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Une convention de délégation de service public (Musée, Galerie d’art …) doit impérativement encadrer la cession des droits sur la constitution des fonds photographiques. En effet, en cas de retour à la régie directe, ce fond photographique est qualifiable de biens de retour.
Le Conseil d’Etat a ainsi confirmé que les fonds photographiques et documentaires, constitués dans le cadre de l’exploitation sous forme de délégation de service public, avaient la nature de biens de retour, appartenant à la commune.
En l’occurrence, la ville de Toulouse va pouvoir récupérer un ensemble de plus de 1400 photographies d’artistes français et étrangers, ainsi que des stocks d’affiches (51906 affiches) constitués pendant plus de trente ans.
20/01/2023
ARRÊT N°42
N° RG 21/04752 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OPZM
PhD AC CD
Décision déférée du 09 Novembre 2021 – Tribunal de Grande Instance de Toulouse – 21/02930
Monsieur SAINATI
LA VILLE DE [Localité 8]
C/
Association PACE ‘ [6] AU [Adresse 4]
S.E.L.A.R.L. MAÎTRE [O] [V],
S.E.L.A.S. EGIDE EAU
Expertise
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
LA VILLE DE [Localité 8], représentée par son Maire en exercice, [C] [Y], dûment habilité domicilié en cette qualité
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée par Me Laurent DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE
Assistée par Me My-kim YANG PAYA de la SELAS SEBAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
Association PACE ‘ [6] AU [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 8]
S.E.L.A.R.L. MAÎTRE [O] [V], en qualité de « Administrateur judiciaire » de la « PACE ‘ [6] AU [Adresse 4] », désigné en cette qualité par jugement du Tribunal Judiciaire de Toulouse le 29 novembre 2019.
[Adresse 2]
[Localité 8]
SELAS EGIDE, prise en la personne de Maître [B] [K], es qualité de Mandataire Liquidateur de l’association PACE- [6] AU [Adresse 4]
[Adresse 1]
[Localité 8]
Représentée par Me Regis DEGIOANNI de la SCP GOGUYER-LALANDE DEGIOANNI PONTACQ, avocat au barreau d’ARIEGE
MP PG COMMERCIAL
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant P.DELMOTTE, magistrat chargé du rapport et V. SALMERON, présidente. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
P. DELMOTTE, conseiller
I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseillère
Greffier, lors des débats : A. CAVAN
ARRET :
— par défaut
— prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
— signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre.
Exposé du litige
Par une délibération du 28 avril 1978, la commune de [Localité 8](la commune) a créé le musée de [6] situé à [Adresse 4].
Jusqu’en 1985, la commune exploitait elle-même, en régie directe, la galerie.
A partir de 1985, la commune a délégué la gestion de la galerie, par plusieurs conventions successives, à l’association « [6] au [Adresse 4] » ( l’association ), la mission confiée à l’association, étant qualifiée de mission service public par la convention du 4 mai
1987 .
D’autres conventions ont ensuite été conclues en 1998, 2003, 2008 puis 2013 pour prolonger la mission de l’association.
La commune a ensuite décidé de résilier la dernière convention en vigueur et de reprendre la gestion de la galerie dans le cadre d’une régie directe à partir du 1 er janvier 2020.
Par jugement du 29 novembre 2019, publié au BODACC le 15 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Toulouse a ouvert la sauvegarde de l’association et a désigné la SELARL [O] [V] en qualité d’administrateur et la Selas Egide an qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 14 février 2020, la sauvegarde a été convertie en redressement judiciaire.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 février 2020, la commune a saisi l’administrateur d’une demande en revendication concernant les fonds photographiques et les oeuvres exposées dans la [Adresse 4] constituant, selon elle, des biens de retour.
L’administrateur a contesté cette revendication, estimant que les biens revendiqués dépendaient du patrimoine propre de l’association.
Par ordonnance du 5 octobre 2020, le juge-commissaire, saisi le 29 juin 2020 d’une requête en revendication, a notamment, sursis à statuer sur cette requête dans l’attente de la qualification des conventions conclues et des biens revendiqués et a enjoint la commune de saisir la juridiction compétente.
Par jugement du 2 février 2021, le tribunal administratif de
Toulouse a statué comme suit :
— article 1er : il est déclaré que les conventions conclues le 11 janvier 1985 et le 4 mai 1987 sont des marchés publics.
— article 2 : il est déclaré que les conventions conclues le 5 janvier 1998, le 6 janvier 2003, le 29 janvier 2008, ainsi que l’ensemble contractuel conclu à compter de 2013 sont des conventions d’objectifs et de moyens assorties de subventions.
— article 3 : le tribunal n’est pas en mesure de répondre à la question préjudicielle relative à la nature publique ou privée des biens dont il est demandé revendication devant le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Toulouse.
— article 4 : le surplus des demandes des parties est rejeté.
Par ordonnance du 1er juin 2021, le juge-commissaire a
— rejeté la demande de sursis à statuer formulée par la commune
— rejeté la demande d’inventaire complémentaire formulée par la commune
— débouté la commune de sa demande de revendication
— débouté l’association de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive
— condamné la commune à payer à l’association la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
— rejeté les autres demandes des parties
— condamné la commune aux dépens
Le 8 juin 2021, la commune a formé un recours contre cette ordonnance.
Par jugement du 12 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a converti le redressement judiciaire de l’association en liquidation judiciaire, la Selas Egide(le liquidateur) étant désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Par jugement du 9 novembre 2021, assorti de l’exécution provisoire, le tribunal judiciaire de Toulouse a
— dit n’y avoir lieu à surseoir à statuer
— débouté la commune de [Localité 8] de ses demandes
— débouté l’association de ses demandes reconventionnelles
— condamné la commune à payer à l’association la somme de 2000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 30 novembre 2021, la ‘Ville’ de [Localité 8](ci-après dénommée la commune) a relevé appel de cette décision.
Avis de fixation à bref délai a été délivré par le Greffe le 19 janvier 2022.
Par arrêt du 24 mars 2022, le Conseil d’Etat a annulé le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 2 février 2021 et a, notamment, déclaré que les conventions signées de 1983 à 2019 entre la commune et l’association pour l’exploitation du musée de [6] établi au sein de la [Adresse 4] ont le caractère de délégations de service public et que, par voie de conséquence, les fonds photographique et doculmentaire constitués dans le cadre de cette exploitation constituent des biens de retour, qui sont la propriété de la commune de Toulouse.
Vu les conclusions du 3 juin 2022 de la commune demandant à la cour
— d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et, par voie de conséqeunce, l’ordonnance du 1er juin 2021
— de constater et juger que par l’effet de la décision du Conseil d’Etat, les fonds documentaire et photographique, acquis durant la gestion du musée de [6] établi à la [Adresse 4] par l’association jusqu’au 31 décembre 2019, constituent des biens de retour au sens des dispositions de l’article L.3132-4 du code de la commande publique et rélèvent donc de la propriété exclusive de la commune de [Localité 8]
— de condamner solidairement l’association, l’administrateur, la Selas Egide, ès qualités à lui payer la somme de 5000€ ainsi que les dépens
Vu les conclusions du 25 mai 2022 du liquidateur demandant à la cour
A titre principal,
— d’infirmer le jugement en ce qu’il a considéré recevable les demandes formulées par la commune
— de juger irrecevable l’action en revendication et ses accessoires
A titre subisidiaire,
— de confirmer le jugement
— de débouter la commune de ses demandes
En tout état de cause, de condamner la commune à lui payer la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Vu l’avis du 16 mai 2022 du ministère public, transmis aux parties via le RPVA, estimant
— que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a dit n’y avoir lieu à sursis à statuer,
— que le jugement doit être infirmé en ce qu’il a débouté la commune de ses prétentions
— que la cour doit faire droit à la demande d’inventaire contradictoire formée par la commune et doit ordonner la restitution des biens appartenant à la commune, au vu de cet inventaire.
La déclaration d’appel a été signifiée le 24 janvier 2022 à l’association laquelle n’a pas constitué avocat.
La déclaration d’appel a été signifiée le 24 janvier 2022 à l’administrateur lequel n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’instruction du dossier est intervenue le 17 octobre 2022.
Lors de l’audience du 24 octobre 2022, la cour a proposé aux parties une médiation.
Par courrier du 28 octobre 2022, le liquidateur s’est déclaré favorable à l’organisation d’une médiation.
Par courrier du 3 novembre 2022, la commune a informé la cour qu’elle refusait de s’engager dans la voie d’une médiation ‘sous peine de remettre en cause la décision du Conseil d’Etat, laquelle est passée en force de chose jugée’. Elle a toutefois indiqué ‘qu’une mesure de médiation pourrait être acceptée sur les oeuvres ne répondant pas à la définition de fonds photographiques et documentaires constitués pour les besoins de l’exploitation du musée de [6] et notramment aux fins de réalisation des expositions. En effet, il existe des stockfs d’affiches et de catalogues qui ne répondent pas à cette définition.’
Motifs
Les parties sont libres d’accepter ou de refuser une médiation, le juge ne pouvant l’imposer, conformément à l’article 131-1 du code de procédure civile.
Cependant, la Cour entend préciser qu’en proposant aux parties une médiation, elle n’entendait pas contrecarrer l’arrêt du Conseil d’Etat du 24 mars 2022.
En effet, la contestation opposée à la revendication de la commune a initialement concerné la question de la propriété du fonds documentaire et photographique détenu par l’association et celle de la qualification juridique de ce fonds.
Cette question est aujourd’hui tranchée par la décision du Conseil d’Etat qui a décidé que les fonds photographiques et documentaires, constitués dans le cadre de l’exploitation sous forme de délégation de service public, avaient la nature de biens de retour, appartenant à la commune.
Le liquidateur soulève désormais l’irrecevabilité de l’action en revendication faute de pouvoir identifier précisément les oeuvres, objet de la revendication.
La commune est consciente de cette difficulté puisque, dans ses conclusions initiales, elle sollicitait l’établissement d’un inventaire complémentaire contradictoire à l’effet d’identifier les biens lui appartenant et ceux appartenant à l’association.
Cette difficulté demeure puisque dans son courrier du 3 novembre 2022, en réponse à la proposition de médiation émanant de la Cour, elle s’oppose au principe d’une médiation mais admet qu’une telle mesure pourrait être acceptée… ‘pour régler le sort des oeuvres ne relevant pas des fonds photographiques et documentaires’, nombre de stochs d’affiches et de catalogues détenus par l’association ne répondant à la définition ‘de fonds photographiques et documentaires constitués pour les besoins de l’exploitation du musée de [6] et noramment aux fins de réalisation des expositions’.
Or, une médiation ne saurait constituer une ‘demi-mesure’ ou être ordonnée sous condition.
En l’état, quelle que soit la solution que peut donner la cour au présent litige, on aboutit à une impasse qui serait contraire aux intérêts du revendiquant comme à ceux de la procédure collective.
En effet, si la cour accueillait de plano, l’action en revendication de la commune portant sur les fonds photographiques et les oeuvres exposées dans la [Adresse 4], il serait impossible de déterminer avec précision les fonds documentaire et photogaphique, constituant les biens de retour, propriété de la commune, l’arrêt du Conseil d’Etat ne les détaillant pas(ce qui n’était d’ailleurs pas son rôle) tandis que l’inventaire établi le 4 mars 2020 par le commissaire priseur est inexploitable. En effet, celui-ci décrit globalement des stocks de photographies(par exemple n° 98, ‘ensemble de plus de 1400 photographies d’artistes français et étrangers’) ou des stocks d’affiches(exemple n° 103 , ‘important stock d’environ 51906 affiches, … inventaire réalisé par sondage’), sans en donner ni le détail, ni la provenance. Aucun répertoire établi par l’association, pourtant gestionnaire du fonds phographique et documentaire pendant plus de trente ans , n’est produit aux débats.
Réciproquement, si la cour déclarait irrecevable l’action en revendication, à défaut d’identification précise des biens, objet de cette revendication, le liquidateur serait confronté à l’impossibilité de procéder à une vente globale des photographies, ouvrages et affiches, les biens de retour, propriété de la commune, dépendant du domaine public mobilier étant inaliénables comme le souligne le ministère public, et ne pouvant être distingués, avec précision, du patrimoine propre de l’association.
Dès lors , à défaut d’accord entre les parties sur une mesure de médiuation, il ya lieu d’ordonner une expertise à l’effet de recueillir tous éléments techniques propres à distinguer les fonds documentaire et photographique, constituant les biens de retour, propriété de la commune des collections et ouvrages dépendant du patrimoine propre de l’association.
La commune, qui est revendiquante, doit avancer le coût de cette exepertise.
PAR CES MOTIFS
Sursoit à statuer sur les demandes des parties ;
Ordonne une expertise et commet à cet effet :
M.[S] [I] , expert de justice en photographie
[Adresse 3]
[Courriel 7]
,lequel aura pour mission, les parties présentes ou dûment convoquées
— d’examiner les fonds documentaire et photographique détenu par l’association PACE, les décrire et les détailler avec précision, oeuvre par oeuvre ;
— de déterminer, au vu des pièces produites aux débats, notamment les factures d’achat émanant de la commune, les éléments propres à affecter les oeuvres/documents aux fonds documentaire et photographique constituant des biens de retour appartenant à la commune de [Localité 8] et ceux propres à affecter telles oeuvres ou documents au patrimoine privé de l’association PACE ;
— de proposer un tableau de répartition des oeuvres/documents entre le patrimoine de la commune de [Localité 8] et celui de l’association;
Dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de 5 mois à compter de l’avis de consignation de la provision à valoir sur ses honoraires ;
Dit que la commune de [Localité 8] devra consigner la somme de 4000€ à valoir sur les honoraires de l’expert dans le délai d’un mois à compter du présent arrêt ;
Dit qu’à défaut de consignation de la provision, dans le délai précité, la mesure d’expertise sera caduque ;
Ordonne le renvoi à la conférence du 14 septembre 2023 à 09 H 00 ;
Réserve les dépens et les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente .