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En dépit de l’existence d’un Pacte d’associés, la marque appartient à celui qui en a eu l’idée et qui se trouve investi du droit de la déposer. Attention donc à prévoir une rétroactivité du Pacte d’associés ou encadrer le sort des marques déjà conceptualisées.
En dépit du Pacte d’associés conclu, l’actionnaire majoritaire et président de la société Ldd Holding qui détenant 6071 actions sur les 6765 actions a été jugé en droit de conserver les droits sur la marque française Funeral Greenwood.
Aux termes des dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. »
La société Ldd funéraire a fait valoir en succès que la demande d’enregistrement de la marque Funeral Greenwood. a été déposée d’une part en violation du pacte d’associé conclu le 24 février 2018 et d’autre par en fraude de ses droits. Selon le pacte d’associé conclu, chacun des associés :
“s’interdit, sauf accord écrit de la collectivité des associés, délibérant à la majorité des décisions ordinaires, d’être personnellement, directement ou indirectement propriétaire de droits de propriété intellectuelle utilisés par la groupe (programmes informatiques, droits d’auteur, marques, modèles, dessins brevets, noms de domaine, etc.) ;
-s’engage à ce que tous les brevets, marques, noms de domaine ou autres droits de propriété intellectuelle, créés ou développés à l’occasion de l’exercice de ses activités au sein de la société, ont été ou soient déposés ou protégés au nom de la société
-s’engage à ce que toutes les concessions de licence de droits de propriété industrielle et tous les accords valorisant un savoir-faire ou des connaissances non brevetables développés par la société liés directement ou indirectement à l’activité de la société soient effectués au nom de la société. »
* * *
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 30/03/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 21/04164 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TYQN
Jugement (N° 19/07681)rendu le 15 Juin 2021
par le Tribunal judiciaire de Lille
APPELANTE
La Sarl Ldd Funéraire prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Eric Delfly, avocat au barreau de Lille, substitué par Me Dessenne, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
INTIMÉ
Monsieur [E] [M]
né le 25 Juillet 1989 à [Localité 4]
demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me François Rabier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l’audience publique du 16 janvier 2023 après rapport oral de l’affaire par Jean-François Le Pouliquen, conseiller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2022
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 15 juin 2021,
Vu la déclaration d’appel de la société LDD Funéraire, reçue au greffe de la cour d’appel de Douai le 27 juillet 2021,
Vu les conclusions de la société LDD Funéraire déposées le 10 décembre 2022,
Vu les conclusions de M. [E] [M] déposées le 06 décembre 2022,
Vu l’ordonnance de clôture du 12 décembre 2022,
EXPOSE DU LITIGE
La société LDD Holding détenait deux filiales dans le domaine des services funéraires:
-la société LDD Funéraire, dénommée EPF [Localité 3] jusqu’au mois d’avril 2018;
-la société Organisation Funéraire Jacques [I]
Suivant contrat à durée indéterminée du 3 août 2017, M. [E] [M] a été embauché en qualité de directeur commercial par la société LDD Holding.
Le 24 février 2018, il est entré au capital de la société Ldd Holding à hauteur de 4% et en est devenu le directeur général lorsqu’elle est devenue une société par action simplifiée.
Le 24 mars 2018, M. [E] [M] a déposé la marque verbale « Funeral Greenwood » pour des produits et services des classes 6, 19, 20, 35, 36, 39, 40, 41 et 45.
Par requête datée du 20 juin 2019, M. [M] a saisi le conseil des prud’hommes de Lille d’une demande tendant à prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Ldd Holding et de la condamner au paiement de différentes sommes.
Par décision du 26 juin 2019, l’assemblée générale de la société LDD Holding a révoqué M. [E] [M] de ses fonctions de directeur général, et suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 17 juillet 2019, ce dernier a été licencié pour faute grave.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 7 août 2019, laquelle est revenue avec la mention pli avisé non réclamé, la société LDD Funéraire a mis en demeure M. [M] de rétrocéder la marque Funeral Greenwood.
Par courrier daté du 12 août 2019, adressé à la société Ldd Holding, M. [M] l’a mise en demeure de cesser l’usage de la marque Funeral Greenwood.
Le 2 octobre 2019, la société Organisation Funéraire Jacques [I] et la société LDD Funéraire ont été cédées à la société Segard & Buisine.
Par acte d’huissier du 16 octobre 2019, la société LDD Funéraire a fait assigner M. [E] [M] devant le tribunal de grande instance de Lille afin d’obtenir le transfert de la marque.
Par jugement du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
-débouté la société LDD Funéraire de son action en revendication de la marque Funeral Greenwood et de l’intégralité de ses demandes ;
-fait interdiction à la société LDD Funéraire, de tout usage commercial quel qu’il soit et notamment à titre de marque, nom commercial, dénomination sociale ou enseigne, du nom Funeral Greenwood, seul ou en combinaison avec un autre terme, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-fait interdiction à la société LDD Funéraire, d’importer, de détenir, de proposer à la vente ou de vendre, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, un ou plusieurs produits portant atteinte à la marque française Funeral Greenwood n°4440038 à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-fait interdiction à la société LDD Funéraire d’exploiter des noms de domaine funeralgreenwood.fr, ainsi que tout nom de domaine incluant les marques Funeral Greenwood, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-condamné la société LDD Funéraire à payer à M. [E] [M] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;
-débouté M. [E] [M] de sa demande de publication de la présence décision dans quatre journaux ;
-condamné la société LDD Funéraire à payer à M. [E] [M] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-condamné la société LDD Funéraire aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître François Rabier ;
-ordonné l’exécution provisoire ;
-rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties.
Par déclaration reçue au greffe le 27 juillet 2021, la société LDD Funéraire a interjeté appel de tous les chefs du jugement, sauf en ce qu’il a débouté M. [E] [M] de sa demande de publication de la décision dans quatre journaux.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 10 décembre 2022, la société LDD Funéraire demande à la cour de :
-infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 15 juin 2021 en ce qu’il:
-l’a déboutée de son action en revendication de la marque Funeral Greenwood et de l’intégralité de ses demandes ;
-lui a fait interdiction de tout usage commercial quel qu’il soit et notamment à titre de marque, nom commercial, dénomination sociale ou enseigne, du nom Funeral Greenwood, seul ou en combinaison avec un autre terme, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-lui a fait interdiction d’importer, de détenir, de proposer à la vente ou de vendre, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, un ou plusieurs produits portant atteinte à la marque française Funeral Greenwood n°4440038 à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-lui a fait interdiction d’exploiter des noms de domaine funeralgreenwood.fr, ainsi que tout nom de domaine incluant les marques Funeral Greenwood, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à
intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-l’a condamnée à payer à M. [E] [M] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi ;
-l’a condamnée à payer à M. [E] [M] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-l’a condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître François Rabier;
-a rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties ;
et statuant à nouveau, de :
-débouter M. [E] [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
-juger que le dépôt de la marque Funeral Greenwood le 24 mars 2018 auprès des services de l’INPI, a été effectué en violation de ses droits et est par conséquent frauduleux ;
-en conséquence, ordonner le transfert de la marque verbale française Funeral Greenwood déposée par M. [E] [M] le 24 mars 2018 auprès des services de l’INPI et enregistrée sous le numéro national 18 4 440 038 et ce, à son bénéfice ;
-faire interdiction à M. [E] [M] d’utiliser le signe ou la marque Funeral Greenwood à quelque titre que ce soit, et assortir cette interdiction d’une astreinte de 300 euros par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir;
-ordonner la publication de la présente insertion : « Par arrêt du (date), la cour d’appel de Douai a jugé que M. [E] [M] a déposé la marque française Funeral Greenwood n°18 4 440 038 en fraude et droits antérieurs de la société LDD Funéraire, et en conséquence a ordonné le transfert de ladite marque au bénéfice de la société LDD Holding », dans deux journaux ou magazines français régionaux au choix de la société LDD Funéraire, sans que le coût de chaque publication n’excède la somme de 3 000 euros HT ;
-ordonner la publication de la décision à intervenir en marge du dépôt de la marque Funeral Greenwood ;
-condamner M. [E] [M] à lui payer, à titre de dommages et intérêts la somme de 30 000 euros en réparation de ses préjudices ;
-le condamner également à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
-le condamner en tout les frais et dépens de première instance et d’appel avec droit pour la SCP Processuel de se prévaloir des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 6 décembre 2022, M. [E] [M] demande à la cour de :
-confirmer le jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a :
– débouté la société LDD Funéraire de son action en revendication de la marque Funeral Greenwood et de l’intégralité de ses demandes,
fait interdiction à la société LDD Funéraire, de tout usage commercial quel qu’il soit et notamment à titre de marque, nom commercial, dénomination sociale ou enseigne, du nom Funeral Greenwood, seul ou en combinaison avec un autre terme, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois,
– fait interdiction à la société LDD Funéraire, d’importer, de détenir, de proposer à la vente ou de vendre, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, un ou plusieurs produits portant atteinte à la marque française Funeral Greenwood n°4440038 à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte
provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois,
– fait interdiction à la société LDD Funéraire d’exploiter des noms de domaine funeralgreenwood.fr, ainsi que tout nom de domaine incluant les marques Funeral Greenwood, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois,
– condamné la société LDD Funéraire à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société LDD Funéraire aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître François Rabier,
ordonnée l’exécution provisoire ;
-infirmer le jugement rendu le 15 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu’il a :
– condamné la société LDD Funéraire à lui payer la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice subi,
– l’a débouté de sa demande de publication de la présente décision dans quatre journaux,
– rejeté toutes demandes, fins et prétentions, plus amples ou contraires, des parties ;
statuant de nouveau,
-ordonner la publication du communiqué suivant ou d’un communiqué à définir par le tribunal judiciaire de Lille, aux frais de la défenderesse, dans quatre journaux quotidiens de son choix : « Par arrêt du ‘ la cour d’appel de Douai, à la demande de M. [E] [M], interdit à la société LDD Funéraire, d’exploiter le site www.http://www.funeral-greenwood.fr et ce afin d’empêcher la poursuite des actes de contrefaçon, la société LDD Funéraire s’est vue également interdire tout usage commercial du terme Funeral Greenwood seul ou en combinaison avec un autre terme, et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial ou marque, sous astreinte de 500 euros par infraction constatées » ;
-condamner la société LDD Funéraire à lui payer la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi ;
-en tout état de cause,
-condamner la société LDD Funéraire à lui payer la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposées en cause d’appel ;
-condamner la société LDD Funéraire aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître François Rabier, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
EXPOSE DES MOTIFS
I) Sur la demande de la société Ldd funéraire tendant à lui voir transférer la marque Funeral Greenwood
Aux termes des dispositions de l’article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle : « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement. »
La société Ldd funéraire fait valoir que la demande d’enregistrement a été déposée d’une part en violation du pacte d’associé conclu le 24 février 2018 et d’autre par en fraude de ses droits.
Mme [C] [I]-[V], M. [A] [I], M. [E] [M] et la société Ldd Holding ont conclu un pacte d’associé le 24 février 2018.
Aux termes de l’article 16 du pacte d’associé : « Droits de propriété intellectuelle :
Chacun des associés :
-s’interdit, sauf accord écrit de la collectivité des associés, délibérant à la majorité des décisions ordinaires, d’être personnellement, directement ou indirectement propriétaire de droits de propriété intellectuelle utilisés par la groupe (programmes informatiques, droits d’auteur, marques, modèles, dessins brevets, noms de domaine, etc.) ;
-s’engage à ce que tous les brevets, marques, noms de domaine ou autres droits de propriété intellectuelle, créés ou développés à l’occasion de l’exercice de ses activités au sein de la société, ont été ou soient déposés ou protégés au nom de la société
-s’engage à ce que toutes les concessions de licence de droits de propriété industrielle et tous les accords valorisant un savoir-faire ou des connaissances non brevetables développés par la société liés directement ou indirectement à l’activité de la société soient effectués au nom de la société. »
Seuls les associés de la société Ldd Holding et la société Ldd Holding sont parties au pacte d’associé signé le 24 février 2018. Bien que la société Ldd funéraire alors dénommée EPF [Localité 3] était filiale à 100% de la société Ldd Holding jusqu’au 02 octobre 2019, elle n’était pas partie à la convention.
Les parts sociales de la société Ldd Funéraire sont désormais détenues par la société Segard et Buisine.
En application des dispositions du pacte d’associé invoquées par la société Ldd funéraire, la marque Funeral Greenwood aurait du être déposée au nom de la société Ldd Holding. En conséquence, seule la société Ldd Holding aurait pu se prévaloir des dispositions du pacte d’associé pour revendiquer le transfert de la marque.
La société Ldd Funéraire ne peut invoquer la violation par M. [M] du pacte d’associé pour demander le transfert de la marque.
La société Ldd funéraire antérieurement dénommée EPF [Localité 3] n’a pas utilisé le terme « Funeral Greenwood » avant le dépôt de la marque par M. [M] le 24 mars 2018.
M. [M] produit plusieurs attestations de personnes ayant assisté à la soirée de lancement du 28 juin 2018. L’ouverture de l’enseigne Funeral Greenwood au [Adresse 1] a fait l’objet d’un article dans le journal la voix du Nord le 29 août 2018 et d’un communiqué par la voix médias le 07 août 2018. Le début de l’utilisation du terme Funeral Greenwood par la société Ldd funéraire peut en conséquence être fixé au 28 juin 2018.
M. [A] [I] était actionnaire majoritaire et président de la société Ldd Holding détenant 6071 actions sur les 6765 actions. La société Ldd Holding détenait l’intégralité des parts sociales de la société Ldd funéraire dont M. [A] [I] était le gérant.
M. [K] [B], présent à la soirée de lancement de l’enseigne Funeral Greenwood atteste que [A] [I] a indiqué que « cette nouvelle marque était une idée de [E] [M], que celui-ci avait créé et monté le projet de toute pièce. L’assemblée a également été informée que la marque appartenait à [E] [M]. L’objectif était de développer cette marque par le biais de leur structure de Pompes funèbres « choix funéraire » avant de la développer en franchise. »
M. [Y] [S], présent à la soirée de lancement de l’enseigne atteste que « [A] [I] a informé l’assemblée lors de son discours que ce projet et la création de la marque étaient l”uvre de [E] [M] qui avait créé le concept de toutes pièces, que ce concept avait été créé et déposé au nom de [E] [M] auprès de l’INPI et que cette marque serait exploitée par les établissements [I] dans un premier temps. »
Mme [T] [J], ancienne salariée des établissements [I] atteste « avoir été informée par [A] [I] et [E] [M] d’un projet de pompes funèbres écologiques et économiques nommé Funeral Greenwood. Ce projet m’a été présenté par [A] [I] et [E] [M] comme un projet de [E] [M]. Une idée déposée à son nom mais utilisée par les établissements [I] avant une étude en franchise.
J’atteste également que ces mêmes informations ont été divulguées par [A] [I] et [E] [M] lors de la présentation officielle de la marque le 28 juin 2018.
M. [W] [R] atteste que « [E] [M] m’a été présenté comme associé de [A] [I]. En faisant le tour du périmètre des activités [I], il est porté à ma connaissance le concept « Greenwood » que [A] [I] me présente comme « le projet de [E] », créé de toutes pièces de la marque au concept et m’indique que leur association va permettre le développement de cette marque. [E] avait déposé la marque mais elle serait exploitée par les établissements [I] avec en projet leur développement en franchise. »
Il résulte de ces attestations que le concept « Funeral Greenwood » a été élaboré par M. [E] [M]. La marque a été déposée par M. [E] [M] à son nom en accord avec M. [A] [I].
L’affirmation de la société Ldd funéraire selon laquelle le concept de Funeral Greenwood ne serait que la reprise d’un concept américain n’est établie par aucune pièce. L’extrait de page internet d’une société de pompes funèbres américaine portant la mention « Greenwood Funerals » n’est pas de nature à l’établir, le terme Greenwood désignant dans cette page une localisation.
Il n’est pas établi que le concept Funeral Greenwood a été élaboré avant que M. [E] [M] soit salarié de la société Ldd Holding. Au contraire la date de dépôt de la marque huit mois après son embauche et un mois après qu’il soit devenu associé de la société permet d’établir que la concept a été développé alors qu’il était salarié puis associé de la société Ldd Holding. Cependant, il résulte des attestations produites aux débats que le dépôt de la marque au nom de M. [E] [M] est intervenue avec l’accord de M. [A] [I].
Ni le fait que le coût de l’enregistrement a été payé avec les fonds de la société Ldd Funéraire ni le fait que l’adresse mentionnée lors du dépôt de la demande d’enregistrement ne soit pas l’adresse de M. [M] mais l’adresse d’une agence de la société organisation funéraire Jacques [I] n’est de nature à établir la fraude de M. [E] [M] dans le dépôt de la marque « Funeral greenwood ».
La preuve d’une fraude de M. [E] [M] aux droits de la société Ldd funéraire n’est pas établie.
La société Ldd funéraire sera déboutée de sa demande de transfert.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Déboutée de sa demande de transfert, la société Ldd Funéraire sera également déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
II) Sur la demande de M. [E] [M] au titre de la contrefaçon
Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle: « L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L. 713-4. »
Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle: « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :
1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. »
Devant la cour d’appel la société Ldd Funéraire ne soutient pas que M. [M] serait irrecevable à agir en contrefaçon sur le fondement de l’article L.716-4-3 du code de la propriété intellectuelle.
Il n’a pas été signé de convention de licence entre la société Ldd Funéraire et M. [M]. Il n’est ni prétendu ni établi que l’usage de la marque par la société Ldd Funéraire était assortie d’une contrepartie En conséquence, l’accord donné par M. [M] à l’utilisation de la marque par la société Ldd Funéraire s’analyse en un prêt à usage.
Par courrier daté du 12 août 2019, adressé à la société Ldd Holding, M. [M] l’a mise en demeure de cesser l’usage de la marque Funeral Greenwood.
En conséquence, l’usage de la marque par la société Ldd Funéraire sans autorisation de M. [M] constitue une contrefaçon.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a :
-fait interdiction à la société LDD Funéraire, de tout usage commercial quel qu’il soit et notamment à titre de marque, nom commercial, dénomination sociale ou enseigne, du nom Funeral Greenwood, seul ou en combinaison avec un autre terme, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-fait interdiction à la société LDD Funéraire, d’importer, de détenir, de proposer à la vente ou de vendre, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, un ou plusieurs produits portant atteinte à la marque française Funeral Greenwood n°4440038 à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois ;
-fait interdiction à la société LDD Funéraire d’exploiter des noms de domaine funeralgreenwood.fr, ainsi que tout nom de domaine incluant les marques Funeral Greenwood, à compter de l’expiration d’un délai de préavis de 12 mois à partir de la signification du jugement à intervenir, et ce, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à l’expiration de ce délai de préavis, pendant une durée de 4 mois.
M. [E] [M] demande la condamnation de la société Ldd Funéraire au paiement de la somme de 100 000€ à titre de dommages et intérêts. Selon lui, cette somme correspond au bénéfice minimal annuel dégagé suite aux ventes rattachées à la marque Funeral Greenwood.
Le tribunal a justement estimé que M. [E] [M] n’ayant pas d’activité de pompes funèbres, il ne peut alléguer de manque à gagner et d’une perte subie en raison de l’usage par la société Ldd Funéraire de la marque.
En application de l’article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération notamment les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
La société Ldd Funéraire ne conteste pas que le bénéfice annuel des ventes attachées à la marque Funeral Greenwood peut être évalué à la somme de 100 000€. Cependant, il doit être tenu compte du fait que la marque ayant été prêtée à la société Ldd Funéraire qui l’exploitait, la demande de restitution de la marque devait être accompagné d’un délai raisonnable permettant à la société Ldd Funéraire de maintenir son activité économique. De plus, les bénéfices réalisés par la société Ldd Funéraire n’ont pas pour unique cause l’usage de la marque Funeral Greenwood mais également son activité de pompes funèbres qui génère des bénéfices quelque soit la marque utilisée. En outre, la notoriété de la marque Funeral Greenwood n’est due qu’à son utilisation par la société Ldd Funéraire.
Au regard de ces éléments, le préjudice subi par M. [E] [M] sera justement indemnisé par le paiement de la somme de 10 000€.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
La publication de la décision n’apparaît pas nécessaire a faire cesser le trouble causé par la contrefaçon de marque.
M. [M] sera débouté de sa demande à ce titre.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
III) Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Succombant à l’appel, la société Ldd Funéraire sera condamnée aux dépens d’appel et à payer la somme de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.
-CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Ldd funéraire au paiement de la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :
-CONDAMNE la société Ldd Funéraire à payer à M. [E] [M] la somme de 10 000€ à titre de dommages et intérêts ;
-CONDAMNE la société Ldd Funéraire à payer à M. [E] [M] la somme de 2500€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;
-DEBOUTE la société Ldd Funéraire de sa demande de paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-CONDAMNE la société Ldd Funéraire aux dépens d’appel ;
-AUTORISE Maître François Rabier à recouvrer directement contre la partie condamnée, ceux des dépens dont il a fait l’avance sans avoir reçu de provision.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille