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Afin de protéger votre savoir faire, la clause de confidentialité à faire signer par les salariés “stratégiques” est une option intéressante et une alternative (de facto) à la clause de non concurrence.
Selon les dispositions de l’article L. 1121-1 code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Il est en outre de principe qu’une clause de confidentialité a pour objet d’imposer au salarié de conserver certaines informations dont il pourrait avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Elle est destinée à protéger les intérêts et le savoir-faire de l’entreprise en interdisant au salarié de divulguer certaines informations essentielles.
Toutefois ladite clause qui porterait sur l’ensemble des informations recueillies par le salarié à l’occasion de son activité professionnelle sans viser des informations de nature confidentielle n’est pas valable, car elle restreint de façon abusive la liberté du salarié.
Une clause de non-concurrence a, quant à elle, pour objet d’interdire au salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente après la rupture de son contrat de travail.
En application de l’article L. 1221-1 du code du travail et du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. Toute clause illicite est entachée d’une nullité relative, destinée à assurer la protection du travailleur.
En l’espèce, il résulte des deux protocoles transactionnels signés par les parties, un article intitulé « confidentialité » rédigé comme suit « le salarié et la société s’engagent expressément, aux termes du présent accord, à ne rien faire qui puisse nuire à leurs intérêts réciproques, les parties s’obligeant notamment à ce titre à ne pas tenir, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, de propos critiques l’une envers l’autre, auprès de tiers …Le salarié s’engage irrévocablement à ne pas divulguer à des tiers qu’ils soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales, fournisseurs ou clients’ »
La juridiction a recherché si le salarié avait gardé la possibilité d’exercer une activité concurrente tout en respectant la clause qualifiée de confidentialité susvisée ou si cette clause lui interdisait d’exercer dans un domaine concurrent, et donc constituait en réalité une clause de non concurrence déguisée.
S’il ressort du curriculum vitae du salarié qu’il a fréquenté une école d’architecture et a exercé dans des domaines variés de la construction, de la charpente bois, en passant par la maçonnerie, ses dernières fonctions concernaient principalement la direction financière, commerciale et administrative d’un groupe de 100 personnes pendant dix ans spécialisé en génie civil, terrassement, et maisons ossature bois, puis pendant une année, la supervision de projets au sein d’une société spécialisée dans la décoration intérieure de luxe. Il n’en ressort pas d’expérience technique particulière ni de diplôme spécifique dans le domaine du mortier décoratif ni de la chimie. Le salarié étant essentiellement un cadre commercial.
S’il soutient qu’il a été « amené à traiter des bétons décoratifs de masse notamment au sein du groupe Gerland et en a utilisé en tant que directeur du groupe en génie civil (mortier d’imperméabilisation) puis a utilisé des mortiers décoratifs pour [W] [I] », non seulement il ne le démontre pas, mais ne justifie pas non plus de compétences spécifiques dans la création, la réalisation de bétons cirés décoratifs pour lesquels la SAS MATIERES MARIUS AURENTI est spécialisée.
Il a d’ailleurs été recruté par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI en qualité de Responsable commercial et ses fonctions consistaient à développer les activités de l’entreprise, diriger et animer la force commerciale, donner des conseils sur l’approche commerciale, former la force de vente, définir les objectifs des forces commerciales. Il doit être noté par ailleurs qu’il n’a exercé ses fonctions que pendant 5 mois.
Il ressort de l’analyse de fonctionnement de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI réalisée par M. [R] et versée aux débats par ses soins, qu’il avait pleinement conscience que l’employeur considérait que les produits et méthodes de production de son « béton ciré » constituait un savoir-faire important dont la confidentialité devait être assurée et que « son approche technique concernant les compétences des produits et leur mise en ‘uvre a relevé de l’enquête policière’ » indiquant même être « allé les chercher à la source auprès de SIKA au travers de leurs documents techniques et de conversations’ nous avons une fenêtre qui s’est ouverte avec le mortier fin lissé et le mortier fluide spécial qui est une fabrication SIKA particulière pour a SAS MATIERES MARIUS AURENTI ».
Il en ressort que la clause de confidentialité litigieuse ne lui interdisait pas d’exercer son activité professionnelle de Responsable commercial ou de Responsable de projet dans une autre entreprise quelle qu’elle soit, à la condition de ne pas divulguer le savoir-faire de l’entreprise ou certaines informations essentielles, telles que la liste des fournisseurs, les recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales,éléments auxquels il avait accès. M. [R] n’était pas non plus contraint, compte tenu de son expérience professionnelle et de ses qualifications, d’exercer sa nouvelle activité, dans le domaine du béton décoratif.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer que la clause de confidentialité susvisée constituait en réalité une clause de non-concurrence n’en respectant pas les conditions légales, et il convient de juger qu’elle était valable et s’imposait à M. [R].
Il est également démontré que M. [R] a utilisé les connaissances obtenues dans le cadre de son activité au sein de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI pour commercialiser un produit développé au sein de cette entreprise, au profit de la société AD LUCEM et a donc, en contravention de la clause de confidentialité, « divulgué à des tiers soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication ».
Par ailleurs, il a, en toute connaissance de cause, embauché deux des membres du personnels, sur les quatre, essentiels à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, contrevenant ainsi également à la clause dite de « confidentialité » susvisée, aux termes de laquelle il s’était engagé à « ne rien faire qui puisse nuire à leurs intérêts réciproques », sachant, en sa qualité de directeur commercial, à la suite des recherches « dignes d’une enquête de police effectuées » comme indiqué, qu’il allait, ce faisant, mettre en péril l’activité de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI basée essentiellement sur la commercialisation de mortier ciré décoratif fondé sur un procédé spécifique dont M. [J] et Mme [L] avaient contribué à la création.
* * *
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
N° RG 17/03310
N° Portalis DBVM-V-B7B-JC7Z
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
Me Laure VERILHAC
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 07 MARS 2023
Appel d’une décision (N° RG 15/00456)
rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCE
en date du 14 juin 2017
suivant déclaration d’appel du 29 juin 2017
réouverture des débats par arrêt de la Chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble section A du 31 mai 2022 ensuite de l’audience de plaidoiries du 10 janvier 2022,
APPELANT :
Monsieur [D] [R]
né le 15 Août 1958 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Josette DAUPHIN de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat postulant inscrit au barreau de GRENOBLE, et par Me Sophie DECHELETTE-ROY de la SELARL ARCHIBALD, avocat plaidant inscrit au barreau de LYON,
substitué par Me Marie-France KHATIBI, avocat au barreau de GRENOBLE,
INTIMEE :
SAS MATIERES MARIUS AURENTI, anciennement SAS OCEAN, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
Fabrique Marius Aurenti
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Laure VERILHAC, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Valéry CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, Conseillère,
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,
Assistés lors des débats de Mme Mériem CASTE-BELKADI,
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 janvier 2023,
Madame CHARBONNIER, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs observations.
Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.
Exposé du litige :
M. [R] a été embauché par la SAS OCEAN devenue la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, le 1er juin 2013, en qualité de Responsable commercial.
Le 30 août 2013, l’employeur a signifié à M. [R] qu’il souhaitait mettre fin à leurs relations contractuelles, à l’issue d’un délai de prévenance d’un mois, soit le 30 septembre 2013.
Les parties ont conclu un accord transactionnel en date du 30 septembre 2013 qui prévoyait le versement d’une somme de 8 000 € au salarié, des renonciations et concessions réciproques des parties et une clause de confidentialité, ainsi que le fait que pendant une durée de 4 mois, M. [R] se rendrait disponible pour assurer la continuité des missions engagées.
A l’issue du dit délai de 4 mois, soit le 31 janvier 2014, un second protocole transactionnel reprenant les mêmes termes et l’octroi d’une indemnité complémentaire de 6 000 € nets a été signé.
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI a le 3 mars 2014 fait sommation à M. [R], d’une part de cesser tous agissements de concurrence déloyale, d’autre part, lui a rappelé ses engagements en matière de confidentialité.
Par requête en date du 3 juin 2014, la SAS MATIERES MARIUS AURENTI a sollicité du Président du Tribunal de commerce de Romans sur Isère, la désignation d’un huissier de justice aux fins d’effectuer des investigations s’agissant d’actes de concurrence déloyale de la part de M. [R].
Par ordonnance du 11 juin 2014, le Tribunal de commerce a accueilli favorablement cette requête et des opérations de saisie ont été menées au sein des locaux de la société AD LUCEM dont M. [R] est le président en date du 9 juillet 2014.
La SAS OCEAN a saisi le conseil de prud’hommes de Valence, en date du 29 juillet 2015 pour que soit prononcée la résolution pure et simple des protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014, que soit ordonnée la restitution des indemnités transactionnelles de 8 000 € et 6 000 €, outre intérêts de retard au taux légal à compter de la sommation du 3 mars 2014 que M. [R] soit condamné au paiement de la somme de 1417,39 € correspondant à la CSG CRDS acquittée par l’employeur en exécution des dispositions transactionnelles et qu’il soit également condamné à payer une somme de 20 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par la société.
Par jugement du 12 avril 2017, le conseil de prud’hommes de Valence, a :
Prononcé la résolution des protocoles transactionnels intervenus les 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014.
Condamné M. [R] à payer à la SAS OCEAN les sommes suivantes :
8000€ au titre du remboursement de la somme versée au titre du protocole du 30 septembre 2013, assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014
6000 € au titre du remboursement de la somme versée au titre du protocole du 31 janvier 2014, assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014.
1417,39 € au titre de la CSG-CRDS payés par la SAS OCEAN sur les indemnités transactionnelles
2000 € au titre des dommages et intérêts pour préjudice moral,
1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Débouté la SAS OCEAN du surplus de ses demandes.
Débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes.
Condamné M. [R] aux dépens.
La décision a été notifiée aux parties et M. [R] en a interjeté appel.
Par conclusions du 19 mars 2021, M. [R] demande à la cour d’appel de :
REFORMER en tous points le jugement entrepris, rendu par le Conseil de Prud’hommes de Valence le 14 juin 2017, n°15/000456 ;
Et, statuant de nouveau :
A titre liminaire :
Fixer une audience d’incident à la date qui lui plaira ;
Prendre acte de la rétractation totale de l’ordonnance du 11 juin 2014 ayant autorisé les opérations d’huissier de justice ;
Prendre acte de la nullité du procès-verbal du 9 juillet 2014 qui en découle ;
Prendre acte et tirer toutes les conséquences de la décision de la Cour d’appel de Grenoble du 17 septembre 2020 (RG n°19/03980) qui « FAIT INTERDICTION à la Sas MATIERES MARIUS AURENTI d’utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l’occasion d’une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l’huissier de justice sur un disque dur externe (‘) »
En conséquence,
‘ d’Ecarter des débats les paragraphes suivants des conclusions récapitulatives n°4 de MATIERES MARIUS AURENTI :
Conclusions récapitulatives, MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 13, §3 à 6
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 20, §2 à 4
Conclusions récapitulatives, MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 21 (2 derniers §) à 23 (1er §)
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 30, §6
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 32 et 33
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 34, §3
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 38 et 39
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 40 et 41
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 42
Conclusions récapitulatives MATIERES MARIUS AURENTI n°4, p. 43 et 44
‘ d’Ecarter des débats les pièces adverses n°43 à 49, 50 à 69, 63, 106, 107, 109 à 118, 128, 135 à 137, 140, 141
A titre principal :
Qualifier les clauses de confidentialité contenues dans les protocoles d’accord du 30 septembre 2013 et du 31 janvier 2014 de clause de non-concurrence en ce qu’elles entravent la liberté de Monsieur [D] [R] dans sa liberté d’exercer une activité professionnelle concurrente à celle de la société MATIERES MARIUS AURENTI ;
Constater, en conséquence, que les conditions de validité d’une telle clause ne sont pas respectées
Dire et juger comme nulles les clauses de confidentialité contenues dans les protocoles d’accord du 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 requalifiées de clause de non-concurrence ;
En tout état de cause :
Dire et juger que Monsieur [D] [R] n’a commis aucun acte constitutif d’une violation des protocoles transactionnels conclus les 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 avec la société MATIERES MARIUS AURENTI ;
Dire et juger que les demandes de résolution desdits protocoles, ainsi que les demandes indemnitaires de la société MATIERES MARIUS AURENTI sont infondées et injustifiées ;
Débouter, en conséquence, la société MATIERES MARIUS AURENTI de l’ensemble de ses demandes ;
Condamner la société MATIERES MARIUS AURENTI à verser à Monsieur [D] [R] une somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
A titre reconventionnel :
Dire et juger que la société MATIERES MARIUS AURENTI a commis à l’égard de Monsieur [D] [R] des actes de dénigrement en critiquant Monsieur [D] [R] à l’égard de tiers, et violé, ainsi, les obligations prévues à l’article 4 du protocole transactionnel du 30 septembre 2013 et à l’article 3 du protocole transactionnel du 31 janvier 2014 ;
En conséquence,
Condamner la SAS MATIERES MARIUS AURENTI à verser à Monsieur [R] une somme de 80.000 € de dommages et intérêts, au titre du préjudice moral subi par Monsieur [D] [R] du fait du discrédit porté sur sa personne, du fait des actes de dénigrement commis par la société MATIERES MARIUS AURENTI et son dirigeant, portant intérêts au taux légal ;
Condamner la société MATIERES MARIUS AURENTI à verser à Monsieur [R] une somme de 6.586.88 €, en réparation du préjudice subi en raison de la violation, par la société MATIERES MARIUS AURENTI, des protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 et du non renouvellement irrégulier de sa période d’essai ;
Ordonner la publication de la décision à intervenir dans cinq journaux et revues au choix de Monsieur [D] [R], aux frais de la société MATIERES MARIUS AURENTI ;
Par ordonnance du 25 septembre 2019, le président du tribunal de commerce de Romans sur Isère a rejeté la demande de rétractation de l’ordonnance sur requête du 11 juin 2014.
Par décision en date du 17 septembre 2020, la chambre commerciale de la cour d’appel de Grenoble a rétracté l’ordonnance du 11 juin 2014 du Président du tribunal de commerce de Romans sur Isère, a annulé le procès-verbal de constat d’huissier de Maître [S] [G] et a fait interdiction à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI d’utiliser à quelque fin que ce soit et notamment à l’occasion d’une instance judiciaire, même en cours, ces données et documents tels que consignés dans le procès-verbal de constat du 9 juillet 2014 et qui lui ont été remis par l’huissier de justice sur un disque dur externe.
Par ordonnance juridictionnelle en date du 6 juillet 2020, le conseiller de la mise en état de la chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble a :
Déclaré M. [R] recevable en sa demande de sursis à statuer et l’en en a déboutée
Débouté la SAS OCEAN de sa demande en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Par ordonnance juridictionnelle en date du 27 juillet 2021, le conseiller de la mise en état de la chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble a :
Déclaré M. [R] irrecevable en ses demandes
Condamné M. [R] à payer à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI la somme de 1 500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’incident
Par conclusions en réponse du 6 décembre 2021, la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, anciennement dénommée OCEAN, demande à la cour d’appel de :
Déclarer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par Monsieur [R],
Au fond le déclarer infondée,
Débouter Monsieur [R] de ses demandes au titre du retrait de certaines pièces et de la cancellation des écritures de la société MARIUS AURENTI ;
Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
Constaté les infractions commises par Monsieur [R] aux obligations prévues par l’article 4 du protocole transactionnel du 30 septembre 2013 et par l’article 3 du protocole transactionnel 31 janvier 2014,
Prononcé la résolution pure et simple des protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014,
Ordonné la restitution des indemnités transactionnelles,
Condamné Monsieur [R] à payer à la société MARIUS AURENTI au titre de cette restitution les sommes de 8 000 € et 6 000 €, outre intérêts de retard au taux légal à compter de la sommation du 3 mars 2014,
Condamné Monsieur [R] à payer à la société MARIUS AURENTI la somme de 1 417,39 € au titre de la CSG et CRDS payés par elle sur les indemnités versées à Monsieur [R],
Débouté Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Y ajoutant,
Condamner Monsieur [D] [R] à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral de la société MARIUS AURENTI ;
Condamner Monsieur [D] [R] à payer la somme de 20 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner Monsieur [D] [R] aux entiers dépens, en ceux compris le coût de la sommation du 3 mars 2014.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 décembre 2021et le délibéré fixé au 31 mai 2022.
