Suppression de poste justifiée par des difficultés économiques

·

·

Suppression de poste justifiée par des difficultés économiques

conseil juridique IP World

Les difficultés économiques d’une société peuvent justifier la suppression d’un poste de responsable.


L’article L. 1233-3 du code du travail dispose, dans sa rédaction applicable à l’espèce, que :

‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.’

L’article L.1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que si tous les efforts de formation et d”adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel …

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.


 

ARRÊT N°2023/254

N° RG 21/04812 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OQAZ

CP/CD

Décision déférée du 15 Novembre 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 20/00043)

G.MONTAUT

Section Encadrement

S.A.S. CRIC APPAREILLAGE ET MOBILITE

C/

[N] [I]

INFIRMATION PARTIELLE

Grosse délivrée

le 2/6/23

à Me JAZOTTES, Me FRECHIN

Ccc Pôle Emploi

Le 2/6/23

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

4eme Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DEUX JUIN DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

S.A.S. CRIC APPAREILLAGE ET MOBILITE

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nissa JAZOTTES de la SELARL JAZOTTES & ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIM”E

Madame [N] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Renaud FRECHIN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

S. BLUM”, présidente

M. DARIES, conseillère

C. PARANT, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : C. DELVER

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre

EXPOSE DU LITIGE

L’association CRIC a pour objet l’accueil des travailleurs reconnus handicapés en vue de faciliter leur insertion sociale et professionnelle.

Mme [N] [I] a été embauchée le 1er septembre 2009 par l’association CRIC en qualité de chef de projet suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées.

En 2014, l’association CRIC a créé une entreprise adaptée dénommée société CRIC Appareillage et Mobilité.

Cette entreprise est spécialisée dans la fabrication d’orthèses, prothèses en grand appareillage aux fins de faciliter le maintien à domicile des personnes handicapées.

A compter de janvier 2015, Mme [I] a occupé les fonctions de responsable au sein de cette nouvelle société pour 65,22 heures sans qu’un avenant ne soit conclu entre les parties, Mme [I] poursuivant pendant 85,49 heures ses fonctions au sein de l’association CRIC.

Elle était chargée, en qualité de responsable au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité, de la gestion administrative commerciale et des ressources humaines au sein de cette nouvelle société.

Elle a poursuivi à temps plein à compter du 1er janvier 2016 l’exercice de ses fonctions de responsable au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité, tous ses bulletins de salaire lui étant délivrés par cette dernière société sans signature d’un nouveau contrat de travail moyennant un salaire mensuel de 3 479,88 €.

Mme [I] a été convoquée par courrier du 25 novembre 2019 à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé au 6 décembre 2019.

Elle a accepté, le 9 décembre 2019, le bénéfice d’un contrat de sécurisation professionnelle, emportant rupture de son contrat de travail à l’issue de l’expiration du délai de réflexion.

Mme [I] a été licenciée par courrier du 26 décembre 2019 pour suppression du poste et impossibilité de reclassement.

Mme [I] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 14 janvier 2020 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.

Par jugement du 15 novembre 2021, le conseil de prud’hommes de Toulouse a :

– jugé que le licenciement de Mme [I] repose sur une cause économique réelle et sérieuse, le motif étant avéré mais que le reclassement n’a pas été recherché loyalement,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

10 467,42 € au titre du préavis et 1 046,74 € au titre des congés payés afférents, sous réserve du remboursement à Pôle Emploi des sommes perçues pendant cette période,

31 402,26 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre du défaut de procédure,

– jugé que Mme [I] n’établit pas la réalité des heures de travail réalisées pendant la période de ses congés maternité et que les demandes sont prescrites,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre du paiement des heures supplémentaires,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre du travail dissimulé,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’obligation de sécurité,

– jugé que Mme [I] a effectué des astreintes,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser à Mme [I] la somme de 10 000 € au titre de dommages et intérêts,

– jugé que la société Cric Appareillage et Mobilité n’a pas versé les royalties liées au brevet déposé par Mme [I],

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser à Mme [I] la somme de 10 000 € à ce titre,

– jugé que la société Cric Appareillage et Mobilité n’a pas maintenu les avantages que Mme [I] percevait lorsqu’elle travaillait pour l’Association et qu’aucun document n’a été signé lors de son passage au service de la société Cric Appareillage et Mobilité annulant ces avantages,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser à Mme [I] la somme de 2 415,50 € au titre de la 7ème semaine de congés payés et la somme de 3 762,72 € au titre de rappel de la prime décentralisée,

– débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’exécution provisoire, sauf pour les éléments pour lesquels elle est de droit,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à remettre les document sociaux modifiés à Mme [I] mais sans assortir la demande d’une astreinte,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser la somme de 1 500,00 € à Mme [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité aux entiers dépens.

Par déclaration du 3 décembre 2021, société Cric Appareillage et Mobilité a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 novembre 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.

Par dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 28 mars 2023, auxquelles il est expressément fait référence, la Sas Cric Appareillage et Mobilité demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

* jugé que le licenciement de Mme [I] repose sur une cause économique réelle et sérieuse, le motif étant avéré mais que le reclassement n’a pas été recherché loyalement ;

* l’a condamnée à verser à Mme [I] les sommes suivantes :

10 467,42 € au titre du préavis et 1 046,74 € au titre des congés payés afférents, sous réserve du remboursement à Pôle Emploi des sommes perçues pendant cette période,

31 402,26 € au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* jugé que Mme [I] a effectué des astreintes,

*l’a condamnée à verser à Mme [I] la somme de 10 000,00 € au titre de dommages et intérêts,

* jugé qu’elle n’a pas versé les royalties liées au brevet déposé par Mme [I] ;

* l’a condamnée à verser à Mme [I] la somme de 10 000,00 € à ce titre,

* jugé qu’elle n’a pas maintenu les avantages que Mme [I] percevait lorsqu’elle travaillait pour l’Association et qu’aucun document n’a été signé lors de son passage au service de la société Cric Appareillage et Mobilité annulant ces avantages,

* l’a condamnée à verser à Mme [I] la somme de 2 415,50 € au titre de la 7ème semaine de congés payés et la somme de 3 762,72 € au titre de rappel de la prime décentralisée,

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

* débouté Mme [I] de sa demande au titre du défaut de procédure,

* jugé que Mme [I] n’établit pas la réalité des heures de travail réalisées pendant la période de ses congés maternité et que les demandes sont prescrites,

* débouté Mme [I] de sa demande au titre du paiement des heures supplémentaires,

* débouté Mme [I] de sa demande au titre du travail dissimulé,

* débouté Mme [I] de sa demande au titre de l’obligation de sécurité,

– condamner Mme [I] au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mme [I] aux dépens.

Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 3 mai 2022, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [N] [I] demande à la cour de :

-dire et juger que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,

– confirmer le jugement entrepris en ses dispositions sur l’indemnité de préavis et les congés payés y afférents, les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les dommages et intérêts pour les astreintes effectuées, les dommages et intérêts pour les royalties liées au brevet déposé par elle, la 7e semaine de congés payés, le rappel de prime décentralisée et l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– dire et juger que les heures de travail réalisées pendant les périodes de congés maternité ne sont pas prescrites et sont clairement établies,

– dire et juger que les faits de travail dissimulé sont clairement établis,

– dire et juger que la société Cric Appareillage et Mobilité a manqué à son obligation de sécurité,

En conséquence,

– condamner la société Cric Appareillage et Mobilité au paiement des sommes suivantes :

4 140,86 € bruts à titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires dues en raison du travail pendant le congé maternité,

20 934,84 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé travail pendant les congés maternité,

20 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité du fait du travail de Mme [I] pendant ses congés maternité,

3 489,14 € au titre de l’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,

– condamner la société Cric Appareillage et Mobilité à lui remettre un certificat de travail ainsi qu’une attestation Pôle emploi conformes, sous astreinte de 250 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision,

– constater que la moyenne des trois derniers mois de salaire s’établit à la somme de 3.489,14 €,

– condamner la société Cric Appareillage et Mobilité au paiement de la somme de

3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 31 mars 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il appartient à la cour de dire si le licenciement pour motif économique de Mme [I] est motivé par une cause réelle et sérieuse au sens de l’article L. 1235-1 du code du travail.

La lettre de licenciement du 26 décembre 2019 est libellée comme suit :

‘ … Comme il vous l’a déjà été exposé précédemment, Cric Appareillage et Mobilité rencontre d’importantes difficultés économiques caractérisées par la non atteinte des objectifs fixés et la non réalisation du résultat escompté.

Les comptes clos au 31 décembre 2017 font ressortir :

° une perte d’exploitation de 167 901 €

Les comptes clos au 31 décembre 2018 font ressortir :

° un chiffre d’affaires HT de 792 039 € inférieur au prévisionnel révisé de 854 608 €

° une perte d’exploitation de 47 139 €.

La situation au 30 juin 2019 fait ressortir :

° un chiffre d’affaires HT de 448 531 € inférieur au prévisionnel de 504 469 € ( prévisionnel 2019 à hauteur de 1 126 613 €), la situation du chiffre d’affaires continuant à se dégrader jusqu’au 31 juillet 2019, le chiffre d’affaires cumulé réalisé était de 533 045 € contre un budgété de 606 654 €, soit un retard de 73 609 €

° une perte d’exploitation de 95 025 €.

Vous nous avez demandé de diminuer le prévisionnel 2019 de chiffre d’affaires HT pour le ramener à 978 136 € (contre 1 126 613 € au 30/06/2019) soit -13 %.

La situation au 31 octobre 2019 ne s’améliore pas compte tenu :

° d’un chiffre d’affaires HT de 785 471 € inférieur au prévisionnel de 854 176 € (prévisionnel 2019 révisé à hauteur de 978 136 €), soit un retard de 68 705 €

° d’une perte d’exploitation de 117 995 €.

La dégradation de la trésorerie est entraînée par des pertes d’exploitation importantes et des relances clients non effectuées malgré les diverses demandes de justification des soldes clients. A la date du 5 décembre 2019, l’état des dus clients du 12/01/ 2018 au 05/12/2019 représente 94 954,69 €.

De plus, nous vous rappelons que le Commissaire aux Comptes avait saisi le Président du Tribunal de commerce le 3 mai 2018 sur la situation économique de Cric Appareillage et Mobilité. Nous leur avons donc fourni un plan de relance et les mesures envisagées afin de retrouver un équilibre économique. Le courrier de réponse au Commissaire aux Comptes, copie au Président du Tribunal de commerce faisait état du résultat négatif en 2018 et d’un équilibre d’exploitation dès 2019.

Par conséquent et compte tenu des faits exposés, nous vous avons fait part de l’arrêt du poste de responsable de Cric Appareillage et Mobilité.

De plus nous vous confirmons qu’aucun poste de reclassement à ce jour n’est ouvert et donc qu’aucune autre solution n’a pu être trouvée.

Par ailleurs, lors de l’entretien du 6 décembre 2019, nous vous avons proposé le bénéfice du contrat de sécurisation professionnelle. Par lettre recommandée du 10 décembre 2019, vous avez accepté ledit contrat de sécurisation professionnelle en date du 9 décembre 2019.

L’adhésion à ce dispositif emporte rupture de votre contrat de travail à l’expiration du

délai de réflexion. Par conséquent, la date de rupture de votre contrat de travail sera le 27 décembre 2019 …’

La société Cric Appareillage et Mobilité soutient que les difficultés économiques qu’elle a rencontrées depuis 2017 sont incontestables et démontrées par les pièces comptables qu’elle verse aux débats. Elle a été convoquée par le président du tribunal de commerce à la suite d’une alerte du commissaire aux comptes et a présenté un plan de relance faisant apparaître une situation toujours déficitaire en 2018. En 2019, la situation ne s’est pas améliorée malgré un chiffre d’affaires prévisionnel révisé à la baisse avec une perte d’exploitation importante et une dégradation importante de la trésorerie. Ces difficultés ont nécessité la suppression du poste de Mme [I], laquelle a permis le rétablissement du résultat d’exploitation au 31 décembre 2020. Cette réorganisation était nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité. Elle conteste les prétendues ‘combines’ alléguées par Mme [I] et ses prétentions non prouvées sur des dysfonctionnements dans l’organisation de la société.

Mme [I] conteste la réalité du motif économique allégué par la société Cric Appareillage et Mobilité : elle prétend que cette dernière ne fournit pas d’éléments probants sur ses difficultés économiques et demande de ‘prendre avec précaution’ les chiffres allégués compte tenu des facturations arbitraires pratiquées par la société appelante et des prestations fictives dont il lui a été demandé de s’acquitter. Elle allègue des ‘combines’ permettant aux services comptables de l’association CRIC de ponctionner la trésorerie de la société. La suppression du poste de Mme [I] est d’autant plus incompréhensible qu’un salarié, M. [V], était employé de manière fictive par la société Cric Appareillage et Mobilité en qualité de gestionnaire transport.

L’article L. 1233-3 du code du travail dispose, dans sa rédaction applicable à l’espèce, que :

‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d’activité permettant d’apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l’une des causes énoncées au présent article, à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d’un commun accord dans le cadre d’un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.’

La lettre de licenciement de Mme [I] fait état de difficultés économiques persistantes de la société Cric Appareillage et Mobilité caractérisées par :

– une perte d’exploitation de 167 901 € au 31 décembre 2017, de 47 139 € au 31 décembre 2018, de 95 025 € au 30 juin 2019 et de 117 995 € au 31 octobre 2019,

– une dégradation du chiffre d’affaires passant de 792 039 € au 31 décembre 2018 à 448 531 € au 30 juin 2019 pour un prévisionnel de 1 126 613 €, à 533 045 € au 31 juillet 2019, pour un prévisionnel de 606 654 € et à 785 471 € au 31 octobre 2019 pour un prévisionnel de 978 136 € révisé.

La société Cric Appareillage et Mobilité verse aux débats :

– le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels de 2018 et le bilan de l’année 2018 qui confirment le montant des chiffres d’affaires et de la perte d’exploitation figurant sur la lettre de licenciement,

– le rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels 2019 et le bilan de l’année 2019 qui confirment l’augmentation de la perte d’exploitation sur l’année 2019 passant de 47 139 € à 77 436 €,

– une convocation du 3 octobre 2018 devant le juge du tribunal de commerce chargé de la prévention des risques de difficultés des entreprises,

– l’état des impayés de novembre et décembre 2019,

– le bilan de l’année 2020.

Il résulte de l’analyse des pièces produites que la réalité des importantes difficultés économiques rencontrées par la société Cric Appareillage et Mobilité à compter de 2017 et jusqu’en 2019, date du licenciement de Mme [I], est démontrée, ces difficultés ayant conduit à l’établissement de rapports du commissaire aux comtes de la société. L’indicateur de la persistance sur deux exercices annuels de pertes d’exploitation renvoie à la notion de difficultés économiques au sens de l’article L. 1233-3 1° du code du travail susvisé. Le bilan de l’exercice 2020, suivant le licenciement de Mme [I] permet également de constater la reprise d’un résultat positif en fin d’exercice 2020 à hauteur de 28 6955 €.

Les contestations de Mme [I] n’emportent pas la conviction de la cour ; en effet elle fait état de prestations fictives et de ‘combines’ sans produire les éléments permettant de les établir : la production d’un mail du 8 octobre 2019 émanant de Mme [I] au terme duquel elle détaille le montant total des factures dues par CAM à l’association CRIC et à la société Cric Appareillage et Mobilité est sans valeur probatoire en l’absence de toute pièce comptable confirmant ces montants ; la pièce 35 est un mail du 5 février 2019 de Mme [I] relatif au tableau budgétaire, aux résultats 2018 et au prévisionnel 2019 qui sollicite des pièces complémentaires pour établir un prévisionnel non versé aux débats par l’intimée ; les pièces 36 et 37 intitulées : ‘tableaux de bord de Mme [I] pour l’année 2019 et tableau du solde intermédiaire de gestion réel 2018-prévisionnel 2019″ sont, pour la première, une pièce issue d’un logiciel ne permettant pas à la cour d’opérer son contrôle et, pour la seconde, un tableau confidentiel difficilement lisible qui ne permet pas de contredire les pièces comptables certifiées par le commissaire aux comptes de la société.

Si Mme [I] établit par plusieurs attestations de chauffeurs et de la responsable du suivi qualité qu’elle était seule en charge de la gestion administrative des tournées des chauffeurs et que ces derniers n’avaient pas de contact avec M. [V] qui occupait au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité l’emploi de gestionnaire transport, pour autant la société appelante n’est pas valablement contredite quand elle soutient que cette embauche avait permis l’attribution à la société Cric Appareillage et Mobilité de la tournée de l’Oncopole en raison du fait qu’il était, au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité le seul titulaire de la capacité transport permettant l’attribution de cette tournée, Mme [I] n’établissant pas qu’elle en était titulaire, et qu’il avait eu en charge la création des tournées et s’occupait des problèmes techniques des véhicules de sorte que sa prétention relative au caractère fictif de ce contrat de travail sera rejetée.

La cour estime que les difficultés économiques justifiant la suppression du poste de responsable de la société Cric Appareillage et Mobilité occupé par Mme [I] sont établies et qu’elles constituent une cause réelle et sérieuse de son licenciement pour motif économique ; elle confirmera sur ce point le jugement entrepris.

L’article L.1233-4 du code du travail dispose que le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que si tous les efforts de formation et d”adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel …

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En l’espèce, la lettre de licenciement fait état de l’absence de poste de reclassement ouvert et de l’impossibilité de trouver d’autre solution de reclassement.

La société Cric Appareillage et Mobilité verse aux débats les registres du personnel de l’association CRIC et de son registre du personnel qui permettent à la cour de vérifier :

– qu’aucun poste n’a été pourvu au sein de l’association CRIC à l’époque de la recherche de reclassement,

– qu’un contrat à durée déterminée a bien été renouvelé le 29 novembre 2019 au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité à l’époque de la recherche de reclassement, la salariée Mme [Y] ayant quitté les effectifs le 31 mars 2020.

Devant la cour, la société Cric Appareillage et Mobilité produit le contrat à durée déterminée initial de Mme [Y] et l’avenant de renouvellement du 29 novembre 2019 ainsi que le curriculum vitae de cette dernière qui permettent de déterminer que Mme [Y] a vu son contrat à durée déterminée à temps partiel renouvelé pour 4 mois le 29 novembre 2019 sur un poste de technicien qualifié, Mme [Y] étant orthoprothésiste .

La cour estime que la société CRIC ne peut être critiquée pour ne pas avoir proposé à Mme [I], cadre responsable de sa structure, chargée de fonctions administratives un reclassement sur un emploi de technicien spécialisé en orthoprothèse, Mme [I] n’ayant pas les compétences techniques pour occuper cet emploi de technicien qualifié.

Elle constate qu’aucun autre poste de reclassement n’était disponible au sein du groupe de reclassement composé de l’association CRIC et de la société Cric Appareillage et Mobilité pour permettre le reclassement de Mme [I] dans les conditions prévues à l’article L. 1233-4 susvisé de sorte qu’elle estime que la société Cric Appareillage et Mobilité n’a pas manqué à son obligation de reclassement, infirmant le jugement entrepris qui a déclaré le licenciement de Mme [I] sans cause réelle et sérieuse pour non respect par l’employeur de son obligation de reclassement.

Mme [I] sera en conséquence déboutée de ses demandes en paiement d’une indemnité de préavis et de congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse par infirmation du jugement dont appel.

Le jugement sera en revanche confirmé sur le rejet de la demande d’indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, Mme [I] ne soulevant aucun moyen au soutien de cette demande.

Sur les demandes liées au travail de Mme [I] pendant ses congés de maternité

Mme [I] soutient qu’il lui a été demandé de travailler pendant ses deux congés de maternité s’étant déroulés du 16 août au 31 décembre 2011 et du 23 mars au 15 juillet 2015 et que son employeur a ainsi contrevenu à l’article L. 1225-29 du code du travail interdisant l’emploi d’une salariée pendant la période de congé de maternité, a manqué à son obligation de sécurité et a commis également le délit civil de travail dissimulé de sorte qu’il lui sera alloué outre un rappel de salaire pour heures supplémentaires, des dommages et intérêts pour violation du statut protecteur de la femme enceinte et de la jeune maman et pour manquement à l’obligation de sécurité ainsi qu’une indemnité pour travail dissimulé.

La société Cric Appareillage et Mobilité s’y oppose, compte tenu de l’ancienneté des faits et de l’absence de tout décompte d’heures supplémentaires. Elle soulève la prescription des demandes en paiement d’heures supplémentaires et de la demande en paiement d’une indemnité de travail dissimulé et soutient que la demande d’indemnisation de la violation du statut protecteur a le même objet que celle fondée sur le manquement à l’obligation de sécurité.

Elle conteste tout manquement, expliquant que les échanges et interventions qui ont eu lieu pendant les congés de maternité l’ont été à la seule initiative de Mme [I] qui a fait le choix de poursuivre son activité pendant son congé sans s’en émouvoir avant l’introduction de l’instance prud’homale.

Mme [I] établit par la production de nombreux mails échangés avec ses collègues, et avec le directeur général adjoint de la société, M. [X], qu’elle a poursuivi son travail pendant ses deux congés de maternité du 16 août au 31 décembre 2011 et du 23 mars au 15 juillet 2015 ; peu importe que Mme [I] ait accepté de poursuivre son activité pendant ses deux congés de maternité, toujours est il que l’employeur en avait parfaitement connaissance, le nombre et la qualité de ses interlocuteurs permettant

d’établir ce fait.

La société Cric Appareillage et Mobilité est bien fondée à soulever la prescription de la demande en paiement d’un rappel de salaire pour heures supplémentaires, le délai de prescription de 3 ans de l’action en paiement de l’article L. 3245-1 qui avait commencé à courir à la date d’exigibilité des salaires étant expiré à la date de saisine du conseil de prud’hommes intervenue le 14 janvier 2020. La cour confirmera le jugement déféré sur ce point.

En revanche la demande en paiement d’une indemnité de travail dissimulé soumise à la prescription quinquennale de droit commun de l’article 2224 du code civil est recevable comme ayant été formée dans le délai de 5 ans de la date de la rupture du contrat de travail intervenue par lettre du 26 décembre 2019.

Mme [I] est bien fondée à soutenir que la société Cric Appareillage et Mobilité, venant aux droits de l’association CRIC, et en sa qualité d’employeur à compter de 2015, a ainsi violé l’article L. 1225-29 du code du travail qui interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement et qu’elle a également, en la laissant travailler pendant ses congés de maternité, manqué à son obligation d’assurer la sécurité de sa salariée et de protéger sa santé conformément à l’article L. 4121-1 du code du travail. Ces deux manquements sont à l’origine du même préjudice causé à la santé de la salariée privée de la possibilité de se reposer avant et après ses accouchements.

La société Cric Appareillage et Mobilité sera condamnée à payer à Mme [I], par infirmation du jugement entrepris, la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de ces manquements.

La société Cric Appareillage et Mobilité étant dans l’interdiction d’employer Mme [I] pendant ses congés de maternité, n’était pas autorisée à procéder au paiement de salaires et à la délivrance de bulletins de paie pendant lesdits congés de sorte qu’elle ne saurait être condamnée au paiement d’une indemnité de travail dissimulé ; le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts en raison des astreintes effectuées

Il résulte des attestations de la responsable du suivi qualité et des chauffeurs chargés du transport des malades en direction de l’Oncopole que Mme [I] assurait la prise en charge de la prestation navette confiée à la société Cric Appareillage et Mobilité et que Mme [I] pouvait être contactée du lundi au vendredi de 6 heures 45 à 21 heures 30, MM. [J], [B] et [R] et Mme [U] ajoutant que Mme [I] restait joignable même pendant ses congés.

La société Cric Appareillage et Mobilité qui soutient que ce travail de suivi faisait partie de son travail administratif et que Mme [I] n’a jamais été tenue d’exécuter d’astreinte ne contredit par aucune pièce les attestations circonstanciées des chauffeurs, se contentant de produire des attestations qui indiquent que Mme [I] était parfois absente et qu’elle allait chercher ses enfants en quittant le travail.

Mme [I] n’a jamais perçu d’indemnisation de ces astreintes matinales, nocturnes et effectuées pendant ses congés alors qu’elle a subi un préjudice résultant de sa disponibilité destinée à régler les difficultés signalées par les chauffeurs, y compris pendant ses congés et en dehors de ses heures de travail.

La cour allouera à Mme [I] en réparation de ce préjudice la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts, le jugement déféré étant infirmé sur le montant alloué à l’intimée de ce chef.

Sur les demandes de rappel de salaire et de rappel de prime

Mme [I] demande le paiement d’un rappel de salaire correspondant à une septième semaine de congés payés initialement allouée quand elle était salariée de l’association CRIC ainsi que d’un rappel de prime décentralisée de 3 % qu’elle percevait au sein de l’association et qui ne lui a plus été versée lors de son transfert au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité.

La société Cric Appareillage et Mobilité s’y oppose au motif que son transfert au sein de la société Cric Appareillage et Mobilité a été parfaitement négocié et accepté par elle et que l’augmentation substantielle du salaire alors réalisée ( 40 % ) ne lui permet plus de bénéficier des avantages conventionnels alloués alors qu’elle était au service de l’association.

Il résulte des explications des parties que la 7e semaine de congés payés et la prime décentralisée de 3 % lui ont été accordées par l’association CRIC en application de dispositions de la convention collective de 1951, laquelle régissait les relations de travail comme l’indique le contrat de travail liant les parties.

Le contrat de travail prévoit expressément le paiement de cette prime décentralisée de sorte que cet avantage s’est incorporé au contrat de travail.

Les bulletins de paie de Mme [I] remis par la société Cric Appareillage et Mobilité font également mention de l’application de cette convention collective de 1951 de sorte et que c’est à bon droit que Mme [I] sollicite le paiement d’un rappel de salaire correspondant à la 7ème semaine de congés payés qui lui était accordée lorsqu’elle était la salariée de l’association CRIC et de prime décentralisée incorporée au contrat de travail.

Le jugement dont appel qui lui a accordé le rappel de salaire et de prime sollicité sera confirmé de ces chefs.

Sur la demande de paiement des royalties sur le brevet d’invention

Mme [I] sollicite le paiement de la somme de 10 000 € en expliquant qu’elle a déposé et obtenu en son nom un brevet de porte bagages pour fauteuil roulant et s’acquitte des redevances annuelles dues à l’INPI afférentes à ce brevet alors que ledit brevet est exploité par la société Cric Appareillage et Mobilité. Elle soutient que la société Cric Appareillage et Mobilité a suspendu le versement des royalties sans raison valable et pour lui nuire de sorte qu’elle ne peut plus percevoir de pourcentage sur les ventes réalisées par son ancien employeur .

La société Cric Appareillage et Mobilité s’oppose à la demande, rappelant les dispositions de l’article L. 611-7 du code de la propriété intellectuelle régissant les inventions hors mission attribuables qui relèvent de la propriété du salarié et dont l’employeur peut se faire attribuer la propriété ou la jouissance sous certaines conditions .

Elle expose que ce sont les salariés qui sont les auteurs de l’invention du porte bagages pour fauteuil roulant et non Mme [I] qui était mandataire des correspondances de l’INPI ; la déclaration d’invention a été faite sur papier à en-tête de l’entreprise et Mme [I] ne verse aucune réponse de la société Cric Appareillage et Mobilité à cette déclaration d’invention. La société Cric Appareillage et Mobilité n’a jamais versé de redevances pour cette invention ; c’est Mme [I] qui les a versées après avoir déposé le brevet à l’insu de la société.

Mme [I] démontre par les pièces versées aux débats qu’elle a déclaré à la société Cric Appareillage et Mobilité, conformément à l’article L. 611-7 et aux articles R 611-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction applicable à l’espèce, une invention de dispositif de porte bagage pour fauteuil roulant réalisé selon attestation de M. [L], salarié de l’atelier, par le personnel de ce dernier, suivant lettre du 4 mai 2016 qu’elle a envoyée au directeur du Cric Appareillage et Mobilité aux fins de déterminer si le dépôt de l’invention était effectué au nom de Cric Appareillage et Mobilité.

Elle ne démontre pas que la société Cric Appareillage et Mobilité ait répondu à cette demande du 4 mai 2016 ou que cette dernière ait souhaité s’attribuer le droit d’attribution du brevet dans les conditions prévues à l’article R. 611-7 susvisé de sorte que l’invention hors mission est restée la propriété de Mme [I] qui ne justifie pas que la société Cric Appareillage et Mobilité se soit acquittée des redevances auprès de l’INPI dont elle produit les reçus émis à son nom et à son adresse personnelle par cet institut.

Il en résulte que, si Mme [I] établit que la société Cric Appareillage et Mobilité a fourni des porte bagages à deux clients dont la SNCF, elle ne démontre pas que son ancien employeur ait décidé d’exercer son droit d’attribution du brevet et soit en conséquence débiteur des redevances dues à l’INPI, ce qui justifie le rejet de sa demande par infirmation du jugement dont appel.

Sur le surplus des demandes

La condamnation de la société Cric Appareillage et Mobilité à la remise de documents sociaux rectifiés sans astreinte sera confirmée.

La société Cric Appareillage et Mobilité qui perd partiellement le procès sera condamnée aux dépens et à payer à Mme [I] la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le jugement déféré étant confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Rejette la fin de non recevoir tirée de la prescription de la demande en paiement d’une indemnité de travail dissimulé,

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a :

– déclaré prescrites les demandes en paiement de rappel de salaire pendant les congés de maternité,

– débouté Mme [N] [I] de ses demandes au titre du défaut de procédure et d’une indemnité pour travail dissimulé,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser à Mme [I] la somme de 2 415,50 € au titre de la 7ème semaine de congés payés et la somme de 3 762,72 € au titre de rappel de la prime décentralisée,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à remettre les document sociaux modifiés à Mme [I] mais sans assortir la demande d’une astreinte,

– condamné la société Cric Appareillage et Mobilité à verser la somme de 1 500,00 € à Mme [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

Infirme le jugement déféré sur le surplus,

statuant à nouveau des chefs infirmés, et, y ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [I] repose sur une cause réelle et sérieuse,

Déboute Mme [I] de sa demande en paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Cric Appareillage et Mobilité à payer à Mme [I] les sommes suivantes :

– 10 0000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’interdiction de faire travailler une femme pendant son congé de maternité et violation de l’obligation de sécurité,

– 5 000 € à titre d’indemnisation des astreintes,

Déboute Mme [I] de sa demande en paiement de 10 000 € au titre des royalties liées au brevet d’invention déposé par Mme [I],

Condamne la société Cric Appareillage et Mobilité à payer à Mme [I] la somme de 2 500 € en remboursement des frais irrépétibles de l’instance d’appel,

Condamne la société Cric Appareillage et Mobilité aux dépens d’appel.

Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière de chambre.

LA GREFFI’RE LA PR”SIDENTE

C. DELVER S. BLUM”

.

 


Chat Icon