Le risque de confusion entre deux marques

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Le risque de confusion entre deux marques

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Le risque de confusion entre deux marques justifie l’opposition au dépôt de la seconde. Le risque de confusion s’entend du risque que le public puisse croire que les produits proviennent de la même entreprise, ou d’entreprises liées économiquement.

 


Ce risque de confusion s’apprécie au regard de « l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci » (CJCE 11 novembre 1997 Sabel). En outre, le risque de confusion comprend le risque d’association, c’est-à-dire le risque que le consommateur pense qu’il est en présence de déclinaisons de marques ayant une même origine commerciale.

L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement, en tenant compte de nombreux facteurs qui incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.

Il convient d’observer en premier lieu que les produits désignés dans l’enregistrement de la marque antérieure et dans l’acte de dépôt sont similaires dans leur nature, leur destination et leur fonction, engrais pour la terre dans le premier cas, fumier, fertilisants et préparations fertilisantes dans le second.

S’agissant de la comparaison des signes, en présence d’un signe verbal et d’un signe semi-figuratif, dont les éléments verbaux sont identiques, il est nécessaire que les éléments figuratifs aient une place prépondérante dans le signe pour écarter tout risque de confusion. Or, les signes OVI et OVI4G ont visuellement et phonétiquement en commun la même séquence d’attaque OVI, d’où résultent des ressemblances d’ensemble prépondérantes.

Visuellement, le signe OVI et le signe OVI4G ne différent que par la présence de la finale 4G. La police choisie, la taille, le nombre des lettres, et leur alignement, ne suffisent pas à différencier les signes dans la mesure où ils n’affectent pas la perception immédiate du terme OVI. En effet, le terme OVI, qui constitue le seul élément de la marque antérieure, est reproduit au sein du signe contesté en tant qu’élément distinctif et dominant, détachable du suffixe non distinctif 4G, de sorte qu’il existe une très forte similitude visuelle entre les signes en comparaison, et ce d’autant que, ainsi que retenu par M. le Directeur de l’Institut [5], « le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image qu’il a gardée en mémoire ».

Phonétiquement, là encore, la seule différence entre les deux signes réside dans l’adjonction de la finale 4G dans le signe dont l’enregistrement est sollicité. La présence de la séquence OVI en position d’attaque confère aux signes comparés une importante similitude phonétique, le chiffre et la lettre 4G étant perçus comme des éléments annexes, non distinctifs, n’altérant pas la prononciation identique du terme OVI. Il ne peut être retenu, ainsi que le soutient la Sarl Terres et Traditions que le chiffre 4G n’interrompt pas la lecture mais produit un rythme plus saccadé devant retenir l’attention du consommateur, la présence du chiffre 4 créant une rupture dans la lecture et la prononciation du signe.

Conceptuellement, l’élément dominant, consistant dans le terme OVI, apparaît parfaitement distinctif, tandis que la séquence 4G ne sera pas perçue par le public concerné, des consommateurs achetant des engrais et des professionnels utilisant ou commercialisant des engrais, comme faisant référence au réseau mobile 4ème génération, cette signification n’étant pas associée avec les produits en cause, mais faisant plutôt référence à la notion de grammage. Dès lors, l’élément 4G apparaît dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause, étant susceptible d’être considéré comme renvoyant simplement à la quantité du produit concerné. Alors que la Sarl Terres et Traditions soutient la séquence OVI est faiblement attractive, se rapportant à la racine du mot ovin, et ainsi utilisée fréquemment pour des produits liés à l’agriculture, elle apparaît parfaitement arbitraire pour désigner les produits fertilisants, n’indiquant aucune de leurs caractéristiques, et ainsi exempte de signification particulière.


 

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 25 MAI 2023

N° 2023/75

Rôle N° RG 22/01347 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BIYSJ

S.A.R.L. TERRES ET TRADITIONS

C/

LE DIRECTEUR GENERAL DE L'[5]

[U] [B]

PROCUREURE GENERALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Joseph MAGNAN INPI

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Décision déférée à la Cour :

Décision de Monsieur le Directeur Général de l’Institut [5] en date du 18 Janvier 2022, enregistrée au répertoire général sous le n° OPP21/1899.

DEMANDERESSE

S.A.R.L. TERRES ET TRADITIONS,

immatriculée au RCS d’Aix en Provence sous le n° 392 256 822, dont le siège social est sis [Adresse 2], représentée par Monsieur [L] [V], en sa qualité de Gérant

représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assistée de Me Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Olivia GRANIT, avocat au barreau de PARIS, plaidant

DEFENDEURS

Monsieur LE DIRECTEUR GENERAL DE L’INSTITUT [5] (INPI), demeurant [Adresse 1]

représenté par Mme [T] [X] en vertu d’un pouvoir général

Monsieur [U] [B],

né le 18 septembre 1963 à [Localité 6], de nationalité française, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,

assisté de Me Sabine LIPOVETSKY de la SELARL HARLAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Alexandre VISPI, avocat au barreau de PARIS, plaidant

Madame LA PROCUREURE GENERALE,

demeurant [Adresse 3]

représentée par M. Pierre-Jean GAURY (Avocat général)

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 23 Mars 2023 en audience publique.

Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Marie-Amélie VINCENT, conseillère a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffière lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Ministère Public : Monsieur Pierre-Jean GAURY, avocat général, lequel a été entendu en ses observations orales.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2023.

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl Terres et traditions, créée en 1993, est spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de supports de culture.

M. [U] [B], président de la société Ovinalp Fertilisation, créée en 1988, laquelle conçoit et produit des solutions fertilisantes pour les professionnels, a déposé auprès de l’Institut [5] la marque complexe OVI le 20 décembre 2012, marque enregistrée sous le numéro 3971328, notamment en classe 1 pour désigner des engrais pour la terre.

Le 29 avril 2021, M. [U] [B] a formé opposition auprès de l’Institut [5] à l’enregistrement du signe verbal OVI4G déposé le 12 février 2021 par la Sarl Terre et traditions en classe 1 pour désigner les produits ‘fumier ; fertilisants [fumier] ‘.

Suivant décision en date du 18 janvier 2022, M. le Directeur de l’Institut [5] a reconnu justifiée l’opposition et a en conséquence rejeté la demande d’enregistrement de la marque OVI4G.

La Sarl Terres et traditions a formé un recours à l’encontre de cette décision par déclaration enregistrée au greffe le 28 janvier 2022.

A l’appui de son recours, par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 3 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sarl Terres et traditions fait valoir que :

un contentieux l’oppose par ailleurs à M. [U] [B] du fait d’un dépôt antérieur par elle du signe OVIBIO et OVI4G, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ayant notamment, par arrêt du 24 mars 2022, débouté la société Ovinalp Fertilisations de son action en déchéance de la marque OVI4G n°1401461 ; elle précise avoir voulu envisager un nouveau design plus moderne de sa marque OVI4G, raison de sa demande d’enregistrement de la marque.

l’opposition formée pour défaut d’usage sérieux de la marque antérieure OVI est irrecevable, les pièces produites par M. [U] [B] ne démontrant pas un usage sérieux de ce signe durant une période de cinq ans, notamment en ce qu’aucune des pièces produites ne portent de reproduction de la marque OVI, laquelle n’est jamais exploitée seule, mais accolée soit à des symboles d’éléments chimiques, ou des abréviations.

Si la similitude entre les produits désignés n’est pas contestable, la comparaison globale entre les signes exclut tout risque de confusion visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes tenant en particulier à la présence de la finale 4G, qui ne peut être analysée comme une séquence, mais doit être rattachée à l’ensemble du signe.

Au visa des articles L411-4, L411-5, L712-3 à L712-5-1, L712-7, L713-3, et R411-19 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, la Sarl Terres et traditions demande en conséquence à la cour de :

La recevoir en son recours et l’y déclarer bien fondée,

Annuler la décision rendue le 18 janvier 2022 par M. le Directeur Général de l’Institut [5], en ce qu’elle a reconnue l’opposition de M. [U] [B] justifiée et qu’elle a rejeté la demande d’enregistrement de la marque OVI4G n°4732164 déposée le 12 février 2021 par la Sarl Terres et traditions,

Juger que l’opposition n°21-1899 formée le 29 avril 2021 par M. [U] [B] est infondée et que la demande de marque verbale française OVI4G n°4732164 peut être enregistrée sans porter atteinte à la marque OVI enregistrée sous le numéro 3971328,

Condamner M. [U] [B] à payer à la Sarl Terres et traditions la somme de 5000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner M. [U] [B] aux dépens de l’instance.

M. [U] [B], par conclusions déposées par voie électronique le 8 mars 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, réplique que :

Dans le cadre d’une procédure d’opposition, le risque de confusion s’apprécie par référence aux droits tels que définis par les dépôts, indépendamment des circonstances exploitation réelles ou supposées des marques, de sorte que tout argument fondé sur la marque française n°1401461 OVI4G est dépourvu de pertinence au regard de la demande de marque n°4732164, dans la mesure où la première est un signe complexe, et la seconde un signe verbal.

Le recours en annulation est dépourvu d’effet dévolutif, de sorte que la cour ne peut statuer, dans le cadre d’un recours en annulation, sur les moyens ou les pièces qui n’auraient pas été préalablement soumis à M. le Directeur Général de l’INPI, la Sarl Terres et Traditions n’ayant soulevé aucune contestation sur la valeur probante des éléments qu’il soumettait ; subsidiairement, l’usage sérieux de la marque antérieure OVI n°3971328 résulte des bons de livraison et des factures sur lesquels la marque antérieure apparaît, et qui constituent des preuves d’usage valables ; la présence du terme OVI dans chacune des pièces communiquées, portant éventuellement des déclinaisons liées à l’adjonction de suffixes, démontre l’exploitation de la marque sous une forme modifiée, ces modifications étant minimes et n’altérant pas le caractère distinctif de la marque.

la similitude des produits est avérée, et il ne peut être soutenu que M. le Directeur de l’INPI a ignoré l’aspect figuratif de la marque antérieure ; en présence d’un signe verbal et d’un signe semi-figuratif, mais dont les éléments verbaux sont identiques, il est nécessaire que les éléments figuratifs aient une place prépondérante dans le signe pour écarter tout risque de confusion, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, le caractère distinctif de la séquence OVI ayant été reconnu à plusieurs reprises par l’INPI ainsi que par la présente juridiction ; il résulte de la double similarité, d’une part entre les signes, et d’autre part, entre les produits, un risque de confusion certain dans l’esprit du public, le risque de confusion incluant le risque d’association du signe contesté avec la marque antérieure.

Au visa des articles L411-1 et suivants, L711-3 et suivants, L714-5 et suivants, R411-19 et suivants du code de la propriété intellectuelle, M. [U] [B] demande en conséquence à la cour de confirmer la décision d’opposition et sollicite l’octroi d’une somme de 5 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

M. le directeur de l’Institut [5] a déposé le 1er septembre 2022 des observations aux termes desquelles il soutient que :

La Sarl Terres et traditions n’avait pas contesté la valeur probante des pièces fournies par l’opposant dans le cadre de la procédure d’opposition devant l’INPI, alors que le recours en annulation est dépourvu d’effet dévolutif ; une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée à titre de marque, c’est-à-dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’origine commerciale des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée aux fins de les distinguer de ceux des concurrents ; les bons de livraison et factures produits constituent des preuves de nature à établir l’usage sérieux de la marque, en ce que le signe n’apparaît pas uniquement comme la dénomination sociale de l’entreprise, le signe OVI étant directement associé aux produits facturés ; les fiches techniques produites corroborent l’utilisation du signe OVI à titre de marque, l’usage du signe OVI sous forme verbale valant usage de la marque OVI dès lors que la suppression des éléments graphiques, peu importants dans la marque antérieure, n’en altère pas le caractère distinctif ; à ce titre, les adjonctions faites au signe OVI sont descriptifs des différents apports particuliers de ces produits.

Sur la comparaison des signes, une similitude visuelle et phonétique entre les deux signes existe, ceux-ci utilisant comme attaque le terme OVI, d’où des ressemblances d’ensemble prépondérantes, s’agissant de désigner les mêmes produits, alors que l’utilisation du terme OVI apparaît parfaitement arbitraire pour désigner des produits fertilisants.

A l’audience, le ministère public a conclu à la confirmation de la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le défaut d’usage de la marque OVI

L’article L 712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que l’opposition fondée sur une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans est rejetée lorsque l’opposant ne peut établir que cette marque antérieure a fait l’objet, pour les produits et services sur lesquels est fondée l’opposition, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date de dépôt.

La Sarl Terres et Traditions soutient que l’ensemble des preuves d’usage soumises par M. [U] [B] dans le cadre de la procédure d’opposition, pièces de nouveau produites devant la Cour (pièce n°7b), sont insuffisantes à établir l’exploitation de la marque antérieure, et qu’elles ne portent pas sur la marque telle qu’enregistrée.

A titre liminaire, il sera observé que la Sarl Terres et Traditions n’a soulevé aucune contestation, au cours de la procédure d’opposition devant l’Institut [5], sur la valeur probante des pièces produites par M. [U] [B]. Or, en l’absence de tout effet dévolutif du présent recours en annulation, la présente juridiction ne peut statuer sur les moyens ou pièces qui n’auraient pas été préalablement soulevés lors de l’instruction de l’opposition, de sorte que le moyen tendant à la contestation de la valeur probante des pièces produites par M. [U] [B] doit être considéré comme irrecevable.

A titre superfétatoire, M. [U] [B] a produit auprès de l’Institut [5] puis devant la cour des bons de livraison et des factures à en tête de la société Ovinalp Developpement datées du 5 mars 2015 au 12 février 2021 portant sur des marchandises désignées comme des produits Ovi, sur lesquels le signe Ovi seul apparaît. Ces factures ne sauraient être écartées, dès lors que le signe n’apparaît pas uniquement comme la dénomination sociale de l’entreprise, mais est directement associé aux produits facturés. Les étiquettes communiquées avec ces factures permettent ainsi d’identifier la nature de ces produits, dont les références figurent sur les factures et démontrent ainsi qu’il s’agit bien d’engrais.

En outre, l’article L714-5 3° du code de la propriété intellectuelle prévoit qu’est assimilé à un usage sérieux l’usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée.

A ce titre, la Sarl Terres et Traditions soutient que le signe Ovi n’est pas utilisé tel que déposé en raison des nombreuses déclinaisons du signe utilisées dans la vie des affaires (Ovitonic, Ovinor, Ovimag, Ovi-Uab, Ovi-sk). A ce titre, sont également produits aux débats des fiches techniques établissant l’existence des produits sur le marché sur lesquelles figure le signe OVI accompagné après séparation d’un suffixe (Ovi fer, Ovi Ph, Ovi Force, Ovi Tonic, Ovi Duo) désignant l’élément constitutif principal du produit et ses apports particuliers, ajout constituant une légère modification n’altérant nullement le caractère distinctif du terme principal.

C’est dès lors à bon droit que M. le Directeur de l’Institut [5] a écarté le moyen soulevé par la Sarl Terres et Traditions, en raison de l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure.

Sur la comparaison des signes

Le risque de confusion s’entend du risque que le public puisse croire que les produits proviennent de la même entreprise, ou d’entreprises liées économiquement. Ce risque de confusion s’apprécie au regard de « l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment des éléments distinctifs et dominants de celles-ci » (CJCE 11 novembre 1997 Sabel). En outre, le risque de confusion comprend le risque d’association, c’est-à-dire le risque que le consommateur pense qu’il est en présence de déclinaisons de marques ayant une même origine commerciale.

L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement, en tenant compte de nombreux facteurs qui incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.

Il convient d’observer en premier lieu que les produits désignés dans l’enregistrement de la marque antérieure et dans l’acte de dépôt sont similaires dans leur nature, leur destination et leur fonction, engrais pour la terre dans le premier cas, fumier, fertilisants et préparations fertilisantes dans le second.

S’agissant de la comparaison des signes, en présence d’un signe verbal et d’un signe semi-figuratif, dont les éléments verbaux sont identiques, il est nécessaire que les éléments figuratifs aient une place prépondérante dans le signe pour écarter tout risque de confusion. Or, les signes OVI et OVI4G ont visuellement et phonétiquement en commun la même séquence d’attaque OVI, d’où résultent des ressemblances d’ensemble prépondérantes.

Visuellement, le signe OVI et le signe OVI4G ne différent que par la présence de la finale 4G. La police choisie, la taille, le nombre des lettres, et leur alignement, ne suffisent pas à différencier les signes dans la mesure où ils n’affectent pas la perception immédiate du terme OVI. En effet, le terme OVI, qui constitue le seul élément de la marque antérieure, est reproduit au sein du signe contesté en tant qu’élément distinctif et dominant, détachable du suffixe non distinctif 4G, de sorte qu’il existe une très forte similitude visuelle entre les signes en comparaison, et ce d’autant que, ainsi que retenu par M. le Directeur de l’Institut [5], « le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image qu’il a gardée en mémoire ».

Phonétiquement, là encore, la seule différence entre les deux signes réside dans l’adjonction de la finale 4G dans le signe dont l’enregistrement est sollicité. La présence de la séquence OVI en position d’attaque confère aux signes comparés une importante similitude phonétique, le chiffre et la lettre 4G étant perçus comme des éléments annexes, non distinctifs, n’altérant pas la prononciation identique du terme OVI. Il ne peut être retenu, ainsi que le soutient la Sarl Terres et Traditions que le chiffre 4G n’interrompt pas la lecture mais produit un rythme plus saccadé devant retenir l’attention du consommateur, la présence du chiffre 4 créant une rupture dans la lecture et la prononciation du signe.

Conceptuellement, l’élément dominant, consistant dans le terme OVI, apparaît parfaitement distinctif, tandis que la séquence 4G ne sera pas perçue par le public concerné, des consommateurs achetant des engrais et des professionnels utilisant ou commercialisant des engrais, comme faisant référence au réseau mobile 4ème génération, cette signification n’étant pas associée avec les produits en cause, mais faisant plutôt référence à la notion de grammage. Dès lors, l’élément 4G apparaît dépourvu de caractère distinctif au regard des produits en cause, étant susceptible d’être considéré comme renvoyant simplement à la quantité du produit concerné. Alors que la Sarl Terres et Traditions soutient la séquence OVI est faiblement attractive, se rapportant à la racine du mot ovin, et ainsi utilisée fréquemment pour des produits liés à l’agriculture, elle apparaît parfaitement arbitraire pour désigner les produits fertilisants, n’indiquant aucune de leurs caractéristiques, et ainsi exempte de signification particulière.

S’il est exact que la Sarl Terres et Traditions a précédemment été titulaire de la marque complexe OVI4G n°1401461 déposée le 18 mars 1987, et qu’en conséquence cette marque a coexisté avec la marque OVI déposée en décembre 2012, cette coexistence n’est pas de nature à modifier l’appréciation faite dans le cadre d’une opposition à l’enregistrement d’une marque, appréciation qui doit se faire au vu de la marque antérieure telle qu’enregistrée et du signe tel que déposé, sans prendre en considération des éléments liés à l’exploitation ou à l’existence d’une marque déchue. Il doit être rappelé à ce titre que la marque OVI4G n°1401461 était une marque complexe, alors que la demande de dépôt litigieuse concerne en l’espèce une marque semi-figurative. En outre, les procédures contentieuses ayant émaillé les rapports entre les deux parties démontrent que la coexistence n’était pas nécessairement admise par les parties. En tout état de cause, il ne peut être tiré de cette coexistence une absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent de l’époque, s’agissant de ces deux marques.

Au vu de la similarité des produits, et des signes au regard du seul élément véritablement distinctif et de l’impression globale par eux produits, c’est à bon droit que monsieur le directeur de l’Institut [5] a considéré qu’il existait un risque de confusion entre ces signes et qu’il a fait droit à l’opposition ; sa décision sera en conséquence confirmée.

Sur les demandes accessoires

La Sarl Terres et Traditions succombant en son recours, elle devra verser une somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile à M. [U] [B].

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

– REJETTE le recours de la Sarl Terres et Traditions contre la décision de M. le directeur de l’Institut [5] en date du 18 janvier 2022,

Ajoutant à la décision déférée,

– CONDAMNE la Sarl Terres et Traditions à verser à M. [U] [B] la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– DIT que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe dans les formes prévues par l’article R 411-42 du Code de la propriété intellectuelle.

– MET les dépens à la charge de la Sarl Terres et Traditions.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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