter du 1er août 2011 (selon les termes de l’avenant au contrat de travail du 30 août 2011), dont elle affirme qu’il représentait plus de 150’000 euros de chiffre d’affaires eu égard à l’augmentation du quota pour 2011/2012 de 66’887 euros et à l’augmentation du chiffre d’affaires réalisé de 122’026 euros.

Toutefois, la SA PARAGON TRANSACTION ne verse aucun élément de nature à démontrer que le portefeuille clients affecté à Madame [R] le 1er août 2011 correspondait à un chiffre d’affaires de 150’000 euros au moins.

Madame [R] soutient qu’en tout état, de nombreux clients de ce portefeuille qui lui a été affecté en 2011 (portefeuille de Madame [I]) ont été affectés à d’autres commerciaux (Rectorat de la Guyane, Archipel Habitat, ROCHE – pièces 41-1 à 44-2) ; que beaucoup de clients issus du portefeuille de Madame [I] correspondaient à des sociétés déjà radiées ou en cours de radiation (pièces 106 à 106-58 et récapitulatif des établissements radiés ou en cours – pièce 127, soit 60 établissements). Elle produit également l’attestation du 31 octobre 2017 de Madame [B] [I], assistante commerciale, employée chez PARAGON TRANSACTION de janvier 2001 à juillet 2011 dont 3 ans, d’août 2007 à juillet 2011, au poste de télévendeuse, et qui témoigne : « Pendant ces 3 ans mon portefeuille clients n’accroissait plus, en raison des produits obsolètes formulaires, carnets, listing disparaissaient. Les produits recommandés étaient redonnés par la Poste. C’est l’une des raisons pour laquelle je suis partie avant d’avoir un salaire dérisoire, en demandant une rupture conventionnelle ».

Madame [R] verse également des pièces justifiant de l’obsolescence des imprimés et de la disparition de commandes par des clients de Madame [I] (pièces 129-1 à 141).

-Sur l’obsolescence des produits :

Madame [E] [R] invoque des produits obsolètes, l’ayant conduit à une décroissance naturelle de l’activité et à la suppression des télévendeurs affectés à cette activité : Mesdames [I] et [UX] parties dans le cadre d’une rupture conventionnelle, Madame [R] licenciée et Madame [Y], restée seule en poste (partie depuis à la retraite).

Elle produit des courriels de clients attestant avoir cessé de passer des commandes auprès de PARAGON en raison de l’obsolescence des produits et de la modernisation des systèmes informatiques rendant inutile le recours aux imprimés de PARAGON (clients Boucherie Agricole, SAS Pierre ROUX, société UNIC Espresso Engineers, société Euedékian, société STEINMETZ, le cabinet Hassier-EFGTP – pièces 54-1 à 59-3).

Elle produit également l’attestation du 20 février 2018 de Monsieur [N] [O], commercial, qui déclare : « J’ai travaillé avec Madame [R] [E] durant les années 1995 à 2006 chez PARAGON TRANSACTION au bureau de ventes situé à [Localité 4].

Madame [R] a toujours obtenu des résultats satisfaisants et ceux-ci n’ont jamais engendré de critiques ou mécontentement de nos chefs respectifs’

J’ai également travaillé directement avec Madame [R], puisque comme chaque année, tous les vendeurs devaient donner à Madame [R] les petits clients, ceux en perte de vitesse ou en cours d’abandon des produits PARAGON vieillissants, ce qui explique la paupérisation de son portefeuille client.

Son chef direct Monsieur [M] n’a jamais fait montre de respect envers Madame [R] [E]. Mise à l’écart lors de certaines réunions ou dîners ; cadeaux de fin d’année oubliés ; oubliées également les prises de nouvelles lors d’un arrêt maladie de Madame [R] [E] ; oubliés les v’ux de fin d’année ; pas ou peu de visites régulières de sa hiérarchie ; pas d’appels de ses chefs pour au moins discuter du travail et des affaires’ En bref, AUCUN SUIVI, NI AUCUNE ASSISTANCE.

On reproche à Madame [R] [E] de ne pas créer de nouveaux clients, alors que les produits proposés par Madame [R] sont en perte de vitesse ou sinon ils disparaissent à cause de cessations d’activités ou encore, on lui vole les clients ou commandes’

Il ne faut savoir que le secteur de l’imprimerie traditionnelle, c’est-à-dire les produits vendus par Madame [R] sont en déclin depuis au moins 10 ans’

Les clients isolés, les petites PME, la clientèle de Madame [R], optent pour une informatisation et dématérialisation des imprimés’ ».

Madame [X] [Y], dans son attestation citée ci-dessus, rapporte également avoir constaté la perte de très nombreux clients due aux changements de technologie.

-S’agissant de la perte de clients consécutive à la politique commerciale de la société :

Madame [E] [R] invoque notamment la perte du client ESPACE LOGISTIQUE, tenant du marché sur lequel la SA PARAGON TRANSACTION fera le choix de répondre à un appel d’offres et emportera l’appel d’offres de COFELY AXIMA, situation dénoncée par la salariée dans son courrier du 15 juillet 2016, indiquant qu’elle n’était pas responsable de la perte de son plus gros client (entre 30.000 et 56.000 euros de chiffre d’affaires par an).

Elle produit le courriel du représentant de ESPACE LOGISTIQUE : « Je tenais à vous confirmer que nous avons cessé de travailler avec la société Paragon en mars 2015, la raison est très précise : Paragon notre fournisseur a répondu à un appel d’offre fait par un de nos clients Cofely Axima en pratiquant un niveau de prix très bas, tout en sachant que nous étions tenant de ce marché.

Notre nom étant stipulé dans l’appel d’offre, la société Paragon ne pouvait ignorer que nous étions tenant du marché. Compte tenu de ce manque de déontologie nous ne pouvions continuer à travailler avec Paragon.

Auparavant nos relations commerciales étaient excellentes et vous avez toujours répondu à nos demandes de façons professionnelles et personnellement j’ai toujours été satisfait de vos services ».

Il résulte des pièces 46-1 à 46-5 versées par l’appelante que le client ESPACE LOGISTIQUE représentait un chiffre d’affaires de 29’160 euros en 2011/2012, 56’160 euros en 2012/2013 et 32 190 euros en 2013-2014.

Si la SA PARAGON TRANSACTION soutient que la concurrence apportée à la société ESPACE LOGISTIQUE est naturelle, elle ne prétend pas cependant que la perte de ce client important aurait été compensée par l’attribution à Madame [R] d’un ou plusieurs clients.

-Sur la demande de l’employeur adressée à Madame [R] d’exercer son activité sur de nouveaux marchés dénommés « verticalisation point de vente » :

La SA PARAGON TRANSACTION fait valoir qu’il avait été demandé à la salariée, alors que son portefeuille historique se restreignait compte tenu des nouvelles technologies affectant toutes les entreprises de l’industrie de l’imprimerie, d’exercer une activité nouvelle sur un portefeuille clients de la « verticalisation point de vente ». Un avenant au contrat de travail a été signé par les parties le 5 février 2016, à effet du 1er mars 2016, la salariée ayant précisé accepter ledit avenant « sous réserve d’une durée limitée à une année du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016′ ».

Madame [E] [R] a indiqué à son employeur, par courriel du 3 mai 2016, qu’elle ne souhaitait pas poursuivre cette activité qui avait été envisagée pour une année à titre expérimental et précisant :

« Très loin de mon activité d’origine, cette activité ne me convient pas. De plus, elle alourdit considérablement ma charge de travail sans rémunération correspondante jusqu’à ce jour, au détriment de mes clients du Bureau de [Localité 3]. Il y a également la gestion du “bandeau” qui constitue une intervention pour prendre des appels en grande majorité pour un service après-vente sans aucun lien avec mes fonctions habituelles et pour lesquelles j’ai été recrutée. Là encore, ces appels aggravent ma charge de travail, toujours sans contrepartie.

Ainsi, pour l’exercice prochain, je souhaite concentrer mon activité sur mon portefeuille de clients du Bureau de [Localité 3], que j’ai depuis plus de vingt ans maintenant. Ainsi, je vous remercie de maintenir ce portefeuille à l’identique sans aucune réaffectation à d’autres commerciaux.

Je souhaiterais également être soutenue par ma hiérarchie dans le développement de cette activité puisque je travaille finalement seule et sans aucun soutien depuis plusieurs années maintenant. Cela s’avère fort compliqué dans le contexte actuel de paupérisation du marché de l’imprimerie et de produits à vendre qui sont supplantés par de nouvelles technologies.

J’aimerais également ne plus avoir à souffrir du retrait intempestif de clients pour des motifs divers (groupage de clients au nom de création de “grands comptes”, prises de commandes dans JDE en modifiant le code vendeur,’) et le cas du client ALTHUS en est le parfait exemple. Vous voudrez bien en conséquence le maintenir dans mon portefeuille de clients ».

La SA PARAGON TRANSACTION a pris acte du fait que la salariée ne souhaitait pas continuer à travailler sur le nouveau portefeuille clients de la “verticalisation point de vente”, dans son courrier recommandé du 6 juin 2016 adressé à Madame [R], et lui a demandé : « Cependant, comme vous en convenez vous-même, votre portefeuille historique étant en voie de paupérisation pour des raisons extrinsèques à l’entreprise, vous vous devez de relancer de manière très significative votre activité de prospection afin de pallier à sa décroissance.

Nous vous demandons de vous ressaisir et comptons sur une réaction immédiate de votre part pour inverser cette situation’ ».

Par avenant du 30 juin 2016 soumis à la signature de Madame [R], son quota était désormais fixé à 400’000 euros.

Par avenant du 19 juin 2017, une nouvelle activité de “verticalisation point de vente” était proposée à Madame [R], laquelle refusait le 4 juillet 2017 la signature de son avenant au contrat de travail.

Par courrier recommandé du 11 juillet 2017, la SA PARAGON TRANSACTION concluait que la salariée refusait “toute solution (lui) permettant de relancer tant (son) activité que (ses) résultats” et engageait la procédure de licenciement le 12 juillet 2017.

Madame [R] était en droit de refuser la signature d’un avenant à son contrat de travail entraînant une modification de son activité et de ses missions. Elle sollicitait, dans son courriel du 3 mai 2016, que l’employeur cesse de lui retirer des clients. La SA PARAGON TRANSACTION a répondu, dans son courrier recommandé du 6 juin 2016, que la salariée avait bénéficié d’une reprise du portefeuille clients d’une collègue en 2011 et qu’elle avait récupéré, en contrepartie du client ALTHUS, deux autres clients.

Toutefois, la SA PARAGON TRANSACTION ne produit aucun élément sur le contenu du portefeuille de Madame [I] affecté à Madame [R] en 2011, alors que cette dernière démontre que beaucoup de ces clients étaient radiés ou en cours de radiation et que ceux restants ne permettaient pas un développement du chiffre d’affaires au vu de l’obsolescence des produits proposés.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est allégué par l’employeur, il n’est pas établi que le retrait du client ALTHUS aurait été compensé par deux autres clients, la salariée indiquant le 15 février 2017 que les deux clients, Qualigraf et MIR Alpes, étaient toujours affectés à un autre vendeur.

-Sur la demande de soutien de Madame [R] :

Madame [E] [R] invoque avoir dénoncé à plusieurs reprises qu’elle ne bénéficiait d’aucun soutien de son Directeur Commercial :

-par mail du 6 février 2015, elle alertait son Directeur commercial sur le manque de communication avec lui qui “ne (la) fait plus (se) sentir entièrement intégrée”,

-par courrier du 8 février 2017, elle lui demandait « de quelle manière vous entendez me soutenir dans le développement de mon activité professionnelle alors que je réclame depuis plusieurs années (déjà) un soutien de votre part sans me contenter de solliciter du chiffre d’affaires à gérer’

Je tiens à souligner que depuis le 2 décembre 2016, date à laquelle nous nous sommes rencontrés, je n’ai eu aucun appel, ni mail, ni soutien de mon responsable hiérarchique’ »,

-par courrier du 21 mars 2017, elle dénonçait une « absence totale de soutien dans le cadre de mon activité et isolement. A ce titre vous évoquez un soutien en termes généraux sans indiquer quelles mesures concrètes auraient été prises pour m’épauler. Vous me demandez aujourd’hui de décider seule de mon lieu d’affectation. Il est vrai que sans aucun moyen prévu pour organiser le déménagement de mon activité et de mes dossiers, il me paraît préférable de continuer à exercer depuis mon domicile. Vous entendrez bien m’indiquer de quelle manière vous entendez indemniser cette sujétion’ ».

À l’exception des courriers recommandés des 6 juin 2016 (faisant suite à une entrevue du 31 mai 2016), 13 décembre 2016 (faisant suite à une entrevue du 2 décembre 2016), 21 février 2017 et 19 juin 2017 constituant des recadrages de la salariée, la SA PARAGON TRANSACTION ne verse pas d’éléments probants sur les moyens mis en ‘uvre aux fins d’apporter une aide à Madame [R].

-Sur le niveau d’activité de Madame [R] :

Les factures de téléphone produites par la SA PARAGON TRANSACTION, entre le mois d’août 2015 à juin 2017, permettent tout au plus de constater que le temps consacré par Madame [R] aux appels sortants a diminué sur 2016/2017 par rapport à 2015/2016.

Or, comme relevé par Madame [R], sur l’année 2015/2016, elle exerçait, à titre expérimental sur une année une activité de “verticalisation point de vente” et une activité hotline, ce qui explique que les appels téléphoniques passés sur cette période étaient supérieurs en nombre aux appels enregistrés sur l’exercice 2016/2017.

Madame [E] [R] produit des extraits du “bandeau” (correspondant à une activité de standardiste) sur la période du 14 mars 2016 au 16 juin 2016, présentant sur chaque journée le nombre d’appels pris par la salariée et le nombre d’appels non pris, étant observé que Madame [R] présente le plus souvent un pourcentage d’appels pris supérieur à celui des appels pris par les deux autres télévendeurs.

La SA PARAGON TRANSACTION ne verse pas les factures de téléphone sur les exercices antérieurs à juillet 2015, en sorte qu’il n’est pas possible de conclure que le nombre d’appels sortants sur 2016/2017 serait en diminution par rapport aux appels sortants des exercices antérieurs.

Par ailleurs, Madame [R] soutient que la plupart des échanges avec les clients s’effectuaient par mails et elle produit de nombreux échanges par courriels avec ses clients (pièces 86 à 86-46, 87, 88, 107-1 à 109-1).