Par courrier adressé par le RPVA le 25 mars 2022, Me Verilhac, conseil de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, anciennement dénommée OCEAN informait la Cour, de la décision de la Cour de cassation du 24 mars 2022 réformant l’arrêt de la chambre commerciale de la Cour d’appel de Grenoble du 17 septembre 2020 et confirmant l’ordonnance du Président du Tribunal de commerce de Romans sur Isère du 25 septembre 2019, faisant ainsi revivre le procès-verbal de constat d’huissier du 9 juillet 2014 qui avait été écarté des débats.
Par arrêt du 24 mars 2022, la 2e chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé, sauf en ses dispositions déclarant recevable la demande de la société Ad Lucem, l’arrêt rendu le 17 septembre 2020 entre les parties, par la Cour d’appel de Grenoble sans renvoi, et a confirmé l’ordonnance du président du Tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 25 septembre 2019.
Par arrêt du 31 mai 2022, la Cour d’appel de Grenoble a sursis à statuer et a ordonné la réouverture des débats au 13 janvier 2023 et invité les parties à présenter leurs observations avant le 13 décembre 2022, date de clôture, au vu de l’arrêt de la Cour de cassation intervenu en cours de délibéré, le 24 mars 2022.
Par conclusions d’intimé N°6 du 1er juin 2022, la SAS MATIERES MARIUS AURENTI demande à la cour d’appel de :
Déclarer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté par M. [R]
Au fond, le déclarer infondé
Débouter M. [R] de ses demandes au titre du retrait de certaines pièces de la cancellation des écritures de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI
Sur le fond,
Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
Constaté les infractions commises par M. [R] aux obligations prévues par l’article 4 du protocole transactionnel du 30 septembre 2013 et par l’article 3 du protocole transactionnel du 31 janvier 2014
Prononcé la résolution pure et simple des protocoles transactionnels des 30 septembres 2013 et 31 janvier 2014
Ordonné la restitution des indemnités transactionnelles
Condamné M. [R] à payer à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI au titre de cette restitution des sommes de 8000 € et 6000 €, outre intérêts de retard au taux légal à compter de la sommation du 3 mars 2014
Condamné M. [R] à payer à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI la somme de 1417,39 € au titre de la CSG et CRDS payée par elle sur les indemnités versées à M. [R]
Débouté M. [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions
y ajoutant,
Condamner M. [R] à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI
Condamner M. [R] à payer la somme de 20 000 en application de l’article 700 du code de procédure civile
Condamner M. [R] aux entiers dépens, en ce compris le coût de la sommation du 3 mars 2014.
Par conclusions récapitulatives du 30 septembre 2022, M. [R] demande à la Cour de :
Réformer en tous points le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Valence du 14 juin 2017,
Et statuant de nouveau
A titre principal :
Qualifier les clauses de confidentialité contenues dans les protocoles d’accord du 30 septembre 2013 et 31 janvier 2013 de clause de non-concurrence en ce qu’elles entravent la liberté de M. [R] dans sa liberté d’exercer une activité professionnelle concurrente à celle de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI
Constater , en conséquence, que les conditions de validité d’une telle clause ne sont pas respectées
Prononcer la nullité des clauses de confidentialité contenues dans les protocoles d’accord du 30 septembre 2013 et 31 janvier 2013 requalifiées de clause de non-concurrence.
En tout état de cause :
Juger que M. [R] n’a commis aucun acte constitutif d’une violation des protocoles transactionnels conclus le 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 avec la SAS MATIERES MARIUS AURENTI
Juger que les demandes de résolutions desdits protocoles, ainsi que les demandes indemnitaires de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI sont infondées et injustifiées
Débouter , en conséquence, la SAS MATIERES MARIUS AURENTI de l’ensemble de ses demandes
Condamner la SAS MATIERES MARIUS AURENTI à verser à M. [R] une somme de 20 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
À titre reconventionnel :
Juger que la SAS MATIERES MARIUS AURENTI a commis à l’égard de M. [R] des actes de dénigrement en le critiquant à l’égard de tiers, et a violé ainsi, les obligations prévues à l’article 4 du protocole transactionnel du 30 septembre 2013 et à l’article 3 du protocole transactionnel du 31 janvier 2014
En conséquence, Condamner la SAS MATIERES MARIUS AURENTI à lui verser une somme de 80 000 € de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi du fait du discrédit porté sur sa personne, du fait des actes de dénigrement commis par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI et son dirigeant, portant intérêts au taux légal
Condamner la SAS MATIERES MARIUS AURENTI à verser à M. [R] une somme de 6586,88 € en réparation du préjudice subi en raison de la violation par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI des protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 et du non-renouvellement irrégulier de sa période d’essai
Ordonner la publication de la décision à intervenir dans les 5 journaux et revues bon choix de M. [R] aux frais de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI .
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI :
Sur la qualification de la clause dite de « confidentialité » :
Moyens des parties :
M. [R] soutient que la clause présentée par l’employeur comme une clause de confidentialité dans les protocoles conclus entre les parties, doit être qualifiée de clause de non-concurrence post-contractuelle et que dans la mesure où cette clause ne respecte pas les conditions de validité imposées par la loi et la jurisprudence en matière de clause de non concurrence, cette clause doit être déclarée nulle et non avenue.
Il fait valoir en premier lieu, que l’engagement de confidentialité a un champ d’application très large (à savoir l’interdiction de divulguer des « informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales fournisseurs ou clients » lui interdisant de facto d’exercer son activité dans une société concurrente. Compte-tenu des caractéristiques du marché et de la nature des produits proposés par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, toutes les sociétés intervenant dans ce secteur ont des fournisseurs communs, leaders de leur marché et proposant de multiples références incontournables dans le secteur du bâtiment.
Aux termes de ces protocoles, il s’engage « à ne rien faire » qui puisse nuire aux intérêts de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI. En d’autres termes, il est dans l’impossibilité de travailler, à quelque titre que ce soit, pour une société qui serait concurrente à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI.
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI soutient pour sa part, que cette clause de confidentialité est parfaitement valable et légale, qu’elle ne s’analyse pas en une clause de non -concurrence, puisqu’il est parfaitement possible pour M. [R] de travailler dans une entreprise concurrente puisque rien ne le lui interdit, le salarié s’étant uniquement engagé à ne pas divulguer les informations stratégiques que sont les conditions de travail avec les fournisseurs, mais surtout les recettes, formules et secrets de fabrication et les conditions commerciales. L’article L. 1227 ‘ 1 prévoyant une infraction pour le fait pour directeur ou un salarié, de révéler ou de tenter de révéler à un secret fabrication. Elle ajoute qu’il n’a d’ailleurs jamais été reproché à M. [R] de travailler pour un concurrent, mais d’avoir utilisé et dévoilé au profit de la société Ad Lucem, toutes les informations stratégiques, confidentielles et essentielles de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI , ainsi que d’avoir débauché son personnel plus qualifié pour la désorganiser, et ceux en violation de ses engagements. L’argumentation sur l’absence de concurrence déloyale étant hors sujet dans le cadre d’une action purement prud’homale. Elle relève toutefois que le tribunal de commerce a constaté le 9 novembre 2016 que la société Ad Lucem constitué dirigé par M. [R] s’était bel et bien rendu coupable d’agissements de concurrence déloyale à son encontre et a relevé un transfert de savoir-faire au profit de la société Ad Lucem par M. [R] .
Selon les dispositions de l’article L. 1121-1 code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
Il est en outre de principe qu’une clause de confidentialité a pour objet d’imposer au salarié de conserver certaines informations dont il pourrait avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Elle est destinée à protéger les intérêts et le savoir-faire de l’entreprise en interdisant au salarié de divulguer certaines informations essentielles.
Toutefois ladite clause qui porterait sur l’ensemble des informations recueillies par le salarié à l’occasion de son activité professionnelle sans viser des informations de nature confidentielle n’est pas valable, car elle restreint de façon abusive la liberté du salarié.
Une clause de non-concurrence a, quant à elle, pour objet d’interdire au salarié d’exercer une activité professionnelle concurrente après la rupture de son contrat de travail.
En application de l’article L. 1221-1 du code du travail et du principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives. Toute clause illicite est entachée d’une nullité relative, destinée à assurer la protection du travailleur.
En l’espèce, il résulte des deux protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 signés par les parties, un article 4 intitulé « confidentialité » rédigé comme suit « le salarié et la société s’engagent expressément, aux termes du présent accord, à ne rien faire qui puisse nuire à leurs intérêts réciproques, les parties s’obligeant notamment à ce titre à ne pas tenir, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, de propos critiques l’une envers l’autre, auprès de tiers …Le salarié s’engage irrévocablement à ne pas divulguer à des tiers qu’ils soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales, fournisseurs ou clients’ »
Il doit être recherché si M. [R] avait la possibilité d’exercer une activité concurrente tout en respectant la clause qualifiée de confidentialité susvisée ou si cette clause lui interdisait d’exercer dans un domaine concurrent, et donc constituait en réalité une clause de non concurrence déguisée.
S’il ressort du curriculum vitae de M. [R] qu’il a fréquenté une école d’architecture et a exercé dans des domaines variés de la construction, de la charpente bois, en passant par la maçonnerie, ses dernières fonctions concernaient principalement la direction financière, commerciale et administrative d’un groupe de 100 personnes pendant dix ans spécialisé en génie civil, terrassement, et maisons ossature bois, puis pendant une année, la supervision de projets au sein d’une société spécialisée dans la décoration intérieure de luxe. Il n’en ressort pas d’expérience technique particulière ni de diplôme spécifique dans le domaine du mortier décoratif ni de la chimie. M. [R] est essentiellement un cadre commercial.
S’il soutient qu’il a été « amené à traiter des bétons décoratifs de masse notamment au sein du groupe Gerland et en a utilisé en tant que directeur du groupe en génie civil (mortier d’imperméabilisation) puis a utilisé des mortiers décoratifs pour [W] [I] », non seulement il ne le démontre pas, mais ne justifie pas non plus de compétences spécifiques dans la création, la réalisation de bétons cirés décoratifs pour lesquels la SAS MATIERES MARIUS AURENTI est spécialisée.
Il a d’ailleurs été recruté par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI en qualité de Responsable commercial et ses fonctions consistaient à développer les activités de l’entreprise, diriger et animer la force commerciale, donner des conseils sur l’approche commerciale, former la force de vente, définir les objectifs des forces commerciales. Il doit être noté par ailleurs qu’il n’a exercé ses fonctions que pendant 5 mois.
Il ressort de l’analyse de fonctionnement de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI réalisée par M. [R] et versée aux débats par ses soins, qu’il avait pleinement conscience que l’employeur considérait que les produits et méthodes de production de son « béton ciré » constituait un savoir-faire important dont la confidentialité devait être assurée et que « son approche technique concernant les compétences des produits et leur mise en ‘uvre a relevé de l’enquête policière’ » indiquant même être « allé les chercher à la source auprès de SIKA au travers de leurs documents techniques et de conversations’ nous avons une fenêtre qui s’est ouverte avec le mortier fin lissé et le mortier fluide spécial qui est une fabrication SIKA particulière pour a SAS MATIERES MARIUS AURENTI ».
Il en ressort que la clause de confidentialité litigieuse ne lui interdisait pas d’exercer son activité professionnelle de Responsable commercial ou de Responsable de projet dans une autre entreprise quelle qu’elle soit, à la condition de ne pas divulguer le savoir-faire de l’entreprise ou certaines informations essentielles, telles que la liste des fournisseurs, les recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales,éléments auxquels il avait accès. M. [R] n’était pas non plus contraint, compte tenu de son expérience professionnelle et de ses qualifications, d’exercer sa nouvelle activité, dans le domaine du béton décoratif.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer que la clause de confidentialité susvisée constituait en réalité une clause de non-concurrence n’en respectant pas les conditions légales, et il convient de juger qu’elle était valable et s’imposait à M. [R].
Sur la violation de la clause de confidentialité :
Moyens des parties :
LA SAS MATIERES MARIUS AURENTI soutient que M. [R] a violé la clause de confidentialité en débauchant son personnel dans le but de lui nuire et en détournant sa clientèle (détournement de moyens techniques et humains). Elle explique qu’il a entrainé le départ de deux autres salariés alors que la société comptait un effectif technique de laboratoire, coloration et production d’uniquement cinq salariés, M. [J], coloriste (4 ans d’ancienneté), Mme [L], ingénieur chimiste- (3 années d’ancienneté) qui occupaient des postes stratégiques et absolument nécessaires au développement et au maintien de la société), dans l’intention de désorganiser la SAS MATIERES MARIUS AURENTI au profit de sa propre entreprise constituée, la société AD LUCEM exerçant exactement dans le même domaine. LA SAS MATIERES MARIUS AURENTI soutient que les deux salariés débauchés ont eu à leur disposition des informations stratégiques de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, et que la société AD LUCEM de M. [R] avec leur aide, a ainsi développé une gamme de produits identique à la sienne utilisant les produits les plus connus, et connaissant le plus de succès. La ressemblance entre les sites internet est flagrante, le parasitisme étant évident concernant les noms de nuancier de couleurs (nom + numéro). La société AD LUCEM n’a pu développer cette gamme que grâce aux connaissances acquises par M. [R] au sein de a SAS MATIERES MARIUS AURENTI en contravention avec la clause de confidentialité qui lui interdisait « de divulguer à des tiers soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales, fournisseurs ou clients’ ». Elle indique que les couleurs qu’elle propose sont produites selon le principe de la différenciation retardée, mode de production très particulier et original et pour lequel Mme [L] a été conseillée par des spécialistes en 2012 et 2013 (programme PERFORMANCE PME) et la société AD LUCEM commercialise aujourd’hui ce vernis avec l’aide des connaissances de Mme [L].
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI fait valoir qu’elle a fait élaborer pour son compte de manière spécifique par la société SIKA plusieurs produits dont le SIKATOP 121, produit unique et spécifique, et que la société AD LUCEM a tenté de s’en procurer par le biais de points de vente comme l’atteste son fournisseur. Elle fait valoir que c’est la collaboration de plusieurs années avec SIKA ainsi que l’expérience de terrain qui lui ont permis de faire évoluer ce produit basique en produit spécifiquement fabriqué par elle. Essuyant un refus commercial par SIKA, la société AD LUCEM s’est rabattu sur la demande de SIKATOP 121 que l’on trouve en distribution professionnelle commercialisée pour d’autres usages sans dimension décorative puisque celle-ci a été développée spécifiquement par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI.
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI accuse également M. [R] d’avoir détourné et copié sa base de données constituée dans le temps à travers divers investissements et de la recherche (technologie blush) et un nuancier propre de 71 couleurs. Le nuancier de couleurs de la société AD LUCEM étant quasiment l’identique du sien avec des dénominations identiques (nom + Numéro) et la société CHAPISOL, fournisseur et interlocuteur de M. [R] lorsqu’il occupait ses fonctions au sein de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, a reconnu lui avoir procuré le nuancier de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI alors qu’il avait créé sa propre société.
M. [R] conteste pour sa part avoir violé la clause susvisée et affirme que la SAS MATIERES MARIUS AURENTI n’apporte aucune preuve de cette prétendue violation.
Il explique qu’il a été embauché par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI en raison de ses connaissances techniques et de son expérience de plus de 30 ans dans le génie civil et qu’il disposait de compétences spécifiques qu’aucune autre personne ne détenait dans l’entreprise. Il conteste par ailleurs la réalité et la consistance du savoir-faire spécifique de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI. Les deux sociétés produisant des produits différents fabriqués selon des processus différents en utilisant des matières différentes.
Il soutient que la seule création de la société AD LUCEM postérieurement à la fin de son contrat de travail ne saurait en aucun cas engager sa responsabilité, tant sur le fondement de la concurrence déloyale, que sur le fondement du non-respect des protocoles transactionnels conclus, puisque les deux sociétés produisent des produits différents selon des processus différents en utilisant des matières différentes. Il explique que le processus de fabrication revendiqué par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI consiste simplement en un processus artisanal de mélange de produits pour obtenir du « Mortier fin lissé », mortier coloré avec comme produit de base le SIKATOP 121 neutre, ajouté à un concentré de couleurs en poudre à l’aide d’un simple mélangeur à main de chantier. Pour donner l’illusion d’un fabrication industrielle et innovante à des fins purement marketing, la SAS MATIERES MARIUS AURENTI utilise en réalité des mots pompeux pour qualifier ce procédé simplissime et artisanal.
M. [R] soutient enfin que le nuancier de couleurs est disponible sur le site internet de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI et qu’il ne peut par conséquent lui être reproché une divulgation fautive. Le fait d’associer un nom de couleur et un numéro ne présentant aucune originalité, de nombreuses entreprises faisant de même. De plus un nuancier ne permet pas de connaitre les modalités pratiques de reproduction des couleurs.
Il est rappelé que la clause de confidentialité a pour objet d’imposer au salarié de conserver certaines informations dont il pourrait avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Elle est destinée à protéger les intérêts et le savoir-faire de l’entreprise en interdisant au salarié de divulguer certaines informations essentielles.
Toutefois ladite clause qui porterait sur l’ensemble des informations recueillies par le salarié à l’occasion de son activité professionnelle sans viser des informations de nature confidentielle n’est pas valable, car elle restreint de façon abusive la liberté du salarié.
Il résulte en l’espèce des deux protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 signés par les parties, un article 4 intitulé « confidentialité » rédigé comme suit « le salarié et la société s’engagent expressément, aux termes du présent accord, à ne rien faire qui puisse nuire à leurs intérêts réciproques, les parties s’obligeant notamment à ce titre à ne pas tenir, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, de propos critiques l’une envers l’autre, auprès de tiers …Le salarié s’engage irrévocablement à ne pas divulguer à des tiers qu’ils soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication, prix d’achat et conditions commerciales, fournisseurs ou clients’ ».
S’agissant tout d’abord de l’utilisation de matériel informatique et de logiciels, le fait pour la société AD LUCEM d’avoir utilisé le même logiciel de gestion, dont il n’est pas contesté qu’il est librement disponible sur le marché et non réalisé spécifiquement pour la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, ne démontre pas que M. [R] ait contrevenu à la clause de confidentialité susvisée ; la société AD LUCEM étant libre de choisir les matériels et outils les plus adaptés à la réalisation de son activité.
De la même façon, s’agissant de l’utilisation du spectrocolorimètre X-rite 962, dont M. [X] atteste avoir conseillé l’utilisation pour trouver un système de couleurs dans le cadre de l’activité qui venait d’être créée. Le fait que Mme [L], qui travaille désormais pour le compte de AD LUCEM ait été spécifiquement formée à l’utilisation de cet appareil par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI en 2011 ne concerne que les obligations de Mme [L] vis à vis de son ex-employeur et non M. [R].
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI ne démontre pas non plus que le nuancier de la société AD LUCEM n’a pu être constitué que par la reproduction de son propre nuancier et que M. [R] aurait « capté » le client CHAPISOL au cours de ses relations de travail comme conclu.
S’agissant du débauchage allégué de deux salariés, il convient de constater que le départ concomitant, à la suite de M. [R], de M. [J] et de Mme [L], disposant de compétences et de connaissances essentielles en leur qualité respective de coloriste et d’ingénieure chimiste pour rejoindre la société AD LUCEM, alors même que la SAS MATIERES MARIUS AURENTI ne disposait que d’un effectif total de quatre salariés, la mettait manifestement en position stratégique délicate, d’autant que les salariés mettaient immédiatement leur expérience à la disposition d’une société développant les mêmes produits sur un marché identique.
Toutefois, si M. [R] peut conclure et expliciter le mode de fabrication du produit litigieux par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI et contester son caractère innovant, c’est bien parce qu’il a eu accès aux procédés de fabrication au sein de a SAS MATIERES MARIUS AURENTI. Ainsi peu important le caractère perfectionné au non débattu de la conception d’un produit, le fait que la SAS MATIERES MARIUS AURENTI en ait eu l’idée et le bénéfice de la création, permet de le qualifier de savoir-faire de l’entreprise pour lequel la confidentialité doit être préservée par ses salariés et donc concerné par la clause de confidentialité à laquelle était soumis explicitement M. [R]. Ce dernier a d’ailleurs reconnu lors de la réalisation de l’analyse de fonctionnement susvisée en indiquant « être allé les chercher à la source auprès de SIKA au travers de leurs documents techniques et de conversations’ » et qu’ « une fenêtre s’est ouverte avec le mortier fin lissé et le mortier fluide spécial qui est une fabrication SIKA particulière pour la SAS MATIERES MARIUS AURENTI ». Le seul fait que le procédé de fabrication soit « simple et artisanal » ne contredisant par pour autant le caractère potentiellement innovant de l’idée ayant permis sa création.
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI verse également aux débats l’attestation de M. [Y] de la société SIKA qui témoigne que la société a été contactée par des magasins pour le compte de la société AD LUCEM représentée par M. [R], pour demander le même produit, à savoir le SIKATOP 20 » en sac blanc neutre de 24 KG et d’autres produits et qu’il a décliné cette possibilité de vente étant donné que ces articles étaient élaborés de manière spécifique pour le compte de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, ces articles ne faisant d’ailleurs pas partie du tarif général.
Faute de pouvoir utiliser la base développée spécifiquement par SIKA pour la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, il est constant que la société AD LUCEM a ensuite utilisé le SIKATOP 121 vendu en distribution professionnelle à des fins différentes de celles pour lesquelles il est destiné initialement pour le public, pour développer un produit équivalent et conformément à l’idée développée initialement et de manière originale par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, peu important qu’elle ait dû pour ce faire développer ses propres recherches et ses propres étapes de fabrication du produit.
Ainsi il est démontré que M. [R] a utilisé les connaissances obtenues dans le cadre de son activité au sein de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI pour commercialiser un produit développé au sein de cette entreprise, au profit de la société AD LUCEM et a donc, en contravention de la clause de confidentialité, « divulgué à des tiers soient personnes physiques ou morales, sous quelque forme et dans quelque contexte que ce soit, des informations sur les fournisseurs, recettes et formules de fabrication ».
Par ailleurs, il a, en toute connaissance de cause, embauché deux des membres du personnels, sur les quatre, essentiels à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI, contrevenant ainsi également à la clause dite de « confidentialité » susvisée, aux termes de laquelle il s’était engagé à « ne rien faire qui puisse nuire à leurs intérêts réciproques », sachant, en sa qualité de directeur commercial, à la suite des recherches « dignes d’une enquête de police effectuées » comme indiqué, qu’il allait, ce faisant, mettre en péril l’activité de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI basée essentiellement sur la commercialisation de mortier ciré décoratif fondé sur un procédé spécifique dont M. [J] et Mme [L] avaient contribué à la création.
Il résulte de l’article 2044 du code civil que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.
L’article 2052 du code civil dans sa version applicable au litige dispose que ses transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Ces articles sont expressément visés dans les protocoles dont la résolution est demandée et la clause de confidentialité qui a été violée par M. [R] stipule au dernier paragraphe que « les parties rappellent que les engagements du présent article constituent des éléments essentiels du protocole d’accord transactionnel signé entre elles. A défaut les parties se réserveraient le droit de donner toute suite le cas échéant judiciaire nécessaire afin de sauvegarder leurs intérêts ».
Il en ressort que le respect des obligations prévues dans la clause de confidentialité susvisée constituait des éléments essentiels des dits protocoles.
Il convient par conséquent, sans qu’il y ait lieu de se pencher sur les autres moyens développés, par voie de confirmation du jugement déféré, de juger que M. [R] n’a pas respecté la clause de confidentialité insérée dans les protocoles transactionnels des 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014 et de faire droit à la demande de résolution des deux protocoles, et d’ordonner la restitution des indemnités transactionnelles prévues à savoir les sommes de 8 000 € et 6 000 € avec intérêts au taux légal à compter de la sommation du 3 mars 2014.
Il convient en outre de condamner M. [R] à rembourser à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI les sommes versées par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI au titre de la CSG et RDS lors du versement des indemnités transactionnelles soit la somme de 1 417,39 €.
Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI :
Moyens des parties :
La SAS MATIERES MARIUS AURENTI soutient que l’attitude fautive de M. [R] et sa gravité a causé une atteinte à sa réputation puisqu’en permanence attaquée lors des démarchages de M. [R] et la confiance de la clientèle ébranlée par cette situation inquiétante, économiquement déstabilisante et peu propice à de bonnes relations dans le temps. Elle demande la somme de 20 000 € de dommages et intérêts à ce titre.
M. [R] soutient que la baisse du chiffre d’affaires de la SAS MATIERES MARIUS AURENTI peut avoir pour origine diverses raisons et notamment les caractéristiques du secteur, le positionnement de l’entreprise’la conjoncture du bâtiment très défavorable et que la société rencontrait déjà d’importantes difficultés financières depuis 2011.
Si la SAS MATIERES MARIUS AURENTI ne démontre pas que l’entièreté de ses difficultés économiques soient la résultante du comportement contractuellement répréhensible de M. [R] comme conclu, la Cour retient ainsi que l’ont fait les premiers juges, que la SAS MATIERES MARIUS AURENTI a été surprise dans la bonne foi qui a présidé à l’élaboration des accords transactionnels, et a subi un préjudice économique en découlant. Il convient toutefois de réformer le quantum des dommages et intérêts et de condamner M. [R] à verser à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI la somme de 8 000 € à ce titre.
M. [R], qui a violé les protocoles transactionnels susvisés, doit être débouté de ses demandes reconventionnelles fondées sur le non-respect par la SAS MATIERES MARIUS AURENTI des protocoles transactionnels du fait du dénigrement généré par sa mise en cause.
Sur les demandes accessoires :
Il convient de confirmer la décision de première instance s’agissant des dépens et des frais irrépétibles.
M. [R], partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, devra payer à a SAS MATIERES MARIUS AURENTI la somme de 10 000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d’appel.
:
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
DECLARE M. [R] recevable en son appel,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :
Prononcé la résolution des protocoles transactionnels intervenus les 30 septembre 2013 et 31 janvier 2014.
Condamné M. [R] à payer à la SAS OCEAN (désormais la SAS MATIERES MARIUS AURENTI ) les sommes suivantes :
8 000€ au titre du remboursement de la somme versée au titre du protocole du 30 septembre 2013, assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014
6 000 € au titre du remboursement de la somme versée au titre du protocole du 31 janvier 2014, assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2014.
1 417,39 € au titre de la CSG-CRDS payés par la SAS OCEAN sur les indemnités transactionnelles
1 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Débouté la SAS OCEAN (désormais la SAS MATIERES MARIUS AURENTI ) du surplus de ses demandes.
Débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes.
Condamné M. [R] aux dépens.
STATUANT à nouveau sur les chefs d’infirmation,
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [R] à payer à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI la somme de 8 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral,
CONDAMNE M. [R] à payer la somme de 10 000 € à la SAS MATIERES MARIUS AURENTI sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,
CONDAMNE M. [R] aux dépens d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Valéry Charbonnier, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Mériem Caste-Belkadi, Greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La Greffière, La Conseillère faisant fonction de Présidente,