Si, en application des dispositions de l’article R. 3211-13 du code de la santé publique, Mme [D] [X], qui n’avait pas saisi le juge des libertés et de la détention, ne peut recevoir la qualité de partie, ce qui ne l’autorisait ni à faire appel de l’ordonnance querellée, ni ne l’autorise à se pourvoir en cassation contre la présente ordonnance, pour autant, l’article R. 3211-15 prévoit en son 3ème alinéa que, devant le juge des libertés et de la détention, ‘les personnes convoquées ou avisées (au rang desquelles figure le tiers demandeur lorsqu’il n’est pas lui-même partie) peuvent faire parvenir leurs observations par écrit, auquel cas il en est donné connaissance aux parties présentes à l’audience’.
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Cour d’appel de Rennes, 31 mars 2023, 23/00169 COUR D’APPEL DE RENNES
N° 23/71
N° RG 23/00169 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TUDI
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
article L 3211-12-4 du code de la santé publique
Nous, Philippe BRICOGNE, Président à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l’article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Elodie CLOATRE, greffière,
Statuant sur l’appel formé le 24 Mars 2023 à 17 heures 05 par :
M. [L] [X]
né le 17 Avril 1955 à [Localité 3] (ISRAEL)
[Adresse 1]
[Localité 2]
Actuellement hospitalisé à l’EPSM DU MORBIHAN ([Localité 4])
Ayant pour avocat Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 14 Mars 2023 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a ordonné le maintien de son hospitalisation complète ;
En présence de [L] [X], régulièrement avisé de la date de l’audience, assisté de Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat
En présence de Madame [D] [X], tiers demandeur, régulièrement avisé,
En l’absence du procureur général régulièrement avisé (avis du 27/03/2023),
En l’absence du représentant de l’établissement de soins, régulièrement avisé,
Après avoir entendu en audience publique le 30 Mars 2023 à 14 H 00 l’appelant et son avocat ainsi que le tiers demandeur en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :
Sur la base :
– d’un certificat médical établi le 3 mars 2023 par le Dr. [V] décrivant un patient logorrhéique, tenant un discours fixé sur une thématique de préjudice vis-à-vis de sa famille, avec un délire de persécution organisé, de mécanisme interprétatif auquel il adhère, rationalisant la modification récente de son comportement et de celui de sa famille, présentant une thymie triste, des affects syntones, sans conscience de ses troubles et dans le refus des traitements,
– d’un certificat médical établi le même jour par le Dr. [J] décrivant un trouble à type de logorrhée, des idées persécutrices à son encontre, le patient étant sur la défensive, dans le déni et le refus des soins, en rupture de contact et de traitement et présentant une confusion mentale avec désorientation temporelle,
– d’une décision du directeur du centre hospitalier du même jour,
M. [L] [X] a été admis le 3 mars 2023 à l’EPSM du Morbihan à [Localité 4] en hospitalisation complète sans son consentement à la demande d’un tiers, en l’occurrence sa fille Mme [D] [X].
Le certificat médical des 24 heures établi le 4 mars 2023 par le Dr. [Y] [B] mentionne un contact très rigide, une anosognosie, un refus d’évoquer les motifs de son hospitalisation, un comportement de rationalisation, une inaccessibilité et un vécu de victimisation, situation justifiant la poursuite des soins à la demande d’un tiers.
Le certificat médical des 72 heures établi le 6 mars 2023 par le Dr. [F] mentionne un patient calme, fixé sur ses positions, ayant des difficultés à intégrer le point de vue d’autrui, interprétatif et projectif sur sa femme, n’acceptant pas la critique, s’isolant progressivement, multipliant les procédures judiciaires, persuadé d’un complot de son entourage, avec une souffrance psychique importante, critiquant son hospitalisation, nécessitant des soins psychiatriques et présentant une mauvaise adhésion aux soins, situation justifiant la poursuite des soins à la demande d’un tiers sous la forme d’une hospitalisation complète afin d’apaiser M. [L] [X].
Le directeur du centre hospitalier a, par décision du 6 mars 2023, maintenu les soins psychiatriques de M. [L] [X] sous la forme d’une hospitalisation complète.
Le directeur du centre hospitalier a, par requête du 7 mars 2023, saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes aux fins de poursuite de l’hospitalisation complète de M. [L] [X].
Sur la base d’un certificat médical établi le 9 mars 2023 par le Dr. [F] mentionnant la persistance d’une certaine méfiance à l’égard de sa prise en charge médicale et de sa famille, un patient toujours interprétatif, tentant de masquer sa souffrance psychique, acceptant avec beaucoup de réticence les thérapeutiques proposées et offrant une adhésion aux soins trop superficielle, le juge des libertés et de la détention a, par ordonnance du 14 mars 2023, autorisé le maintien de son hospitalisation complète.
Le 24 mars 2023, M. [L] [X] a fait appel de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention.
À l’audience du 30 mars 2023 à 14 heures, M. [L] [X] indique qu’il souhaite sortir de l’hôpital. Il s’agit de sa deuxième hospitalisation alors qu’il n’a pas besoin de soins. Sa première hospitalisation avait d’ailleurs cessé sans traitement. Il déclare avoir fait une psychanalyse pendant 14 ans qu’il n’a pas poursuivie au décès de son psychanalyste en 2021, même s’il en reconnaît les bienfaits. Retraité, il s’occupe dans des activités de propriété intellectuelle, après avoir été comptable de la société qu’il gérait avec son épouse.
Son avocate sollicite le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire et demande l’annulation et, à défaut, l’infirmation de l’ordonnance ainsi que la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète. Elle considère en effet :
– que la saisine du juge des libertés et de la détention est irrecevable faute de pouvoir valable de son signataire,
– que l’auteur des décisions d’admission et de maintien n’avait pas reçu délégation suffisante, ce qui lui cause nécessairement grief, les délégations dont jouirait le signataire étant le fait de l’ancien directeur du centre hospitalier,
– qu’il n’est pas justifié de la transmission de la décision d’admission et des certificats médicaux à la commission départementale des soins psychiatriques,
– que l’hospitalisation a été demandée par sa fille avec qui il est en conflit, ce qui la disqualifiait pour recevoir la qualité de tiers,
– que le certificat médical accompagnant la saisine du juge des libertés et de la détention ne caractérise pas suffisamment la nécessité de l’hospitalisation de M. [L] [X],
– que, sur le fond, les éléments produits ne militent pas pour la poursuite de la mesure, aucun des certificats médicaux n’évoquant notamment la paranoïa dont fait état Mme [D] [X].
En réplique au tiers demandeur, elle considère que les observations de Mme [D] [X] ne sont pas recevables dès lors qu’elle n’est pas partie à la procédure et que l’appel de M. [L] [X], qui avait été motivé par l’indivisibilité de l’objet du litige, est recevable s’agissant d’une procédure orale permettant de développer tous moyens jusqu’à l’audience.
Le centre hospitalier ne comparaît mais a transmis des éléments complémentaires, notamment :
– une délégation de signature,
– un certificat médical de situation établi le 28 mars 2023 par le Dr. [F] mentionnant la persistance d’une réticence aux soins, le patient refusant tout contact avec sa famille, éludant les motivations qui l’ont poussé à s’isoler, avec un travail d’introspection et une alliance thérapeutique impossibles, situation justifiant la poursuite des soins à la demande d’un tiers sous la forme d’une hospitalisation complète.
Mme [D] [X], tiers demandeur, est entendue en ses observations. Elle sollicite de la juridiction qu’elle déclare l’appel irrecevable comme ayant été motivé hors délai et qu’elle confirme l’ordonnance dès lors que l’auteur de la saisine avait bien un pouvoir, que les textes spéciaux du code de la santé publique s’appliquent par préférence aux textes généraux du code de procédure civile, que les irrégularités, d’ailleurs soulevées tardivement, ne font pas grief à son père et qu’elle avait bien qualité pour agir du seul fait qu’elle soit sa fille, aucun conflit notoire n’étant établi autre que la contestation de son hospitalisation par M. [L] [X], demandée dans son intérêt.
Le ministère public requiert la confirmation de l’ordonnance.
DISCUSSION
À titre liminaire, il conviendra d’accorder à M. [L] [X] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.
Sur la recevabilité des observations de Mme [D] [X]
Si, en application des dispositions de l’article R. 3211-13 du code de la santé publique, Mme [D] [X], qui n’avait pas saisi le juge des libertés et de la détention, ne peut recevoir la qualité de partie, ce qui ne l’autorisait ni à faire appel de l’ordonnance querellée, ni ne l’autorise à se pourvoir en cassation contre la présente ordonnance, pour autant, l’article R. 3211-15 prévoit en son 3ème alinéa que, devant le juge des libertés et de la détention, ‘les personnes convoquées ou avisées (au rang desquelles figure le tiers demandeur lorsqu’il n’est pas lui-même partie) peuvent faire parvenir leurs observations par écrit, auquel cas il en est donné connaissance aux parties présentes à l’audience’.
Pareillement, l’article R. 3211-21 prévoit en son 1er alinéa que, ‘à l’audience (de la cour d’appel), les parties et, lorsqu’il n’est pas partie, le tiers qui a demandé l’admission en soins psychiatriques peuvent demander à être entendus ou faire parvenir leurs observations par écrit, auquel cas il en est donné connaissance aux parties présentes à l’audience’.
Contrairement à ce que prétend M. [L] [X], les observations du tiers demandeur ne sont pas limitées à des considérations de fond mais peuvent tendre à combattre les moyens d’irrégularité soulevés par l’appelant, voire suggérer à son tour tout moyen de procédure, en ce compris l’irrecevabilité de l’appel, ce que la juridiction peut d’ailleurs faire d’office.
Il s’ensuit que les observations de Mme [D] [X] seront déclarées recevables en leur ensemble.
Sur la recevabilité de l’appel
Aux termes de l’article R. 3211-18 du code de la santé publique, le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance.
Selon l’article R. 3211-19, le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d’appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d’appel et la déclaration est enregistrée avec mention de la date et de l’heure.
En l’espèce, M. [L] [X] a formé le 24 mars 2023 à 17h05 un appel de la décision du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Vannes du 14 mars 2023 qui lui avait été notifiée ce jour-là à 20 heures. Cet appel, qui ne fait qu’indiquer que ‘l’objet du litige est indivisible’, ce qui exprime la volonté de l’appelant d’en critiquer le dispositif en son entier, ne vaut pas motivation au sens des dispositions qui précèdent.
Si l’appelant a la possibilité de régulariser son appel en le motivant à l’intérieur du délai d’appel, son avocat n’a déposé son mémoire que le 29 mars 2023 à 13h55, soit 15 jours après la notification de l’ordonnance.
Il n’est pas allégué le caractère disproportionné de cette sanction au regard du droit d’accès au juge.
L’appel de M. [L] [X], irrégulier en la forme, sera donc déclaré irrecevable.
Sur les dépens
Les dépens d’appel seront laissés à la charge du trésor public.
PAR CES MOTIFS
Nous, Philippe BRICOGNE, président de chambre, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière de contentieux des soins et hospitalisations sous contrainte,
Accordons à M. [L] [X] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire,
Recevons les observations de Mme [D] [X],
Déclarons M. [L] [X] irrecevable en son appel,
Laissons les dépens d’appel à la charge du trésor public.
Fait à Rennes, le 31 Mars 2023 à
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, Philippe
BRICOGNE, Président
Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à [L] [X] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur
Le greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD
Le greffier