Régime fiscal des redevances de marques : Tribunal administratif de Lyon, 4ème chambre, 14 février 2023, 2105184

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Régime fiscal des redevances de marques : Tribunal administratif de Lyon, 4ème chambre, 14 février 2023, 2105184

Par un mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 24 novembre 2022, l’administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Centre-Est fait valoir, à titre principal, que les revenus liés à l’utilisation de la marque “L’étoile de l’enfance” déposée par M. C ont été imposés à bon droit dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et demande, à titre subsidiaire, à ce qu’ils soient imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

* * * REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er juillet 2021, M. A C, représenté par Me Thivend, demande au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre des années 2016 et 2017, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la restitution des sommes déjà acquittées, assorties des intérêts moratoires prévus par l’article

L. 208 du livre des procédures fiscales ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme au titre de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

– l’administration, qui ne s’est pas reportée à l’intégralité de la procédure pénale, mais seulement à certaines pièces, doit être regardée comme ayant abusé de son droit de communication ;

– il ne peut être regardé comme ayant eu la disposition des sommes inscrites au crédit de son compte courant d’associé correspondant à des droits d’auteur eu égard à la situation économique et financière de la société Supply Services, sur laquelle il ne disposait d’aucun pouvoir en sa qualité d’associé minoritaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2021, l’administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Centre-Est conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Par une lettre du 23 novembre 2022, les parties ont été informées, en application de l’article

R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement à intervenir était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que les revenus liés à l’utilisation de la marque “L’étoile de l’enfance” déposée par M. C, qui doit être regardée comme une marque commerciale, ne pouvaient être imposés que dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Par un mémoire en réponse au moyen d’ordre public, enregistré le 24 novembre 2022, l’administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Centre-Est fait valoir, à titre principal, que les revenus liés à l’utilisation de la marque “L’étoile de l’enfance” déposée par M. C ont été imposés à bon droit dans la catégorie des bénéfices non commerciaux et demande, à titre subsidiaire, à ce qu’ils soient imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

Par une ordonnance du 25 novembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 16 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

– le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de Mme Gros, conseillère,

– et les conclusions de Mme Lacroix, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit

:

1. M. A C et son épouse ont fait l’objet d’un examen de situation fiscale personnelle portant sur les revenus des années 2015 à 2017. A l’issue des opérations de contrôle, le foyer fiscal de M. C a, notamment, été assujetti à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2016 et 2017, assorties d’intérêts de retard et de majorations. Le requérant demande au tribunal d’en prononcer la décharge et d’ordonner la restitution des sommes déjà acquittées, assorties des intérêts moratoires prévus par l’article

L. 208 du livre des procédures fiscales.

Sur les conclusions à fin de décharge et de restitution :

2. En premier lieu, aux termes de l’article

L. 81 du livre des procédures fiscales : ” Le droit de communication permet aux agents de l’administration, pour l’établissement de l’assiette, le contrôle et le recouvrement des impôts, d’avoir connaissance des documents et des renseignements mentionnés aux articles du présent chapitre dans les conditions qui y sont précisées. () “.

3. Il ne résulte pas de l’instruction, notamment pas des termes de la proposition de rectification adressée au foyer fiscal de M. C le 5 septembre 2019, que l’administration aurait établi les impositions litigieuses au vu d’éléments se rattachant à une procédure pénale obtenus dans l’exercice de son droit de communication. Par suite, le requérant ne peut utilement soutenir qu’elle aurait abusé de ce droit, en ne tenant pas compte de la totalité des éléments versés à cette procédure.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article

12 du code général des impôts : ” L’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année. () “. En vertu de l’article

92 de ce code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige, sont, notamment, considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d’exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication. Le 1 de l’article

93 du même code précise que : ” Le bénéfice à retenir dans les bases de l’impôt sur le revenu est constitué par l’excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l’exercice de la profession “.

5. Il résulte de l’instruction que M. C est le dépositaire légal de la marque semi-figurative ” L’étoile de l’enfance “, qu’il a autorisé la société Supply Services à utiliser par un contrat de licence. Aucun élément de l’instruction ne permet toutefois de considérer que cette marque aurait un lien avec la fabrication effective de produits. Elle doit, par suite, être qualifiée de marque commerciale. C’est, dès lors, à tort que l’administration a imposé dans la catégorie des bénéfices non commerciaux les revenus liés à son utilisation, d’un montant de 107 520 euros en 2016 et de 20 119 euros en 2017, qui ne pouvaient l’être que dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

6. Toutefois, l’administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Centre-Est demande, dans le cadre de la présente instance, que les revenus liés à l’utilisation de la marque ” L’étoile de l’enfance ” soient imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux.

7. L’administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier l’imposition en substituant une base légale à une autre, sous réserve que le contribuable ne soit pas privé des garanties de procédure qui lui sont données par la loi compte tenu de la base légale substituée.

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que la demande de substitution de base légale, qui ne prive M. C d’aucune garantie de procédure, doit être accueillie.

9. En troisième lieu, aux termes de l’article 156 du même code : ” L’impôt sur le revenu est établi d’après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (), aux professions qu’ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu’aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. – Du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus ; si le revenu global n’est pas suffisant pour que l’imputation puisse être intégralement opérée, l’excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu’à la sixième année inclusivement () “. Il résulte de ces dispositions combinées que les revenus à retenir au titre d’une année déterminée pour l’assiette de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux sont celles qui ont été mises à la disposition du contribuable au cours de cette année, soit au plus tard le 31 décembre.

10. Il résulte de l’instruction, en particulier des mentions de la proposition de rectification du 5 septembre 2019, et n’est pas contesté, que des sommes dues par la société Supply Services à son associé, M. C, à raison de l’utilisation de la marque ” L’étoile de l’enfance ” dont il est le dépositaire légal, s’élevant respectivement à 107 520 euros en 2016 et à 20 119 euros en 2017, ont été inscrites au crédit du compte courant d’associé de l’intéressé dans les livres de cette société. Pour contester le caractère imposable de ces sommes, qu’il a, s’agissant de celle de 107 520 euros, lui-même fait figurer dans sa déclaration de revenus 2016 déposée le 3 octobre 2018, le requérant se prévaut de la situation économique et financière de la société Supply Services. Il n’apporte, toutefois, aucun élément de nature à établir que celle-ci l’aurait empêché de prélever les sommes en litige avant le 31 décembre des années considérées, Dès lors, M. C doit être regardé comme en ayant eu la disposition. Par suite, c’est par une exacte application des dispositions précitées que ces sommes ont été comprises dans les revenus imposables de son foyer fiscal pour les années 2016 et 2017.

11. Il résulte de ce qui précède que M. C n’est pas fondé à demander la décharge des impositions et pénalités en litige ni, par voie de conséquence, la restitution des sommes déjà acquittées, assorties des intérêts moratoires prévus par l’article

L. 208 du livre des procédures fiscales.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l’article

L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C demande au titre de ses frais d’instance.

D E C I D E:

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A C et à l’administrateur général des finances publiques de la direction de contrôle fiscal Centre-Est.

Délibéré après l’audience du 24 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Clément, président,

Mme Tocut, première conseillère,

Mme Gros, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

R. Gros

Le président,

M. B

La greffière,

T. Andujar

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,


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