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La marque TRIOMPHE présente un fort caractère distinctif intrinsèque. Le dépôt de toute marque incluant ce terme (CNTRIOMPHES) emporte un risque de confusion.
Le terme TRIOMPHE est défini par le dictionnaire, comme une ‘victoire éclatante à l’issue d’une lutte, d’une rivalité’. Il ne ressort de cette définition aucun lien, direct ou indirect, avec les vins et spiritueux visés dans la marque antérieure et il n’est pas établi que ce terme soit couramment utilisé dans le secteur des boissons alcooliques pour désigner une qualité supérieure des produits, de sorte que le terme TRIOMPHE doit être considéré comme parfaitement distinctif au regard des produits en cause.
En outre, si les signes litigieux diffèrent par la présence des lettres CN et des termes NOBLE HONNEUR ou d’éléments figuratifs selon les demandes d’enregistrement, la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants conduit à nuancer nettement ces différences.
En l’espèce, le terme TRIOMPHE(S) est immédiatement identifiable et dominant au sein des trois signes contestés, en ce que le consommateur, qui appréhende normalement un signe dans son ensemble, l’isolera spontanément dans la dénomination CNTRIOMPHES.
Cette dénomination présentée de manière unitaire ne saurait effectivement former un tout indivisible ayant une signification propre, dès lors qu’elle commence par la séquence ‘CNTR’, illisible et imprononçable. Au contraire, elle incitera nécessairement le consommateur à isoler le terme TRIOMPHES, seul terme qui revêt pour lui une signification, et à percevoir la séquence CN comme un sigle.
À ce titre, la requérante ne saurait valablement soutenir que la courte séquence CN est parfaitement arbitraire, n’a pas de signification particulière et peut aussi bien désigner l’élément chimique Copernicium, que l’abréviation du prénom romain Cneus, ou encore l’abréviation administrative correspondant au quartier maritime de [Localité 3], alors qu’il est manifeste que ce sigle CN est susceptible d’invoquer le code ISO de la Chine, apparaissant donc comme un élément non distinctif faisant référence à la provenance des produits.
Il en résulte qu’en dépit de la présence de la séquence ‘CN’ et de la lettre finale ‘S’ marquant seulement le pluriel, l’élément verbal TRIOMPHE conserve son caractère distinctif, dominant et autonome au sein de l’ensemble CNTRIOMPHES.
En conséquence, compte tenu des ressemblances d’ensemble, ainsi que de la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause, c’est par une exacte appréciation que l’INPI a retenu, dans sa décision OPP 21-1348, que le signe verbal contesté CNTRIOMPHES est similaire à la marque verbale antérieure TRIOMPHE.
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Cour d’appel de Bordeaux
1ère CHAMBRE CIVILE
28 mars 2023, 22/00884
COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 28 MARS 2023
RP
N° de rôle : N° RG 22/00884 – N° Portalis DBVJ-V-B7G-MRVF
[G] [C]
c/
S.A.S. THOMAS HINE & CO
Nature de la décision : AU FOND
JONCTION AVEC DOSSIERS RG 22/00886 et RG 22/00887
Notifié aux parties par LRAR le :
Grosse délivrée le :
aux avocats
Décisions déférées à la cour : décisions rendues le 18 janvier 2022 par le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 4] (OPP21-1348), (OPP21-1349) et (OPP21-1352) suivant trois recours en date du 18 février 2022 (RG : 22/884, 22/886 et 22/887)
DEMANDERESSE :
[G] [C]
née le 12 Septembre 1985 à JIANGSU (CHINE)
de nationalité Chinoise
demeurant [Adresse 5] (CHINE)
représentée par Maître OLAZCUAGA substituant Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocats au barreau de BORDEAUX
DEFENDERESSE :
S.A.S. THOMAS HINE & CO, inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés d’ANGOULEME sous le numéro 905 620 084, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Maître Geoffrey BARBIER de la SELARL HEXA, avocat au barreau de BORDEAUX
EN PRESENCE DE :
INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE – INPI, pris en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]
régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception
représenté par Madame [X] [S], juriste, munie d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 21 février 2023 en audience publique, devant la cour composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Véronique SAIGE
En présence de Bertrand MAUMONT, magistrat détaché en stage à la cour d’appel de Bordeaux
Ministère Public :
L’affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis le 6 février 2023.