Madame [X] [Y] a par ailleurs attesté que « [E] et moi, étions des télévendeuses sans assistante. Nous faisions tout de A à Z. (de la prospection à la relance de paiement). Pour un même client, et ce même pour une commande à 50 €, nous pouvions envoyer une dizaine de mail (explications, devis, maquette, bon à tirer …. ) à cela s’ajoutaient quelques dysfonctionnements, litiges … qui nous permettait pas de faire certains jours autre chose que de l’administratif. Au moins une fois par semaine, je ne faisais aucun appel sortant faute de temps ».

En conséquence, les factures téléphoniques produites par l’employeur n’établissent pas que le niveau de prospection de la salariée était insuffisant, alors que les activités de Madame [R] étaient diversifiées (contacts avec les clients par téléphone et mails, établissement des devis, gestion administrative des dossiers clients, envoi des courriers de confirmation des commandes et des factures, traitement du courrier, etc.).

*

Au vu de l’ensemble des éléments examinés ci-dessus, il n’est pas établi que Madame [E] [R] ait fait preuve d’insuffisance professionnelle dans l’exécution de ses missions ou que l’insuffisance de ses résultats serait due à sa carence fautive, alors même que la salariée a été confrontée à une paupérisation de son portefeuille du fait de l’obsolescence des produits commercialisés, à la perte de clients due à la politique commerciale de la société, à des retraits de clients décidés par l’employeur sans réaffectation et à l’absence de moyens et d’aide apportés par l’employeur, qui lui a au surplus assigné un objectif déraisonnable sur l’exercice 2016/2017.

Il s’ensuit que le licenciement de la salariée est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il n’est pas discuté que Madame [R] percevait un salaire mensuel moyen brut de 2303,52 euros.

Madame [R] produit des attestations de Pôle emploi attestant de périodes indemnisées entre le 24 novembre 2017 et le 2 mai 2019, des relevés de situation sur les périodes indemnisées de juillet 2019 à décembre 2019 et de juillet 2020 à octobre 2020 (13 jours indemnisés), de décembre 2020 (10 jours indemnisés), de janvier 2021 à juin 2021 et le courrier du 29 juin 2021 de Pôle emploi de refus de rechargement de l’allocation d’aide au retour à l’emploi.

Elle n’apporte pas d’élément sur ses recherches d’emploi, ni sur l’évolution de sa situation professionnelle et ses ressources postérieurement au mois de juin 2021.

En considération des éléments versés sur son préjudice, de l’ancienneté de 22 ans de la salariée dans l’entreprise, de son âge (52 ans lors de la notification de son licenciement) et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour accorde à Madame [R] la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le harcèlement moral :

Madame [E] [R] soutient que c’est à la suite de son refus de reconduire l’activité de “verticalisation point de vente” que la SA PARAGON TRANSACTION, à titre de rétorsion, lui a imposé unilatéralement la réalisation d’un chiffre d’affaire colossal (400’000 euros) sur l’exercice 2016/2017 ; qu’elle a refusé les objectifs que la société PARAGON TRANSACTION tentait de lui imposer ; qu’à partir de ce moment-là, elle sera la cible d’un acharnement de son employeur et destinataire de nombreux courriers recommandés avec AR, destinés à lui mettre la pression ; que contrairement à la position prise par le conseil de prud’hommes, il n’y a pas eu simple exercice du pouvoir hiérarchique mais harcèlement véritable au regard de la multiplicité des agissements de l’employeur et des courriers adressés ; que la société PARAGON TRANSACTION a exercé des pressions sur la salariée pour la contraindre à accepter une modification de son contrat de travail par la signature d’avenants à son contrat ; que malgré le refus opposé par la salariée sur l’exercice 2016/2017, la société tentera de nouveau de lui imposer cette même modification du contrat de travail pour l’exercice 2017/2018 dans la mesure où l’activité sur la FNAIM correspondait également à une activité de “Hotline” et de “verticalisation”, la société allant jusqu’à faire de ce refus d’une modification de son contrat de travail un motif de licenciement ; que l’opacité du commissionnement de la salariée sur ce dispositif caractérise une atteinte supplémentaire au contrat de travail de Madame [R] ; que le chiffre d’affaires n’a jamais été communiqué à la salariée malgré son courrier de demande du 15 juillet 2016 ; que le chiffre d’affaires réalisé par Madame [R] sera affecté à d’autres télévendeuses au moment du commissionnement en mars 2016, ce qui permettait de priver la salariée par cette manipulation du commissionnement correspondant ; que Madame [R] a aussi fait l’objet d’une mise à l’écart, la société multipliant les actions afin de la contraindre à quitter l’entreprise ; également, que la société PARAGON TRANSACTION cessera subitement et sans raison à compter du 1er juillet 2016 d’indemniser Madame [R] au titre de l’occupation de son logement alors que le télétravail a perduré après cette date, cette indemnité d’occupation étant masquée par un remboursement de frais de déplacement à hauteur de 95 euros par mois ; que l’employeur n’a pas répondu à ses demandes légitimes de changement de lieu de travail (depuis son domicile jusqu’à l’agence d'[Localité 2]) ; qu’elle était “laissée-pour-compte” au regard de l’absence de réponse à ses demandes (sur l’achat d’un nouveau téléphone alors que le sien était en panne, sur la proposition faite par la salariée suite à une demande de modification de ses congés par sa hiérarchie,’) ; qu’elle a aussi subi des actes de déloyauté de la société PARAGON TRANSACTION (retraits de clients significatifs afin d’appauvrir son portefeuille) ; que ces agissements répétés ont entraîné une dégradation progressive de son état de santé avec arrêt de travail et syndrome dépressif réactionnel, son affection cardiaque ayant été aggravée par l’hypertension et le stress ; que la concluante est en conséquence bien fondée à solliciter le paiement de 20’000 euros à titre de dommages et intérêts pour le harcèlement moral subi et compte tenu des actes de déloyauté de son employeur.

La SA PARAGON TRANSACTION réplique que le simple fait pour l’employeur d’adresser à sa salariée des rappels à l’ordre à la suite d’entretiens n’est pas constitutif d’un harcèlement moral ; que bien au contraire, il est de la responsabilité de l’employeur d’attirer l’attention de son salarié sur la dégradation des conditions d’exécution de son contrat de travail au regard des conséquences économiques pour l’entreprise et ce, sur une période de plusieurs exercices ; que l’employeur a démontré une grande patience, attirant l’attention de sa salariée sur les difficultés constatées, qu’il n’a pu que constater le refus de Madame [R] d’exécuter les tâches qui lui étaient assignées et de développer également le chiffre d’affaires par la mise en vente de nouveaux produits et services générateurs de chiffre d’affaires et de commissions ; que Madame [R] ne peut se prévaloir de cette absence totale de diligences et de son refus d’exécuter des consignes de l’employeur pour aujourd’hui prétendre à un harcèlement qui n’existe pas ; qu’elle ne communique d’ailleurs aucune pièce justifiant d’un harcèlement et qu’elle doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

***

Madame [E] [R] verse outre les pièces citées ci-dessus, les éléments suivants :

-les quatre courriers recommandés qui lui ont été adressés par son employeur les 6 juin 2016, 13 décembre 2016, 21 février 2017 et 19 juin 2017 ;

-son courriel du 3 mai 2016 par lequel elle informe son employeur ne pas souhaiter poursuivre l’activité qu’elle avait acceptée d’exercer pour une année à titre expérimental ;

-l’avenant au contrat de travail daté du 19 juin 2017 que l’employeur lui a adressé pour signature, par courrier recommandé du 19 juin 2017 ;

-son courrier recommandé du 15 juillet 2016 adressé à la SA PARAGON TRANSACTION et dans lequel elle demande que lui soit transmis le chiffre d’affaires réalisé sur les clients de [Localité 6] sur la période du 1er juillet 2015 au 30 juin 2016, la salariée soutenant que la société ne lui a jamais communiqué ce chiffre d’affaires ;

-des factures SADAL et SOCODIA attribuées à un autre télévendeur alors que Madame [R] revendique avoir réalisé ce chiffre d’affaires (pièces 89-1 à 90) ;

-le courrier recommandé du 8 février 2017 de Madame [E] [R] en réponse au courrier du 13 décembre 2016 de la SA PARAGON TRANSACTION : « Vous m’annoncez déjà un suivi intense de mon activité et sans nul doute une multiplication des envois postaux.

Je souhaiterai plutôt que vous m’indiquiez de quelle manière vous entendez me soutenir dans le développement de mon activité professionnelle alors que je réclame depuis plusieurs années (déjà) un soutien de votre part sans me contenter de solliciter du chiffre d’affaires à gérer’

Toujours en ce qui concerne l’objectif 2016-2017 que vous essayez de me forcer à accepter, vous retenez un réalisé sur les quatre mois de l’exercice afin de me mettre en difficulté alors qu’à fin décembre mon réalisé est de 108’378 € et identique à celui de fin décembre 2016 108’271 €. Il n’y a dès lors aucune régression.

Pourquoi présenter vos arguments de cette façon alors que vous savez très bien que c’est le chiffre d’affaires réalisé sur 12 mois qui doit être regardé dans sa globalité. Là encore, au lieu de me soutenir, vous essayez de me fragiliser’

Une fois de plus, je réitère le souhait d’être épaulée dans le cadre de mon activité comme il se doit.

En parfaite illustration de l’abandon que je vis, vous ne m’avez toujours pas fixée sur mon lieu de travail malgré mes demandes réitérées et claires en ce sens’ » ;

-le courrier recommandé du 21 mars 2017 de Madame [E] [R] en réponse au courrier du 21 février 2017 de la SA PARAGON TRANSACTION : « Certes la mensualisation des objectifs et son suivi ne sont pas nouveaux. Ce qui est tout à fait nouveau est l’envoi systématique de lettres recommandées avec accusés de réception dans un but évident de m’écoeurer et de m’atteindre moralement. Mais votre stratégie d’acharnement avait été annoncée.

Votre présentation partielle de la réalité vous amène à annoncer une nouvelle fois des chiffres erronés. Ainsi, mon réalisé à fin janvier 2017 est de 121’308 € et non de 71’747 € comme vous l’écrivez ce qui fait beaucoup de différence’

Pour le reste, loin de me poser en victime et de dégager ma responsabilité, je ne peux que réitérer certains constats :

> Absence totale de soutien dans le cadre de mon activité et isolement. A ce titre vous évoquez un soutien en termes généraux sans indiquer quelles mesures concrètes auraient été prises pour m’épauler. Vous me demandez aujourd’hui de décider seule de mon lieu d’affectation’

> Retraits de clients pour des motifs divers et fallacieux’ » ;

-le courrier recommandé du 4 juillet 2017 de Madame [E] [R] adressé en réponse au courrier du 19 juin 2017 de la SA PARAGON TRANSACTION : « Je note avant tout qu’après m’avoir adressé de nombreuses correspondances relatives à une prétendue insuffisance d’activité, avec un acharnement annoncé, votre conclusion (maintien de mon chiffre d’affaires et baisse de mes réalisations enrayées) est plus que contradictoire. J’en déduis, mais je le savais déjà, que l’unique but de tout cela était de me faire travailler sous pression en plus de l’isolement que je subis (très peu de contacts avec d’autres salariées de l’entreprise, aucune assistance de votre part, pas de réponse à mes interrogations légitimes notamment celle relative à mon lieu de travail) si ce n’est afin de m’adresser des reproches incessants et injustifiés.

Le quota de prospection pure parfaitement démesuré que vous aviez tentée de m’imposer l’année dernière (200’000 €) est également oublié. C’est l’aveu de son caractère irréaliste et irréalisable. L’objectif était là encore de m’infliger une pression supplémentaire.

Alors même que je vous avais exposé l’année dernière mon refus de poursuivre mon activité de « Hotline» sur [Localité 6] qui avait été envisagée pour une année à titre expérimental seulement, vous tentez par un moyen détourné de m’imposer la réalisation de cette mission’ » ;

-un courriel du 18 juillet 2016 de Madame [R] demandant “la marche à suivre suite au courrier de [Z] [D] en ce qui concerne mon lieu de travail” (pièce 94-1) ; son courriel du 2 septembre 2016 indiquant qu’elle réitère sa demande “n’ayant aucun retour de votre part en ce qui concerne mon lieu de travail” (pièce 14) ;

-le compte rendu d’entretien préalable au licenciement en date du 26 juillet 2017, établi par le conseiller de la salariée, mentionnant que Madame [R] « réaffirme la volonté de la direction de l’avoir volontairement isolée et abandonnée malgré ses demandes d’aide » (pièce 71) ;

-une note de frais du 10 mars (année non renseignée) mentionnant notamment un “déplacement” pour un montant de 190,41 euros (95 euros x 2 selon la salariée, correspondant à l’indemnité d’occupation de son logement – pièce 97-1) et une note de frais du 12 décembre 2013 mentionnant un “déplacement” pour un montant de 284,99 euros (95 euros x 3 selon la salariée correspondant à l’indemnité d’occupation de son logement – pièce 97-2) ; le courrier du 15 septembre 2015 de son Directeur Commercial lui annonçant qu’en l’état du projet de lui confier un portefeuille de clients de l’activité point de vente, les déplacements clients engendrant des frais de déplacement ne lui étaient plus autorisés à compter du 1er juillet 2016 (pièce 95) ;

-différentes pièces relatives à l’absence de traitement des dossiers de Madame [R] durant ses congés ou ses arrêts de travail (pièces 94-2 à 94-14 et 107-1 à 107-7) ;

-une demande adressée à son Directeur commercial d’acheter un nouveau téléphone le 13 février 2013 et réponse obtenue le 17 février 2013 (pièce 72) ;

-une demande du 10 avril 2015 du directeur commercial adressée à Madame [R] pour qu’elle précise son dernier jour travaillé avant son arrêt maladie du 1er au 5 avril (pièce 73) ;

-une proposition par courriel du 21 avril 2015 de modification de ses congés, suite à la demande de sa hiérarchie, proposition restée sans réponse selon la salariée (pièce 74) ;

-une demande de médaille d’honneur du travail en date du 1er octobre 2017 adressée par Madame [E] [R] à son employeur, et le diplôme, médaille d’honneur et chèque d’un montant de 274 euros adressés par l’employeur le 27 avril 2018 (pièces 120-1 à 120-6) ;

-la liste des dossiers et clients pris à Madame [R] (pièce 28) et les pièces relatives à la perte du client ESPACE LOGISTIQUE (pièces 46-1 à 46-5) ;

-l’attestation citée ci-dessus de Madame [X] [Y] qui rapporte : « Je connais Madame [E] [R] depuis des années et je peux certifier qu’elle avait une réputation professionnelle égale à la mienne. Réputation que nous nous sommes forgées en travaillant sans relâche. Nous avions toutes les deux un impératif, la satisfaction à 100 % de nos clients. Et pour cela, non seulement nous ne comptions pas nos heures, mais nous avons dû travailler pendant nos congés et parfois le week-end.

Alors, lorsque [E] a reçu des lettres recommandées successives, cela l’a beaucoup affectée’ » ;

-l’attestation citée ci-dessus de Monsieur [N] [O] qui atteste de l’absence de respect de Monsieur [M] envers Madame [R], de la mise à l’écart de cette dernière : « Mise à l’écart lors de certaines réunions ou dîners ; cadeaux de fin d’année oubliés ; oubliées également les prises de nouvelles lors d’un arrêt maladie de Madame [R] [E] ; oubliés les v’ux de fin d’année ; pas ou peu de visites régulières de sa hiérarchie ; pas d’appels de ses chefs pour au moins discuter du travail et des affaires’ En bref, AUCUN SUIVI, NI AUCUNE ASSISTANCE… » ;

-l’avis d’arrêt de travail initial du 17 juin 2016 de Madame [R] mentionnant un syndrome anxiodépressif et l’avis de prolongation d’arrêt de travail jusqu’au 13 juillet 2016 ;

-le certificat du Docteur [A] [K], médecin psychiatre, qui certifie « suivre régulièrement [E] [R]. Cette patiente m’a été adressée par son médecin traitant en juin 2016, où elle présentait un état anxio-dépressif nécessitant un suivi spécialisé. Cette patiente verbalisait une situation difficile et conflictuelle avec son employeur, situation qui a d’ailleurs abouti à son licenciement. Elle a toujours rapporté un climat de harcèlement de la part de son employeur, ce qui a entraîné chez elle une altération de l’humeur dans le sens négatif et une altération de l’image de soi. Elle continue de nécessiter un suivi spécifique » ;

-des prescriptions médicamenteuses de 2016 et 2017 ;

-un certificat du 29 avril 2019 du Docteur [J] [W], médecin généraliste, qui certifie suivre régulièrement Madame [E] [R] et que celle-ci « présente une affection cardiaque (valvulopathie) aggravée par l’hypertension et le stress ; elle bénéficie aussi d’un suivi spécialisé par le Dr [K] depuis ses démêlés professionnels ».

Madame [E] [R] présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Afin de combattre cette présomption, la SA PARAGON TRANSACTION produit les différentes pièces citées et examinées ci-dessus au titre du licenciement pour insuffisance professionnelle de la salariée.

Alors qu’il a été vu qu’il n’était pas démontré que Madame [R] avait fait preuve d’insuffisance professionnelle dans l’exécution de ses missions et alors qu’elle avait été confrontée à une paupérisation de son portefeuille pour des raisons qui ne lui étaient pas imputables, la multiplication des courriers recommandés adressés par la SA PARAGON TRANSACTION les 6 juin 2016, 13 décembre 2016, 21 février 2017 et 19 juin 2017, reprochant à Madame [R] ses résultats en des termes excessifs (évoquant un “constat alarmant”, des “résultats de facturation inacceptables”, la sommant de “relancer de manière très significative (son) activité”), sans lui proposer des actions de soutien réclamées par l’intéressée, prenant acte le 6 juin 2016 du fait que la salariée ne souhaitait pas continuer à travailler sur le nouveau portefeuille client de la “verticalisation point de vente” tout en lui proposant à nouveau, le 19 juin 2017, un portefeuille de l’activité “verticalisation point de vente” avec une diminution du quota sur 2017/2018 par rapport au quota déraisonnable de 2016/2017, caractérise des pressions exercées par l’employeur sur Madame [R]. Constituent également des agissements de harcèlement moral les retraits de clients décidés par l’employeur sans contrepartie, étant observé que Madame [X] [Y] témoigne « qu’aucun client ne (lui) a été repris par (sa) Direction, lors de (ses) 20 ans de télévendeuse au sein de la SOCIETE PARAGON TRANSATION, au contraire, (sa) hiérarchie (lui) confiait de nouveaux dossiers de temps à autre, afin de compenser la perte « naturelle » de (son) CA », de même que l’isolement imposé à la salariée par son employeur, comme attesté par Monsieur [N] [O] (mise à l’écart de certaines réunions ou dîners, aucun suivi ni aucune assistance) et par Madame [X] [Y] (“Je peux également confirmer que [E] travaillait de chez elle, et était complétement isolée du « monde PARAGON ». Et pour cause, je l’ai souvent informée moi-même, de quelques changements ou nouveautés chez PARAGON, personne ne l’ayant fait”).

Dans ces conditions, l’existence d’un harcèlement moral subi par Madame [R] est établie.

Au vu des témoignages et des éléments médicaux versés par l’appelante, la Cour accorde à Madame [E] [R] la somme de 8000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice.

Sur l’indemnité d’occupation :

Madame [E] [R] fait valoir qu’en vertu de l’article L.1222-10 du code du travail (avant le 24 septembre 2017), l’employeur doit prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, en particulier ceux liés aux matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que les coûts liés à la maintenance de ceux-ci ; que l’employeur n’a pas contesté le “montage” quant au versement de l’indemnité d’occupation par un remboursement de frais de déplacement à hauteur de 95 euros par mois, cela en vue d’échapper au paiement des cotisations sociales sur cette indemnité d’occupation ; que subitement et sans raison, la SA PARAGON TRANSACTION a cessé à compter du 1er juillet 2016 d’indemniser Madame [R] au titre de l’occupation de son logement alors que le télétravail a perduré après cette date ; qu’elle est dès lors bien fondée à solliciter une indemnisation à ce titre sur la période du 1er juillet 2016 jusqu’à la rupture de son contrat de travail, soit 2158,40 euros, correspondant à l’indemnité d’occupation du logement : 95 euros x 16 mois = 1520 euros et à la box Internet : 39,90 euros x 16 mois = 638,40 euros.

La SA PARAGON TRANSACTION sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a dit qu’il n’était pas rapporté la preuve par Madame [R] de l’accord de la société pour prendre en charge les prétendus frais d’occupation de son logement au titre du télétravail, le conseil de prud’hommes ayant rappelé les dispositions de l’article L.1122-10 du code du travail aux termes desquels si l’employeur doit prendre en charge les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, il n’était pas rapporté la preuve desdits coûts ; que dès lors qu’aucun accord d’indemnité n’apparaît dans les dispositions contractuelles liant les parties et qu’in fine, l’occupation du logement fait partie intrinsèque des fonctions de Madame [R] qui exerçait l’emploi de télévendeuse, le jugement doit être intégralement confirmé.

***

La SA PARAGON TRANSACTION ne peut se retrancher derrière l’absence de dispositions contractuelles liant les parties alors que, n’étant pas discuté que la salariée travaillait à domicile pour le compte de l’entreprise, la société avait l’obligation légale d’établir un contrat de travail ou un avenant précisant les conditions de passage de la salariée en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail, selon les dispositions de l’article L.1222-9 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige. L’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que la maintenance de ceux-ci, aux termes de l’article L.1222-10 du même code.

Alors que Madame [R] produit deux notes de frais (pièces 97-1 et 97-2) dont il résulte un remboursement au titre d’un “déplacement”, sans précision de date et de nom d’un client contrairement aux autres frais remboursés, d’une somme multiple de 95 euros, la SA PARAGON TRANSACTION ne fournit aucune explication et n’apporte aucune contradiction à la salariée qui indique que cette somme correspond au montant de l’indemnité mensuelle d’occupation de son logement, convenue entre les parties.

Or, par courrier du 15 septembre 2015, le Directeur Commercial a annoncé à la salariée que les déplacements n’étaient plus autorisés à compter du 1er juillet 2016 et que les frais de déplacement ne lui seraient plus remboursés.

En conséquence, la Cour retient qu’il était convenu entre les parties du versement d’une indemnité d’occupation du logement à hauteur de 95 euros par mois, dont il n’est pas démontré par la salariée qu’elle n’incluait pas d’ores et déjà les frais d’internet.

Il est accordé à Madame [R] la somme de 1520 euros à titre de remboursement des coûts découlant de l’exercice du télétravail.

Sur le remboursement des indemnités de chômage :

Il convient d’ordonner d’office, en application des dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par l’employeur fautif au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée, du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limité de six mois d’indemnités.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de la salariée était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu’il a condamné la SA PARAGON TRANSACTION aux dépens et à payer à Madame [E] [R] la somme de 1250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la SA PARAGON TRANSACTION à payer à Madame [E] [R] les sommes suivantes :

– 50’000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 8000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,

– 1520 euros d’indemnité d’occupation du logement,

Dit que les sommes allouées de nature indemnitaire produiront des intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance pour la somme de 30’000 euros allouée par le premier juge et à compter du présent arrêt pour le surplus,

Ordonne la capitalisation des intérêts échus et dus pour plus d’une année dans les conditions fixées par la loi,

Ordonne le remboursement par la SA PARAGON TRANSACTION au Pôle emploi PACA des indemnités de chômage versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d’indemnités de chômage, en vertu de l’article L.1235-4 du code du travail,

Condamne la SA PARAGON TRANSACTION aux dépens d’appel et à payer à Madame [E] [R] 2500 euros au titre des frais irrépétibles d’appel en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que le présent arrêt sera notifié par le greffe de la Cour au Pôle Emploi PACA.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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