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Aux termes de l’article L 145-9 du code de commerce, les baux de locaux soumis au statut des baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
En dehors des périodes visées par cet article, la résiliation anticipée du bail ne se conçoit que d’un commun accord des parties, lequel s’il peut se prouver par tous moyens, doit résulter d’éléments de faits établissant une intention réciproque des parties.
En l’espèce, l’attestation d’un tiers aux partie n’a pas été jugée suffisamment probante pour établir l’accord tacite qu’aurait donné le bailleur à une résiliation anticipée du bail.
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REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE BORDEAUX
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 MARS 2023
N° RG 20/02428 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LTJX
Madame [U] [T]
SNC [W] & FILS
SELARL FHB
c/
S.C.P. LGA
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 juin 2020 (R.G. 15/01375) par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BERGERAC suivant déclaration d’appel du 13 juillet 2020
APPELANTES :
Madame [U] [T], intervient ès-qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SNC [W] & FILS, domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 1]
SNC [W] & FILS, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 2]
S.E.L.A.R.L. FHB, représentée par Maître [S] [C], ès-qualité de Commissaire à l’exécution du plan de la SNC [W] & FILS,domicilié en cette qualité au siège sis, [Adresse 4]
représentées par Maître Dominique ASSIER de la SCP MONEGER-ASSIER-BELAUD, avocat au barreau de BERGERAC et assistés par Maître Thierry D’ORNANO, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉE :
S.C.P. LGA,, ès qualité de Liquidateur Judiciaire de la SCI LA FORET, domiciliée en cette qualité au siège sis, [Adresse 3]
représentée par Maître Olivier MAILLOT de la SELARL CABINET CAPORALE – MAILLOT – BLATT ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée par Maître Sophie POURRUT-CAPDEVILLE, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 23 janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,
Madame Marie GOUMILLOUX, Conseiller,
Madame Sophie MASSON, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
EXPOSE DU LITIGE
M. [D] [W], aujourd’hui décédé, était le seul héritier de son oncle, [M] [Z], et percevait à ce titre des revenus de droits d’auteur importants.
Conseillé par la société européenne de promotion et d’investissement dont le gérant est M. [P], il a souhaité investir dans un projet immobilier de construction d’un hôtel et d’un restaurant en Dordogne, l’auberge du Pescalune ‘ les copains d’abord’ dans un but d’optimisation fiscale.
Il a ainsi créé avec son fils le 1er mai 2010 la SNC [W] et fils ayant pour activité ‘la promotion de l’oeuvre de [M] [Z]’ dans le but d’acquérir l’hôtel au moyen d’un emprunt souscrit par cette société et de prendre le restaurant à bail commercial.
Le schéma était le suivant : M. [W] devait céder temporairement son usufruit sur les droits de reproduction versés par la SACEM à la SNC [W] et fils assujettie à l’impôt sur les sociétés et employer ceux-ci en investissements immobiliers dans l’hôtel. Selon le projet, ‘l’intérêt de ce schéma réside dans la compensation des résultats d’une première activité naturellement bénéficiaire avec une seconde activité structurellement déficitaire mais génératrice de patrimoine’.
Dans le cadre de ce projet, la SNC [W] a donné un mandat de gestion de l’ensemble hôtelier à la société d’exploitation hôtelière La Madeleine ( ci- après la société La Madeleine), dont le gérant était également M. [P], par contrat sous seing privé du 15 décembre 1998 pour une durée de dix ans reconductible par tacite reconduction.
Le 4 juin 1999, la SCI La forêt, dont le gérant est également M. [P], qui avait acquis en mars 1997 un ensemble immobilier à Tursac (24) aux fins d’y créer l’hôtel et le restaurant, a fait dresser par un notaire le règlement de copropriété avec état de division en 3 lots, le lot n°1 étant un ensemble immobilier à usage d’hôtel, lot n°2 à usage d’accueil, salon et salle de réunion ( bâtiment annexe à l’hôtel) et le lot n°3 à usage de restaurant.
Par un second acte notarié du 4 juin 1999 la SCI la forêt a vendu en l’état d’achèvement les lots n°1 et n°2 de la copropriété à la SNC [W] et Fils qui a souscrit à cette occasion un prêt de 12 800 000 francs dans le cadre d’un prêt in fine sur 12 ans.
Puis, par acte sous seing privé du 28 janvier 2000, la SCI La forêt, en qualité de bailleur, a donné à bail commercial à la société [W] et Fils des locaux à usage de bar et restaurant situés à Tursac (24), pour une durée de neuf années, soit jusqu’au 31 mars 2009, et moyennant un loyer annuel de 18 293,88 euros HT.
Par courrier du 1er septembre 2010, la SNC [W] a dénoncé le mandat de gestion de la société La Madeleine.
Le restaurant et l’hôtel ont fermé le 13 septembre 2010.
La SNC [W] et Fils a fait l’objet de plusieurs redressements fiscaux.
Sur les procédures collectives ouvertes à l’encontre des sociétés concernées par le litige :
Par jugement du 16 décembre 2010, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’encontre de la société La Madeleine.
Par décision du 6 février 2012, le tribunal de grande instance de Bergerac a ouvert une procédure de sauvegarde à l’encontre de la SCI La forêt. Cette procédure a été étendue à la société européenne de promotion et d’investissement par décision du 12 novembre 2012.
Par décision du 9 septembre 2013, le tribunal a refusé d’homologuer le plan proposé et a converti la procédure en liquidation judiciaire.
La SCI La forêt a formé appel de cette décision. Par décision du 4 novembre 2013, M. le premier président a arrêté l’exécution provisoire.
Le conseiller de la mise en état a constaté la caducité de l’appel. Par décision sur déféré du 16 mai 2014, cette cour a confirmé l’ordonnance du conseiller de la mise en état. La cour de cassation a cassé cet arrêt par décision du 3 décembre 2015.
Par arrêt du 17 mai 2017, la cour d’appel de renvoi a ouvert à l’encontre de la société La forêt en procédure de redressement judiciaire compte tenu notamment de la perspective de vente de leurs immeubles.
Par décision du 16 mars 2018, le tribunal de grande instance de Bergerac a converti la procédure de redressement de la SCI La forêt en liquidation judiciaire.
La SCP Pimouguet a été nommée en qualité de liquidateur.
Par jugement du 19 septembre 2016, le tribunal de commerce de Montpellier a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la société [W] et Fils et a désigné la société FHB en qualité d’administrateur judiciaire et Maître [U] [T] en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de redressement a été adopté par décision du 14 mai 2018. La selarl FHB a été désignée en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Le 11 octobre 2016, la société La Forêt a déclaré une créance à titre privilégié d’un montant de 141 579,49 euros au passif de la société [W] et Fils.
Le 28 août 2017, la société [W] et Fils a déclaré une créance au passif de la société La forêt à hauteur de 109 945,24 euros au titre du remboursement de la somme qu’elle a été contrainte de régler à la suite de l’ordonnance de référé du tribunal de grande instance de Bergerac du 18 décembre 2012.
Sur la procédure en paiement des loyers impayés :
Par acte du 28 septembre 2012, la SCI La forêt a fait assigner en référé devant le tribunal de grande instance de Bergerac, la SNC [W] et fils aux fins d’obtenir le paiement des loyers impayés.
Par ordonnance de référé du 18 décembre 2012, le président du tribunal de grande instance de Bergerac a condamné la société [W] et Fils au paiement des loyers impayés du 1er avril 2010 au 31 mars 2013 pour la somme de 99 823,77 euros.
La SCI La fôret a, à nouveau, fait assigner la société SNC [W] et Fils devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bergerac aux fins de voir celle-ci condamner à lui verser la somme de 70 580,89 euros au titre des loyers impayés au 31 mars 2005.
Par ordonnance de référé du 17 juin 2014, le juge des référés a constaté l’existence d’une contestation sérieuse, les factures produites ne permettant pas d’établir que la taxe foncière n’est pas incluse dans les avis d’échéance.
Par acte d’huissier du 13 novembre 2015, la société Pimouguet, pris en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI La forêt, a assigné la société [W] et Fils devant le tribunal de grande instance de Bergerac aux fins d’obtenir le paiement de la somme de 106 080,19 euros TTC au titre des loyers impayés du 1er avril 2013 au 31 mars 2016.
Par acte d’huissier du 25 novembre 2016, la société Pimouguet, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La forêt, a assigné en intervention forcée Maître [T], pris en qualité de mandataire judiciaire de la société [W] et Fils, et à la société FHB, pris en qualité d’administrateur judiciaire de la société [W] et Fils, devant le tribunal judiciaire de Bergerac aux fins d’obtenir la fixation au passif de la société [W] et Fils à titre privilégié, des créances de 141 579,49 euros TTC et de 14 306,56 euros, d’obtenir le paiement de la somme de 15 000 euros pour résistance abusive à paiement ainsi que la somme de 35 499,30 euros TTC.
Par ordonnance de jonction du 24 mars 2017, les deux instances ont été jointes.
Par jugement contradictoire du 05 juin 2020, le tribunal judiciaire de Bergerac a :
– déclaré recevable la société Pimouguet en son intervention volontaire, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La forêt,
– dit et jugé la société Pimouguet, ès qualités recevable et bien fondée en ses demandes,
– déclaré la société [W] et Fils irrecevable en ses demandes et en conséquence l’en déboute,
– dit et jugé hors délai sa déclaration de créance du 28 août 2017 au passif de la société La forêt,
– en conséquence, l’a déclaré inopposable à la société Pimouguet ès qualités de liquidateur de la société La forêt, conformément à l’article L. 622-16 du code de commerce,
– fixé au passif de la société [W] et Fils, à titre privilégié en application de l’article L. 622-16 du code de commerce et 2332-1° du code civil, les créances suivantes :
– 141 579,49 euros TTC, au titre des créances de loyers pour la période du 1°avril 2013 au 31 mars 2017, avec intérêts au taux légal, majorés de 1,5 point à la date d’échéance des factures et capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil (1154 ancien dudit code) ;
– 14 306 ,56 euros, en exécution de l’ordonnance de référés du président du tribunal de grande instance de Bergerac du 18 décembre 2012,
– condamné la société [W] et Fils à payer à la société Pimouguet, ès qualités de liquidateur de la société La forêt la somme de 35 499,30 euros TTC au titre des loyers pour la période du 1° avril 2017 au 31 mai 2018,
– dit et jugé que cette condamnation sera majorée des intérêts au taux légal, majorés de 1,5 point à compter du 1er avril 2017, date d’échéance de la facture et capitalisation des intérêts, en application de l’article 1343-2 du code civil,
– condamné la société [W] et Fils à payer à la société Pimouguet, ès qualités de liquidateur de la société La forêt la somme de 5 000 euros pour résistance abusive,
– condamné la société [W] et Fils à payer à la société Pimouguet, ès qualités de liquidateur de la société La forêt au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société [W] et Fils aux entiers dépens de l’instance,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
En substance, le tribunal a jugé que les loyers étaient dus par la preneuse à défaut pour celle-ci d’avoir délivrer un congé à son bailleur et que celle-ci était responsable du montant important restant dû du fait de son incurie.
Par ailleurs, il a jugé que la déclaration de créance effectuée par la société [W] et Fils au passif de la société La forêt était tardive.
Il sera précisé que :
– le 7 juin 2019, l’ensemble de la copropriété ( Hôtel et restaurant) a été cédé à M. [J],
– la société LGA est venue aux droits de la société Pimouguet en qualité de liquidateur de la SCI La forêt.
Par déclaration du 13 juillet 2020, la société SNC [W] et Fils, la société FHB d’administrateur judiciaire de la société [W] et Fils et Maître [T], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [W] et Fils en sa qualité de ont interjeté appel de cette décision, énonçant les chefs de la décision expressément critiqués, intimant la société LGA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La forêt.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 03 janvier 2023 auxquelles la cour se réfère expressément, la société [W] et Fils, la société FHB, ès qualités d’administrateur judiciaire de la société [W] et Fils et Maître [T], ès qualités de mandataire judicaire de la société [W] et Fils, demandent à la cour de :
– vu les articles 1131, 1383, 1736 et 1738 anciens du code civil,
– vu la jurisprudence codifiée sous l’article 1186 alinéa 2 nouveau du code civil,
– vu les pièces produites,
– recevoir la société [W] et Fils, la société FHB en la personne de Maitre [S] [C], Maitre [T], ès qualités de mandataire judiciaire de la société [W] et Fils, en leur appel,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
– statuant à nouveau,
– débouter la société LGA venant aux droits de la société Pimouguet de l’ensemble de ses demandes es qualités de liquidateur de la société La forêt,
– fixer la créance de la société [W] et Fils au passif de la société La forêt à la somme de 109 945,24 euros,
– condamner la société LGA venant aux droits de la société Pimouguet ès qualités de liquidateur de la société La forêt à verser à la société [W] et Fils la somme de 35 000 euros au titre de l’article 700 du code de la procédure civile,
– condamner la société LGA venant aux droits de la société Pimouguet ès qualités de liquidateur de la société La forêt aux entiers dépens avec distraction au profit de la société Moneger Assier Belaud avocats au barreau de Bergerac, sur le fondement de l’article 699 du même code.
Par dernières écritures notifiées par RPVA le 06 janvier 2023, auxquelles la cour se réfère expressément, la société LGA, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société La forêt, demande à la cour de :
– vu les pièces et éléments versés aux débats,
– la dire et juger recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,
– dire et juger la société [W] et Fils, irrecevable et non fondée en son appel ; la débouter de l’intégralité de ses demandes et prétentions,
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 05 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bergerac,
– y ajoutant,
– condamner la société [W] et Fils à lui payer une somme de 42 147,33 euros TTC pour la période du 1er avril 2018 au 07 juin 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019, date d’échéance du loyer et capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
– condamner la société [W] et Fils à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société [W] et Fils aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la société Cabinet Caporale Maillot Blatt, pris par le ministère de Maître Olivier Maillot, avocat au Barreau de Bordeaux, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 09 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du 23 janvier 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.
Sur la créance de loyers impayés :
1- Les appelants soutiennent que la cession temporaire de l’usufruit, le contrat de gestion hôtelière, le contrat de bail commercial et le contrat de vente en l’état futur d’achèvement s’inscrivent dans un ensemble contractuel à finalité unique qui était l’optimisation fiscale des revenus de droits d’auteur des associés de la SNC. Ils font valoir que le bail ne pouvait exister indépendamment des autres contrats et notamment que le contrat de gestion hôtelière et le contrat de bail étaient indivisibles, la commune intention des parties étant de lier ces deux contrats. Dès lors, la résiliation du contrat de gestion hôtelière a entraîné automatiquement la caducité du contrat de bail.
Ils arguent ensuite d’une résiliation tacite du bail par les parties à compter du 13 septembre 2010 date de fermeture de l’hôtel soutenant que M. [P], en sa qualité de gérant de la société bailleresse a repris possession des lieux qu’il a ensuite cherché à revendre.
2- L’intimée soutient que le bail s’est poursuivi par tacite reconduction à défaut de délivrance d’un congé. Elle explique que l’appelante a beaucoup varié dans sa défense mais n’a que tardivement argué d’une caducité du bail et d’une résiliation tacite du bail.
Le liquidateur de la SCI La forêt affirme qu’il n’est démontré ni une indivisibilité objective des différents contrats ni une volonté certaine des parties de rendre les contrats insusceptibles de division. Il explique que la finalité de l’opération était à la fois fiscale et patrimoniale et que la défiscalisation n’est que le moyen et non le but de l’opération. En outre, il soutient que la SNC [W] a bien profité pendant 12 années de l’avantage fiscal escompté et que le redressement fiscal de la SNC est sans lien avec ce montage mais avec des donations consenties aux héritiers de M. [W]. Par ailleurs, l’exploitation de l’hôtel aurait pu être confiée à une autre société.
Il ajoute que la SNC [W] et Fils a à dessein souhaité poursuivre le bail et qu’il n’y a eu aucune résiliation tacite du bail.
Il fait valoir enfin que l’échec de l’opération est imputable aux consorts [W] qui ont été trop gourmands et qui n’ont pas suffisamment capitalisé les économies d’impôts obtenues et que sous couvert d’une indivisibilité des contrats, la SNC [W] et fils entend remettre en cause les conditions de validité des conventions passées avec M. [P] alors qu’elle est prescrite à agir sur le fondement de l’absence de cause ou de vice du consentement.
3- Les dispositions de l’article1186 du code civil entrées en vigueur le 1er octobre 2016 ne sont pas applicables en l’espèce.
Cependant, antérieurement à la promulgation de cette loi, la jurisprudence reconnaissait la notion de contrats interdépendants, principalement en matière de location financière , ‘lorsque plusieurs contrats concouraient à la même opération économique et n’avaient aucun sens indépendamment les uns des autres’.
4- Comme le relève à juste titre l’intimée, les appelants ne justifient pas qu’ils étaient dans l’impossibilité de confier un nouveau mandat de gestion à une autre société après avoir résilié le mandat de gestion confié à la société La Madeleine. En effet, aucune des clauses du bail commercial n’impose au preneur de recourir aux services exclusifs de la société La Madeleine et il ne ressort, ni de la lecture du bail commercial, ni de la lecture du mandat de gestion, une volonté sans équivoque des différentes parties de lier l’exécution d’un contrat au sort de l’autre.
L’exécution du contrat de bail commercial pouvait ainsi se poursuivre indépendamment de l’exécution du mandant de gestion.
5- L’argument tiré de l’unité économique des différents contrats n’est pas plus opérant dans la mesure où il n’est pas démontré qu’un changement de gestionnaire de l’hôtel aurait eu un impact fiscal. Par ailleurs, l’opération n’avait pas qu’un but fiscal mais également une finalité patrimoniale qui était de permettre aux consorts [W] de se constituer un patrimoine immobilier, qu’ils auraient revendu, avec une plus-value éventuelle compte tenu des travaux réalisés pour la construction du complexe hôtelier, à l’issue de la période de déduction fiscale.
Même si cette opération avait à l’origine était conçue comme une opération ‘clé en main’, la SNC [W] et Fils n’était pas liée de manière définitive aux différentes sociétés gérées par M. [P]. Elle a pu d’ailleurs résilier sans difficulté le mandat de gestion qu’elle lui avait confié.
Si dans les faits, l’exploitation de l’hôtel n’a pas eu les résultats escomptés pour des raisons qui divisent les parties, il appartenait au preneur, s’il souhaitait cesser son activité, plutôt que de rechercher un nouvel exploitant ou de céder son fonds de commerce et le droit au bail y afférent, de délivrer un congé respectant les dispositions impératives des baux commerciaux.
6- Aux termes de l’article L 145-9 du code de commerce, les baux de locaux soumis au statut des baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement.
A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.
Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.
7- En dehors des périodes visées par cet article, la résiliation anticipée du bail ne se conçoit que d’un commun accord des parties, lequel s’il peut se prouver par tous moyens, doit résulter d’éléments de faits établissant une intention réciproque des parties.
8- La preneuse produit une attestation de M. [G] à qui il a confié la gestion de son patrimoine après la résiliation des mandats de gestion confiés à M. [P] qui atteste que celui-ci ‘était d’accord pour mettre fin à l’amiable à tous les contrats passés avec M. [W] et la SNC [W] et notamment le bail de l’auberge pour laquelle il a cessé d’émettre des factures de loyer après le 30 septembre 2010, soit après la fermeture de l’hôtel’ et ‘qu’il s’est ravisé ensuite’.
Compte tenu des liens professionnels unissant M. [G] au preneur, cette seule pièce n’est pas suffisamment probante pour établir l’accord tacite qu’aurait donné le bailleur à une résiliation anticipée du bail.
9- Elle est d’ailleurs contredite :
– par la pièce 29 de la preneuse qui est un courrier du 17 décembre 2010 que lui adresse la SCI La fôret, lui réclamant le paiement des loyers commerciaux,
– par la pièce 33 de la bailleresse qui est un courrier qu’elle adresse le 1er mars 2011 à la preneuse la mettant en demeure de régler les loyers.
Par ailleurs, la bailleresse produit en pièce 32 un courrier que lui a adressé la SNC [W] et fils le 14 mars 2011 aux termes duquel celle-ci lui demande de surseoir au paiement des sommes dues jusqu’à la vente du complexe hôtelier.
10- Il apparaît ainsi que le bailleur n’a jamais entendu accepter une résiliation tacite et anticipée du bail commercial, ce dont la preneuse avait conscience.
11- Les éléments suivants, dont le preneur fait état, ne permettent pas plus d’établir une volonté non équivoque du bailleur d’accepter une résiliation tacite et anticipée du bail commercial et de renoncer à la perception des loyers :
– le fait que M. [P] ait pu conserver les clefs du restaurant inexploité par le preneur,
– le fait que les deux ordonnances autorisant la vente des murs du restaurant n’aient pas précisé que les lieux étaient donnés à bail,
– le fait que les actes de la procédure collective ne mentionnent pas expressément ce bail.
12- Enfin, il est justifié qu’en 2012, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bergerac, la preneuse indiquait qu’elle entendait revendre le fonds de commerce, ce qui impliquait nécessairement qu’elle se reconnaissait encore titulaire du bail.
13- La décision de première instance sera ainsi confirmée en ce qu’elle a jugé que les loyers étaient dus à un sdéfaut de délivrance d’un congé régulier par le preneur.
14- Il sera néanmoins fait droit à la demande d’actualisation de sa créance par le bailleur jusqu’à la date de vente de l’immeuble objet du bail.
15- La SNC [W] et Fils, qui est toujours en plan de redresssement, sera ainsi condamnée à verser à la SCP LGA, en sa qualité de liquidateur de la SCI La Forêt, la somme de 42 147,33 euros TTC au titre des loyers impayés pour la période du 1er avril 2018 au 07 juin 2019, avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019, date d’échéance du loyer.
16- Il sera ordonné la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
Sur la créance de la SNC [W] et Fils :
17- Il n’appartient pas à cette juridiction de statuer sur une éventuelle forclusion de la déclaration de créance.
18- Sur le fond, la demande de fixation au passif de la créance sera rejetée, le bien-fondé de la demande en paiement des loyers impayés ayant été constaté.
La décision de première instance sera confirmée.
Sur la demande dommages et intérêts pour résistance abusive :
19- Les juges de première instance ont condamné la SNC [W] au paiement d’une amende de 5000 euros sans motiver aucunement cette condamnation.
Il n’est notamment pas établi un abus de l’appelant dans son droit de se défendre en justice.
Ce chef de condamnation sera infirmé.
Sur les demandes accessoires :
La société SNC [W] et fils qui succombe sera condamnée aux dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt, pris par le ministère de Maître Olivier Maillot, avocat au Barreau de Bordeaux.
Elle sera condamnée à verser la somme de 3500 euros à la SCP LGA, en sa qualité de liquidateur de la SCI La Forêt, au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort
Confirme la décision rendue le 5 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Bergerac sauf en ce qui concerne la condamnation de la SNC [W] et Fils au paiement d’une amende civile,
et statuant à nouveau,
Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une amende civile,
y ajoutant
Condamne la SNC [W] et Fils à verser à la SCP LGA, en sa qualité de liquidateur de la SCI La Forêt, la somme de 42 147,33 euros TTC au titre des loyers impayés pour la période du 1er avril 2018 au 07 juin 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2019,
Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
Condamne la SNC [W] et Fils aux dépens d’appel dont distraction au profit de la Selarl Cabinet Caporale Maillot Blatt, pris par le ministère de Maître Olivier Maillot, avocat au Barreau de Bordeaux,
Condamne la SNC [W] et fils à verser la somme de 3500 euros à la SCP LGA, en sa qualité de liquidateur de la SCI La Forêt au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par M. Franco, président, et par M. Goudot, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.