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Mme [G] [C] a déposé, le 7 janvier 2021, trois demandes d’enregistrement portant sur les signes suivants :
– le signe verbal CNTRIOMPHES (demande n° 4 719 067) ;
– le signe verbal CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR (demande n° 4 719 068) ;
– le signe complexe CNTRIOMPHES (demande n° 4 719 073).
Ces demandes sont destinées à distinguer les produits suivants : ‘Eaux-de-vie ; eaux-de-vie bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée ‘Cognac’ ; spiritueux ; brandy ; boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins ; vins d’appellation d’origine protégée ; vins à indication géographique protégée’.
Le 26 mars 2021, la société Thomas Hine & Co a formé opposition à l’enregistrement de ces marques sur le fondement d’un risque de confusion avec sa marque française n°1 622 366 portant sur le signe verbal TRIOMPHE.
Cette marque, déposée le 19 octobre 1990, est enregistrée pour les : ‘Vins et spiritueux’.
Au cours de la phase d’instruction, des observations écrites ont été échangées.
Ces procédures ont abouti à trois décisions OPP 21-1348, 21-1349 et 21-1352 du 18 janvier 2022, par lesquelles l’INPI a reconnu les oppositions justifiées et rejeté les demandes d’enregistrement.
Par trois déclarations enregistrées au greffe le 18 février 2022, Mme [G] [C] a formé un recours à l’encontre de chacune de ces décisions. Les procédures ont été jointes.
Par conclusions déposées le 2 février 2023, elle demande à la cour de :
À titre principal,
– surseoir à statuer dans l’attente du jugement du tribunal judiciaire de Bordeaux à intervenir (dans le cadre de l’instance attribuée à la 1ère chambre civile sous le n°RG 22/00139) sur la demande en déchéance de la marque verbale française « TRIOMPHE » n°1622366 opposée ;
À titre subsidiaire,
– annuler la décision n°OPP21-1348 du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque verbale française « CNTRIOMPHES » n°21/4 719 067 ;
– annuler la décision n°OPP21-1349 du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque verbale française « CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR » n°21/4 719 068 ;
– annuler la décision n°OPP21-1352 du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque semi-figurative française n°21/4 4 719 073 ;
– ordonner la notification de l’arrêt à intervenir par le greffe conformément aux dispositions de l’article 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.
Par conclusions déposées le 17 février 2023, la société Thomas Hine & Co demande à la cour de :
– ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture prononcée le 7 février 2023,
– déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer de Mme [G] [C],
– à titre subsidiaire, rejeter la demande de sursis à statuer de Mme [G] [C],
– confirmer la décision n° OPP21-1348 de Monsieur le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque verbale française « CNTRIOMPHES » n° 21/4 719 067,
– confirmer la décision n° OPP21-1349 du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque verbale française « CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR » n° 21/4 719 068,
– confirmer la décision n° OPP21-1352 du 18 janvier 2022, portant rejet total de la demande d’enregistrement de marque verbale française « CNTRIOMPHES » n° 21/4 719 073,
– condamner Mme [G] [C] à verser à la demanderesse une somme de 5.000,00€ en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner Mme [G] [C] aux entiers dépens,
– ordonner la notification de l’arrêt à intervenir par le greffe conformément aux dispositions de l’article 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.
Par courrier transmis au greffe le 16 novembre 2022, le directeur général de l’INPI a présenté ses observations dans lesquelles il rappelle que les produits en cause s’adressent au même public et que les ‘eaux-de-vie bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée Cognac’ visées par les demandes contestées entrent dans la catégorie générale des spiritueux, de sorte que ces produits sont identiques ou similaires, le public étant fondé à leur attribuer une même origine. Concernant les signes, l’INPI estime que le terme TRIOMPHE est parfaitement distinctif et dominant au sein des trois signes contestés et attirera en priorité l’attention du consommateur. L’Institut estime qu’il existe donc un risque de confusion par association.
Le 6 février 2023, le ministère public a rendu un avis conforme à la décision du directeur de l’INPI.
L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 21 février 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.
Sur la révocation de la clôture
Lors de l’audience du 21 février 2023, les parties ont donné leur accord pour la révocation de l’ordonnance de clôture du 7 février 2023, en raison de dernières conclusions en réponse déposées le 17 février 2023. Il y a dès lors lieu de révoquer l’ordonnance fixant la clôture de l’instruction au 7 février 2023 et de prononcer une nouvelle clôture au jour de l’audience.
Sur la demande de sursis à statuer
En application des articles R.411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle, la cour est seule compétente pour statuer sur les exceptions de procédure formées dans le cadre d’un recours en annulation d’une décision du directeur général de l’INPI.
Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, ‘La décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine’.
Dans ses conclusions déposées le 2 février 2023, Mme [C] fait valoir que la marque antérieure TRIOMPHE fait l’objet d’une demande en déchéance pour défaut d’usage sérieux portée par la société Distillerie Vinet Delpech, dans le cadre d’une instance pendante devant le tribunal judiciaire de Bordeaux. À titre principal, la requérante demande à la cour de surseoir à statuer sur le présent recours, dans l’attente du jugement à intervenir.
En réponse, la société Thomas Hine & Co fait valoir qu’elle a assigné en contrefaçon de marque la société Vinet Delpech le 22 décembre 2021, laquelle a signifié le 26 octobre 2022 ses conclusions dans lesquelles est formée à titre reconventionnel la demande de déchéance de la marque antérieure pour défaut d’usage sérieux. L’intimée soutient que la demande nouvelle de sursis à statuer, formulée par Mme [C] plus de 4 mois après la communication devant le tribunal des conclusions contenant la demande de déchéance, est dilatoire et en tout état de cause irrecevable, comme n’ayant pas été soulevée in limine litis.
En l’espèce, dans le cadre de l’instance pendante devant le tribunal judiciaire de Bordeaux, la demande reconventionnelle de déchéance totale de la marque verbale française TRIOMPHE n°1 622 366, a été formulée pour défaut d’usage sérieux, la société Distillerie Vinet-Delpech soutenant dans ses conclusions n°1 signifiées le 26 octobre 2022, que la marque TRIOMPHE n’a jamais été exploitée en tant que telle par la société Thomas Hine & Co, laquelle commercialise toujours son cognac sous la dénomination HINE TRIOMPHE.
Dans la mesure où Mme [C] a formulé sa demande de sursis à statuer dans ses conclusions déposées devant la cour le 2 février 2023, c’est à dire postérieurement aux conclusions précitées du 26 octobre 2022 , sa demande est recevable au regard des dispositions de l’article 74 du code de procédure civile.
Cependant, l’issue de la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Bordeaux n’est pas de nature à influer sur le présent recours en ce que les arguments de la société Distillerie Vinet-Delpech relatifs au défaut d’exploitation de la marque TRIOMPHE en raison d’une commercialisation des produits sous la désignation HINE TRIOMPHE, se heurtent manifestement au principe de la ‘marque ombrelle’.
La demande de sursis devra donc être rejetée.
Sur la comparaison des produits
Mme [C], titulaire des trois demandes d’enregistrement, conteste la similarité entre les ‘eaux-de-vie bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée Cognac’ d’une part et les ‘vins et spiritueux’ désignés par la marque antérieure opposée d’autre part, estimant que le Cognac répond à un cahier des charges spécifique propre à l’appellation d’origine contrôlée et est uniquement produit dans une aire géographique strictement délimitée, ce qui n’est pas le cas de tous les vins et spiritueux, lesquels ne peuvent pas tous prétendre à cette appellation. Elle estime en outre que les eaux-de-vie bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée Cognac, les spiritueux ou les Brandy ne sont pas commercialisés dans les mêmes points de vente et qu’ils répondant à des habitudes de consommation différentes de celles du vin. La requérante conteste également la similarité entre les ‘boissons alcoolisées (à l’exception des bières)’ et les ‘vins et spiritueux’ désignés par la marque antérieure, estimant que le fait que les vins contiennent de l’alcool est insuffisant pour considérer ces deux catégories comme similaires.
Il convient cependant de rappeler que les spiritueux s’entendent comme des boissons contenant un fort pourcentage d’alcool, comprenant notamment le whisky, l’armagnac, le cognac ou encore le gin, quand bien même le processus d’élaboration de chacun de ces spiritueux est différent. Les eaux-de-vie bénéficiant de l’appellation d’origine contrôlée Cognac entrent ainsi nécessairement dans la catégorie générale des spiritueux, peu important qu’elles répondent à un cahier des charges qui leur est propre.
Par ailleurs, il est constant que la catégorie des ‘boissons alcoolisées (à l’exception des bières)’ de la demande d’enregistrement constitue une catégorie générale incluant notamment les ‘vins et spiritueux’ de la marque antérieure, de sorte que ces produits, qui sont commercialisés dans les mêmes points de vente et consommés dans un contexte commun, partagent une nature, une fonction et une destination communes.
C’est en conséquence à bon droit que l’INPI a retenu que les produits des trois demandes d’enregistrement contestées sont identiques et similaires à ceux visés par la marque antérieure.
Sur la comparaison des signes
Il est ici rappelé que la comparaison des signes s’effectue par une appréciation globale fondée, s’agissant des similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles, sur une impression d’ensemble, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants des marques en cause.
Il conviendra d’examiner successivement les éléments caractéristiques des trois demandes d’enregistrement, en comparaison à ceux de la marque antérieure.
1. Sur la comparaison entre les signes TRIOMPHE et CNTRIOMPHES
La requérante soutient que la demande d’enregistrement contestée CNTRIOMPHES ne dégage pas une impression d’ensemble similaire à la marque antérieure opposée TRIOMPHE et n’en constitue pas son imitation. Elle fait valoir que la seule reprise de la marque antérieure au sein d’un signe ne suffit pas à caractériser le risque de confusion et que le public accorde davantage d’importance au début des signes, soit en l’espèce les lettres d’attaque CN, lesquelles sont selon elle distinctives et occupent une position dominante au sein de l’ensemble verbal CNTRIOMPHES. La requérante ajoute que les lettres CN n’évoquent pas nécessairement la Chine, dès lors qu’elle peuvent aussi faire référence à l’élément chimique Copernicium, à l’abréviation du prénom romain Cneus, ou encore au quartier maritime de [Localité 3]. Mme [C] soutient enfin que le terme TRIOMPHE pris isolément constitue un terme laudatif pouvant indiquer au public pertinent la qualité des vins et spiritueux désignés et non une marque distinctive susceptible d’invoquer aux consommateurs l’origine des produits désignés.
Il convient premièrement de relever, ainsi que le souligne l’INPI, que le terme TRIOMPHE est défini par le dictionnaire [U], comme une ‘victoire éclatante à l’issue d’une lutte, d’une rivalité’. Il ne ressort de cette définition aucun lien, direct ou indirect, avec les vins et spiritueux visés dans la marque antérieure et il n’est pas établi que ce terme soit couramment utilisé dans le secteur des boissons alcooliques pour désigner une qualité supérieure des produits, de sorte que le terme TRIOMPHE doit être considéré comme parfaitement distinctif au regard des produits en cause.
En outre, si les signes litigieux diffèrent par la présence des lettres CN et des termes NOBLE HONNEUR ou d’éléments figuratifs selon les demandes d’enregistrement, la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants conduit à nuancer nettement ces différences.
En l’espèce, le terme TRIOMPHE(S) est immédiatement identifiable et dominant au sein des trois signes contestés, en ce que le consommateur, qui appréhende normalement un signe dans son ensemble, l’isolera spontanément dans la dénomination CNTRIOMPHES.
Cette dénomination présentée de manière unitaire ne saurait effectivement former un tout indivisible ayant une signification propre, dès lors qu’elle commence par la séquence ‘CNTR’, illisible et imprononçable. Au contraire, elle incitera nécessairement le consommateur à isoler le terme TRIOMPHES, seul terme qui revêt pour lui une signification, et à percevoir la séquence CN comme un sigle.
À ce titre, la requérante ne saurait valablement soutenir que la courte séquence CN est parfaitement arbitraire, n’a pas de signification particulière et peut aussi bien désigner l’élément chimique Copernicium, que l’abréviation du prénom romain Cneus, ou encore l’abréviation administrative correspondant au quartier maritime de [Localité 3], alors qu’il est manifeste que ce sigle CN est susceptible d’invoquer le code ISO de la Chine, apparaissant donc comme un élément non distinctif faisant référence à la provenance des produits.
Il en résulte qu’en dépit de la présence de la séquence ‘CN’ et de la lettre finale ‘S’ marquant seulement le pluriel, l’élément verbal TRIOMPHE conserve son caractère distinctif, dominant et autonome au sein de l’ensemble CNTRIOMPHES.
En conséquence, compte tenu des ressemblances d’ensemble, ainsi que de la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause, c’est par une exacte appréciation que l’INPI a retenu, dans sa décision OPP 21-1348, que le signe verbal contesté CNTRIOMPHES est similaire à la marque verbale antérieure TRIOMPHE.
2 Sur la comparaison entre les signes TRIOMPHE et CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR
La requérante estime ici que la demande d’enregistrement contestée CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR ne dégage pas une impression d’ensemble similaire à la marque antérieure TRIOMPHE et n’en constitue pas son imitation. Elle estime, comme pour le signe contesté CNTRIOMPHES, que la seule reprise de la marque antérieure au sein d’un signe ne suffit pas à caractériser le risque de confusion et que le public accorde davantage d’importance au début des signes, soit en l’espèce les lettres d’attaque CN. Elle fait enfin valoir que visuellement, la demande d’enregistrement est constituée de trois éléments verbaux distincts, que les sonorités des signes en cause diffèrent en tous points, et que l’adjonction des éléments NOBLE et HONNEUR, qui ne constituent pas des termes laudatifs et descriptifs, évoque une référence à la tradition et à l’histoire française, ce qui n’est pas le cas de la marque antérieure opposée.
Il sera en premier lieu relevé que les signes en cause ont en commun la séquence TRIOMPHE(S), qui, au singulier, est constitutive de la marque antérieure, ceci leur conférant de grandes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles. Le consommateur identifiera d’ailleurs spontanément, au sein de la dénomination CNTRIOMPHES, la séquence TRIOMPHE, comme cela a été développé ci-dessus.
L’argumentation de la requérante, qui invoque une différence d’évocation entre le signe contesté, qui ferait ‘référence à la tradition et à l’histoire française, de par l’évocation de grandes batailles françaises’ et la marque antérieure, qui constituerait une ‘évocation de vins et spiritueux d’exception, pouvant être considéré comme l’apothéose des vins et spiritueux commercialisés’, ne saurait prospérer en ce que rien ne permet d’établir que le consommateur d’attention moyenne percevra une telle différence d’évocation entre ces deux signes. En effet, les termes NOBLE et HONNEUR appartiennent au même champ lexical que la dénomination TRIOMPHES et sont incontestablement susceptibles d’être perçus comme venant qualifier cette dernière et ainsi renforcer l’évocation qui lui est attachée et ce, d’autant plus que la séquence TRIOMPHES, contenant l’élément distinctif et dominant TRIOMPHE du signe, est placée devant les termes NOBLE et HONNEUR.
Dès lors, l’adjonction des termes NOBLE et HONNEUR est descriptive et secondaire et n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif, dominant et autonome, du terme TRIOMPHE, immédiatement perceptible au sein de la demande d’enregistrement contestée.
Il en résulte un risque d’association entre les deux signes pris dans leur ensemble, le signe CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR risquant d’être perçu comme une déclinaison de la marque TRIOMPHE.
C’est donc par une juste appréciation que l’INPI a retenu dans sa décision OPP 21-1349 que le signe verbal contesté CNTRIOMPHES NOBLE HONNEUR est similaire à la marque antérieure invoquée.
3. Sur la comparaison entre le signe verbal TRIOMPHE et le signe complexe CNTRIOMPHES
La comparaison porte ici sur la marque verbale antérieure TRIOMPHE et le signe complexe contesté suivant :
La requérante fait valoir que la demande d’enregistrement est constituée d’une marque semi-figurative composée d’éléments graphiques originaux qui occupent une place prépondérante et qui suffisent à la distinguer dès la première perception de la marque verbale antérieure. Elle soutient que le public pertinent accorde davantage d’importance au début des signes, soit en l’espèce le signe figuratif, puis les lettres d’attaque CN, qu’elle considère comme parfaitement arbitraires. Mme [C] considère ainsi que les signes différent par leur nature et leur structure, et qu’intellectuellement, la marque antérieure évoque le triomphe des vignerons contre le phylloxéra au XIXe siècle, tandis que le signe contesté fait exclusivement référence à l’Arc de Triomphe et au rayonnement international de la France.
Concernant l’élément verbal, il convient de rappeler que la dénomination TRIOMPHE(S) constitue l’élément distinctif et dominant qui attirera en priorité l’attention du consommateur. Ainsi, le signe verbal CNTRIOMPHES étant considéré, pour les raisons développées ci-dessus, comme similaire à la marque verbale antérieure TRIOMPHE, il conviendra d’examiner ici les éléments figuratifs du signe complexe contesté.
Sur ce point, l’élément figuratif représentant un arc de triomphe, surmonté d’une couronne, de deux fleurs de lys et entouré de deux licornes ailées, ne permet pas d’altérer l’élément verbal immédiatement perceptible CNTRIOMPHES, écrit en caractères majuscules de grande taille et qui seul permet de nommer la marque, étant rappelé que le consommateur moyen des produits en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques et ce, d’autant plus pourdes produits visés par des canaux ou dans des pays différents.
Il est en effet constant qu’en présence de marques semi-figuratives, les éléments verbaux, plus facilement mémorisables, doivent généralement être considérés comme prépondérants.
En conséquence, au vu des ressemblances d’ensemble et de la prise en compte des éléments distinctifs et dominants des signes en cause, c’est à bon droit que l’INPI a retenu dans sa décision OPP 21-1352 que le signe complexe contesté CNTRIOMPHES est similaire à la marque vernale antérieure TRIOMPHE.
Sur l’appréciation globale du risque de confusion
L’appréciation globale du risque de confusion implique une interdépendance des facteurs pris en compte, notamment la similitude des marques et celles des produits ou des services désignés.
L’INPI rappelle à bon escient sur ce point que le risque de confusion comprend le risque d’association, qui est caractérisé lorsque le consommateur perçoit qu’il est en présence de deux marques différentes, mais leur attribue toutefois une origine commerciale commune et considère qu’elles ne sont que des déclinaisons.
En l’espèce, en considération de l’identité et de la similarité des produits en cause, ainsi que de la similarité entre la marque antérieure et les trois demandes d’enregistrement, il existe un risque manifeste que les signes apparaissent comme des déclinaisons appartenant à une même entité et qu’il en résulte une confusion dans l’esprit du public sur l’origine des produits en cause.
En conséquence de ce qui précède, les recours formés à l’encontre des trois décisions OPP 21-1348, 21-1349 et 21-1352 du directeur général de l’INPI devront être rejetés.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En l’espèce, Mme [G] [C] sera condamnée à verser à la société Thomas Hine & Co une indemnité de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La cour,
– Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture du 7 février 2023 et prononce une nouvelle clôture au jour de l’audience des plaidoiries ;
– Déclare recevable la demande de sursis à statuer formée par Mme [G] [C] et la rejette ;
– Rejette les recours formés par Mme [G] [C] contre chacune des trois décisions du directeur général de l’INPI n°21-1348, 21-1349 et 21-1352 du 18 janvier 2022 ;
– Condamne Mme [G] [C] à verser à la SAS Thomas Hine & Co la somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception par le greffe de la cour aux parties à l’instance et au directeur général de l’INPI.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,