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Sous peine de nullité, l’assignation en rémunération des droits des artistes interprètes doit impérativement préciser les répertoires, les ayants droit, artistes-interprètes et producteurs concernés, les enregistrements sonores litigieux qui auraient été exploités en France et auraient dû donner droit au versement d’une rémunération équitable.
En l’occurrence, il résulte de la lecture de l’assignation que la demande des sociétés Soundexchange et Fund, qui est une demande en réparation de l’atteinte aux droits que leurs adhérents détiennent sur les oeuvres diffusées au public sur le territoire français, n’est pas soutenue par des moyens de fait suffisamment précis ;
En effet les sociétés Soundexchange et Fund, qui se présentent comme habilitées à agir pour percevoir des redevances liées à l’exploitation des enregistrements sonores des ayants droit qu’elles représentent et qui sollicitent la condamnation solidaire des intimées à des dommages-intérêts correspondant aux conséquences négatives de l’atteinte aux droits voisins des ayants droit qu’elles représentent, ne précisent dans leur assignation ni les répertoires ni les ayants droit, artistes-interprètes et producteurs, qu’elles prétendent représenter et pour le compte desquels l’action est engagée, ni les enregistrements sonores litigieux qui auraient été exploités en France et auraient dû donner droit au versement d’une rémunération équitable sur lesquels elles fondent leurs demandes, les allégations selon lesquelles différentes utilisations ont nécessairement concerné des enregistrements musicaux américains, ou que compte tenu de la part de marché de la musique américaine, à l’évidence, des sommes conséquentes auraient dû revenir aux ayants droit qu’elles représentent, étant vagues et imprécises, et privant les intimées de la possibilité, ne serait-ce que d’estimer le nombre d’ayants droit et de phonogrammes représentés par les sociétés appelantes qui auraient été diffusés en France justifiant une rémunération équitable, et donc d’organiser leur défense tant sur la question de la recevabilité de l’action que sur le bien fondé et le quantum des demandes, étant observé, comme l’a pertinemment relevé le juge de la mise en état, que si les organismes de gestion collective sont seuls en mesure de connaître le montant des sommes irrépartissables sur le fondement desquelles les sociétés Soundexchange et Fund fondent leur demande de dommages-intérêts, c’est à la condition que ces dernières communiquent la liste des oeuvres et de leurs ayants droit y afférente.
L’assignation litigieuse ne comporte donc pas les moyens de fait nécessaires à la défense au sens de l’article 56 du code de procédure civile.
La société de droit américain Soundexchange Inc. (Soundexchange) se présente comme un organisme de gestion collective à but non lucratif, constitué le 22 septembre 2003 pour collecter et distribuer les redevances perçues auprès des exploitants en numérique de droits musicaux liés aux enregistrements sonores.
La société de droit américain Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund (Fund) est une fiducie née du rapprochement de deux syndicats américains d’artistes (Afm et Sag Aftra), constituée en 1998 pour recevoir et répartir les rémunérations revenant aux artistes-interprètes relevant des syndicats précités.
Considérant que les artistes-interprètes qu’elles représentent ont été abusivement exclus du bénéfice de la rémunération équitable, les sociétés Soundexchange et Fund ont, par actes du 12 novembre 2020, fait assigner la SPRE, l’ADAMI, la SPEDIDAM et la SCPA devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages et intérêts et aux fins de leur voir enjoint de fournir tous les éléments d’information relatifs aux sommes qu’elles ont perçues au titre de la rémunération équitable depuis l’entrée en vigueur de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006.
La loi française du 3 juillet 1985 prévoit un système de droit à rémunération équitable au profit des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes qui est perçue, en France, par la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) à charge pour elle de la reverser à parts égales aux sociétés membres de ses deux collèges, qui les répartissent ensuite aux producteurs et artistes- interprètes.
La SPRE a ainsi pour associés l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA) elle-même constituée de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
La SPRE perçoit la rémunération équitable pour tous les phonogrammes diffusés dans les conditions de la licence légale, sans tenir compte ni de la nationalité ou du lieu de résidence des parties, ni du lieu de fixation du phonogramme. Toutefois, seules les sommes perçues sur les phonogrammes fixés pour la première fois dans un Etat membre de l’Union européenne (article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle) sont réparties entre les artistes-interprètes et les producteurs, les sommes perçues sur les phonogrammes fixés pour la première fois dans un Etat tiers, dites « irrépartissables » étant affectées à l’aide culturelle conformément aux dispositions de l’article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle.
Dans son arrêt rendu sur question préjudicielle le 8 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne, à l’occasion du litige opposant les sociétés Recorded Artists Actors Performers Ltd à Phonographic Performance Ltd, a considéré que la loi nationale ne peut exclure du droit à la rémunération équitable les artistes-interprètes et les producteurs ressortissants d’États tiers à l’Espace économique européen, dès lors que les conditions rationae materiae prévues par l’article 8 de la directive 2006/115/CE sont satisfaites.
C’est dans ce contexte, qu’a été adopté en France l’article 35 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE), prévoyant que « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des actions contentieuses introduites avant la date de publication de la présente loi, les sommes perçues en application de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle et utilisées conformément au 2° de l’article L. 324-17 du même code avant le 8 septembre 2020 sont acquises à leurs bénéficiaires et leur utilisation est validée en tant qu’elle serait contestée par le moyen tiré de ce qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle que seul le législateur de l’Union européenne peut introduire des limitations du droit à une rémunération équitable et unique à l’égard des ressortissants des Etats tiers ayant notifié des réserves à l’article 15 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ».
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 21 JUIN 2023
(n° 093/2023, 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/02146 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFEFE
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 29 Octobre 2021 du Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 20/11119
APPELANTES
Société SOUNDEXCHANGE INC
Société de droit américain
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 13] ETATS-UNIS
Société AFM & SAG-AFTRA INTELLECTUAL PROPERTY RIGHTS DISTRIBUTION FUND
Société de droit américain
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 12] ETATS-UNIS
Représentées par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250
Assistées de Me Christine NGUYEN DUC LONG de la SELEURL CNG-AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque E968
INTIMEES
SOCIETE CIVILE POUR L’ADMINISTRATION DES DROITS DES ARTISTES ET MUSICIENS INTERPRETES (ADAMI)
Société à capital variable
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 784 412 900
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075
Assistée de Me Gilles VERCKEN de la SELARL VERCKEN & GAULLIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0414
SOCIETE CIVILE DE PERCEPTION ET DE DISTRIBUTION DES DROITS DES ARTISTES INTERPRETES (SPEDIDAM)
Société à capital variable
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 344 175 153
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
Assistée de Me Isabelle WEKSTEIN de l’AARPI WAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : R058
SOCIETE CIVILE POUR LA PERCEPTION DE LA REMUNERATION EQUITABLE DE LA COMMUNICATION AU PUBLIC DES PHONOGRAMMES DU COMMERCE (SPRE)
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 334 784 865
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480
Assistée de Me Jean MARTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0584
SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS ASSOCIES (SCPA)
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 350 024 766
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
N’ayant pas constitué avocat
SOCIETE CIVILE DES PRODUCTEURS DE PHONOGRAMMES EN FRANCE (SPPF)
Société à capital variable
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 339 199 697
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 8]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Assistée de Me Josée-Anne BENAZERAF de la AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS, toque : P0327
SOCIÉTÉ CIVILE DES PRODUCTEURS PHONOGRAPHIQUES (SCPP)
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro de 333 147 122
prise en la personne de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 11]
Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125
Assistée de Me Nicolas BOESPFLUG, avocat au barreau de PARIS, toque : E0329
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle DOUILLET, présidente et Mme Françoise BARUTEL, conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
Réputé contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société de droit américain Soundexchange Inc. (Soundexchange) se présente comme un organisme de gestion collective à but non lucratif, constitué le 22 septembre 2003 pour collecter et distribuer les redevances perçues auprès des exploitants en numérique de droits musicaux liés aux enregistrements sonores.
La société de droit américain Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund (Fund) est une fiducie née du rapprochement de deux syndicats américains d’artistes (Afm et Sag Aftra), constituée en 1998 pour recevoir et répartir les rémunérations revenant aux artistes-interprètes relevant des syndicats précités.
La loi française du 3 juillet 1985 prévoit un système de droit à rémunération équitable au profit des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes qui est perçue, en France, par la Société pour la Perception de la Rémunération Equitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE) à charge pour elle de la reverser à parts égales aux sociétés membres de ses deux collèges, qui les répartissent ensuite aux producteurs et artistes- interprètes.
La SPRE a ainsi pour associés l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA) elle-même constituée de la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et de la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP).
La SPRE perçoit la rémunération équitable pour tous les phonogrammes diffusés dans les conditions de la licence légale, sans tenir compte ni de la nationalité ou du lieu de résidence des parties, ni du lieu de fixation du phonogramme. Toutefois, seules les sommes perçues sur les phonogrammes fixés pour la première fois dans un Etat membre de l’Union européenne (article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle) sont réparties entre les artistes-interprètes et les producteurs, les sommes perçues sur les phonogrammes fixés pour la première fois dans un Etat tiers, dites « irrépartissables » étant affectées à l’aide culturelle conformément aux dispositions de l’article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle.
Dans son arrêt rendu sur question préjudicielle le 8 septembre 2020, la Cour de justice de l’Union européenne, à l’occasion du litige opposant les sociétés Recorded Artists Actors Performers Ltd à Phonographic Performance Ltd, a considéré que la loi nationale ne peut exclure du droit à la rémunération équitable les artistes-interprètes et les producteurs ressortissants d’États tiers à l’Espace économique européen, dès lors que les conditions rationae materiae prévues par l’article 8 de la directive 2006/115/CE sont satisfaites.
C’est dans ce contexte, qu’a été adopté en France l’article 35 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière (DDADUE), prévoyant que « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée et des actions contentieuses introduites avant la date de publication de la présente loi, les sommes perçues en application de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle et utilisées conformément au 2° de l’article L. 324-17 du même code avant le 8 septembre 2020 sont acquises à leurs bénéficiaires et leur utilisation est validée en tant qu’elle serait contestée par le moyen tiré de ce qu’il résulte de l’article 8, paragraphe 2, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle que seul le législateur de l’Union européenne peut introduire des limitations du droit à une rémunération équitable et unique à l’égard des ressortissants des Etats tiers ayant notifié des réserves à l’article 15 du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes ».
Considérant que les artistes-interprètes qu’elles représentent ont été abusivement exclus du bénéfice de la rémunération équitable, les sociétés Soundexchange et Fund ont, par actes du 12 novembre 2020, fait assigner la SPRE, l’ADAMI, la SPEDIDAM et la SCPA devant le tribunal judiciaire de Paris en paiement de dommages et intérêts et aux fins de leur voir enjoint de fournir tous les éléments d’information relatifs aux sommes qu’elles ont perçues au titre de la rémunération équitable depuis l’entrée en vigueur de la directive 2006/115 du 12 décembre 2006.
La SPPF et la SCPP sont intervenues volontairement à l’instance, par conclusions du 10 mars 2021.
La SPEDIDAM a ensuite saisi le juge de la mise en état d’un incident de procédure visant à faire constater la nullité de l’assignation. L’ADAMI, la SPPF, la SCPP et la SPRE se sont jointes à l’incident.
Dans une ordonnance rendue le 29 octobre 2021, le juge de la mise en l’état a :
– reçu l’exception de nullité soulevée par la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) ;
– dit nulles les assignations délivrées le 12 novembre 2020 par la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund à l’encontre de la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA) ;
– rejeté les demandes reconventionnelles ;
– condamné la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ensemble à payer à la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la somme de 2000 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
– condamné la société Soundexchange et la société Afm & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund aux dépens.
Le 27 janvier 2022, les sociétés Soundexchange et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ont interjeté appel de cette ordonnance.
Dans leurs dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées par RPVA le 27 janvier 2023, les sociétés Soundexchange et Fund demandent à la cour de :
– réformer l’ordonnance du juge de la mise en état du 29 octobre 2021 en ce qu’elle a :
– reçu l’exception de nullité soulevée par la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), la société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) ;
– dit nulles les assignations délivrées le 12 novembre 2020 par la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund à l’encontre de la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), la société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA) ;
– rejeté les demandes reconventionnelles ;
– condamné la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ensemble à payer à la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), la société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la somme de 2000 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund aux dépens.
Statuant à nouveau,
– juger régulières et valables les assignations délivrées le 12 novembre 2020 par la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund à l’encontre de la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), la société pour l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA);
– ordonner la poursuite de l’instance
– recevoir la société Soundexchange et la société Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund en leur demande reconventionnelle
– faire injonction à chacune des sociétés ADAMI, SPEDIDAM, SPRE, SPPF, SCPA et SCPP de communiquer aux Appelantes, au plus tard dans le délai de 30 jours suivant la signification de la décision de la cour, la liste des phonogrammes correspondant aux utilisations ayant généré des sommes irrépartissables depuis la date d’entrée en vigueur de la Directive 2006/115 jusqu’à la date de la décision de la Cour et ce, sous astreinte de 5000€ par jour de retard, ainsi que, parmi la liste des ayants droit et phonogrammes produite par Fund et Soundexchange ceux concernés par les diffusions réalisées en France depuis la date d’entrée en vigueur de la Directive précisée jusqu’à la date de la décision de la Cour, et pour lesquelles les Intimées ont collecté des sommes au titre de la rémunération équitable
– se réserver la liquidation de l’astreinte,
En tout état de cause,
– condamner in solidum la SPRE, l’ADAMI, la SPEDIDAM, la SPPF, la SCPA et la SCPP, à régler à chacune des appelantes, la somme de 30.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et notifiées par RPVA le 9 janvier 2023, la SPEDIDAM demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a :
– reçu l’exception de nullité soulevée par la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP) ;
– dit nulles les assignations délivrées le 12 novembre 2020 par la société Soundexchange et la société AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund à l’encontre de la société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM) et la Société civile des producteurs associés (SCPA) ;
– rejeté les demandes reconventionnelles ;
– condamné la société Soundexchange et la société AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ensemble à payer à la Société pour la perception de la rémunération équitable de la communication au public des phonogrammes du commerce (SPRE), l’Administration des droits des artistes et musiciens interprètes (ADAMI), la Société de perception et de distribution des droits des artistes interprètes (SPEDIDAM), la Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF) et la Société civile des producteurs phonographiques (SCPP), la somme de 2000 euros chacune, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
– condamné la société Soundexchange et la société AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund aux dépens.
Statuant à nouveau :
– débouter les sociétés Soundexchange et Fund de toutes leurs autres prétentions ;
– condamner in solidum les sociétés Soundexchange et Fund à verser à la SPEDIDAM la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appel ;
– condamner in solidum les sociétés Soundexchange et Fund à payer à la SPEDIDAM les entiers dépens qui seront recouvrés par le cabinet WAN (Me Isabelle Wekstein-Steg).
Dans ses dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées le 17 février 2023, la SPPF demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état dans toutes ses dispositions,
– débouter Soundexchange et Fund de toutes leurs demandes, fins et conclusions.
– condamner in solidum les sociétés Soundexchange et Fund à verser à la SPPF la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de l’AARPI Artlaw.
Dans ses conclusions signifiées par RPVA le 18 janvier 2023, l’ADAMI demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 octobre 2021 en ce qu’elle a :
– prononcé la nullité de ladite assignation ;
– débouté Soundexchange et Fund de leur demande reconventionnelle ;
– condamné Soundexchange et Fund ensemble à payer à l’ADAMI, à la SPRE, à la SPEDIDAM, à la SPPF et à la SCPP, la somme de 2000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Et, statuant à nouveau, de
– condamner Soundexchange et le Fund au paiement de la somme de 20 000 euros chacune au profit de l’ADAMI au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Dans ses conclusions, notifiées par RPVA le 17 février 2023, la SCPP demande à la cour de:
– débouter Soundexchange. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund de leur appel.
– confirmer l’ordonnance déférée en toutes ses dispositions et à tout le moins en ce qu’elle a débouté Soundexchange. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund de leurs demandes reconventionnelles à l’encontre de la SCPP
– condamner Soundexchange. et AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund à payer à la SCPP une indemnité de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner Soundexchange. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund aux dépens.
Dans ses dernières conclusions, numérotées 3 et signifiées le 17 février 2023, la SPRE demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance dont appel en date du 29 octobre 2020 en toutes ses dispositions, notamment en ce qu’elle a :
– jugé nulle l’assignation délivrée à la SPRE le 12 novembre 2020 par les sociétés Soundexchange. et AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund,
– débouté Soundexchange. et AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund de l’ensemble de leurs demandes reconventionnelles,
– condamné les sociétés Soundexchange. et AFM & Sag-Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ensemble à verser à la SPRE une indemnité de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Et statuant à nouveau,
– condamner les sociétés Soundexchange. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund ensemble à verser à la SPRE une indemnité de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les sociétés Soundexchange. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund en tous les dépens.
La Société Civile des Producteurs Associés (SCPA) n’a pas constitué avocat.
Par acte du 16 juin 2022, les sociétés Soundexchange et Fund ont signifié à la SCPA, à personne habilitée, la déclaration d’appel et les conclusions des appelantes.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 28 février 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité des assignations
Les sociétés Soundexchange et Fund soutiennent que le juge de la mise en état n’a pas tenu compte de la pièce produite à l’appui de leurs écritures, constituée sur la base du bilan établi par un organisme assurant la veille et l’archivage des programmes relatifs aux diffusions musicales en radio, TV et discothèques dénommé Yacast pour les années 2018 à 2020 ; que l’ordonnance querellée met à la charge des parties des obligations procédurales qui excèdent les exigences posées par l’article 56 du code de procédure civile ; que l’objectif de l’article 56 est avant tout de faire observer le principe dispositif, et non le principe du contradictoire ; qu’il s’agit d’enjoindre les parties à déterminer leurs demandes, à les soutenir par des moyens de droit et de fait, eux-mêmes appuyés par des éléments de preuves ; que le juge de la mise en l’état a reconnu que les demandeurs ont correctement exposé l’objet de leur demande ; qu’il juge même que leur fondement juridique est précisé ; que la Cour de cassation considère qu’il ne saurait être porté une appréciation sur la force probante des faits à l’appui des prétentions sous couvert d’examiner les conditions de validité formelle de l’assignation ; que la demande n’est certes pas chiffrée mais elle est chiffrable, le chiffrage ne pouvant être réalisé qu’à la condition d’accueillir les demandes de production forcée de pièces ; que les intimés étant les organismes collectant la rémunération équitable en France et connaissant l’étendue des utilisations de phonogrammes du commerce d’origine américaine en France, les dommages et intérêts dus sont bien déterminés à leurs yeux; que le défaut de chiffrage d’une demande de réparation n’a aucune incidence sur le principe de la réparation lui-même ; que la Cour de cassation considère qu’une demande en justice non chiffrée n’est pas de ce seul chef irrecevable, estimant qu’il appartient alors au juge, d’inviter le demandeur à évaluer chaque poste de sa demande ; que les moyens en droit de la demande ont été exposés dans le cadre de l’assignation ; qu’il s’agit de la mise en ‘uvre de la décision de la CJUE du 8 septembre 2020, en ce qu’elle a décidé qu’il n’était pas possible pour les États membres, dont la France, d’exclure du bénéfice de la licence légale de l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle les ayants droit américains représentés par les sociétés Soundexchange et Fund ; que les faits ont été rappelés dans l’assignation ; qu’il s’agit de l’utilisation de phonogrammes d’ayants droit américains exploités en France, au titre de la licence légale de l’article L. 214-1 du CPI ; que le fait d’être en capacité de produire une telle documentation ne signifie pas que cette justification soit nécessaire à la validité d’une assignation; qu’aucune disposition légale du CPI ne les oblige à justifier de l’intégralité de leur répertoire, en termes d’ayants droit ou de phonogrammes ; que les explications fournies dans le cadre de l’assignation comme des débats lors de l’incident soulevé devant le juge de la mise en état étaient suffisantes pour que les intimées soient en mesure de chiffrer précisément les montants pouvant être mis à leur charge par le tribunal ; que le grief requis par l’article 114 du code de procédure civile n’est donc pas caractérisé.
Elles ajoutent qu’elles produisent à l’appui de leurs conclusions d’appel la liste exhaustive requise par le juge de la mise en état aux termes de son ordonnance ; que les intimées produisent des pièces censées démontrer que certaines données seraient erronées ; qu’il existe toujours des situations de conflit de mandats entre les sociétés de gestion collective ; que ces cas de conflit ne justifient pas à eux seuls de prononcer la nullité de l’assignation ; qu’ainsi la nullité est couverte par la régularisation.
L’ADAMI soutient que l’assignation est nulle et n’a pas été valablement régularisée ; qu’à la lecture de l’assignation, il n’était pas possible de déterminer si le fondement de la responsabilité résulterait d’une atteinte aux droits voisins ou d’un défaut de reversement d’une somme d’argent; que quand bien même serait-il tenu compte des conclusions d’incident déposées par les appelantes et/ou de leurs conclusions d’appel, il ne pourrait qu’être constaté que le vice affectant l’assignation n’a pas disparu, les moyens de droit au soutien de l’assignation demeurant obscurs; que dans l’assignation, le moyen de fait n’est pas déterminé avec une précision suffisante permettant à l’ADAMI de se défendre ; que dans les conclusions d’incident, les appelantes ont revendiqué la totalité des irrépartissables auprès des organismes de gestion collective français parce qu’elles « estiment », représenter « au moins » un nombre d’ayants droit « américains », sans apporter d’élément concret ; que la pièce 32 produite en cause d’appel ne régularise pas l’assignation annulée et ne permet pas de déterminer les moyens de fait avec une précision suffisante pour permettre à l’ADAMI de se défendre ; que ces tableaux ne prouvent ni l’adhésion des ayants droit qui y figurent, ni les mandats que ceux-ci ont pu confier aux appelantes.
La SPEDIDAM soutient que l’assignation doit être suffisamment précise pour permettre de trancher le litige sur sa seule base ; qu’en l’espèce elle est imprécise sur les moyens de droit en ce qu’elle n’indique pas clairement si le fondement de la prétendue responsabilité de la SPEDIDAM résulterait d’une « atteinte aux droits voisins » sanctionnée par l’action en contrefaçon, ou d’un défaut de reversement d’une somme d’argent qui serait due aux demanderesses au fond en vertu de la rémunération équitable visée aux articles L. 214-1 et L.214-2 du code de la propriété intellectuelle ; que l’assignation est également imprécise sur les moyens de fait en ce qu’elle ne contient pas de précisions sur la nature des enregistrements musicaux revendiqués, leurs utilisations et les ayants droit concernés ; qu’ à défaut de connaître la liste exhaustive des phonogrammes et ayants droit de Soundexchange et Fund, le montant des dommages et intérêts réclamés par ces dernières ne pouvait être connu ; qu’aucune régularisation de l’acte introductif d’instance ne peut intervenir par la communication de conclusions d’incident ou en cause d’appel de la procédure d’incident ; que les pièces produites ne permettent pas davantage d’identifier les phonogrammes et les ayants droit que les appelantes prétendent représenter ; qu’un grand nombre d’ayants droit figurant dans la liste communiquée sont des associés de la SPEDIDAM ; que Soundexchange et Fund ne peuvent prétendre représenter ces artistes interprètes sur le territoire français car il n’est pas possible de confier à deux organismes de gestion collective différents des mandats pour les mêmes droits et le même territoire.
La SPPF soutient que la régularisation de la nullité touchant le défaut de précision de l’assignation ne peut être opérée que par un acte de même nature et de même portée soit, s’agissant de l’acte introductif d’instance, d’une nouvelle assignation ou de conclusions au fond devant le tribunal ; qu’en l’espèce l’assignation n’identifie pas les objets protégés, les droits invoqués, les atteintes alléguées ni leurs conséquences ; que les intimées, ignorant quels sont les ayants droit, ne peuvent connaître les phonogrammes concernés par les revendications adverses; que l’assignation ne permet pas même de déterminer au titre de quels droits chacune des appelantes prétend intervenir ; que le montant de la demande de dommages et intérêts est inconnu; que ces indéterminations portent préjudice à l’ensemble des défenderesses dès lors qu’il est contraire au principe de la contradiction de contraindre une partie à décrypter les demandes adverses pour se défendre ; que la tentative de régularisation est vaine, en raison du caractère inopérant des moyens et pièces produits ainsi que du caractère tardif de cette tentative ; que les listes produites n’apportent pas la moindre précision sur les atteintes reprochées et ne permettent pas d’identifier les phonogrammes, dont les producteurs seraient représentés par les appelantes, et qui auraient fait l’objet de diffusion dans le cadre des modes d’exploitation concernés par la licence légale.
La SCPP soutient qu’il est établi que la plupart des phonogrammes en cause appartiennent au répertoire de la SCPP qui est donc seule en droit de percevoir et répartir la rémunération équitable y afférente en France et que de surcroît, certains d’entre eux ont été fixés dans des pays, comme la France, l’Allemagne ou le Royaume-Uni pour lesquels la rémunération équitable n’était pas irrépartissable avant l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 8 septembre 2020 et qui sont donc étrangers à l’action des appelants ; que l’imprécision de l’assignation la mettait dans l’impossibilité de se défendre utilement puisqu’elle a ultérieurement appris que les phonogrammes de son répertoire ne sont pas visés par l’action des appelants ; que la régularisation est inopérante car elle ne peut être effectuée que par voie de conclusions au fond.
La SPRE fait siens les moyens soulevés par les sociétés ADAMI, SPEDIDAM, SCPP et SPPF pour solliciter de la cour la confirmation de l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a jugé nulle l’assignation qui lui a été délivrée. Elle soutient en outre que la tentative de régularisation est inopérante en raison de l’incompétence de la juridiction devant laquelle la tentative de régularisation est effectuée, de la forclusion de la tentative de régularisation, et du caractère déceptif en raison de l’insuffisance des éléments fournis.
Sur ce,
Aux termes de l’article 56 du code de procédure civile , applicable à l’espèce, «L’assignation contient à peine de nullité,
(…)
2° un exposé des moyens en fait et en droit ».
L’article 114 du code de procédure civile dispose qu’ «aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public.»
Il est acquis que l’exigence de l’article 56 du code de procédure civile a pour finalité de mettre le défendeur en mesure, dès l’engagement du procès, d’organiser sa défense, ce qui suppose qu’il soit informé avec suffisamment de précision et d’exactitude des faits sur lesquels le demandeur fonde ses prétentions ainsi que des moyens de droit qu’il invoque. Le juge apprécie la validité de l’assignation au regard de l’objet de l’action dont il est saisi.
En outre, conformément à l’article 115 du code de procédure civile, la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l’acte si aucune forclusion n’est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief.
Enfin, aucune régularisation ultérieure d’une assignation atteinte d’une nullité de forme au sens de l’article 56-2° du code de procédure civile susvisé ne peut résulter de conclusions prises en appel (2ème Civ, 27 juin 2013, 12-20.929).
En l’espèce, les sociétés Soudexchange et Fund invoquent dans l’exposé des moyens en fait et en droit de l’assignation introductive litigieuse que ‘les demanderesses représentent toutes deux des artistes-interprètes d’enregistrements sonores et Soudexchange représente en outre des producteurs titulaires de droits exclusifs sur les enregistrements musicaux’ ; qu’elles ‘sont toutes deux habilitées à agir pour percevoir des redevances liées à l’exploitation des enregistrements sonores des ayants droit qu’elles représentent’ (page 12) ; que ‘les demanderesses sont bien fondées à réclamer aux défenderesses, au titre des enregistrements sonores réalisés par les artistes-interprètes représentés par SoundExchange et Fund ainsi que des producteurs représentés par SoundExchange une quote-part des sommes perçues par la SPRE sur le fondement de la rémunération équitable’ (page15) ; que ‘SoundExchange et Fund souhaitent également que les ayants droit qu’elles représentent bénéficient d’un traitement national s’agissant d’un autre droit à rémunération, le droit à rémunération pour copie privée, également collectée par les défenderesses’ (page17) ; qu’ ‘ont été fixées des tarifications de droits à rémunération dans le domaine de la radiodiffusion sonore, du secteur public comme du secteur privé, les discothèques et établissements similaires, les télévisions, les lieux sonorisés et les bars restaurants à ambiance musicale’ (page 17) ; que ‘ces différentes utilisations ont nécessairement concerné des enregistrements musicaux américains compte tenu de la part substantielle de la musique américaine (tous genres confondus) sur le marché français’ ; que ‘les sommes collectées au titre de la rémunération équitable sont passées de 2010 à 2019 de 77 millions d’euros à plus de 135 millions d’euros par an’ ; que ‘sur l’ensemble de ces sommes, les artistes-interprètes et producteurs étrangers représentés par les demanderesses auraient dû percevoir des redevances conséquentes au titre de la rémunération équitable’ ; que ‘les demanderesses sont donc bien fondées à réclamer à titre de dommages-intérêts à la SPRE, l’ADAMI, la SPEDIDAM et la SCPA, a minima, indépendamment de tous dommages-intérêts complémentaires, la rémunération équitable qu’elles auraient dû percevoir si les droits voisins des ayants droit qu’elles représentent avaient été pris en considération comme l’exigeaient le droit international et le droit de l’Union’ (page 18) ; que ‘compte tenu toujours de la part de marché de la musique américaine, à l’évidence, des sommes conséquentes auraient dû revenir aux ayants droit représentés par les demanderesses’ (page 20).
Dans le dispositif de l’assignation, les demandes sont formulées de la façon suivante :
‘- CONSTATER que l’ADAMI, la SPEDIDAM, la SPRE et la SCPA ont porté atteinte aux droits voisins des ayants droit représentés par SoundExchange et Fund et causé un préjudice à ces derniers, faute de reversement des sommes dues à ces derniers au titre de la rémunération équitable visée à l’article L. 214-1 du code de la propriété intellectuelle,
-CONDAMNER solidairement l’ADAMI, la SPEDIDAM, la SPRE et la SCP au paiement à Soundexchange et Fund de dommages et intérêts correspondant aux conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits voisins des ayants droit représentés par Soundexchange et Fund (dont leur manque à gagner et la perte subie par les ayants droit lésés) et dont le montant, à titre provisionnel et à parfaire, ne saurait être inférieur au montant, qu’il est enjoint aux défenderesses de produire, des sommes dites irrépartissables collectées au titre de la rémunération équitable de l’article L. 214-1 par les défenderesses, depuis l’entrée en vigueur de la Directive 2006/115 à la date du prononcé du jugement’.
Il résulte de ces éléments et de la lecture de l’assignation que la demande des sociétés Soundexchange et Fund, qui est une demande en réparation de l’atteinte aux droits que leurs adhérents détiennent sur les oeuvres diffusées au public sur le territoire français, n’est pas soutenue par des moyens de fait suffisamment précis ; qu’en effet les sociétés Soundexchange et Fund, qui se présentent comme habilitées à agir pour percevoir des redevances liées à l’exploitation des enregistrements sonores des ayants droit qu’elles représentent et qui sollicitent la condamnation solidaire des intimées à des dommages-intérêts correspondant aux conséquences négatives de l’atteinte aux droits voisins des ayants droit qu’elles représentent, ne précisent dans leur assignation ni les répertoires ni les ayants droit, artistes-interprètes et producteurs, qu’elles prétendent représenter et pour le compte desquels l’action est engagée, ni les enregistrements sonores litigieux qui auraient été exploités en France et auraient dû donner droit au versement d’une rémunération équitable sur lesquels elles fondent leurs demandes, les allégations selon lesquelles différentes utilisations ont nécessairement concerné des enregistrements musicaux américains, ou que compte tenu de la part de marché de la musique américaine, à l’évidence, des sommes conséquentes auraient dû revenir aux ayants droit qu’elles représentent, étant vagues et imprécises, et privant les intimées de la possibilité, ne serait-ce que d’estimer le nombre d’ayants droit et de phonogrammes représentés par les sociétés appelantes qui auraient été diffusés en France justifiant une rémunération équitable, et donc d’organiser leur défense tant sur la question de la recevabilité de l’action que sur le bien fondé et le quantum des demandes, étant observé, comme l’a pertinemment relevé le juge de la mise en état, que si les organismes de gestion collective sont seuls en mesure de connaître le montant des sommes irrépartissables sur le fondement desquelles les sociétés Soundexchange et Fund fondent leur demande de dommages-intérêts, c’est à la condition que ces dernières communiquent la liste des oeuvres et de leurs ayants droit y afférente.
L’assignation litigieuse ne comporte donc pas les moyens de fait nécessaires à la défense au sens de l’article 56 du code de procédure civile.
En outre, les sociétés Soundexchange et Fund, qui indiquent sur leurs sites internet représenter chacune plus de 200 000 membres et qui sont en conséquence parfaitement en mesure de connaître le nom des adhérents et des oeuvres concernées, ce qu’elles ne contestent pas en appel, n’ont pas présenté devant le tribunal, après l’introduction de l’instance, des conclusions précisant les moyens de fait sur lesquels s’appuyaient leurs demandes, aucune régularisation ne pouvant résulter de conclusions d’incident et a fortiori de la production de pièces devant le juge de la mise en état, ni de conclusions prises en cause d’appel, étant au surplus observé que lesdites écritures ne permettent pas davantage d’identifier les ayants droit qu’elles représentent et les phonogrammes du commerce concernés par la rémunération équitable sur le fondement de laquelle elles sollicitent des dommages-intérêts et que le juge de la mise en état doit être approuvé en ce qu’il a relevé que le bilan établi par Yacast pour les années 2018 à 2020 et l’attestation du directeur juridique et de la directrice générale ne sont pas de nature à régulariser l’assignation.
L’ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu’elle a reçu l’exception de nullité soulevée, et dit nulles les assignations litigieuses.
Sur les demandes reconventionnelles des sociétés Soundexchange et Fund
Les sociétés Soundexchange et Fund soutiennent que la part détaillée des phonogrammes américains exploités au titre de la rémunération équitable en France ne peut être précisée sans avoir accès à la documentation remise par les utilisateurs (radios, webradios, discothèques, lieux publics, télévisions) à la SPRE et à ses membres ; que l’assignation précisant que la demande de réparation du préjudice était à parfaire, il est parfaitement légitime qu’il soit ordonné aux intimées, sous astreinte, de leur donner accès à la liste des phonogrammes concernés par les irrépartissables.
Les assignations que les sociétés Soundexchange et Fund ont fait délivrer à la SPEDIDAM, l’ADAMI, la SPRE et la SCPA étant nulles, les demandes reconventionnelles des sociétés Soundexchange et Fund ne peuvent qu’être rejetées.
L’ordonnance entreprise sera également confirmée de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire,
Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne in solidum les sociétés Soundexchange Inc. et Afm & Sag Aftra Intellectual Property Rights Distribution Fund aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés en application de l’article 699 du code de procédure civile, et vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne in solidum à verser, à ce titre, à la SPEDIDAM la somme de 8 000 euros, à l’ADAMI la somme de 8 000 euros, à la SPPF la somme de 3 000 euros, à la SCPP la somme de 3 000 euros, et à la SPRE la somme de 2 000 euros.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE