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La commande d’un prototype (boite tridimensionnelle) emporte le droit pour le client, de le déposer à titre de marque, sans l’accord ni même l’information du prestataire.
La société Alias expose avoir imaginé et mis au point un prototype de boîte hexagonale qu’elle a proposé à la société Orphan Europe devenue Recordati Rare Diseases le 22 avril 2004 et dont la production a été validée par devis accepté du 28 mai 2004 et première facture du 31 août 2004, les commandes étant régulièrement renouvelées durant près de dix ans.
Elle explique avoir constaté à compter de 2012 une baisse sensible des commandes, lesquelles se sont totalement interrompues en 2014, alors que la société Recordati Rare Diseases continuait après cette date à vendre ses médicaments dans les mêmes boîtes hexagonales.
Elle dit avoir par ailleurs découvert à cette occasion que la forme de cette boîte avait fait l’objet par une société OE Holding, membre du groupe Recordati, avant transfert à la société Recordati Orphan Drugs, de dépôts de marque tridimensionnelle française et de l’Union européenne (marques devenues depuis caduques), et d’une marque tridimensionnelle internationale désignant l’Union européenne, déposée le 8 juin 2005 en classe 5 sous le n° 855’857 (marque refusée dans un premier temps à l’enregistrement par l’OHMI pour absence de caractère distinctif, avant admission par la Chambre de recours le 1er mars 2007).
Selon les éléments fournis au débat la société OE Holding a déposé une marque internationale désignant l’Union européenne enregistrée le 8 juin 2005 pour désigner les «’produits pharmaceutiques pour traiter les maladies rares’». Cette marque tridimensionnelle ci-avant représentée est constituée par la forme caractéristique du conditionnement à savoir celle d’un prisme droit à base hexagonale’; sur chacune des six faces verticales dudit prisme figure un texte en deux parties séparées par un trait horizontal. Elle a été cédée à la société Recordati Orphan Drugs et régulièrement renouvelée.
L’emballage en litige a été conçu par la société Alias en réponse à une commande de la société Orphan Europe devenue Recordati Orphan Drugs, ce conditionnement devant être utilisé pour commercialiser les produits pharmaceutiques de la société Recordati. Cet emballage n’avait pas vocation à être exploité par la société Alias, aucune volonté de la part de la société Recordati de la priver de l’utilisation du signe pour des produits pharmaceutiques qui n’est pas nécessaire à son activité d’agence de communication et de l’éliminer de son champ d’intervention de conception de packaging n’est donc caractérisée. La société Alias ne dispose par ailleurs d’aucun droit privatif sur cet emballage et ne peut tirer argument du fait que la société Recordati savait qu’elle n’avait pas acquis de droits auprès d’elle sur celui-ci.
Selon les dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.
La juridiction a considéré que le dépôt de la marque en cause n’a été effectué ni en fraude des droits de la société Alias, ni en violation d’une obligation légale ou contractuelle, la société Recordati pouvant légitimement déposer à titre de marque pour désigner les produits qu’elle commercialise la forme d’un emballage dont elle a commandé la conception et qui lui a été facturée par son prestataire, la société Alias ne pouvant alors soutenir que les sociétés Recordati se sont accaparé son travail de création et de conception pour lequel elle a été rémunérée.
De même, le défaut d’information de la société Alias quant au dépôt de cet emballage commandé spécialement et dont la prestation a été rémunérée pour désigner des produits relevant de l’activité de la société Recordati, ne démontre pas la fraude dont se serait rendue coupable cette dernière. Il en va de même du maintien des relations commerciales entre les parties pendant une quinzaine d’années qui ne caractérise pas plus une fraude qui doit être appréciée au moment du dépôt de la marque. Une exécution de mauvaise foi des contrats liant les parties n’est pas plus démontrée par la société Alias qui se contente d’affirmer qu’en raison de la durée des relations d’affaires entre les parties, elle était devenue un partenaire de confiance avec qui la société Recordati devait se comporter de manière loyale.
L’action en revendication de la marque internationale désignant l’Union européenne n°0855857 a été rejetée.
Selon les éléments fournis au débat, il résulte que la société Alias a, en 2004, répondu à une commande de la société Orphan Europe devenue la société Recordati Rare Diseases (Recordati) pour la mise au point d’un emballage permettant d’inscrire sur les faces extérieures des boîtes de médicaments, dans le plus de langues possibles, les mentions réglementaires requises pour commercialiser ces médicaments.
La société Alias a notamment proposé un prototype de boîte hexagonale (devis) retenu par la société Orphan Europe. Des exemplaires de ces prototypes ont été remis à la société Orphan Europe le 8 avril 2004 et un devis adressé par la société Alias à la société Orphan Europe le 17 mai 2004, devis accepté le 28 mai 2004. Ce devis avait pour référence «’Etude boîte hexagonale et cale’» et visait notamment comme prestations «’recherche de formes, tracés des boîtes et cales’», la maquette de la boîte hexagonale ayant été réalisée par la société Innodec selon facture en date du 31 mars 2004 adressée par la société Innodec à la société Alias.
Des factures du 28 février 2005 portant sur la «’mise en page, exécution, préparation des éléments, photogravure, sortie de contrôle’» et concernant une boîte hexagonale ont par ailleurs été adressées par la société Alias à la société Orphan Europe.
Selon les dispositions de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle visé par les parties et le tribunal, la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom de qui l”uvre est divulguée.
Une personne morale ne peut toutefois être investie à titre originaire des droits de l’auteur que dans le cas où une oeuvre collective créée à son initiative est divulguée sous son nom. La présomption énoncée à l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ne peut bénéficier qu’aux auteurs personnes physiques, les personnes morales en étant exclues.
Selon les dispositions de l’article L. 113-2, second alinéa, du code de la propriété intellectuelle, est dite collective, l’oeuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.
L’article L. 113-5 du même code dispose que l’oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur.
L’emballage de forme hexagonale objet du présent litige a été divulgué sous le nom de la société Alias et cette dernière bénéficie donc de la présomption de la qualité d’auteur prévue à l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle précité.
Les sociétés Recordati ne peuvent être suivies lorsqu’elles soutiennent que la société Alias n’est pas en mesure d’établir la moindre exploitation des boîtes hexagonales sous son nom de sorte qu’elle ne saurait bénéficier de la présomption de titularité, seules les sociétés Recordati ayant été à l’origine d’une exploitation non équivoque depuis plus de quinze ans.
En effet, il convient de distinguer entre la présomption légale et la présomption prétorienne du droit d’auteur, cette dernière, qui ne porte pas sur la qualité d’auteur mais sur la titularité des droits d’exploitation ne pouvant être opposée qu’à un contrefacteur allégué, et non à celui qui revendique être l’auteur de l’oeuvre.
Pour les raisons qui précèdent, les sociétés Recordati ne font pas plus utilement valoir qu’elles sont à l’initiative de la réalisation et de la fabrication de la boîte litigieuse en fournissant à la société Alias des instructions précises et que c’est la société Orphan Europe devenue Recordati Rare Diseases qui est investie des droits tant en vertu de la présomption de titularité bénéficiant à l’exploitant légitime et régulier des boîtes qu’en sa qualité d’initiateur et de commanditaire en application des articles L. 113-2 et L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle.
Il sera à cet égard relevé que s’il n’est pas discuté que la société Orphan Europe est bien à l’origine de la commande d’un emballage pour commercialiser ses produits, il n’est nullement établi par les sociétés Recordati que la société Orphan Europe a contrôlé le processus de création pendant son évolution par le biais de directives et ait harmonisé les différentes contributions, le devis précité du 17 mai 2004 étant à cet égard insuffisant.
Il résulte des dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Les sociétés Recordati contestent l’originalité de l’emballage qui leur est opposé.
Il appartient à la société Alias qui revendique une protection au titre du droit d’auteur sur un emballage dont l’originalité est contestée de préciser en quoi l’oeuvre revendiquée porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. L’originalité comme condition de la protection au titre du droit d’auteur, s’oppose à la notion de nouveauté et la notion d’antériorité est donc inopérante en droit d’auteur.
Néanmoins, ainsi que le soutiennent les sociétés Recordati, il ressort des éléments fournis au débat que la forme hexagonale est largement connue comme forme d’emballage pour des produits les plus divers, la société Alias ayant d’ailleurs proposé antérieurement à un de ses clients, cette forme hexagonale comme emballage d’un parfum. Aucun effort créateur ne ressort de la reprise de cette forme hexagonale dans le domaine des produits pharmaceutiques, domaine dans lequel cette forme était d’ailleurs déjà utilisée.
La présentation des mentions règlementaires sur chacune des faces en plusieurs langues séparées par un trait ne fait que répondre à des impératifs liés à la distribution des médicaments orphelins issus d’une réglementation européenne, cette nécessité expliquant en outre la forme de l’emballage qui permet l’usage de plusieurs langues. Il en va de même de la présence des drapeaux pour l’illustration de chaque langue. Le dégradé de couleur et les couleurs utilisées sont ceux déjà présents sur les emballages utilisés par les sociétés intimées pour distribuer chacun de leurs produits (une couleur étant associée à un produit comme le bleu au Cystagon, le jaune au Carbaglu, le violet au Cystadane …) et il n’est démontré aucun effort créateur à les transposer sur une forme hexagonale.
Le choix de la société Recordati de déposer la forme de l’emballage à titre de marque est inopérant s’agissant de caractériser l’originalité d’une oeuvre. En effet, le critère d’originalité nécessaire à la protection d’une création par le droit d’auteur est à distinguer de la condition de «’distinctivité’» exigée pour qu’un signe puisse constituer une marque valable.
Bien que l’empreinte de la personnalité est à rechercher dans l’aspect global de l”uvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, il ressort que pour concevoir l’emballage en cause, la société Alias ne démontre pas avoir fait des choix personnels et arbitraires de la forme de l’emballage, de sa couleur, des textes qui y sont inscrits, démontrant un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
La société Alias échouant à caractériser l’originalité de l’emballage en cause, l’ensemble des demandes de celle-ci au titre de la contrefaçon de droit d’auteur doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
* * *
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – Chambre 2, 14 avril 2023, 21/09779
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 14 AVRIL 2023
(n°64, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/09779 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CDXIE
Décision déférée à la Cour : jugement du 23 mars 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS – 3ème chambre 3ème section – RG n°19/00228
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S.U. ALIAS agissant en la personne de son président en exercice, M. [Y] [N], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Créteil sous le numéro 330 387 044
Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055
Assistée de Me Michèle MERGUI, avocate au barreau de PARIS, toque R 275
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES
S.A.S. RECORDATI ORPHAN DRUGS, prise en la personne de son président en exercice, M. [O] [J], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 501 282 743
S.A.R.L. RECORDATI RARE DISEASES, prise en la personne de son gérant en exercice, M. [U] [D], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Nanterre sous le numéro 379 088 115
Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque L 0010
Assistées de Me Nathalie HADJADJ-CAZIER plaidant pour FIELDFISHER (FRANCE) LLP, avocate au barreau de PARIS, toque P 419
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes [S] [X] et [T] [E] ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 23 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Paris.
Vu l’appel interjeté le 25 mai 2021 par la société Alias.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 16 février 2022 par la société Alias, appelante et incidemment intimée.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022 par les sociétés Recordati Rare Diseases et Recordati Orphan Drugs, intimées et appelantes à titre incident.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 novembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Alias, créée en 1984, se présente comme une agence de communication et d’identité visuelle, proposant à sa clientèle des prestations de conception et de fabrication notamment de logotype, documents marketing ou packaging.
La société Recordati Rare Diseases, anciennement Orphan Europe, est, tout comme la société Recordati Orphan Drugs, une filiale de la société italienne Recordati, laquelle se présente comme l’un des principaux laboratoires pharmaceutiques européens spécialisés dans la recherche, le développement et la commercialisation de médicaments orphelins pour le traitement de maladies rares (les sociétés Recordati).
En 2003, la société Orphan Europe devenue Recordati Rare Diseases a confié à la société Alias la réalisation de plaquettes de présentation de médicaments, avant de lui demander une refonte de l’emballage de sept de ceux-ci (Wilzin, Cystagon, Carbaglu, Vedrop, Normosang, Cystadane et Pedea).
La société Alias expose alors avoir imaginé et mis au point un prototype de boîte hexagonale qu’elle a proposé à la société Orphan Europe devenue Recordati Rare Diseases le 22 avril 2004 et dont la production a été validée par devis accepté du 28 mai 2004 et première facture du 31 août 2004, les commandes étant régulièrement renouvelées durant près de dix ans.
Elle explique avoir constaté à compter de 2012 une baisse sensible des commandes, lesquelles se sont totalement interrompues en 2014, alors que la société Recordati Rare Diseases continuait après cette date à vendre ses médicaments dans les mêmes boîtes hexagonales.
Elle dit avoir par ailleurs découvert à cette occasion que la forme de cette boîte avait fait l’objet par une société OE Holding, membre du groupe Recordati, avant transfert à la société Recordati Orphan Drugs, de dépôts de marque tridimensionnelle française et de l’Union européenne (marques devenues depuis caduques), et d’une marque tridimensionnelle internationale désignant l’Union européenne, déposée le 8 juin 2005 en classe 5 sous le n° 855’857 (marque refusée dans un premier temps à l’enregistrement par l’OHMI pour absence de caractère distinctif, avant admission par la Chambre de recours le 1er mars 2007).
le dépôt de ces marques et la continuation de l’exploitation de boîtes hexagonales identiques à celle qu’elle soutient avoir créée constituent une atteinte à ses droits d’auteur, la société Alias a, après vaines tentatives de règlement amiable, fait assigner par acte du 6 décembre 2018, les sociétés Recordati Orphan Drugs et Recordati Rare Diseases devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d’auteur, revendication de la marque internationale n°855 857 pour dépôt frauduleux et, subsidiairement, concurrence déloyale et parasitaire.
Elle a par ailleurs introduit à l’encontre de la société Recordati Rare Diseases, par acte en date du 29 janvier 2019, une action en réparation pour rupture brutale des relations commerciales établies devant le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement du 3 février 2020, a jugé la rupture brutale caractérisée en l’absence d’un préavis raisonnable évalué à six mois et a attribué à la société Alias une indemnité réparatrice de 41 738 euros. La société Alias a fait appel de cette décision.
Dans l’intervalle, la société Alias a également saisi l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) d’une action en nullité de la marque n° 855 857 sur le fondement des articles 59 §1 b) et 60 §2 c) du règlement sur la marque de l’Union européenne, avant de solliciter la suspension de cette procédure dans l’attente de la décision du tribunal judiciaire de Paris dans la présente affaire, relative à sa demande de revendication de cette marque.
C’est dans ces circonstances qu’a été rendu le jugement dont appel qui a’:
– dit la société Alias recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur mais l’a déboutée de ses demandes à ce titre,
– dit la société Alias irrecevable (sic) à solliciter le transfert de la marque de l’Union européenne n°0855857 dont est titulaire la société Recordati Orphan Drugs et une indemnisation au titre d’actes d’usurpation de marque, mais la déboute de ses demandes,
– débouté la société Alias de sa demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire,
– condamné la société Alias à verser aux sociétés Recordati Orphan Drugs et Recordati Rare Diseases la somme globale de 9 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Alias aux entiers dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
La société Alias a relevé appel de cette décision et dans ses dernières conclusions demande à la cour de’:
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021 en ce qu’il l’a dit recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur,
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 23 mars 2021 en ce qu’il a’:
– débouté la société Alias en son action en contrefaçon de droit d’auteur,
– débouté la société Alias en son action en revendication de marque et en indemnisation des actes d’usurpation de marque,
– débouté la société Alias de sa demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire,
– condamné la société Alias à verser aux sociétés Recordati la somme globale de 9’000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Alias aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– la recevoir en ses demandes, les déclarer bien fondées et y faire droit,
– rejeter l’appel incident formé par les sociétés Recordati par conclusions du 19 novembre 2021,
– juger que les modèles de conditionnements des produits Wilzin, Cystagon, Carbaglu, Vedrop, Normosang, Cystadane, Pedea sont des ‘uvres de l’esprit protégées par le livre I du code de la propriété intellectuelle,
– juger qu’en exploitant la marque internationale désignant l’Union européenne, tridimensionnelle, déposée le 8 juin 2005 sous le numéro 0855857, et en reproduisant l”uvre appartenant à la société Alias, la société Recordati Rare Diseases a commis des actes de contrefaçon de droits d’auteur au sens des livres I et III du code de la propriété intellectuelle,
– juger qu’en déposant la marque internationale désignant l’Union européenne, tridimensionnelle, le 8 juin 2005 sous le numéro 0855857, la société Orphan Recordati Drugs s’est rendue coupable de dépôt frauduleux au sens de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle,
En conséquence,
– ordonner le transfert de ladite marque à son profit,
– condamner la société Recordati Rare Diseases à lui payer la somme de 1 405 600 euros à parfaire en réparation du préjudice causé par les actes de contrefaçon dont elle s’est rendue coupable,
– condamner la société Orphan Recordati Drugs à lui verser la somme de 1 600 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice causé par les actes d’usurpation de marque dont elle s’est rendue coupable,
Afin d’évaluer l’ampleur de la masse contrefaisante et des bénéfices indus,
– ordonner aux intimées la production de tout document de la société Recordati Orphan Drugs en sa qualité de propriétaire de la marque contrefaisante relatifs à sa relation avec la société Recordati Rare Diseases exploitant et licenciée de la marque et plus généralement tous les relevés de redevances ou flux relatifs à cette marque contrefaisante,
– ordonner aux intimées la production de l’intégralité des factures de fabrications des étuis contrefaisants depuis 2014, avec l’identité des nouveaux fabricants et les quantités achetées et vendues par an, certifiées par un expert-comptable indépendant,
Subsidiairement,
– juger que la société Recordati Rare Diseases s’est rendue coupable d’actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil,
– condamner la société Recordati Rare Diseases à lui payer la somme de 1 000 000 euros à parfaire en réparation du préjudice causé par les actes de concurrence déloyale et de parasitisme dont elle s’est rendue coupable,
En tout état de cause,
– faire interdiction aux sociétés Recordati, de faire usage ou d’exploiter de quelque manière que ce soit les packaging contrefaisants et actuellement commercialisés pour les médicaments Wilzin, Cystagon, Carbaglu, Vedrop, Normosang, Cystadane ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans dix revues, aux frais solidaires des sociétés Recordati, sans que les coûts de chaque insertion ne puissent être inférieurs à la somme de 15’000 euros hors taxes,
– condamner les sociétés Recordati à lui verser la somme de 50’000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés Recordati en tous les dépens.
Dans leurs dernières conclusions, les sociétés Recordati demandent à la cour de’:
– infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 23 mars 2021 en ce qu’il a dit la société Alias recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur,
Et statuant à nouveau,
– dire la société Alias irrecevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur,
Pour le surplus,
– confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 23 mars 2021,
– débouter la société Alias de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour venait à considérer que la société Alias est recevable et bien fondée,
– enjoindre aux sociétés Recordati de communiquer les pièces que la cour estimera strictement utiles à la solution du litige, dans les conditions de l’article L. 153-1 1° du code de commerce, afin que seule la cour puisse en prendre connaissance,
En tout état de cause,
– débouter la société Alias de ses demandes de transfert de la marque de l’Union européenne n°0855857 dont est titulaire la société Recordati Orphan Drugs et d’indemnisation au titre d’actes d’usurpation de marque,
– débouter la société Alias de sa demande subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire,
– condamner la société Alias à payer aux sociétés Recordati la somme de 90 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Alias aux entiers dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
– Sur les demandes au titre de la contrefaçon de droit d’auteur
– Sur la recevabilité de la société Alias à agir en contrefaçon de droit d’auteur
La société Alias invoque être le seul créateur du conditionnement litigieux et être la première à l’avoir divulgué, opposant à la société Recordati que, revendiquant être l’auteur de l’emballage en litige, cette dernière ne peut se prévaloir de la présomption prétorienne selon laquelle en l’absence de revendication du ou des auteurs, l’exploitation de l”uvre par une personne physique ou morale sous son nom fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l”uvre du droit de propriété incorporelle de l’auteur.
Selon les dispositions de l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle visé par les parties et le tribunal, la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom de qui l”uvre est divulguée.
Une personne morale ne peut toutefois être investie à titre originaire des droits de l’auteur que dans le cas où une ‘uvre collective créée à son initiative est divulguée sous son nom. La présomption énoncée à l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle ne peut bénéficier qu’aux auteurs personnes physiques, les personnes morales en étant exclues.
Selon les dispositions de’l’article L. 113-2, second alinéa, du code de la propriété intellectuelle, est dite collective, l”uvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé.
L’article L. 113-5 du même code dispose que l”uvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l’auteur.
Selon les éléments fournis au débat, il résulte que la société Alias a, en 2004, répondu à une commande de la société Orphan Europe devenue la société Recordati Rare Diseases (Recordati) pour la mise au point d’un emballage permettant d’inscrire sur les faces extérieures des boîtes de médicaments, dans le plus de langues possibles, les mentions réglementaires requises pour commercialiser ces médicaments (pièces 8 et 42, Alias).
La société Alias a notamment proposé un prototype de boîte hexagonale (devis du 17 mai 2004 pièce 8 Alias) retenu par la société Orphan Europe. Des exemplaires de ces prototypes ont été remis à la société Orphan Europe le 8 avril 2004 (pièces 18 à 20 Alias) et un devis adressé par la société Alias à la société Orphan Europe le 17 mai 2004 (pièce 8), devis accepté le 28 mai 2004. Ce devis avait pour référence «’Etude boîte hexagonale et cale’» et visait notamment comme prestations «’recherche de formes, tracés des boîtes et cales’», la maquette de la boîte hexagonale ayant été réalisée par la société Innodec selon facture en date du 31 mars 2004 adressée par la société Innodec à la société Alias (pièce 21 Alias). Des factures du 28 février 2005 portant sur la «’mise en page, exécution, préparation des éléments, photogravure, sortie de contrôle’» et concernant une boîte hexagonale ont par ailleurs été adressées par la société Alias à la société Orphan Europe (pièce 22 Alias). La valeur probante des pièces versées au débat par la société Alias n’est pas utilement discutée par les sociétés Recordati, étant nul besoin que les devis et factures soient certifiés par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes et les circonstances dans lesquelles M. [I] a quitté la société Orphan Europe ou sa prise de participations dans une société concurrente n’ôtent pas à son attestation (pièce 42 Alias) sa valeur probante, celle-ci étant par ailleurs circonstanciée.
L’emballage de forme hexagonale objet du présent litige a été divulgué sous le nom de la société Alias et cette dernière bénéficie donc de la présomption de la qualité d’auteur prévue à l’article L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle précité.
Les sociétés Recordati ne peuvent être suivies lorsqu’elles soutiennent que la société Alias n’est pas en mesure d’établir la moindre exploitation des boîtes hexagonales sous son nom de sorte qu’elle ne saurait bénéficier de la présomption de titularité, seules les sociétés Recordati ayant été à l’origine d’une exploitation non équivoque depuis plus de quinze ans.
En effet, il convient de distinguer entre la présomption légale et la présomption prétorienne du droit d’auteur, cette dernière, qui ne porte pas sur la qualité d’auteur mais sur la titularité des droits d’exploitation ne pouvant être opposée qu’à un contrefacteur allégué, et non à celui qui revendique être l’auteur de l”uvre.
Pour les raisons qui précèdent, les sociétés Recordati ne font pas plus utilement valoir qu’elles sont à l’initiative de la réalisation et de la fabrication de la boîte litigieuse en fournissant à la société Alias des instructions précises et que c’est la société Orphan Europe devenue Recordati Rare Diseases qui est investie des droits tant en vertu de la présomption de titularité bénéficiant à l’exploitant légitime et régulier des boîtes qu’en sa qualité d’initiateur et de commanditaire en application des articles L. 113-2 et L. 113-5 du code de la propriété intellectuelle. Il sera à cet égard relevé que s’il n’est pas discuté que la société Orphan Europe est bien à l’origine de la commande d’un emballage pour commercialiser ses produits, il n’est nullement établi par les sociétés Recordati que la société Orphan Europe a contrôlé le processus de création pendant son évolution par le biais de directives et ait harmonisé les différentes contributions, le devis précité du 17 mai 2004 étant à cet égard insuffisant.
La qualité à agir de la société Alias est donc établie sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas démontrer le processus de création des boîtes litigieuses.
Le jugement déféré sera en conséquence, pour ces motifs, confirmé en ce qu’il a dit la société Alias recevable à agir en contrefaçon de droit d’auteur.
– Sur l’originalité
Il résulte des dispositions des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, que ce droit est conféré à l’auteur de toute ‘uvre de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination.
Les sociétés Recordati contestent l’originalité de l’emballage qui leur est opposé.
Il appartient à la société Alias qui revendique une protection au titre du droit d’auteur sur un emballage dont l’originalité est contestée de préciser en quoi l”uvre revendiquée porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.
La société Alias indique revendiquer la protection d’un conditionnement en carton de forme hexagonale et décrit ainsi la boîte en litige’:
– une boîte hexagonale destinée à contenir des médicaments, formée d’une seule pièce présentant un fond et un rabat permettant par un pliage la mise en volume de la boîte ;
– la mise en volume du pliage se fait par le collage d’une languette verticale ;
– le fond à rabat se verrouille avec deux languettes d’un côté et trois languettes de renforcement sur le fond de la boîte ;
– les mêmes caractéristiques se retrouvent sur le dessus de la boîte ;
– chaque face de l’hexagone est divisée en deux parties séparées par un trait ;
– les caractéristiques du produit sont inscrites de part et d’autre de ce trait en diverses langues’;
– les textes sont apposés alternativement à la verticale et à l’horizontale selon les modèles’;
– les descriptions sont illustrées de drapeaux correspondant à la langue de référence’;
– le format est de 130 mm x 41 mm x 6mm’;
– le modèle a été décliné en plusieurs formats et pour les sociétés Recordati en deux formats : 130x 41 x6 et 104 x 41 x 6′;
– le modèle a été décliné en plusieurs coloris de dégradé de couleurs selon le médicament emballé et selon le dosage de celui-ci : coloris jaune, bleu, rouge, vert, violet, orange.
Elle précise revendiquer la combinaison de la forme hexagonale avec l’emplacement des textes, l’utilisation d’un fond de couleur dégradé (dont le dégradé peut être inversé selon le dosage du médicament) et de la ligne de séparation, le pliage de la boîte, les fonds de couleurs dégradés ainsi que les écritures produisant un effet visuel nouveau et une impression nouvelle et spéciale ce qui signe l’empreinte de la personnalité de son auteur.
L’originalité comme condition de la protection au titre du droit d’auteur, s’oppose à la notion de nouveauté et la notion d’antériorité est donc inopérante en droit d’auteur.
Néanmoins, ainsi que le soutiennent les sociétés Recordati, il ressort des éléments fournis au débat que la forme hexagonale est largement connue comme forme d’emballage pour des produits les plus divers, la société Alias ayant d’ailleurs proposé antérieurement à un de ses clients, cette forme hexagonale comme emballage d’un parfum. Aucun effort créateur ne ressort de la reprise de cette forme hexagonale dans le domaine des produits pharmaceutiques, domaine dans lequel cette forme était d’ailleurs déjà utilisée. La présentation des mentions règlementaires sur chacune des faces en plusieurs langues séparées par un trait ne fait que répondre à des impératifs liés à la distribution des médicaments orphelins issus d’une réglementation européenne, cette nécessité expliquant en outre la forme de l’emballage qui permet l’usage de plusieurs langues. Il en va de même de la présence des drapeaux pour l’illustration de chaque langue. Le dégradé de couleur et les couleurs utilisées sont ceux déjà présents sur les emballages utilisés par les sociétés intimées pour distribuer chacun de leurs produits (une couleur étant associée à un produit comme le bleu au Cystagon, le jaune au Carbaglu, le violet au Cystadane …) et il n’est démontré aucun effort créateur à les transposer sur une forme hexagonale.
Le choix de la société Recordati de déposer la forme de l’emballage à titre de marque est inopérant s’agissant de caractériser l’originalité d’une oeuvre. En effet, le critère d’originalité nécessaire à la protection d’une création par le droit d’auteur est à distinguer de la condition de «’distinctivité’» exigée pour qu’un signe puisse constituer une marque valable.
Bien que l’empreinte de la personnalité est à rechercher dans l’aspect global de l”uvre prise dans la combinaison de chacun de ses éléments, fussent-ils connus, il ressort que pour concevoir l’emballage en cause, la société Alias ne démontre pas avoir fait des choix personnels et arbitraires de la forme de l’emballage, de sa couleur, des textes qui y sont inscrits, démontrant un effort créatif portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
La société Alias échouant à caractériser l’originalité de l’emballage en cause, l’ensemble des demandes de celle-ci au titre de la contrefaçon de droit d’auteur doit être rejeté et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
– Sur l’action en revendication de la désignation européenne de la marque internationale n°0855857 au titre du dépôt frauduleux
Selon les dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.
La société Alias critique le jugement déféré qui l’a déboutée de sa demande de revendication de la marque internationale désignant l’Union européenne n° 0855857 estimant que cette marque a été déposée par une société du groupe Recordati tout en sachant qu’elle était le concepteur de la boîte et qu’elle n’avait procédé à aucune cession de ses droits à son profit sur la création de l’emballage en litige.
Les sociétés Recordati sollicitent de la cour la confirmation du jugement et ne sollicite pas dans le dispositif de leurs écritures que l’action en revendication soit déclarée irrecevable car prescrite bien que l’évoquant dans les motifs. La cour qui n’est saisie que des prétentions énoncées au dispositif n’a donc pas à statuer sur la recevabilité de l’action en revendication.
Selon les éléments fournis au débat la société OE Holding a déposé une marque internationale désignant l’Union européenne enregistrée le 8 juin 2005 pour désigner les «’produits pharmaceutiques pour traiter les maladies rares’». Cette marque tridimensionnelle ci-avant représentée est constituée par la forme caractéristique du conditionnement à savoir celle d’un prisme droit à base hexagonale’; sur chacune des six faces verticales dudit prisme figure un texte en deux parties séparées par un trait horizontal. Elle a été cédée à la société Recordati Orphan Drugs et régulièrement renouvelée.
L’emballage en litige a été conçu par la société Alias en réponse à une commande de la société Orphan Europe devenue Recordati Orphan Drugs, ce conditionnement devant être utilisé pour commercialiser les produits pharmaceutiques de la société Recordati. Cet emballage n’avait pas vocation à être exploité par la société Alias, aucune volonté de la part de la société Recordati de la priver de l’utilisation du signe pour des produits pharmaceutiques qui n’est pas nécessaire à son activité d’agence de communication et de l’éliminer de son champ d’intervention de conception de packaging n’est donc caractérisée. La société Alias ne dispose par ailleurs d’aucun droit privatif sur cet emballage et ne peut tirer argument du fait que la société Recordati savait qu’elle n’avait pas acquis de droits auprès d’elle sur celui-ci.
Aussi, le dépôt de la marque en cause n’a été effectué ni en fraude des droits de la société Alias, ni en violation d’une obligation légale ou contractuelle, la société Recordati pouvant légitimement déposer à titre de marque pour désigner les produits qu’elle commercialise la forme d’un emballage dont elle a commandé la conception et qui lui a été facturée par son prestataire, la société Alias ne pouvant alors soutenir que les sociétés Recordati se sont accaparé son travail de création et de conception pour lequel elle a été rémunérée.
De même, le défaut d’information de la société Alias quant au dépôt de cet emballage commandé spécialement et dont la prestation a été rémunérée pour désigner des produits relevant de l’activité de la société Recordati, ne démontre pas la fraude dont se serait rendue coupable cette dernière. Il en va de même du maintien des relations commerciales entre les parties pendant une quinzaine d’années qui ne caractérise pas plus une fraude qui doit être appréciée au moment du dépôt de la marque. Une exécution de mauvaise foi des contrats liant les parties n’est pas plus démontrée par la société Alias qui se contente d’affirmer qu’en raison de la durée des relations d’affaires entre les parties, elle était devenue un partenaire de confiance avec qui la société Recordati devait se comporter de manière loyale.
L’action en revendication de la marque internationale désignant l’Union européenne n°0855857 doit être rejetée et le jugement confirmé de ce chef sauf à corriger l’erreur matérielle dans le dispositif de celui-ci disant cette action «’irrecevable’».
– Sur les actes de concurrence déloyale et parasitaire
La société Alias reproche à titre subsidiaire aux sociétés Recordati un comportement déloyal et parasitaire en abusant de sa confiance et en s’accaparant son savoir-faire en lui réclamant ses fichiers source pour faire fabriquer les emballages par un concurrent.
Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins que la reproduction ou l’imitation du produit ait pour objet ou pour effet de créer un risque de confusion entre les produits dans l’esprit du public, comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La demande en concurrence déloyale et parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société Alias de rapporter la preuve d’un agissement fautif des sociétés Recordati commis à son préjudice par la création d’un risque de confusion et/ ou la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.
Il n’est pas discuté que la société Alias a conçu à la demande des sociétés Recordati un emballage que celles-ci ont exploité pendant plus d’une dizaine d’années pour commercialiser leurs produits pharmaceutiques sans que la société Alias ne s’y oppose. Ce n’est qu’à l’occasion de la rupture des relations commerciales entre les parties que la société Alias a considéré que les sociétés Recordati n’avaient plus l’autorisation d’utiliser ces emballages.
Il n’est pas discuté que la conception des emballages a été rémunérée, comme l’ensemble des prestations fournies par la société Alias aux sociétés’Recordati pendant les années qu’a duré leur relation d’affaires et celles-ci pouvaient sans encourir de grief solliciter en 2014 les fichiers sources des emballages de médicaments, qui leur ont été remis sans difficulté par la société Alias, pour en confier la fabrication à une autre entité en application du principe de libre concurrence, étant relevé que le préjudice issu de la brutalité de la rupture des relations commerciales dont se prétend victime la société Alias fait l’objet d’une procédure distincte.
Aucun risque de confusion entre les produits, constitutif de concurrence déloyale, n’est établi.
De même, la société Alias ne justifie ni des investissements, ni du savoir-faire dont les sociétés Recordati auraient profité sans bourse délier.
Aucun acte constitutif de concurrence déloyale ou parasitaire n’est caractérisé et la société Alias sera également déboutée de l’ensemble de ses demandes à ce titre. Le jugement sera également confirmé de ce chef.
– Sur les autres demandes
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la société Alias est condamnée aux dépens d’appel et à verser aux sociétés Recordati en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel, la société Alias étant déboutée de sa demande à ce titre.
La cour,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf à dire que la société Alias est recevable à solliciter le transfert de la marque de l’Union européenne n°0855857 dont est titulaire la société Recordati Orphan Drugs et une indemnisation au titre d’actes d’usurpation de marque, mais mal fondée en ses demandes.’
Condamne la société Alias à payer aux sociétés Recordati Rare Diseases et Recordati Orphan Drugs la somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
Déboute la société Alias de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Alias aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente