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L’exploitation commerciale d’un signe pour désigner un produit permet de s’opposer à son dépôt à titre de marque par un tiers (action en dépôt frauduleux). La preuve de l’exploitation peut être rapportée par des publications sur Facebook.
Aux termes de l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, «Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.”
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement.
Il est constant qu’un dépôt de marque est entaché de fraude an sens de ces dispositions lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité, et que l’action ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve de l’existence d’intérêts sciemment méconnus par le déposant.
Les marques litigieuses ne différent des signes antérieurs que par l’absence d’espace entre les termes « time » et « out » d’une part et « black » et « out » d’autre part et sont donc en conséquence très fortement similaires voir identiques, ce qui n’est pas contesté.
Au regard de l’ensemble de ces éléments il y a lieu de considérer que la société La Choulette a procédé au dépôt des marques litigieuses en ayant connaissance des signes « TIME OUT » et « BLACK OUT » antérieurement utilisés par la société BMC pour commercialiser des bières sous ces appellations, et ce dans l’intention de priver cette dernière de signes nécessaires à son activité.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que les dépôts par la société La Choulette des marques françaises «Timeout» n°4438924 et «Blackout » n°4438929 étaient frauduleux et en a ordonné le transfert de propriété à la société BMC.
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 12 MAI 2023
(n°75, 8 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 21/00586 – n° Portalis 35L7-V-B7F-CC4VC
Décision déférée à la Cour : jugement du 26 novembre 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre 1ère section – RG n°19/05470
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.R.L. BRASSERIE LA CHOULETTE, agissant en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 3]
Immatriculée au rcs de Valenciennes sous le numéro 339 398 752
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque D 2090
Assistée de Me Vianney MESSENNE plaidant pour la SELARL VIVALDI AVOCATS, avocat au barreau de LILLE
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.R.L. BE MORE CREATIVE, prise en la personne de ses co-gérants en exercice, MM. [U] [Z], [I] [M] et [E] [N] [P], domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Versailles sous le numéro 811 394 626
Représentée par Me Emilie TADEO, avocate au barreau de PARIS, toque C 752
Assistée de Me Krystelle BIONDI, avocate au barreau de PARIS, toque G 850
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a :
– débouté la société Be More Creative (BMC) de sa demande de rejet des pièces n°17, 18, 21, 31 à 37 communiquées par la société La Choulette,
– ordonné le transfert de la propriété des marques françaises «Timeout » n°4438924 et « Blackout » n°4438929 de la société La Choulette pour tous les produits qu’elles désignent à leur enregistrement à la société Be More Creative (BMC),
– ordonné à l’initiative de la partie la plus diligente la communication de la présente décision à l’INPI pour inscription sur ses registres,
– condamné la société La Choulette à payer à la société Be More Creative (BMC) 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la concurrence déloyale,
– interdit à la société La Choulette de faire usage, à quelque titre que ce soit, du signe «Blackout », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, et ce, pour une durée de six mois,
– ordonné à la société La Choulette de retirer de tous ses circuits de commercialisation, physique et internet, la référence de bière « Blackout », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, et ce, pour une durée de six mois,
– dit que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes éventuelles,
– dit n’y avoir lieu à publication du jugement,
– condamné la société La Choulette à payer à la société Be More Creative (BMC) 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société La Choulette aux dépens,
– rejeté le surplus des demandes,
– ordonné l’exécution provisoire du jugement, sauf en ce qui concerne la mesure de transfert de la propriété des marques françaises « Timeout » n°4438924 et « Blackout » n°4438929,
Vu l’appel interjeté le 3 janvier 2021 par la société SARL Brasserie la Choulette,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 septembre 2021 par la société SARL Brasserie la Choulette, appelante et intimée à titre incident, qui demande à la cour de :
– déclarer recevable et fondée la concluante en son appel,
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 26 novembre 2020,
Et statuant à nouveau,
– rejeter des débats les pièces n° 3, 4, 14-1, 14-2, 15-1, 15-2, 16, 17, 23 et 24 communiquées par la société Be More Creative à l’appui de ses conclusions,
– débouter la société Be More Creative de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– condamner la société Be More Creative à verser à la société La Choulette la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Be More Creative aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Pascale Flauraud, conformément aux dispositions de l’article 69 du code de procédure civile,
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique 23 novembre 2022 par la société SARL Be More Creative, intimée et appelante à titre incident, qui demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 26 novembre 2020 sauf en ce qu’il a :
– débouté la société Be More Creative (BMC) de sa demande fondée sur l’interdiction de l’usage de la dénomination « Time out »,
– débouté la société Be More Creative (BMC) de sa demande fondée sur les actes de parasitisme de la société Brasserie La Choulette,
-débouté la société Be More Creative (BMC) de sa demande fondée sur le préjudice issu de la fraude et des actes de parasitisme,
– débouté la société Be More Creative (BMC) de sa demande fondée sur la publication judiciaire,
– débouter la société Brasserie La Choulette de l’ensemble de ses demandes,
Et statuant à nouveau,
– écarter les pièces 64 à 75 communiquées par la société Brasserie La Choulette,
– juger que la société Brasserie La Choulette a commis des actes de parasitisme,
– interdire à la société Brasserie La Choulette de faire usage de la dénomination
« Timeout », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir dès le délibéré de la cour,
– condamner la société Brasserie La Choulette à verser à la société Be More Creative (BMC) la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice issu de la fraude,
– condamner la société Brasserie La Choulette à verser à la société Be More Creative (BMC) la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice issu des actes de parasitisme,
– ordonner la publication de l’arrêt à intervenir dans son intégralité ou son dispositif sur la page d’accueil du site internet de la société Brasserie La Choulette : https://www.la choulette.com pendant trois mois à compter du délibéré à intervenir,
En tout état de cause,
– ordonner à la société Brasserie La Choulette de communiquer l’ensemble des documents comptables relatifs à la commercialisation de la bière « Blackout » depuis son lancement et jusqu’au délibéré de l’arrêt à intervenir,
– condamner la société Brasserie La Choulette à verser à la société Be More Creative (BMC) la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Krystelle Biondi,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 15 décembre 2022,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
Il sera simplement rappelé que la société Be More Creative (ci-après la société BMC), immatriculée le 15 mai 2015 au registre du commerce et des sociétés de Versailles, a pour activité la fabrication et la vente de boissons fermentées et toutes opérations et activités s’y rapportant ainsi que l’organisation d’événements et la restauration.
Elle indique exploiter la brasserie O’Clock Brewing, commercialiser une vingtaine de bières différentes en France, et être connue sur le marché de la bière et auprès des professionnels du secteur, participant à plusieurs salons et foires spécialisés.
La société BMC propose notamment à la vente des bières dénommées « TIME OUT » et « BLACK OUT » qui feraient partie des références les plus demandées depuis 2016.
La société Brasserie la Choulette (ci-après dénommée la société La Choulette), immatriculée le 7 novembre 1986 au registre du commerce et des sociétés de Valenciennes, commercialise également des bières.
Elle a déposé le 21 mars 2018 :
– la marque verbale française « timeout » enregistrée sous le n°4438924 le 28 septembre 2018 pour désigner notamment en classe 32 les bières.
– la marque verbale française « blackout» enregistrée sous n°4438029 le 17 août 2018 pour désigner notamment en classe 32 les bières.
Les demandes d’enregistrement de ces deux marques ont été publiées le 13 avril 2018.
La société BMC a formé opposition devant l’Institut National de la Propriété Industrielle à l’enregistrement des marques « timeout » et « blackout » le 30 mai 2018 en se prévalant de droits sur la marque antérieure non enregistrée « BLACK OUT» qu’elle considérait comme notoires au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris.
Le 12 juin 2018, l’INPI a notifié à la société BMC un projet de décision déclarant l’opposition à l’enregistrement de la marque « blackout » irrecevable, considérant que la société BMC ne démontrait pas la connaissance du signe antérieur « BLACK OUT » par une large fraction du public français au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris. Ce projet est devenu définitif.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 3 juillet 2018, le conseil de la société BMC a reproché à la société La Choulette un dépôt frauduleux des marques « timeout » et « blackout », cette dernière ayant eu connaissance, avant ce dépôt, de l’exploitation intensive des signes « TIME OUT » et « BLACK OUT» par la société BMC. Il demandait en conséquence à la société La Choulette de procéder au retrait des demandes d’enregistrement des marques « timeout » et « blackout » pour les produits visés en classes 32 et 33 et de ne pas exploiter ou commercialiser des bières revêtues de ces dénominations.
Par acte d’huissier de justice en date du 8 avril 2019, la société BMC a fait assigner la société La Choulette devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris, en dépôt frauduleux des marques « timeout » et « blackout » pour en obtenir le transfert de propriété ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitaire.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement du tribunal judiciaire de Paris dont appel.
Sur les demandes de rejet de pièces
La société La Choulette demande à la cour d’écarter des débats les pièces n° 3, 4, 14-1, 14-2, 15-1, 15-2, 16, 17, 23 et 24 communiquées par la société Be More Creative à l’appui de ses conclusions aux motifs qu’elles relatent des faits postérieurs à la date des dépôts de marques contestés soit au 21 mars 2018, ne sont pas datées ou encore ne sont pas probantes.
Toutefois, ces pièces ont été communiquées à l’appui de conclusions antérieures à l’ordonnance de clôture et sont soumises à l’appréciation de la cour dans le cadre des demandes formées par la société BMC ; il n’y a donc pas lieu de les écarter des débats comme sollicité.
La société BMC demande quant à elle d’écarter des débats les pièces 64 à 75 communiquées par la société La Choulette constituées d’attestations qui ne répondent pas aux exigences de l’article 202 du code de procédure civile.
Cependant, ces pièces ayant été également communiquées régulièrement, il appartient de la même manière à la cour d’en apprécier la force probante sans qu’il y ait lieu de les rejeter des débats.
En conséquence, les demandes respectives des parties tendant à voir rejeter des pièces adverses des débats doivent être rejetées.
Sur le dépôt frauduleux des marques « Timeout » et « Blackout » et la demande de transfert
Aux termes de l’article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle, «Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice.
A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l’action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d’enregistrement ».
Il est constant qu’un dépôt de marque est entaché de fraude an sens de ces dispositions lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité, et que l’action ne suppose pas la justification de droits antérieurs sur le signe litigieux mais la preuve de l’existence d’intérêts sciemment méconnus par le déposant.
En l’espèce, pour conclure à l’infirmation du jugement qui a ordonné le transfert des marques « timeout » et « blackout » au profit de la société BMC, la société La Choulette, appelante, fait valoir en substance que la fraude doit s’apprécier au moment du dépôt des marques en cause, soit en l’espèce au 21 mars 2018, qu’aucune des pièces produites par la société BMC ne démontre cette fraude, que ni la notoriété ni la simple connaissance des produits de la société BMC n’est établie, ladite société ayant une activité confidentielle, et qu’en conséquence elle n’avait pas elle-même, et ne pouvait pas avoir, connaissance des produits en cause, ajoutant que la société BMC n’est pas la seule brasserie en France à utiliser les dénominations « timeout » et/ou « blackout », qu’elle a suspendu tout lancement de sa bière sous cette dernière dénomination dans l’attente de l’issue du présent litige, aucun élément ne venant en outre démontrer qu’elle aurait cherché à nuire à la société BMC ou à la priver d’un signe nécessaire à son activité.
La société BMC réplique, également en substance, qu’elle utilise les dénominations « Time out » et « Black Out » sans discontinuité depuis 2016 sur tout le territoire national, que les parties exercent dans le même secteur d’activités, exploitent des produits identiques et les commercialisent par le biais des mêmes canaux de distribution, enfin que la société La Choulette n’exploite pas la dénomination « Timeout ».
La société BMC verse notamment aux débats :
– l’annonce faite le 8 janvier 2016 sur le compte Facebook de O’Clock Brewing de la sortie de la bière ‘TIME OUT’, avec une photographie de ladite bière,
-la publication de l’ensemble des bières commercialisées par la société BMC, comprenant les bières ‘TIME OUT’ et ‘BLACK OUT’ sur sa page Facebook du 17 décembre 2016,
– une page du site de bières ‘Untappd.com’ du 7 février 2016 intitulée ‘Black Out’ O’Clock Brewing comportant une note globale de 3,63 / 5 et accompagnée de photographies et d’un commentaire d’un internaute : ‘ (‘) is drinking a Black Out by O’Clock Brewing’,
– un avis publié le 9 septembre 2016 sur le compte Facebook d’un vendeur La Beerotek situé à [Localité 5], indiquant l’arrivée dans son magasin de la bière ‘Black Out’ de O’Clock Brewing, accompagné d’une photographie du produit,
-un article consacré à O’Clock Brewing dans le numéro 95 de « Bière Magazine », daté d’avril-mai juin 2017 et montrant des visuels des bières « TIME OUT » et « BLACK OUT ».
Ces éléments suffisent à rapporter la preuve de l’exploitation, sur le territoire français depuis 2016, par la société BMC exploitant la brasserie O’Clock Brewing des signes « TIME OUT » et « BLACK OUT » pour désigner des bières, et partant la preuve de la connaissance de ces signes par la société La Choulette dès lors que les parties exercent dans le même secteur d’activité, exploitent des produits identiques et les commercialisent par le biais des mêmes réseaux de distributions, notamment via internet, participant en outre régulièrement l’une et l’autre à des foires et salons professionnels.
La circonstance que l’INPI a rendu une décision d’irrecevabilité dans le cadre de la procédure d’opposition aux dépôts des marques litigieuses est indifférente à la solution du présent litige dont la cour est saisie.
La société La Choulette ne peut pas plus se prévaloir, pour contester sa connaissance des signes utilisés par la société BMC pour désigner ses produits, d’attestations de tiers qui, outre le fait qu’aucune ne respecte les conditions de l’article 202 du code de procédure civile, ne peuvent se substituer aux éléments de preuve de cette connaissance rapportés par la société BMC.
Par ailleurs, la société La Choulette reconnait n’avoir jamais exploité la marque « timeout » et ne justifie aucunement d’une communication sur sa nouvelle gamme « OUT » dont elle indique que les noms évoqueraient le terme « burnout » et/ou la science-fiction (sic).
Enfin l’argument selon lequel d’autres brasseries utiliseraient les mêmes dénominations pour désigner des bières est inopérant s’agissant en l’espèce d’apprécier le caractère frauduleux du dépôt des marques en cause dans le cadre du présent litige.
Les marques litigieuses ne différent des signes antérieurs que par l’absence d’espace entre les termes « time » et « out » d’une part et « black » et « out » d’autre part et sont donc en conséquence très fortement similaires voir identiques, ce qui n’est pas contesté.
Au regard de l’ensemble de ces éléments il y a lieu de considérer que la société La Choulette a procédé au dépôt des marques litigieuses en ayant connaissance des signes « TIME OUT » et « BLACK OUT » antérieurement utilisés par la société BMC pour commercialiser des bières sous ces appellations, et ce dans l’intention de priver cette dernière de signes nécessaires à son activité.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu’il a considéré que les dépôts par la société La Choulette des marques françaises «Timeout» n°4438924 et «Blackout » n°4438929 étaient frauduleux et en a ordonné le transfert de propriété à la société BMC.
Le préjudice de la société BMC issu de la fraude étant en l’espèce intégralement réparé par le transfert des marques litigieuses à son profit, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de dommages intérêts de ce chef.
Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Le principe de la liberté du commerce implique qu’un produit qui n’est pas l’objet de droits privatifs peut être librement reproduit et commercialisé à moins de la caractérisation d’un comportement déloyal constitutif d’une faute au sens de l’article 1240 du code civil.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
La demande en concurrence parasitaire présente un fondement délictuel et il incombe en conséquence à la société BMC de rapporter la preuve d’un agissement fautif de la société La Choulette commis à son préjudice par la captation des investissements consentis pour développer un produit phare.
S’agissant de la concurrence déloyale, la société BMC incrimine l’usage de la dénomination Black Out par la société appelante, identique ou similaire à la dénomination qu’elle utilise depuis 2016 pour désigner une de ses bières ainsi que la reprise « des éléments de packaging ».
La société La Choulette conteste la situation de concurrence entre les parties, la notoriété des bières commercialisées par la société BMC, la distinctivité du signe litigieux ainsi que toute ressemblance entre les packagings.
Les parties sont toutefois bien en situation de concurrence et s’adressent à une même clientèle en vendant notamment leurs produits sur internet. Il a été par ailleurs démontré que la société BMC exploite la dénomination « BLACK OUT » depuis 2016. Enfin cette dénomination présente un caractère arbitraire pour désigner une bière, la distinctivité du signe étant ici un critère inopérant.
Dés lors, en utilisant le signe « BlackOut » ou « BLACKOUT » similaire voire identique au signe premier, la société La Choulette a commis un acte qui dépasse les usages loyaux du commerce et partant un acte de concurrence déloyale au préjudice de la société BMC.
Les éléments de packaging qui auraient été repris par la société La Choulette ne sont pas ici décrits par la société BMC et les explications qui s’y rapportent figurent au chapitre de ses écritures consacré au parasitisme. Ils révèlent qu’au-delà d’une bouteille de bière, les étiquettes respectivement apposées sur les produits en cause, qui comportent de façon usuelle leur dénomination en leur centre, ne présentent aucune similitude de nature à entrainer une confusion dans l’esprit du consommateur. Ce grief ne peut donc prospérer.
Le jugement sera en conséquence confirmé du chef de la concurrence déloyale, y compris sur le quantum des dommages intérêts alloués en réparation, évalués à la somme de 5 000 euros, ce sans qu’il soit besoin d’ordonner la communication de pièces comptables supplémentaires.
S’agissant du parasitisme, aucun des éléments qui le caractérisent, tels que ci-dessus rappelés, n’est démontré par la société BMC qui invoque un dépôt frauduleux des marques litigieuses en connaissance de cause, déjà sanctionnée, ainsi que la reprise des éléments graphiques de l’étiquette de la bière « BLACK OUT » et de son logo, non caractérisée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes fondées sur le parasitisme.
Sur les autres demandes
Le transfert de la marque « timeout » a été ordonné au profit de la société BMC qui reconnait que ce signe n’est pas utilisé par la société La Choulette . Il n’y a donc pas lieu d’en interdire l’usage à la société La Choulette.
Le préjudice de la société BMC étant intégralement réparé par le transfert des marques litigieuses à son profit et les dommages intérêts alloués en réparation des actes de concurrence déloyale, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de publication du présent arrêt.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.
Partie perdante, la société La Choulette sera condamnée aux dépens d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Enfin la société BMC a dû engager en cause d’appel des frais non compris dans les dépens qu’il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge. Il y a lieu en conséquence de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans la mesure qui sera précisée au dispositif du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Déboute les parties de leurs demandes respectives de rejet de pièces.
Confirme le jugement rendu le 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la société Brasserie La Choulette à payer à la société Be More Creative la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.
Condamne la société Brasserie La Choulette aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente