Aide juridictionnelle et appel : les délais à respecter

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Aide juridictionnelle et appel : les délais à respecter

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Attention aux délais de l’appel en cas de demande d’aide juridictionnelle : une nouvelle irrecevabilité a été retenue par les juridictions. Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée

 


Selon l’article 43 alinéa 1 et 2 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 :

« Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° De la notification de la décision d’admission provisoire ;

2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° et 4° du présent article. »

Il faut déduire de ce texte, selon lequel les délais relatifs au dépôt des conclusions ont été inclus parmi ceux susceptibles d’être suspendus par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, que seules les actions en justice, les voies de recours et les conclusions sont suspendues par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle. Or le dépôt de la requête en autorisation d’assigner à jour fixe prévu aux articles 917 et 919 du code de procédure civile ne constitue pas un recours, mais une condition de recevabilité de l’appel en procédure à jour fixe. La déclaration d’appel et la requête en autorisation d’assigner à jour fixe ne constituent pas les deux éléments constitutifs du recours qu’est l’appel en procédure à jour fixe. Au demeurant, la jurisprudence considère que, en procédure à jour fixe, seule la déclaration d’appel saisit la cour et que le dépôt d’une requête en assignation à jour fixe auprès du premier président combiné avec la délivrance de l’assignation à l’intimé ne saisissent pas la cour en l’absence de déclaration d’appel (2ème Civ. 11 janv. 1979, n°77-15.671, Bull. n°15). Par conséquent le délai de huit jours de l’article 919 du code de procédure civile n’est pas un délai de recours au sens de l’article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.

Cependant l’appelante invoque un arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 6 juin 2019 (n°18-11.668) au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, aux termes duquel :

« Le délai d’appel n’étant pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle en application de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi sur l’aide juridique, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016, le droit de l’appelant à l’assistance effective d’un avocat imposait que le délai de huit jours pour déposer la requête à fin d’autorisation d’assigner à jour fixe, prévue à l’article 919 du code de procédure civile, (‘), fût interrompu par la demande d’aide juridictionnelle. »

Toutefois cet arrêt précise que cette solution s’applique à l’état du droit antérieur à celui résultant du décret susmentionné du 27 décembre 2016, dans lequel le délai d’appel n’était pas interrompu par une demande d’aide juridictionnelle, le droit à l’assistance effective d’un avocat n’étant alors pas suffisamment garanti au regard de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. C’est précisément cet état du droit antérieur qui a motivé cette solution d’exception.

A l’inverse, sous l’empire dudit décret du 27 décembre 2016 puis du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, les délais de recours sont interrompus par une telle demande, ce qui garantit suffisamment le droit d’accès au juge d’appel et à l’assistance d’un avocat, sans qu’il y ait lieu, pour en assurer l’exercice effectif, d’interrompre, en outre, le délai de huitaine de l’article 919 précité.

Tel est bien le cas en l’espèce, l’appel ayant été formé postérieurement au décret du 28 décembre 2020 relatif à l’aide juridictionnelle, qui prévoit cette suspension du délai de recours en son article 43 précité.


 

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 10

ARRÊT DU 17 MAI 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 22/16976 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPNV

Décision déférée à la cour :

Jugement du 14 septembre 2022-Juge de l’exécution d’EVRY-RG n° 22/00049

APPELANTE

Madame [I] [K]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Plaidant par Me Leonardo BRIJALDO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0734

INTIMEE

Madame [J] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Charlotte GUITTARD de la SCP DAMOISEAU ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 5 avril 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre

Madame Catherine LEFORT, conseiller

Monsieur Raphaël TRARIEUX, conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER lors des débats : Monsieur Grégoire GROSPELLIER

ARRÊT

-contradictoire

-par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Bénédicte PRUVOST, président de chambre et par Monsieur Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

Selon commandement de payer aux fins de saisie immobilière du 2 mai 2016, publié le 17 juin 2016 au service de la publicité foncière de [Localité 5] volume 2016 S n°9, Mme [J] [Y] a introduit une procédure de saisie immobilière à l’encontre de Mme [I] [K] sur les biens lui appartenant à [Localité 4]) en exécution des neuf décisions suivantes :

un jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Evry le 23 mars 1998,

un jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry le 15 mai 2001,

un arrêt rendu par la 8ème chambre section B de la cour d’appel de Paris le 14 mars 2002,

un jugement rendu par le juge de l’exécution du tribunal de grande instance d’Evry du 26 novembre 2002,

un jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Evry le 2 décembre 2002,

un arrêt rendu par la 2ème chambre section B de la cour d’appel de Paris le 21 octobre 2004,

un arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 1er juillet 2004 ;

un jugement rendu par le tribunal de grande instance d’Evry le 11 juin 2007,

un arrêt rendu par la 2ème chambre section B de la cour d’appel de Paris le 26 février 2009.

Par acte d’huissier du 12 août 2016, Mme [Y] a fait assigner Mme [K] à l’audience d’orientation devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Evry.

Par jugement du 23 mai 2018, le juge de l’exécution a prorogé une première fois les effets du commandement de payer valant saisie.

Par jugement du 3 août 2018, le juge de l’exécution a ordonné la suspension des poursuites du fait de la décision du 24 juillet 2018 déclarant recevable la demande de Mme [K] tendant au bénéfice de la procédure de surendettement.

Par décision du 12 décembre 2018, la commission de surendettement a préconisé des mesures de rééchelonnement des créances sur une durée de 24 mois et les a subordonnées à la vente amiable du bien immobilier de Mme [K], d’une valeur estimée à 280.000 euros, et à la réalisation de son épargne d’un montant de 80.000 euros.

Par jugement du 15 mai 2020, le tribunal de proximité de Palaiseau a rejeté les contestations formées par Mme [K] à l’encontre de cette décision. Mme [K] s’est désistée le 13 octobre 2021 de l’appel qu’elle avait formé à l’encontre de ce jugement.

Par jugement du 17 juin 2020, le juge de l’exécution a, à nouveau, prorogé les effets du commandement de payer valant saisie immobilière.

Par conclusions du 22 février 2022, Mme [Y] a sollicité le rétablissement de l’affaire au rôle.

Par jugement du 14 septembre 2022, le juge de l’exécution a notamment :

mentionné la créance de Mme [Y] au titre des titres exécutoires précités outre un jugement du tribunal de proximité de Palaiseau du 15 mai 2020, à hauteur d’une somme totale de 307.445,38 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2020 ;

ordonné la vente forcée des biens visés aux commandements de payer valant saisie immobilière ;

fixé la date de l’audience d’adjudication au 23 novembre 2022,

fixé les modalités de visite du bien et de publication,

dit que les dépens seront considérés comme des frais de poursuite.

Pour déclarer la procédure de saisie immobilière régulière, le juge de l’exécution a retenu que Mme [K] n’avait jamais contesté avoir accepté la succession de sa mère, de sorte qu’en vertu de l’article 785 du code civil, elle devait répondre indéfiniment des dettes et charges qui en découlent ; que, contrairement à ce qu’elle soutenait, le décès de sa mère n’avait pas entraîné l’extinction de la dette de celle-ci ; que Mme [K] faisait une confusion entre les obligations de faire mises à la charge de Mme [H] et les condamnations pécuniaires, entrées dans l’assiette de la succession ; qu’enfin, le tribunal de proximité de Palaiseau, dans son jugement du 15 mai 2020, devenu définitif par suite du désistement d’appel de Mme [K], avait été amené à confirmer la validité de la créance de Mme [Y] et à en fixer le montant.

Sur l’orientation de la procédure, il a estimé que Mme [K] ne faisait preuve d’aucune volonté de vendre son bien à l’amiable, de sorte qu’il a ordonné la vente forcée.

Selon déclaration du 30 septembre 2022, Mme [K] a interjeté appel de cette décision.

Le 3 octobre suivant, elle a déposé une demande d’aide juridictionnelle. Le bureau d’aide juridictionnelle a statué par décision du 4 novembre suivant, lui accordant le bénéfice de l’aide juridictionnelle partielle.

Par message Rpva du 26 octobre 2022, la cour a fixé l’affaire à bref délai selon la procédure de l’article 905 du code de procédure civile et invité les parties à présenter leurs observations dans le délai d’un mois sur la recevabilité de l’appel au regard des dispositions de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, dont il résulte que l’appel des jugements d’orientation relève de la procédure à jour fixe.

Le 3 novembre suivant, Mme [K] a déposé une requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe, qui a été rejetée par le président de chambre délégataire du premier président, par ordonnance du 9 novembre 2022, pour avoir été déposée au-delà du délai de huit jours prévu à l’article 919 alinéa 2 du code de procédure civile. Par ordonnance du 17 novembre 2022, le même magistrat a dit n’y avoir lieu, au vu des pièces produites, à rétractation de son ordonnance du 9 novembre précédent.

Par message Rpva du 9 décembre 2022, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations sur la recevabilité des conclusions au regard des dispositions de l’article 905-2 du code de procédure civile. Mme [Y] a répondu à cette demande d’observations en soulevant l’irrecevabilité de l’appel formé contre un jugement d’orientation sans respect de la procédure d’assignation à jour fixe et en rappelant que la demande d’aide juridictionnelle n’interrompt pas les délais d’appel lorsqu’elle est présentée postérieurement à la déclaration d’appel.

Par ordonnance du 5 janvier 2023, le conseiller désigné par le premier président a déclaré l’intimée irrecevable à conclure.

Par dernières conclusions signifiées le 15 mars 2023, Mme [K] demande à la cour de :

juger son appel recevable,

infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

A titre principal,

juger inopposables à son encontre les titres exécutoires sur lesquels Mme [Y] entend fonder sa créance,

annuler en conséquence le commandement de payer valant saisie immobilière du 2 mai 2016 et ordonner sa mainlevée,

prononcer la nullité de la procédure de saisie immobilière subséquente,

A titre subsidiaire,

juger inopposable la créance d’intérêts alléguée par Mme [Y] à son encontre,

A titre très subsidiaire,

déclarer la créance d’intérêts prescrite au-delà des cinq années précédant la demande de Mme [Y],

juger que les intérêts dus en vertu du jugement du juge de l’exécution du 23 mars 1998 ne sauraient excéder la somme de 913,41 euros,

juger que les intérêts dus en vertu du jugement du juge de l’exécution du 15 mai 2001 ne sauraient excéder la somme de 55.413,92 euros,

fixer la créance de Mme [Y] à la somme totale de 204.469,92 euros,

A titre plus subsidiaire,

autoriser la vente amiable de son bien au prix de 500.000 euros et lui accorder un délai de douze mois pour la mettre en ‘uvre,

condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts,

condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 5000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont le recouvrement sera poursuivi par Me François Teytaud, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Sur la recevabilité de son appel, Mme [K] fait valoir qu’elle a déposé une demande d’aide juridictionnelle le 3 octobre 2022 ; que le principe de l’interruption du délai de 8 jours de l’article 919 du code de procédure civile par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle a été posé par un arrêt rendu le 6 juin 2019 par la Cour de cassation, non remis en cause à ce jour, d’autant plus d’actualité qu’il a été rendu au visa de l’article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ; que si le président de la chambre a rejeté sa requête en assignation à jour fixe, c’est sans doute en prenant en compte que la demande d’aide juridictionnelle datait du 3 novembre, alors qu’elle datait du 3 octobre 2022 ; que le délai de 8 jours ayant été interrompu par le dépôt de sa demande d’aide juridictionnelle, elle était autorisée à déposer sa requête dans les 8 jours de la décision du bureau d’aide juridictionnelle datant du 4 novembre 2022.

Au fond, elle conteste que le tribunal de proximité de Palaiseau ait pu statuer sur le titre exécutoire constatant la créance dont se prévaut Mme [Y], cette juridiction n’ayant été saisie par elle qu’à fin de contestation des mesures préconisées par la commission de surendettement.

Elle soulève la nullité, qu’elle estime être de fond, du commandement de payer valant saisie immobilière faute de signification à son égard des titres exécutoires rendus contre sa mère, en violation des dispositions de l’article 877 du code civil, cette nullité entraînant celle de son assignation à l’audience d’orientation et du jugement d’orientation entrepris.

A titre subsidiaire, elle soulève la prescription quinquennale des intérêts au taux légal calculés sur plus de 15 ans, en l’absence d’acte interruptif de prescription depuis 2009, et le défaut de signification des décisions dont l’exécution est poursuivie, également en violation de l’article 877 du code civil. Elle estime que les dépens sont soumis à la même prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil. Enfin elle prétend s’être acquittée du règlement des condamnations du jugement du 11 juin 2007 et de l’arrêt du 26 février 2009.

A titre plus subsidiaire, elle souligne le caractère déraisonnable des conditions d’adjudication retenues et que la vente amiable serait de l’intérêt des deux parties.

A l’audience de plaidoirie et par message RPVA du 5 avril 2023, la cour a invité les parties à faire valoir leurs observations sur le moyen, soulevé d’office en cas de recevabilité de l’appel, tiré de l’application de l’article R. 311-5 du code des procédures civiles d’exécution.

Par note en délibéré notifiée le 12 avril 2023, Mme [K] soutient avoir déjà soulevé devant le premier juge la nullité du « commandement valant saisie-vente » pour inopposabilité à son égard des titres exécutoires rendus à l’encontre de sa mère et, par suite, absence de titre exécutoire détenu par Mme [Y] à son égard.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel

Il résulte des articles R. 311-7 et R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution que, à peine d’irrecevabilité devant être prononcée d’office, l’appel du jugement d’orientation doit être formé selon la procédure à jour fixe.

Conformément aux dispositions de l’article 919 du code de procédure civile, la requête tendant à voir fixer le jour où l’affaire sera appelée par priorité doit être présentée au plus tard dans les huit jours de la déclaration d’appel.

Or en l’espèce, Mme [K] a formé appel par déclaration du 30 septembre 2022 et déposé le 3 novembre suivant sa requête aux fins d’être autorisée à assigner à jour fixe, soit au-delà du délai de huitaine.

Certes elle avait déposé une demande d’aide juridictionnelle le 3 octobre. Cependant, selon l’article 43 alinéa 1 et 2 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 :

« Lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :

1° De la notification de la décision d’admission provisoire ;

2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;

3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;

4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.

Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° et 4° du présent article. »

Il faut déduire de ce texte, selon lequel les délais relatifs au dépôt des conclusions ont été inclus parmi ceux susceptibles d’être suspendus par le dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, que seules les actions en justice, les voies de recours et les conclusions sont suspendues par le dépôt de la demande d’aide juridictionnelle. Or le dépôt de la requête en autorisation d’assigner à jour fixe prévu aux articles 917 et 919 du code de procédure civile ne constitue pas un recours, mais une condition de recevabilité de l’appel en procédure à jour fixe. La déclaration d’appel et la requête en autorisation d’assigner à jour fixe ne constituent pas les deux éléments constitutifs du recours qu’est l’appel en procédure à jour fixe. Au demeurant, la jurisprudence considère que, en procédure à jour fixe, seule la déclaration d’appel saisit la cour et que le dépôt d’une requête en assignation à jour fixe auprès du premier président combiné avec la délivrance de l’assignation à l’intimé ne saisissent pas la cour en l’absence de déclaration d’appel (2ème Civ. 11 janv. 1979, n°77-15.671, Bull. n°15). Par conséquent le délai de huit jours de l’article 919 du code de procédure civile n’est pas un délai de recours au sens de l’article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.

Cependant l’appelante invoque un arrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 6 juin 2019 (n°18-11.668) au visa de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, aux termes duquel :

« Le délai d’appel n’étant pas interrompu par la demande d’aide juridictionnelle en application de l’article 38 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi sur l’aide juridique, dans sa version antérieure au décret du 27 décembre 2016, le droit de l’appelant à l’assistance effective d’un avocat imposait que le délai de huit jours pour déposer la requête à fin d’autorisation d’assigner à jour fixe, prévue à l’article 919 du code de procédure civile, (‘), fût interrompu par la demande d’aide juridictionnelle. »

Toutefois cet arrêt précise que cette solution s’applique à l’état du droit antérieur à celui résultant du décret susmentionné du 27 décembre 2016, dans lequel le délai d’appel n’était pas interrompu par une demande d’aide juridictionnelle, le droit à l’assistance effective d’un avocat n’étant alors pas suffisamment garanti au regard de l’article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. C’est précisément cet état du droit antérieur qui a motivé cette solution d’exception.

A l’inverse, sous l’empire dudit décret du 27 décembre 2016 puis du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, les délais de recours sont interrompus par une telle demande, ce qui garantit suffisamment le droit d’accès au juge d’appel et à l’assistance d’un avocat, sans qu’il y ait lieu, pour en assurer l’exercice effectif, d’interrompre, en outre, le délai de huitaine de l’article 919 précité.

Tel est bien le cas en l’espèce, l’appel ayant été formé postérieurement au décret du 28 décembre 2020 relatif à l’aide juridictionnelle, qui prévoit cette suspension du délai de recours en son article 43 précité.

En outre, il convient de souligner que, en l’occurrence, le droit de Mme [K] à l’assistance d’un avocat a été effectif puisque celle-ci a formé sa déclaration d’appel par l’intermédiaire de son avocat de première instance, le 30 septembre 2022 dans le délai légal d’appel ; que le récépissé de dépôt de la demande d’aide juridictionnelle du 3 octobre 2022 mentionne expressément que Mme [K] avait d’ores et déjà choisi, à cette date, l’avocat dont elle demandait la désignation et qui l’a assistée ensuite durant le reste de la procédure ; enfin que la décision octroyant à Mme [K] l’aide juridictionnelle partielle date du 4 novembre 2022, alors que l’avocat désigné en aide juridictionnelle a déposé sa requête aux fins d’autorisation d’assigner à jour fixe le 3 novembre 2022, soit la veille de la décision d’aide juridictionnelle.

Par application des dispositions combinées des articles R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution, 919 alinéa 2 du code de procédure civile et 43 du décret du décret n°2020-1717 du 28 décembre 2020, l’appel doit donc être déclaré irrecevable.

Sur les demandes accessoires

L’issue du litige commande la condamnation de Mme [K] aux dépens d’appel, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile, et le débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable l’appel formé par Mme [I] [K] ;

Déboute Mme [I] [K] de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [I] [K] aux dépens d’appel.

Le greffier, Le président,

 


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