Le nom commercial antérieur prime sue la marque postérieure
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 2

ARRÊT DU 07 AVRIL 2023

(n°57, 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/02032 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CFD4Z

Décision déférée à la Cour : décision du 20 décembre 2021 – Institut National de la Propriété Industrielle – Référence et numéro national : OP 20-1906

REQUERANTE

S.A.R.L. ET NOUS, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 3]

[Localité 4]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 749 842 779

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H AVOCATS, avocate au barreau de PARIS, toque L 0056

Assistée de Me Margaux NEGRE-CARILLON plaidant pour l’AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque C 386

EN PRESENCE DE

MONSIEUR LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Mme Virginie LANDAIS, Chargée de Mission

APPELEE EN CAUSE

S.A.S. SERVICES MARKETING DIVERSIFIES, anciennement dénommée PUBLICIS ACTIV FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 337 934 483

Représentée par Me Sophie HAVARD-DUCLOS de la SELARL HAVARD-DUCLOS & ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque J 079

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Véronique RENARD, Présidente

Mme Laurence LEHMANN, Conseillère

Mme Agnès MARCADE, Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT

Le Ministère public a été avisé de la date d’audience

ARRET :

Contradictoire

Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le recours formé le 17 janvier 2022 par la société Et Nous contre la décision du 20 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (l’INPI) a reconnu justifiée l’opposition formée le 18 juin 2020 par la société Publicis Activ France (devenue Services Marketing Diversifiés) sur la base de son nom commercial PUBLICIS ET NOUS sous lequel elle exerce son activité et dont elle invoque l’usage pour les services suivants’: «’activités des agences de publicité (incluant les services de publicité’», communication, marketing et relations publiques)’», à la demande d’enregistrement de la marque française verbale ET NOUS n°20 4 622 035 déposée le 8 février 2020 par la société Et Nous pour désigner les services suivants’: «’publicité’; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons)’; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail’; conseils en communication (publicité)’; relations publiques’; conseils en communication (relations publiques)’»,

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique par la société Et Nous le 19 octobre 2022,

Vu les dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique par la société Services Marketing Diversifiés (anciennement dénommée Publicis Activ France) le 3 janvier 2023,

Vu les observations écrites du directeur général de l’INPI reçues au greffe le 25 juillet 2022,

Vu l’audience du 26 janvier 2023, l’INPI entendu en ses observations orales,

Le ministère public ayant été avisé de la date de l’audience’;

SUR CE,

Il est expressément renvoyé, pour un examen complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties et du directeur général de l’INPI.

La société Et Nous demande à la cour de rejeter l’intégralité des demandes de la société Services Marketing Diversifiés, d’annuler la décision statuant sur opposition rendue le 20 décembre 2021 par le directeur général de l’INPI, de dire et juger que l’arrêt à intervenir sera notifié par le greffe au directeur général de l’INPI aux fins d’inscription au registre national des marques conformément aux dispositions de l’article R. 411-42 du code de la propriété intellectuelle et de condamner la société Services Marketing Diversifiés à lui verser la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La société Services Marketing Diversifiés sollicite le rejet des débats de la pièce n°3 produite pour la première fois devant la cour par la société Et Nous. Elle sollicite également le rejet du recours formé à l’encontre de la décision du directeur général de l’INPI du 20 décembre 2021 et la condamnation de la société Et Nous à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Et Nous conteste l’appréciation du directeur de l’INPI quant à la possibilité pour la société Services Marketing Diversifiés de se prévaloir de son nom commercial, estimant qu’en l’absence d’un usage personnel, public, continu et non équivoque d’un nom commercial identifié, cette dernière ne dispose pas d’un droit privatif lui permettant de fonder son opposition. Elle ajoute que le rayonnement du nom commercial PUBLICIS ET NOUS bénéficie d’une portée seulement locale et que les conditions de l’article L712-4, 4° du code de la propriété intellectuelle ne sont par conséquent pas remplies. Elle fait par ailleurs valoir qu’il n’existe aucun risque de confusion entre le nom commercial PUBLICIS ET NOUS et la marque ET NOUS dans la mesure où ces signes ne visent pas les mêmes domaines d’activité et services et qu’ils ne sont pas similaires.

Sur la recevabilité de la pièce n°3 produite devant la cour par la société Et Nous

La société Services Marketing Diversifiés demande à la cour d’écarter des débats la pièce n°3 constituée d’une recherche «’Google’»’des termes «’et nous’», produite pour la première fois devant la cour par la société Et Nous.

Pour s’opposer à cette demande, la société Et Nous soutient que cette pièce est identique à la pièce n°14 produite devant le directeur général de l’INPI.

Or, cette pièce n°14 correspond à une recherche sur le moteur «’Google’» des termes «’et nous’» effectuée en mars 2021, alors que la pièce n°3 produite devant la cour correspond à une même recherche effectuée le 19 avril 2022.

En conséquence, il s’agit d’une pièce nouvelle qui doit être écartée des débats s’agissant d’un recours contre une décision d’opposition.

Sur le droit de la société Services Marketing Diversifiés sur le nom commercial PUBLICIS ET NOUS

S’agissant de l’exploitation de la dénomination PUBLICIS ET NOUS en tant que nom commercial, il convient de rechercher en premier lieu si la société Services Marketing Diversifiés en fait un usage dans la vie des affaires et si cet usage n’a pas une portée seulement locale.

A ce titre, seules les dimensions géographique et économique sont à prendre en considération, à savoir le territoire sur lequel le nom commercial est utilisé, la durée pendant laquelle ce nom commercial a rempli sa fonction dans la vie des affaires, ainsi que l’intensité de son usage et le cercle des destinataires parmi lesquels le signe en cause est devenu distinctif.

Contrairement à ce que soutient la société requérante, l’absence de notoriété n’est d’aucune incidence sur l’importance réelle et effective du signe invoqué sur le territoire en question. De même, le fait que le nom commercial ne soit connu que d’un public professionnel et non d’un public plus large est sans incidence, le nom commercial ne devant pas nécessairement viser un public élargi mais pouvant se limiter à une clientèle ciblée.

Ainsi, la production, par la société Services Marketing Diversifiés de nombreuses factures et bons de commande de 2017 à 2020 à l’en-tête PUBLICIS ET NOUS à l’attention de divers clients installés dans plusieurs villes françaises, suffisent à démontrer que le nom commercial de la société opposante a une portée nationale et que son rayonnement atteint un cercle large de destinataires.

En outre, les récompenses et prix obtenus par la société Services Marketing Diversifiés entre 2009 et 2020, les nombreuses parutions presse mentionnant l’agence PUBLICIS ET NOUS datant de 2013 à 2019 et les campagnes de communication notamment sur les réseaux sociaux, accessibles à tout le public français, établissent un usage constant du nom commercial litigieux au moins depuis 2009.

Dès lors et ainsi que le fait valoir le directeur général de l’INPI, soutenu en cela par la société Services Marketing Diversifiés, le nom commercial PUBLICIS ET NOUS fait l’objet d’un usage sérieux de nature à constituer le fondement de la procédure d’opposition engagée par cette dernière.

Sur le risque de confusion

S’agissant d’une part des services et activités des deux sociétés, il y a lieu de les comparer à l’aune de plusieurs facteurs que sont notamment leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère complémentaire ou concurrent.

Les «’activités des agences de publicité (incluant les services de publicité », communication, marketing et relations publiques) » et les activités de «’publicité’; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons)’; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail’» sont identiques dès lors qu’ils ont le même objet et que la diffusion de matériel publicitaire et la présentation des produits précitées sont tous des services proposés par des agences de publicité.

Les services de «’conseils en communication (publicité)’; relations publiques’; conseils en communication (relations publiques)’» ont le même objet que les activités de publicité, à savoir la mise en avant des activités et services d’une entité lui permettant de se faire connaître auprès du public et de rallier une clientèle. Les services de publicité viennent en effet souvent en complément d’une campagne de communication. Le public visé est le même dans la mesure où il s’agit d’entreprises qui cherchent à se développer sur le marché et ces services sont rendus par les mêmes entreprises, soit des agences spécialisées dans la publicité et/ou la communication.

En conséquence, les activités proposées sous le nom commercial de la société opposante sont pour certaines identiques et pour d’autres fortement similaires aux services couverts par le signe dont l’enregistrement est sollicité par la société requérante.

D’autre part, les signes en présence, PUBLICIS ET NOUS pour le nom commercial antérieur et ET NOUS pour la demande d’enregistrement contestée, n’étant pas identiques, il convient de rechercher s’il existe entre les signes en présence un risque de confusion, qui doit être apprécié globalement à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques en tenant compte notamment des éléments distinctifs de celles-ci.

Les signes sont composés de trois éléments verbaux pour le nom commercial antérieur et de deux éléments verbaux pour le signe contesté. Les éléments «’ET NOUS’» du nom commercial PUBLICIS ET NOUS sont repris intégralement dans la demande d’enregistrement contestée, en ce qu’ils constituent le signe lui-même. Seul la présence du terme Publicis dans le nom commercial antérieur les différencie.

Si dans le nom commercial ce terme «’Publicis’» est placé en position d’attaque, il ne peut être fait abstraction des éléments «’Et Nous’» dans l’ensemble constitué, ceux-ci étant totalement arbitraires et sans lien direct et concret avec les activités proposées. D’autre part, l’existence de cinq autres entreprises utilisant les termes «’et nous’» ou «’et vous’» ne suffit pas à démontrer leur caractère usuel dans le domaine de la publicité et du marketing.

La différence de police de caractère est sans incidence s’agissant de comparer un nom commercial avec une marque verbale. De même, le fait que les éléments communs aux deux signes sont parfois déclinés, s’agissant du nom commercial, sous les formes suivantes «’EtNous’» ou «’& Nous’» n’est pas de nature à retenir l’attention du consommateur en ce qu’il s’agit d’un simple détail. D’un point de vue phonétique, cette divergence n’a aucune incidence sur la perception du consommateur.

Sur le plan intellectuel, les éléments verbaux « ET NOUS » dans les deux signes en présence véhiculent pareillement un message positif, fédérateur et inclusif avec la clientèle, et ce, s’agissant du nom commercial, que ces termes soient écrits de façon accolée «’EtNous’» ou de manière séparée, dans la mesure où les majuscules des lettres «’E’» et «’N’» permettent de les comprendre comme deux éléments distincts et non comme un seul et même élément unitaire.

S’agissant enfin du public pertinent, il s’agit de professionnels cherchant à valoriser leur activité en faisant appel à des agences spécialisées dans la publicité. Leur degré d’attention est en conséquence plus élevé que la moyenne. Si le groupe Publicis est connu des professionnels du secteur, la requérante ne peut valablement soutenir que ces derniers ne s’attarderont que sur la dénomination «’Publicis’» et non sur les éléments «’et nous’». En effet, le groupe Publicis comptant plusieurs établissements secondaires (Publicis Health, Publicis LMA, Publicis Soleil), les termes accolés à Publicis seront déterminants pour le client au moment où il choisira une des entités du groupe pour promouvoir son activité.

Ainsi, les services et activités en présence étant identiques et similaires et les signes présentant de très fortes similarités, il existe un risque de confusion ou d’association entre ces derniers et ce, même pour le consommateur d’attention élevée, celui-ci étant susceptible de penser que les services et activités de publicité proposés sous la marque ET NOUS sont proposés par le groupe Publicis.

Il convient en conséquence de rejeter le recours formé à l’encontre de la décision rendue par le directeur de l’INPI.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La procédure de recours contre une décision du directeur général de l’INPI ne donne pas lieu à condamnation aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Ecarte des débats la pièce n°3 produite devant la cour par la société Et Nous.

Rejette le recours formé par la société Et Nous contre la décision rendue le 20 décembre 2021 par le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle.

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Dit n’y avoir lieu à condamnation aux dépens.

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.

La Greffière La Présidente


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