Votre panier est actuellement vide !
Une proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (n° 1602) est en cours de discussion au Parlement.
L’article unique de cette proposition de loi insère un nouvel article 1253 au sein du code civil, qui procède à deux ajouts.
Le premier alinéa codifie la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, fruit d’une construction jurisprudentielle.
Le second alinéa inscrit dans le code civil l’exception à l’engagement de cette responsabilité dès lors que trois critères sont présents : l’antériorité de l’activité, le respect par celle-ci de la législation en vigueur et sa poursuite dans les mêmes conditions. Cette exception à un principe jurisprudentiel existe déjà à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation (CCH), pour un champ d’application plus restreint que celui proposé par le présent article..
L’article unique de cette proposition de loi insère un nouvel article 1253 au sein du code civil, qui procède à deux ajouts.
Le premier alinéa codifie la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, fruit d’une construction jurisprudentielle.
Le second alinéa inscrit dans le code civil l’exception à l’engagement de cette responsabilité dès lors que trois critères sont présents : l’antériorité de l’activité, le respect par celle-ci de la législation en vigueur et sa poursuite dans les mêmes conditions. Cette exception à un principe jurisprudentiel existe déjà à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation (CCH), pour un champ d’application plus restreint que celui proposé par le présent article.
Dernière modification intervenue
L’article 46 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique a élargi le champ d’application de l’article L. 113-8 du CCH aux activités touristiques et culturelles.
La responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage est une création prétorienne, dont le champ d’application a été limité par le législateur.
Malgré la succession des projets de réforme de la responsabilité civile, cette jurisprudence selon laquelle « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » reste non codifiée à ce jour.
Le régime de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage est une construction prétorienne, qui vient utilement compléter la responsabilité fondée sur l’abus de bien de propriété, cette dernière ne s’appliquant pas lorsque le voisin n’est pas propriétaire ou que son activité est licite.
Le fondement de cette création prétorienne est un arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation daté du 27 novembre 1844 ([2]). Celui-ci énonce ainsi que « si, d’un côté, on ne peut méconnaître que le bruit causé par une usine, lorsqu’il est porté à un degré insupportable pour les propriétés voisines, ne soit une cause légitime d’indemnité ; d’un autre côté, on ne peut considérer toute espèce de bruit causé par l’exercice d’une industrie comme constituant le dommage qui peut donner lieu à une indemnité ».
Se dessine déjà dans cet arrêt la recherche d’un équilibre entre l’indemnisation du préjudice lié à un bruit insupportable et la limite posée à la reconnaissance du préjudice pour ne pas entraver toute activité industrielle.
La Cour de cassation va ainsi progressivement construire un régime de responsabilité qui ne repose pas sur la faute mais uniquement sur l’existence d’un trouble anormal. Elle esquisse déjà cette solution dans un arrêt rendu le 24 mars 1966 ([3]), en considérant que « l’exercice même légitime du droit de propriété devient générateur de responsabilité lorsque le trouble qui en résulte pour autrui dépasse la mesure des obligations ordinaires de voisinage ».
Elle distingue finalement expressément le régime de responsabilité pour trouble anormal de voisinage d’un régime de responsabilité fondé sur la faute dans un arrêt du 4 février 1971 ([4]) : « le propriétaire voisin de celui qui construit légitimement sur son terrain est néanmoins tenu de subir les inconvénients normaux de voisinage ; qu’en revanche, il est en droit d’exiger une réparation dès lors que les inconvénients excèdent cette limite ».
Comme l’indiquent Henri Capitant, François Terré et Yves Lequette dans leur ouvrage sur les grands arrêts de la jurisprudence civile ([5]), la Cour de cassation dans cet arrêt « fait de l’anormalité du trouble la seule condition objective de responsabilité ».
D’ailleurs, si la Cour de cassation visait initialement l’article 1382 du code civil ([6]) qui établit la responsabilité du fait personnel, elle s’en détache en 1986 pour viser uniquement un principe général du droit selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage » ([7]), faisant ainsi de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage une responsabilité autonome.
La jurisprudence a progressivement précisé le spectre de personnes pouvant être considérées comme responsables d’un trouble anormal de voisinage, au-delà du seul propriétaire du fonds à l’origine des nuisances invoquées. Comme l’indique le professeur Rafael Amaro dans une publication datée d’avril 2023 ([8]), « la jurisprudence réserve un sort particulier aux propriétaires d’immeubles qu’elle soumet au régime de la responsabilité pour trouble du voisinage, sans tenir compte de leur présence physique sur les lieux ». Les syndicats de copropriétaires comme les locataires doivent eux aussi répondre des troubles anormaux de voisinage qu’ils créent.
La jurisprudence a également progressivement reconnu la responsabilité du constructeur. Un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 1998 a ainsi confirmé la responsabilité d’un sous-traitant sur le seul fondement du trouble anormal de voisinage : « la Cour d’appel, qui n’était pas tenue de caractériser la faute du constructeur, a pu en déduire que la société Intrafor était responsable du trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage subi par les consorts Y » ([9]).
La Cour de cassation souligne ainsi dans un arrêt du 22 juin 2005 ([10]) la responsabilité de plein droit de ces « voisins occasionnels » que sont les constructeurs : « Mais attendu que la cour d’appel a retenu à bon droit que le propriétaire de l’immeuble auteur des nuisances, et les constructeurs à l’origine de celles-ci sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes, sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage, ces constructeurs étant, pendant le chantier, les voisins occasionnels des propriétaires lésés ».
La jurisprudence a ensuite encadré cette responsabilité en considérant qu’un professionnel de la construction ne pouvait être tenu pour responsable que si son action ou inaction était directement en lien avec le trouble constaté ([11]).
Cette responsabilité d’un tiers (constructeur, occupant, locataire) n’exonère en rien le propriétaire de sa responsabilité, comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt du 17 avril 1996 ([12]) : « la victime d’un trouble de voisinage trouvant son origine dans l’immeuble donné en location, peut en demander réparation au propriétaire ».
L’anormalité du trouble est appréciée in concreto par le juge.
Comme l’explique le professeur de droit Rafael Amaro ([13]), « ce standard permet au juge de procéder à une mise en balance entre, d’une part, la liberté d’action de celui à qui est reproché un trouble et, d’autre part, la quête de tranquillité de celui qui lui en a fait le reproche ». Comme l’indiquent Geneviève Viney, Patrice Jourdain et Suzanne Carval dans leur ouvrage Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité, « les tribunaux se livrent généralement à une appréciation très circonstanciée et par conséquent très concrète de l’anormalité du trouble » ([14]).
La troisième chambre civile de la Cour de cassation a ainsi écarté le caractère anormal du trouble privant une propriétaire de sa vue, né de la construction d’un lotissement au sud de sa propriété ([15]). De même, elle a rejeté le pourvoi de demandeurs se plaignant des bruits en provenance d’un poulailler installé à proximité de leur habitation, au motif que ceux-ci n’apportaient pas la preuve du caractère anormal du trouble subi ([16]).
Rafael Amaro ([17]) distingue, lui, deux critères principaux : le contexte et la gravité du trouble.
Les juridictions s’intéressent, dans leur appréciation de l’anormalité, aux circonstances de lieu et de temps. Par exemple, un trouble sera plus facilement considéré comme anormal s’il se produit la nuit. Les juges font également une distinction selon le milieu où se produit le trouble : un même trouble pourra être considéré anormal en milieu urbain et normal en milieu rural, et inversement. La Cour de cassation a ainsi écarté le pourvoi d’un demandeur voisin d’un aéroport, au motif que celui-ci n’apportait pas la preuve que « les troubles subis et causés par les aéronefs des trois compagnies d’aviation excèdent la mesure des inconvénients normaux d’un aéroport » ([18]).
Les tribunaux écartent cependant les prédispositions du demandeur : la fragilité particulière d’une personne ne peut suffire à caractériser l’anormalité du trouble. Ainsi Geneviève Viney, Patrice Jourdain et Suzanne Carval rappellent que « le trouble anormal serait celui qui excède la norme, envisagée abstraitement, du point de vue des gens normaux. […] Ainsi les tribunaux refusent-ils généralement de prendre en compte l’état maladif, la nervosité ou la sensibilité de la victime, pour ne s’attacher qu’aux réactions d’une personne normale et bien portante » ([19]).
À l’inverse, les particularités d’une activité professionnelle peuvent être prises en compte pour prononcer la responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage. La Cour de cassation a ainsi reconnu, dans un arrêt du 16 juillet 1969 ([20]), la responsabilité sans faute d’une usine qui provoquait des vibrations à proximité d’un fabricant d’instruments de haute précision, reconnaissant que « la réceptivité particulière desdits établissements aux trépidations » ne pouvait dégager l’usine de sa responsabilité.
Un trouble doit dépasser un certain seuil de gravité pour être considéré comme anormal. Ainsi, la Cour de cassation a, en 2020, rejeté un pourvoi au motif que « la dépréciation des propriétés concernées, évaluée par expertise à 10 ou 20 %, selon le cas, dans un contexte de morosité du marché local de l’immobilier, ne dépassait pas, par sa gravité, les inconvénients normaux du voisinage, eu égard à l’objectif d’intérêt public poursuivi par le développement de l’énergie éolienne » ([21]).
Les juridictions peuvent également analyser le caractère continu d’un trouble. La Cour de cassation précise ainsi dans un arrêt du 29 avril 1997 ([22]) : « le trouble de voisinage s’entend d’un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et ayant une certaine continuité ». Cela n’exclut pas pour autant qu’un trouble occasionnel puisse être anormal si celui-ci présente une certaine gravité.
Un risque peut également constituer un trouble anormal de voisinage de nature à engager la responsabilité sans faute ([23]). Il faut néanmoins que la probabilité de réalisation de ce risque soit élevée, comme l’a rappelé la Cour de cassation cette année dans un arrêt daté du 1er mars 2023 ([24]).
Ce principe jurisprudentiel trouve cependant une exception, la théorie de la pré-occupation, matérialisée aujourd’hui à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation. Selon cette théorie, la responsabilité pour trouble anormal de voisinage ne peut être engagée si l’activité à l’origine du trouble préexistait à l’installation du demandeur, que cette activité s’est poursuivie dans les mêmes conditions et est conforme à la réglementation.
Le législateur a souhaité créer une exception à ce régime de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage.
L’article 70 de la loi n° 76-1285 du 31 décembre 1976 insère ainsi un nouvel article L. 421-9 dans le code de l’urbanisme, reproduit ci-dessous, qui écarte l’engagement de la responsabilité sans faute lorsque deux critères sont remplis : l’antériorité de l’activité à l’origine du trouble et sa poursuite dans les mêmes conditions.
Article L. 421-9 du code de l’urbanisme (version issue de la loi du 31 décembre 1976)
Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé postérieurement à l’existence des activités les occasionnant et que celles-ci sont poursuivies dans les mêmes conditions.
Dans sa rédaction initialement envisagée, la disposition prévoyait plus lapidairement que « le permis de construire emporte renonciation du pétitionnaire à demander ultérieurement devant les tribunaux la réparation du préjudice causé par les activités agricoles pré-existantes ». Cette rédaction, qui privait certains justiciables de la possibilité d’exercer leur droit au recours, a été rapidement écartée lors des travaux parlementaires.
Le professeur Francis Caballero retrace dans son essai sur la notion juridique de nuisance ([25]) l’origine de cette disposition. Rappelant la première version de la disposition discutée, il souligne que « la volonté du législateur est claire : supprimer le droit à réparation des victimes de nuisances qui viennent s’installer au voisinage des activités visées ».
Le contenu de l’article L. 421-9 du code de l’urbanisme a été transféré dans un nouvel article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation par l’article 75 de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980 d’orientation agricole. Une troisième condition a été ajoutée lors de l’examen du texte par le Parlement : celle de la conformité aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur.
Article L. 122-16 du code de la construction et de l’habitation (version issue de la loi du 4 juillet 1980)
Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales ou commerciales, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.
Le législateur a ensuite progressivement élargi le champ d’application de l’article, dans un premier temps aux activités aéronautiques ([26]), puis aux activités touristiques et culturelles ([27]).
L’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation a transféré le dispositif de l’article L. 112-16 du CCH à l’article L. 113-8 du même code sans y apporter de modification.
Article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation (version issue de l’ordonnance du 29 janvier 2020)
Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions.
ii. Une disposition validée par le Conseil constitutionnel en 2011
Cette volonté du législateur n’a pas fait l’unanimité parmi les professionnels du droit. Francis Caballero évoque ainsi dès 1981 ([28]) un texte « juridiquement, écologiquement et techniquement indéfendable ». Plus récemment, dans la quatrième édition de leur traité de droit civil, publié en 2017 ([29]), Geneviève Viney, Patrice Jourdain et Suzanne Carval considèrent que ce texte établit vis-à-vis du premier occupant « une sorte de servitude légale de pollution » et qu’il tend à « pérenniser les situations nuisibles à l’environnement ».
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 janvier 2011 par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation. Les requérants fondaient leur recours sur la méconnaissance par l’article L. 112-16 des articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 8 avril 2011 ([30]), a écarté ce moyen, considérant, d’une part, que le respect des dispositions législatives et réglementaires comprenait celles tendant à préserver et protéger l’environnement et, d’autre part, que l’article ne faisait pas obstacle à une action en responsabilité fondée sur la faute. Il en conclut que l’article L. 116-12 du CCH est conforme à la Constitution.
Dans un article qui commente la décision de conformité ([31]), le professeur de droit François-Guy Trébulle salue la solution apportée par le Conseil constitutionnel, qui a pour lui le mérite de clarifier la portée de l’exception prévue à l’article L. 112-16 du CCH. Évoquant les procès faits à cet article, il constate ainsi : « contrairement à ce qui est parfois dit, il ne s’agit pas tant d’un droit à nuire, ou d’un droit à polluer, que d’une règle recherchant un équilibre entre des impératifs également légitimes et s’insérant de manière cohérente avec la dynamique environnementale ».
iii. Une interprétation littérale de l’article par la jurisprudence
Si ce rapport n’a pas vocation à faire un panorama exhaustif de la jurisprudence relative à l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation, devenu l’article L. 113-8 du même code, il retrace ici quelques décisions qui illustrent une interprétation plutôt littérale et donc restrictive par les juridictions.
Les juridictions suprêmes se sont ainsi prononcées sur le champ d’application de l’article L. 112-16, qui énumère les activités pouvant être concernées par l’exonération de responsabilité.
Le Conseil d’État, dans un arrêt du 25 novembre 1988 ([32]), a explicitement exclu les dommages résultant d’une activité de travaux publics du champ d’application de l’article L. 112-16. La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 juillet 1992 ([33]), a, elle, écarté l’application de l’article aux activités militaires : « que cette disposition visant les activités agricoles, industrielles, artisanales et commerciales, l’État ne saurait s’en prévaloir pour l’évolution des appareils militaires ».
La jurisprudence a également fait une interprétation plutôt restrictive de la notion « occupants de bâtiments ».
Norbert Namiech, avocat au barreau de Paris, constate ainsi dans un article publié en 2001 qu’« en dépit de réponse expresse, il nous faut relever de l’ensemble de la jurisprudence récemment publiée sur le champ d’application de l’article L. 112-16, qu’aucune décision n’a admis des nuisances affectant les bâtiments proprement dits, les seules nuisances retenues par le juge judiciaire étant des troubles affectant les seuls occupants des bâtiments » ([34]).
Dans le commentaire de la décision du 8 avril 2011, le Conseil constitutionnel rappelle ainsi que la mention « occupants d’un bâtiment » doit être lue strictement : l’application de l’article L. 112-16 du CCH doit donc être écartée lorsque le dommage n’est pas causé à un occupant d’un bâtiment (par exemple la perte de valeur d’un terrain du fait d’un trouble ([35])).
La Cour de cassation a également statué en 1991 ([36]) que les dispositions de l’article L. 112-16 du CCH n’étaient pas applicables aux rapports des copropriétaires entre eux.
Plusieurs arrêts sont venus également préciser les trois critères cumulatifs nécessaires pour que la théorie de la pré-occupation s’applique(antériorité, respect de la législation en vigueur, poursuite de l’activité dans les mêmes conditions).
La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 juillet 1999 ([37]), a ainsi reconnu que la non-conformité à la législation en vigueur pouvait être démontrée par un simple rapport d’expertise commandé par les demandeurs.
S’agissant de la notion de « mêmes conditions », le juge s’intéresse notamment à l’ampleur de l’évolution apportée à l’activité incriminée. L’augmentation de la fréquentation d’une association de ball-trap ([38]) ou encore l’augmentation du nombre de bêtes dans un élevage (passage de 20 à 400) ([39]) sont ainsi deux circonstances considérées par la Cour de cassation comme une modification des conditions d’exploitation de nature à écarter l’application de l’article L. 112-16 du CCH.
La Cour de cassation, dans plusieurs arrêts, a néanmoins précisé que les modifications apportées aux conditions d’exploitation devaient avoir engendré des nuisances supplémentaires pour que la responsabilité en cas de trouble anormal puisse s’appliquer ([40]).
S’agissant de la « conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur », la Cour de cassation a statué en 2004 ([41]) que la théorie de la pré-occupation ne pouvait être invoquée si l’activité mise en cause ne faisait pas l’objet d’une réglementation spécifique.
Finalement, l’interprétation par la jurisprudence des trois critères cumulatifs illustre l’absence de blanc-seing laissé aux exploitants d’activités diverses. Le professeur Trémorin, auteur d’une étude sur cet article du CCH, écrit ainsi, dans un article daté de 2004 ([42]), que le dispositif de l’article L. 113-8 du CCH « est lourd de conséquences néfastes pour ceux qu’il entend protéger ». Il évoque à l’appui de cette affirmation les situations dans lesquelles les exploitants eux-mêmes sont victimes de nuisances. Il souligne également la charge de la preuve qui repose sur l’exploitant mis en cause s’agissant de prouver l’antériorité de son activité, et le risque pris à chaque évolution de son entreprise, même si cette évolution est autorisée par l’autorité administrative.
Plusieurs projets de codification de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage ont été publiés, sans que ceux-ci n’aboutissent. Les parlementaires se sont également penchés sur ce cas particulier de la responsabilité civile.
Un groupe de travail formé en 2003 et dirigé par le professeur émérite de l’université Paris 2 Pierre Catala a publié en 2005 un avant-projet de réforme du droit des obligations (articles 1101 à 1386 du code civil) et du droit de la prescription (articles 2234 à 2281 du code civil). Cet avant-projet contenait une disposition visant à codifier la responsabilité pour cause de trouble anormal de voisinage, reproduite ci-dessous.
Article 1361
Le propriétaire, le détenteur ou l’exploitant d’un fonds, qui provoque un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, est de plein droit responsable des conséquences de ce trouble.
Dans son rapport remis au garde des Sceaux sur cet avant-projet, Pierre Catala indique que le champ d’application du régime de responsabilité en cas de trouble anormal de voisinage est modifié « car il est apparu que la responsabilité de l’entrepreneur pour les dommages causés aux voisins du maître de l’ouvrage relève d’une autre logique » ([43]).
Un groupe de travail, présidé par le professeur François Terré, a été constitué en mars 2009 pour travailler sur le droit de la responsabilité civile. Les propositions de texte et les commentaires préparés par les membres du groupe ont ensuite été regroupés au sein d’un ouvrage ([44]), publié en 2011.
Le groupe de travail propose notamment de codifier la responsabilité du fait des troubles anormaux de voisinage : c’est l’objet de l’article 24 du projet de texte, reproduit ci-dessous.
Article 24
Le propriétaire, le détenteur, l’occupant ou l’exploitant d’un fonds à l’origine d’un trouble de voisinage répond du dommage excédant les inconvénients normaux du voisinage.
La responsabilité prévue à l’alinéa précédent n’a pas lieu lorsque le trouble provient d’activités économiques exercées conformément à la législation en vigueur, préexistantes à l’installation du demandeur sur son fonds et s’étant poursuivies depuis lors dans les mêmes conditions.
Lorsque l’établissement qui est source de dommage fonctionne en vertu d’une autorisation administrative, le juge ne peut interdire la poursuite de l’activité dommageable. Il peut cependant accorder des dommages-intérêts ou ordonner des travaux permettant de réduire le trouble.
Cette rédaction écarte elle aussi la responsabilité du « voisin occasionnel ». L’alinéa 2 de l’article 24 visait lui à inscrire dans le code civil l’exception prévue à l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation ([45]).
Un projet de réforme de la responsabilité civile a été présenté par le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, le 13 mars 2017. Il contenait une disposition sur la responsabilité en cas de trouble anormal de voisinage, reproduite ci-dessous.
Article 1244
Le propriétaire, le locataire, le bénéficiaire d’un titre ayant pour objet principal de l’autoriser à occuper ou à exploiter un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs, qui provoque un trouble excédant les inconvénients anormaux de voisinage, répond de plein droit du dommage résultant de ce trouble.
Lorsqu’une activité dommageable a été autorisée par voie administrative, le juge peut cependant accorder des dommages et intérêts ou ordonner les mesures raisonnables permettant de faire cesser le trouble.
Cet avant-projet, contrairement au projet préparé par François Terré, ne comporte aucune disposition directement relative à la théorie de la pré-occupation.
L’article 1244 laisse par ailleurs la possibilité au juge civil de faire cesser une activité autorisée par l’autorité administrative. Cette solution a été qualifiée de surprenante par Jean-Sébastien Borghetti, professeur de droit, qui rappelle ([46])qu’elle va à l’encontre de la position adoptée par le Tribunal des conflits en 2012. Ce dernier avait ainsi considéré que le principe de la séparation des pouvoirs s’opposait à ce que le juge judiciaire puisse se prononcer sur des risques déjà évalués par l’autorité administrative, et substituer sa propre appréciation à celle de l’autorité administrative ([47]). M. Borghetti souligne également que l’exclusion de l’occupant sans titre de la liste des personnes pouvant répondre d’un trouble était surprenante.
Dans sa proposition de loi portant réforme de la responsabilité civile ([48]), le sénateur Philippe Bas reprend à l’identique l’article 1244 (devenu article 1249 dans la proposition de loi) de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile présenté le 13 mars 2017.
L’Assemblée nationale a eu l’occasion de débattre de cette théorie lors de l’examen de la proposition de loi déposée par le député Pierre Morel-À-L’Huissier le 11 septembre 2019 ([49]). Le texte initial créait ainsi un nouvel article L. 660-4 au sein du code du patrimoine, qui prévoyait que « les nuisances sonores ou olfactives relevant des émissions inscrites sur le fondement de l’article L. 660-1 [créé par la proposition de loi] ne peuvent être considérées comme des troubles anormaux de voisinage ». La proposition de loi initiale fermait ainsi la porte à tout recours sur le fondement de la responsabilité sans faute s’agissant de troubles causés par des émissions sonores et olfactives inscrites au patrimoine sensoriel (nouvelle catégorie créée par la proposition de loi).
Saisi par le président de l’Assemblée nationale, le Conseil d’État a rendu un avis sur la proposition de loi le 16 janvier 2020. S’agissant du dispositif d’exonération de responsabilité en matière de troubles du voisinage, il rappelle dans un premier temps que « l’état actuel du droit permet d’ores et déjà d’assurer une protection équilibrée des intérêts en présence, y compris à travers l’exception d’antériorité […] prévue par les dispositions du code de la construction et de l’habitation ». Il en conclut qu’ « il ne paraît pas nécessaire de modifier profondément les équilibres existants, d’autant que l’exclusion générale et absolue prévue par le texte pourrait, dans certains cas, heurter le principe du droit d’agir en responsabilité et plus généralement du droit au recours effectif ».
Il formule néanmoins plusieurs pistes d’évolution, notamment l’élargissement de l’exonération de responsabilité à l’ensemble des catégories de plaignants et non seulement aux occupants de bâtiments.
Suivant les réserves émises par le Conseil d’État, le rapporteur, M. Morel- À-L’Huissier, a supprimé pendant l’examen en commission la disposition relative aux troubles anormaux de voisinage. Soucieux néanmoins que la réflexion sur le sujet se poursuive, il a fait adopter un amendement prévoyant la remise d’un rapport par le Gouvernement sur la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause un trouble anormal de voisinage. Le Sénat n’ayant pas modifié cette disposition, elle est devenue l’article 3 de la loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.
Le rapport a été remis au Parlement le 16 décembre 2021 ([50]).
Il énumère plusieurs modifications envisageables. Faisant référence à la possibilité ouverte par le Conseil d’État d’assouplir les critères mentionnés à l’article L. 113-8 du CCH, il considère que cela « pourrait constituer une piste de réflexion à expertiser ». Il rappelle également que, depuis la promulgation de la loi, la tentative de médiation, de conciliation ou de procédure participative préalable à la saisine du juge a été élargie aux litiges concernant les troubles anormaux de voisinage. Enfin, il évoque la possibilité de codifier les critères caractérisant un trouble anormal de voisinage.
Le rapport étudie également la possibilité de codifier la notion de troubles anormaux de voisinages. Il s’appuie pour cela sur la version proposée dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile de mars 2017, en insistant sur deux points :
– la nécessité de conserver l’absence de responsabilité du constructeur en cas de trouble anormal de voisinage, considérant que cette jurisprudence n’est pas totalement satisfaisante, notamment lorsque le trouble est lié à l’ouvrage lui-même ou lorsqu’il est inhérent aux travaux ;
– l’opportunité de supprimer la disposition prévoyant la possibilité pour le juge judiciaire de faire cesser le trouble même lorsque l’activité dommageable a été autorisée par voie administrative, qui pose la question de l’articulation entre le juge judiciaire et l’autorité administrative.
Plusieurs groupes parlementaires se sont saisis du sujet, dans chacune des deux assemblées.
Le Sénat a ainsi adopté le 8 décembre 2021 une proposition de loi tendant à favoriser l’habitat en zone rurale tout en protégeant l’activité agricole et l’environnement, déposée par M. Pierre Louault, membre du groupe Union centriste (UC). L’article 6 de la proposition de loi, tel qu’adopté par le Sénat, modifie l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation pour créer un régime d’exonération de responsabilité plus souple pour les activités agricoles.
À l’Assemblée nationale, le député André Chassaigne et plusieurs de ses collègues du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) ont déposé le 8 février 2022 une proposition de loi visant à réduire les actions en justice pour des troubles du voisinage. L’article 1er de cette proposition de loi élargit le champ de l’exonération de responsabilité prévue à l’article L. 113-8 du CCH en incluant les activités liées à l’environnement proche du bien loué, acquis ou construit. L’article 2 de la proposition de loi prévoit l’obligation pour tout acquéreur d’un bien de s’informer sur le proche environnement du dit bien.
Enfin, le député Jean-Louis Thériot, ainsi que plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains (LR), ont déposé le 21 mars 2023 une proposition de loi visant à préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs ([51]). Le premier alinéa de l’article 1erde ladite proposition de loi vise précisément à codifier le régime de responsabilité pour troubles anormaux de voisinage dans le code civil. Le second alinéa exonère les activités professionnelles, agricoles, artisanales, et culturelles de toute responsabilité en cas de trouble anormal de voisinage sous réserve que celles-ci « procèdent de pratiques locales régulières et suffisamment durables ».
Ces différentes initiatives illustrent la volonté du législateur et du Gouvernement de procéder à la codification du régime de responsabilité civile en cas de trouble anormal de voisinage. C’est précisément ce à quoi s’attelle la présente proposition de loi.
Le présent article crée un nouveau chapitre IV au sein du sous-titre II (« La responsabilité extracontractuelle ») du titre III (« Des sources d’obligations ») du livre III (« Des différentes manières dont on acquiert la propriété ») du code civil, intitulé « Les troubles anormaux du voisinage ». Ce nouveau chapitre s’insère après les articles relatifs à la réparation du préjudice écologique. Il est composé d’un unique article 1253, lui-même composé de deux alinéas.
Le premier alinéa codifie le régime de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage construit par la jurisprudence.
Il prévoit ainsi une responsabilité de plein droit pour les dommages résultant d’un trouble anormal de voisinage provoqué par le propriétaire, le locataire, l’occupant sans titre, l’exploitant d’un fonds, le maître d’ouvrage ou celui qui en exerce les pouvoirs.
Cette rédaction permet d’écarter la responsabilité dite du « voisin occasionnel », qui ne fait pas l’unanimité au sein des professionnels, comme évoqué supra. Dans son rapport au Parlement déjà évoqué, le Gouvernement lui-même suggérait de ne pas consacrer la responsabilité du constructeur. Cela n’exclut en aucun cas la possibilité pour un voisin d’intenter une action fondée sur la faute du constructeur si celui-ci ne respecte pas la législation en vigueur.
Cette rédaction s’inscrit dans la lignée de l’avant-projet de mars 2017, à une exception près : l’ajout dans l’énumération de l’occupant sans titre, qui avait été laissé de côté dans l’avant-projet, alors même qu’il peut être à l’origine d’un trouble anormal de voisinage.
À noter que la rédaction du présent alinéa ne retient pas la possibilité laissée au juge par l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile de mars 2017 de prononcer la cessation d’une activité autorisée par voie administrative, considérant qu’il n’est pas opportun à ce stade de revenir sur la jurisprudence du Tribunal des conflits ([52]) en la matière.
Le second alinéa pose l’exception au principe énoncé au premier alinéa.
Reprenant la théorie de la pré-occupation prévue à l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, il écarte tout engagement de la responsabilité sans faute lorsque les trois critères sont remplis :
– l’activité à l’origine du trouble préexistait à l’installation du requérant sur son propre fonds ;
– elle s’est poursuivie dans les mêmes conditions ;
– elle est conforme à la législation en vigueur.
L’alinéa présente un champ d’application plus large que celui prévu à l’article L. 113-8 du CCH.
D’une part, toutes les activités, quelle que soit leur nature, sont potentiellement concernées par cette clause exonératoire de responsabilité, sous réserve que les trois critères précédemment mentionnés soient respectés, ce qui écarte de facto les activités engagées par des personnes privées, qui n’ont pas à respecter de législation particulière.
D’autre part, l’alinéa ne vise plus simplement les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à certaines activités mais bien l’ensemble des troubles anormaux de voisinage, quelle que soit la personne lésée, laissant la porte ouverte, notamment, à la prise en compte de dommages causés à un terrain.
La commission a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure qui visait à préciser la notion d’installation sur le fonds.
— 1 —
Lors de sa réunion du mercredi 22 novembre 2023, après-midi, la Commission examine la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (n° 1602) (Mme Nicole Le Peih, rapporteure).
Présidence de Mme Caroline Abadie, vice-présidente de la commission.
Lien vidéo : https://assnat.fr/bJ3Mee
Mme Caroline Abadie, présidente. La proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels, déposée le 20 juillet 2023 par Mme Nicole Le Peih, qui est également notre rapporteure, a été choisie par le groupe Renaissance pour être inscrite à l’ordre du jour de la semaine de l’Assemblée du 4 décembre.
En dépit de son titre ambitieux, l’objet de cette proposition de loi est extrêmement limité, mais j’ai bon espoir que notre commission puisse examiner, dans les mois à venir, une véritable réforme d’ensemble de la responsabilité civile préparée et attendue depuis de nombreuses années.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. La proposition de loi que je défends porte sur la responsabilité civile en cas de trouble anormal de voisinage. Avant de vous présenter son article unique, j’aimerais faire un rapide état des lieux.
Cette responsabilité extracontractuelle est une création jurisprudentielle : elle ne repose sur aucune disposition législative mais sur un principe autonome révélé par la Cour de cassation en 1986, selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
Il s’agit d’une responsabilité sans faute, objective. Il suffit que le juge constate l’anormalité d’un trouble pour que la responsabilité de la personne qui en est à l’origine soit engagée.
Qui peut donc voir sa responsabilité engagée ? Le propriétaire d’un bâtiment à l’origine de nuisances peut être tenu pour responsable, mais la jurisprudence a élargi ce principe au locataire et à l’occupant. Les tribunaux sont allés jusqu’à consacrer la responsabilité du « voisin occasionnel », à savoir du constructeur qui réalise des travaux dans le bâtiment.
Comment se caractérise l’anormalité du trouble de voisinage ? Elle est appréciée par le juge in concreto, c’est-à-dire au cas par cas. Je ne vous ferai pas un panorama complet de la jurisprudence en la matière, mais il ressort des décisions des juridictions que ces dernières apprécient non seulement la gravité et la durée du trouble, mais également le contexte dans lequel il se produit. Une même nuisance peut ainsi être anormale en contexte urbain mais complètement acceptable dans un contexte rural, et inversement.
J’en viens aux conditions exonératoires de cette responsabilité. Curieusement, la clause exonératoire de responsabilité, aussi appelée « théorie de la pré-occupation », résulte d’une disposition législative. Le législateur a en effet souhaité réduire la portée de la responsabilité sans faute en prévoyant que celle-ci pouvait être écartée par le juge lorsque trois critères cumulatifs sont réunis : l’activité à l’origine du trouble doit être antérieure à l’installation du requérant, s’être poursuivie dans les mêmes conditions et respecter la législation en vigueur.
Le champ d’application de l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation est toutefois restreint, s’agissant tant des activités concernées – seuls les dommages causés par des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques font l’objet de cette disposition – que des personnes susceptibles de l’invoquer, qui se limitent aux occupants du bâtiment. La jurisprudence a ainsi exclu l’application de cet article aux rapports entre copropriétaires.
Si certains ont vu dans cette disposition un « droit à polluer » accordé au premier occupant, le Conseil constitutionnel a rappelé en 2011, à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), que les obligations réglementaires et législatives à respecter incluaient « celles qui tendent à la préservation et à la protection de l’environnement ». À la suite de cette décision, le professeur de droit François-Guy Trébulle a d’ailleurs qualifié la clause exonératoire de « règle recherchant un équilibre entre des impératifs également légitimes et s’insérant de manière cohérente avec la dynamique environnementale ».
La situation est donc assez inhabituelle : c’est la jurisprudence qui fixe le principe de l’interdiction des troubles anormaux du voisinage et c’est la loi qui prévoit une exception.
J’en viens au dispositif de cette proposition de loi, qui introduit dans le code civil un nouvel article 1253 comportant deux alinéas.
Le premier codifie la théorie de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage. Il s’inscrit dans la continuité de plusieurs projets de réforme de la responsabilité civile – je pense à ceux des professeurs Catala et Terré, ou encore à celui présenté par le ministre Urvoas en mars 2017. Cet alinéa reprend, à une exception près, les principes dégagés par la jurisprudence. La rédaction que je vous propose écarte en effet la responsabilité sans faute du constructeur, qui a été remise en question par plusieurs universitaires. S’agissant de troubles occasionnés par des travaux, de deux choses l’une : soit le constructeur a commis une faute, et sa responsabilité pour faute peut alors être engagée, soit les troubles sont occasionnés par les travaux eux-mêmes, auquel cas il revient plutôt au propriétaire d’en répondre.
Le second alinéa inscrit dans le code civil la clause exonératoire de responsabilité en énumérant les trois critères cumulatifs nécessaires à son application : l’antériorité de l’activité, la conformité à la législation et la poursuite de cette activité dans les mêmes conditions. Il élargit par ailleurs le champ d’application de la théorie de la préoccupation : toutes les activités seront concernées – y compris les activités sportives, par exemple –, de même que l’ensemble des troubles constatés, qui ne se limiteront donc pas aux dommages causés aux occupants d’un bâtiment.
Cette proposition de loi présente à mes yeux deux mérites : elle inscrit dans le code civil une construction jurisprudentielle pour rendre le droit plus lisible et accessible à l’ensemble de nos concitoyens ; elle élargit la clause exonératoire de responsabilité sans pour autant donner un blanc-seing aux responsables de troubles anormaux du voisinage.
Je crois fermement que, sur ce sujet, il est nécessaire de trouver un juste équilibre qui préserve les intérêts de chacun. Cette préoccupation est d’ailleurs partagée par plusieurs groupes, en particulier par les groupes GDR-NUPES et LR, qui ont déjà déposé des propositions de loi sur ce sujet.
J’entends les inquiétudes relatives au second alinéa, mais l’objectif de cette codification n’est pas d’aller contre les juridictions ni de priver les justiciables de leur droit au recours. L’alinéa reprend d’ailleurs à l’identique les critères cumulatifs figurant déjà dans le code de la construction et de l’habitation. Il ne s’agit pas d’exonérer de toute responsabilité les acteurs du monde économique, mais bien de trouver le juste équilibre permettant à tous de mieux vivre ensemble au quotidien.
Mme Caroline Abadie, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.
Mme Caroline Yadan (RE). Madame la rapporteure, je salue la qualité de votre travail, notamment rédactionnel et explicatif, sur cette proposition de loi.
Vous l’avez dit, le droit existant prévoit une exception à la possibilité de demander l’indemnisation d’un préjudice lié à un trouble anormal de voisinage lorsqu’il résulte de l’activité normale d’une exploitation agricole ou commerciale et que cette dernière préexistait à l’installation du voisin qui s’en plaint. Si cette exception fait l’objet de l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, la notion même de trouble anormal de voisinage reste toutefois purement jurisprudentielle.
Dans son application quotidienne, le droit de la responsabilité civile présente une forte dimension humaine et économique. La responsabilité civile peut se définir comme l’obligation de répondre du dommage causé à autrui et d’assumer les conséquences civiles qui en découlent par le biais de la réparation. Ce droit repose essentiellement sur cinq articles du code civil datant de 1804 et demeurés pratiquement inchangés ; son adaptation aux bouleversements sociaux, économiques, scientifiques et technologiques résulte d’une importante construction jurisprudentielle élaborée depuis plus de deux siècles par la Cour de cassation. Dès lors, la seule lecture des articles 1240 et suivants du code civil – les anciens articles 1382 à 1386 – ne suffit plus pour appréhender la réalité du droit français de la responsabilité civile ; elle peut même être source d’incertitude juridique pour les justiciables.
En raison des enjeux qu’ils représentent, les troubles anormaux du voisinage constituent un premier pan du droit à adapter. En effet, la responsabilité pour trouble anormal du voisinage ne résulte pas de la loi mais d’une création prétorienne des juges, en vertu du principe selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
Cette proposition de loi vise également à répondre aux préoccupations des mondes rural et urbain. Elle tend en effet à limiter les conflits de voisinage entre les nouveaux habitants d’un territoire et les acteurs, notamment économiques, culturels et touristiques, déjà établis sur celui-ci.
L’article unique inscrit donc dans le code civil la notion de trouble anormal du voisinage ainsi que l’exception au principe de responsabilité lorsque ce trouble résulte d’activités préexistantes à l’installation qui se poursuivent dans des conditions normales.
Pour résumer, je reprendrai vos propos, madame la rapporteure : il s’agit de trouver un équilibre qui permette de mieux vivre ensemble, dans une paix retrouvée. Cette proposition de loi est simple et utile : le groupe Renaissance votera donc en sa faveur.
M. Philippe Schreck (RN). Nous examinons ici une proposition de loi de codification. Cela a été dit, la notion de trouble anormal du voisinage est une création prétorienne, jurisprudentielle, issue de l’opiniâtreté des plaideurs et de l’empirisme des juges. Elle est ancienne : nous l’avons apprise à la faculté de droit, et certains d’entre nous l’ont plaidée sous l’égide du très ancien article 1382 du code civil, devenu, à la faveur d’une recodification à laquelle nous ne nous habituons pas, l’article 1240 du même code.
Nous n’allons évidemment pas nous opposer à un texte de codification. On peut cependant s’interroger quant à l’utilité de ces propositions de loi. Permettez-moi de poser une question philosophique : la codification en l’état d’une jurisprudence parfaitement établie est-elle une œuvre législative ou plutôt l’expression d’une forme de boulimie législative ?
L’ancien article 1382 fut efficace. Il a servi au juge pour créer des pans entiers de jurisprudence et répondre ainsi aux besoins des justiciables. Si nous nous mettons à codifier toutes les constructions prétoriennes en matière de responsabilité délictuelle, quasi délictuelle, du fait des choses ou du fait d’autrui, nous n’avons pas fini ! Cela créerait un très gros bloc législatif.
Cependant, nous sommes totalement favorables à un texte qui ne change pas grand-chose et qui laissera entier le pouvoir d’appréciation du juge du fond. Vous l’avez dit, madame la rapporteure : doit être indemnisé le trouble qui excède les contraintes normales du voisinage. Il s’agit d’un régime de responsabilité sans faute. Le trouble n’est pas indemnisable dès lors qu’il préexistait à l’installation du voisin plaignant. Tout cela, c’était la jurisprudence constante. Vous l’avez dit aussi, madame la présidente, le titre de la proposition de loi est davantage une accroche qu’il ne reflète un vrai changement des règles de la responsabilité civile, mais ce n’est pas grave. Il n’y a pas à proprement parler d’extension ni même d’adaptation du droit existant, mais ne créons pas de vaines polémiques. Le texte reflète un bon esprit : nous voterons donc en sa faveur.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Vous proposez d’introduire dans le code civil une notion de responsabilité civile créée depuis des dizaines d’années par la jurisprudence : celle des troubles anormaux du voisinage. Du point de vue juridique, cette consécration d’une jurisprudence constante est la bienvenue puisqu’elle met fin à une lecture subjective de cette responsabilité pour l’introduire enfin dans la loi, aux côtés des autres responsabilités civiles délictuelles. En termes de sécurité juridique, de clarté et de lisibilité de la règle de droit, il est donc opportun d’intégrer cette responsabilité dans le code civil.
Malheureusement, une part d’ombre vient grandement restreindre la pertinence de ce texte puisqu’il prévoit, dans un second temps, la possibilité d’écarter cette responsabilité dans certains cas précis. Vous souhaitez en effet exclure l’engagement de la responsabilité du fait de troubles anormaux du voisinage lorsque ces derniers proviennent d’activités, quelle que soit leur nature, qui préexistaient à l’installation du plaignant, qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions et qui respectent la législation en vigueur.
Cette disposition s’inspire de l’article L. 113-8 du code de la construction et de l’habitation, lui-même très controversé depuis son adoption il y a un peu plus de quarante ans. Le juge judiciaire considère qu’il nie le droit d’agir en justice et instaure un véritable droit à polluer dans la mesure où il permet aux exploitants de poursuivre une activité nuisible sans que leur responsabilité puisse être engagée. L’abrogation de cet article fait, depuis son adoption, l’objet de fortes revendications, et le juge judiciaire mène une politique jurisprudentielle particulièrement restrictive s’agissant de l’application de ces dispositions, ce qui contribue à en restreindre significativement la portée. Dès 1981, l’avocat Francis Caballero évoquait « un texte juridiquement, écologiquement et techniquement indéfendable ». Plus récemment, Geneviève Viney, Patrice Jourdain et Suzanne Carval ont considéré, dans la quatrième édition de leur traité de droit civil, publiée en 2017, que cet article établissait, vis-à-vis du premier occupant, « une sorte de servitude légale de pollution » et qu’il tendait à « pérenniser les situations nuisibles à l’environnement ».
Vous pensez malgré tout qu’il convient d’introduire cette exception dans le code civil et même d’en étendre la portée. Tel que vous avez rédigé le second alinéa de votre article unique, vous ne limitez plus cette exception aux seules « nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques » – ce qui aurait déjà été très contestable –, vous l’élargissez aux troubles provenant de toute activité, quelle que soit sa nature, dès lors qu’elle préexiste à l’installation de celui qui s’en plaint.
Si cette exception est introduite ainsi dans le code civil, les jugements écarteront la responsabilité d’industriels, quelle que soit la nature du trouble causé. Se multiplieront alors les situations comme celle qu’a tranchée un arrêt de la Cour de cassation le 10 mars 2016 : la présence de pesticides dans l’eau de puits de riverains d’un industriel n’a pas ouvert droit à réparation devant le juge judiciaire dans la mesure où l’activité préexistait à l’installation des riverains demandeurs. Dans un contexte où les enjeux climatiques devraient nous faire prendre le chemin inverse, puisque l’on connaît l’impact des industriels dans le changement climatique, il est insensé d’adopter une telle mesure. Il est inconscient de restreindre le droit au dédommagement des individus alors que l’on sait qu’en l’absence d’interdiction pure et dure, la contrainte financière pesant sur les industriels est le seul rempart contre les comportements préjudiciables. Votre proposition de loi tend à légitimer de tels comportements plutôt que de les décourager.
Nous conditionnerons notre vote à la suppression d’une telle exception, l’introduction pérenne d’un principe jurisprudentiel dans le code civil nous semblant par ailleurs pertinente.
M. Hervé Saulignac (SOC). Je m’interroge sur l’opportunité de cette proposition de loi, sans pour autant y être hostile. Quel intérêt de toucher à la responsabilité civile à travers un texte qui semble ne pas aller au-delà d’une simple reconnaissance formelle de principes déjà bien établis par la jurisprudence, laquelle est utile et ne saurait être confondue avec du bavardage ?
Depuis près de quarante ans, la Cour de cassation a posé le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage. Ce régime de responsabilité est objectif, c’est-à-dire qu’il ne dépend pas de la démonstration d’un comportement fautif mais nécessite celle d’un trouble excédant la gêne normalement attendue dans le cadre des relations de voisinage, évaluée par les juges en tenant compte des circonstances spécifiques pour la victime.
Ainsi, l’absence de faute ne constitue pas un moyen d’échapper à une condamnation et, inversement, la simple existence d’une faute ne suffit pas à caractériser un trouble anormal du voisinage. La jurisprudence a élargi la notion de voisinage au-delà des immeubles contigus englobant une aire de proximité où vivent plusieurs personnes. Pour qu’un trouble soit reconnu, il doit excéder les inconvénients normaux du voisinage et présenter un caractère continu et permanent.
Ce texte vise à consacrer dans la loi ces principes jurisprudentiels en introduisant dans le code civil le principe de responsabilité fondé sur les troubles anormaux de voisinage, avec une exception, liée notamment à l’antériorité du trouble constaté.
Je m’interroge sur la pertinence de cette initiative. Est-ce une priorité, pour notre commission, de traiter cette question alors que la jurisprudence a déjà défini avec précision les éléments constitutifs d’un trouble du voisinage et les exceptions qui l’entourent ? Introduire ou réformer la responsabilité civile sans un examen approfondi et sans certitude de l’efficacité de la mesure soulève un certain nombre de questions quant à la méthode employée.
Le code civil, comme les autres, n’a pas besoin d’être saturé et, s’agissant de troubles complexes à évaluer, l’appréciation du juge est précieuse. Il est évidemment louable de vouloir rendre le droit plus lisible mais il peut être préjudiciable de l’enfermer dans des dispositions strictes.
En l’état, notre groupe s’abstiendra, quoiqu’une évolution vers un vote favorable ne soit pas exclue.
Mme Naïma Moutchou (HOR). Peut-on se plaindre de ce que sont certains territoires ? Le chant des coqs, des cigales ou des criquets, le tintement des cloches des églises sont-ils des nuisances contestables parce qu’incommodantes ou des symboles du monde rural qu’il convient de protéger ?
Les querelles de voisinage sont aussi vieilles que les relations humaines. Parfois, le bon sens et le dialogue permettent de régler le différend mais, dans un certain nombre de cas, les enjeux économiques, moraux, esthétiques, psychologiques sont tels que le trouble ne peut être que porté devant les tribunaux. C’est une construction prétorienne qui est venue répondre à la question, avec le désormais célèbre arrêt de la Cour de cassation du 13 novembre 1986 disposant que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage. Il s’agit d’une responsabilité sans faute, qui relève de l’appréciation souveraine du juge.
Dans un contexte de judiciarisation croissante des différends, il est sain et utile que le législateur intervienne. Tel est le sens de cette proposition de loi tendant à clarifier la jurisprudence et à l’adapter aux évolutions de la société et des rapports entre les individus. Son article unique introduit dans le code civil le principe de responsabilité sans faute pour trouble anormal de voisinage, consacré en 1986.
Cette codification est une manière de garantir une application homogène sur le territoire, mais cet article unique pose également une exception à ce principe, issue de la théorie de la préoccupation : respect de la législation, antériorité du trouble et poursuite de l’activité qui en est à l’origine dans les mêmes conditions. Les difficultés d’adaptation à la vie locale constituant le principal facteur d’échec des installations en milieu rural, l’inscription de ce garde-fou dans la loi favoriserait la conciliation des intérêts individuels entre les nouveaux venus et les acteurs déjà installés et permettrait de répondre aux légitimes préoccupations rurales.
En réformant le droit de la responsabilité civile, cette proposition de loi ne vise pas à entraver le développement des activités locales ou individuelles mais à établir un juste équilibre entre les droits de chacun. Selon notre groupe, elle offre une base suffisamment solide, propice à une qualité de vie paisible pour tous, ce qui est d’autant plus important que l’explosion des litiges entre voisins est symptomatique d’un climat social dégradé, d’un affaiblissement du lien social dont les premiers remparts sont les maires et leurs équipes. Ce sont eux qui, régulièrement, endossent le rôle de médiateur et de conciliateur. Les violences qu’ils subissent parfois, en retour, sont intolérables. Notre groupe réitère son soutien à tous les élus de proximité et votera en faveur de cette proposition de loi.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Cette jurisprudence de la Cour de cassation existe en effet depuis 1844 et nous devons précisément la conforter dans le code civil.
Pour la lisibilité du droit, il est plus cohérent d’inscrire au sein du même article le principe et son exception.
La théorie de la pré-occupation est garante de l’équilibre, en particulier dans le cadre de la responsabilité sans faute. J’ai d’ailleurs rappelé que cet équilibre avait été salué par le professeur Trébulle.
Les pollueurs doivent en effet répondre de leurs actes dès qu’ils enfreignent la loi. Nous ne changeons rien à ce principe.
La responsabilité civile n’est hélas jamais considérée comme une priorité. C’est précisément pourquoi une réforme d’ampleur de la responsabilité civile n’a jamais été examinée.
Nous avons en effet toujours encouragé les citoyens à recourir à la médiation, sujet sur lequel j’ai eu de surcroît l’occasion de travailler. Il nous faut continuer à encourager une résolution des conflits à l’amiable afin d’améliorer la vie quotidienne de nos concitoyens.
Article unique
Amendement CL7 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). À l’alinéa 4, la mention« de plein droit » n’est pas utile et n’est pas conforme à la rédaction des autres responsabilités civiles de même régime, ce qui nuit à l’harmonie des dispositions du sous-titre consacré à la responsabilité extracontractuelle.
En effet, la responsabilité du fait des troubles anormaux du voisinage est une responsabilité civile délictuelle objective, comme l’a affirmé à nouveau avec force la Cour de cassation dans un arrêt récent de la troisième chambre civile du 16 mars 2022.
C’est précisément le propre de la responsabilité civile délictuelle dite objective d’être une responsabilité de plein droit, c’est-à-dire une responsabilité pouvant être établie sans qu’aucune faute ait été commise, la seule constatation du dommage anormal subi suffisant pour engager la responsabilité de celui qui a généré les nuisances. La jurisprudence est constante : dès 1982, la première chambre civile de la Cour de cassation l’affirmait déjà.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. L’objectif de cette proposition de loi est précisément d’inscrire dans le code civil un principe jurisprudentiel. Il est donc tout à fait cohérent d’indiquer que c’est une responsabilité de plein droit, c’est-à-dire qui ne nécessite pas de démontrer l’existence d’une faute.
Contrairement à ce que vous indiquez, c’est une notion présente dans le code civil, notamment à l’article 1245-10 sur la responsabilité en cas de produits défectueux.
Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL8 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il n’est pas pertinent de créer un alinéa portant une exception au principe de la responsabilité de fait de troubles anormaux du voisinage.
Dans un avis du 16 janvier 2020 à propos de l’exclusion générale des nuisances sonores et olfactives du régime de cette responsabilité, le Conseil d’État considère que l’état actuel du droit permet d’ores et déjà d’assurer une protection équilibrée des intérêts en présence et estime donc que l’exclusion générale et absolue pourrait heurter le principe du droit d’agir en responsabilité et, plus généralement, du droit au recours effectif.
De plus, chacune des responsabilités civiles dispose d’exceptions jurisprudentielles qui ne figurent pas dans la loi : il n’est donc pas justifié de préciser la jurisprudence de cette exception en particulier et non celles des autres responsabilités.
Les professionnels du droit le répètent constamment, l’illisibilité de certains codes en raison de l’inflation législative nuit grandement à la compréhension de la règle de droit. Il importe donc que le législateur légifère de façon harmonieuse et cohérente avec les règles déjà en vigueur.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Avis défavorable. Vous souhaitez conserver le droit actuel, à savoir l’exception prévue par le code de la construction et de l’habitation. Nous faisons un autre choix, qui consiste à élargir cette exception pour assurer un meilleur alignement avec la responsabilité pour trouble anormal de voisinage. L’élargissement proposé ne concernerait que le champ d’application de l’exception actuelle, à savoir les personnes ayant subi le dommage et les activités l’ayant causé. Il ne s’agit pas, en revanche, de modifier les critères qui justifient l’exception et en limitent la portée.
M. Jean Terlier (RE). Cet amendement est dangereux, monsieur Coulomme. Il va même à l’encontre de votre propre objectif. L’alinéa 4 de la proposition de loi prévoit un principe et l’alinéa 5 une exception liée à l’antériorité de l’activité. En supprimant cet alinéa, vous mettriez à mal toute la jurisprudence existante.
Madame la rapporteure, je vous proposerai peut-être une rédaction un peu différente en séance. Celle qui est prévue à ce stade revient à oublier que la jurisprudence fait référence à la conformité de l’exercice aux dispositions non seulement législatives mais aussi réglementaires en vigueur – il serait utile d’apporter une précision sur ce dernier point.
Mme Caroline Abadie, présidente. L’amendement CL10 de Mme la rapporteure permettra, me semble-t-il, de revenir sur cette question.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Prenons l’exemple d’un élevage porcin d’une cinquante de bêtes qui n’est à l’origine d’aucune plainte pour trouble de voisinage : si le nombre de têtes passe un jour de 50 à 500 dans les mêmes bâtiments et les mêmes conditions d’exercice, les trois critères cumulatifs pourront très bien être réunis malgré l’existence d’un réel trouble de voisinage, sur le plan sonore et olfactif. Nous serons donc vigilants à ce qui sera adopté en séance.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Je suis ravie de vous entendre parler d’agriculture, à un moment où on s’interroge beaucoup sur la souveraineté alimentaire. Il faut obtenir une autorisation préalable, notamment de la part de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), pour modifier ainsi un élevage porcin. S’agissant des nuisances olfactives, le code de l’environnement est extrêmement précis et strict. Je vous invite à vous rendre en Bretagne : je vous ferai visiter, si vous le voulez, une exploitation agricole gérée par une personne qui travaillait autrefois dans le secteur des parfums.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL10 de Mme Nicole Le Peih et CL6 de M. Jean-François Coulomme (discussion commune)
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Mon amendement, rédactionnel, vise à clarifier la référence à « l’installation sur le fonds », qui concerne le requérant et non la personne à l’origine du trouble. Je crois, par ailleurs, que l’amendement permettra de répondre à la préoccupation exprimée par M. Terlier.
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Nous souhaitons faire en sorte, par l’amendement CL6, que l’exception prévue à l’alinéa 5 ne s’applique pas aux activités relevant du régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Des évolutions pourraient intervenir, dans ce domaine, au cours de la vie d’une exploitation.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. J’entends votre inquiétude. Néanmoins, je l’ai dit, la loi devra être respectée. Le code de l’environnement est complexe, mais adapté aux différentes activités, notamment agricoles. Je ne voudrais surtout pas qu’on imagine qu’il s’agit de donner un blanc-seing à quelque activité que ce soit.
M. Jean Terlier (RE). L’amendement rédactionnel de la rapporteure, qui fait référence, en effet, à la conformité aux lois et aux règlements, me paraît de bonne facture.
Cela étant, il faudra faire attention à ne pas pénaliser l’évolution normale d’une activité agricole. Je ne suis pas du tout d’accord avec la notion de seuil à laquelle notre collègue de La France insoumise a eu recours : un élevage qui préexistait a le droit de s’agrandir dans le respect du cadre légal et réglementaire.
M. Philippe Schreck (RN). Je soutiens l’amendement de Mme la rapporteure. Ce texte permettra de répondre à la situation évoquée par M. Coulomme, qu’il s’agisse d’un élevage porcin ou d’un autre type d’activité. En cas d’évolution de la donne, par exemple si une exploitation passe de 50 à 500 têtes, un trouble anormal de voisinage pourra être retenu, ce qui correspond à la jurisprudence actuelle. Tout ce que dit la proposition de loi, c’est qu’il n’y aura pas d’indemnisation, à périmètre constant, si le trouble préexistait.
Il n’y a pas de raison, en revanche, de prévoir l’exemption demandée par l’amendement CL6. Si une ICPE préexistait, la notion de trouble anormal de voisinage ne pourra pas être retenue. En revanche, si une ICPE s’installe dans un voisinage au sein duquel elle cause un trouble anormal, le juge continuera à exercer son office. Sur ce point, le texte me semble équilibré.
Mme Caroline Yadan (RE). Restons-en à un principe général, qui est aujourd’hui jurisprudentiel, mais que nous voulons introduire dans la loi pour le conforter. Dès lors qu’une action en responsabilité sera engagée sur le fondement d’un trouble anormal de voisinage, le juge se prononcera sur les éventuelles exceptions, notamment dans les cas particuliers évoqués par nos collègues.
La commission adopte l’amendement CL10.
En conséquence, l’amendement CL6 tombe.
La commission adopte l’article unique modifié.
Après l’article unique
Amendement CL5 de M. Jean-François Coulomme
M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Cet amendement, qui porte sur un sujet un peu connexe, tend à modifier le code de la construction et de l’habitation pour parfaire la connaissance, par les acheteurs d’un bien, de l’environnement de celui-ci.
Nombre de néoruraux sont étonnés, voire outrés par l’environnement dans lequel ils emménagent parce qu’ils avaient une conception peu réaliste, idéalisée, du monde rural, qu’ils pensaient exempt de toute nuisance, voire de tout héritage culturel. Il arrive donc qu’ils se lancent dans des actions en justice stériles, voire préjudiciables pour des voisins installés de longue date. Les conflits liés à des troubles de voisinage, par exemple du fait de nuisances sonores et olfactives, ne cessent ainsi d’alimenter la chronique. Chacun se souvient de l’affaire du coq Maurice et les affaires concernant des sonneries de cloches dans des petits villages.
Nous proposons d’apporter une solution à ce phénomène regrettable en reprenant une disposition figurant dans la proposition de loi du 8 février 2022 visant à réduire les actions en justice pour des troubles de voisinage, déposée par le groupe Gauche démocrate et républicaine. Nous souhaitons faire apparaître dans les actes authentiques de vente des biens l’ensemble des circonstances environnantes.
Mme Nicole Le Peih, rapporteure. Il revient à chaque acquéreur de se renseigner sur l’environnement du bien. J’ai des doutes sur le caractère opérationnel de votre proposition : la mesure n’empêchera pas l’acheteur de poursuivre ses voisins et les diligences que vous évoquez n’auront pas un caractère opposable.
La théorie de la préoccupation devrait au contraire apaiser votre inquiétude. Un acquéreur doit s’être renseigné ; sinon, il peut se voir opposer l’antériorité de l’exploitation voisine en cas de trouble anormal de voisinage.
Le fait que la conciliation soit désormais obligatoire avant d’aller en justice favorise la résolution à l’amiable des conflits.
J’aborderai dans l’hémicycle à ce sujet l’affaire des nuisances olfactives d’une crêperie en Bretagne qui a fait la une d’Ouest France, premier quotidien français.
Avis défavorable.
Mme Caroline Yadan (RE). C’est le code civil que la proposition de loi tend à modifier. Elle pourra s’appliquer au monde agricole, mais aussi au milieu urbain, qui connaît aussi des troubles de voisinage – avec des magasins, entre particuliers. En outre, le code de la construction et de l’habitation prévoit bien que chaque acquéreur s’informe de la situation de l’immeuble ou du terrain. Quand on achète un bien, le dossier constitué est énorme et toutes les informations y figurent.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
*
* *
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à adapter le droit de la responsabilité civile aux enjeux actuels (n° 1602) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport).
— 1 —
M. Pierre Pantanella, maire de Saint-Rome-de-Cernon
M. Luc Smessaert, vice-président
M. Thierry Coué, président FNSEA 56
M. Laurent Woltz, chef du service juridique
Me Timothée Dufour, avocat
Table ronde des associations de consommateurs
M. David Rodrigues, service juridique de l’association nationale de consommateurs et d’usagers (CLCV)
Mme Anne Layahe, présidente
M. Michel Ricard, membre du conseil d’administration
Mme Claire Berger, sous-directrice du droit civil
Mme Julie Khalil, cheffe du bureau du droit des obligations
M. Bernard Fau, président de la commission Textes
M. Charles Renard, responsable Plaidoyer et relations institutionnelles
Table ronde avocats
M. Patrick Meneghetti, avocat à la Cour
M. Ludovic Gayral, associé
M. Jonas Knetsch, professeur des universités à l’école de droit de la Sorbonne
Mme Marie-Noëlle Teiller, présidente
M. Jean-François Zedda, conseiller référendaire
([1]) Après l’annulation de certaines dispositions du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, qui concernaient notamment la résolution amiable, un nouveau décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile rétablit l’article 750-1 du code de procédure civile, qui prévoit l’obligation de résolution amiable préalable à la saisine du juge pour les litiges relatifs à un trouble anormal de voisinage.
([2]) Cour de cassation, chambre civile, 27 novembre 1844 – Desrone c. Putin et autres.
([3]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 24 mars 1966 – pourvoi n° 64-10.737.
([4]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 4 février 1971 – Brun c. SCI du 10 rue Joseph-Liouville, pourvoi n° 69-14.964.
([5]) « Les grands arrêts de la jurisprudence civile, tome 1 – Introduction, personnes, familles, biens, régimes matrimoniaux, successions », par Henri Capitant, François Terré et Yves Lequette, 13ème édition publiée en 2015
([6]) Devenu l’article 1240 du code civil depuis la réforme du droit des obligations en 2016, il pose le principe de la responsabilité du fait personnel : « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
([7]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 19 novembre 1986 – pourvoi n° 84-16.379.
([8]) Répertoire de droit immobilier – « Trouble anormal de voisinage », par M. Rafael Amaro, professeur à l’Université Caen-Normandie, avril 2023.
([9]) Cour de Cassation, troisième chambre civile, 30 juin 1998 – pourvoi n° 96-13.039
([10]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 22 juin 2005 – pourvoi n° 03-20.068.
([11]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 11 juillet 2019 – pourvoi n° 18-18.179.
([12]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 17 avril 1996 – pourvoi n° 94-15.876.
([13]) Répertoire de droit immobilier – « Trouble anormal de voisinage », par M. Rafael Amaro, professeur à l’Université Caen-Normandie, avril 2023.
([14]) Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin – « Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité », 4ème édition, par Geneviève Viney, professeur émérite de l’université Paris 1, Patrice Jourdain, professeur à l’université Paris 1 et Suzanne Carval, professeur à l’université de Rouen, publié en 2017.
([15]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 9 novembre 2023 – pourvoi n° 22-15.403.
([16]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 16 mars 2023 – pourvoi n° 22-11.658.
([17]) Article de Rafael Amaro cité supra.
([18]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 14 juin 2007 – pourvoi n° 05-19.616.
([19]) Ouvrage sur les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité précité.
([20]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 16 juillet 1969 – publication n° 257.
([21]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 17 septembre 2020 – pourvoi n° 19-16.937.
([22]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 29 avril 1997 – Association de ball-trap club de Châtelaillon c/ commune de Châtelaillon et autres, pourvoi n° 95-16.724.
([23]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 10 juin 2004 – pourvoi n° 03-10.434.
([24]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 1er mars 2023 – pourvoi n° 21-19.716.
([25]) « Essai sur la notion juridique de nuisance », par Francis Caballero, professeur à l’université de Limoges, publié en 1981.
([26]) Article 72 de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat : l’ajout est issu d’un amendement adopté en séance au Sénat au cours de la première lecture du texte.
([27]) Article 46 de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique : l’ajout est issu d’un amendement adopté en séance à l’Assemblée nationale au cours de la première lecture du texte et conservé dans une vision restreinte par la commission mixte paritaire.
([28]) « Essai sur la notion juridique de nuisance », par Francis Caballero, précité.
([29]) Traité de droit civil sous la direction de Jacques Ghestin – « Les régimes spéciaux et l’assurance de responsabilité », précité.
([30]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre.
([31]) Revue de droit immobilier n° 369, 12 juillet 2011 – « Le Conseil constitutionnel, l’environnement et la responsabilité : entre vigilance environnementale et pré-occupation », François Guy Trébulle, professeur à l’Université Paris Descartes.
([32]) Conseil d’État, 25 novembre 1988, Société Citroën c/ Société SECIO-UIOM et autres, req. n° 74.009.
([33]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 8 juillet 1992, Société TAT c/ Le Foyer de Costil, pourvoi n° 90-11-170.
([34]) Norbert Namiech, « Vingt ans d’interprétation restrictive de l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation », dans la Revue juridique de l’environnement, n° 1, 2001.
([35]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 3 juin 1987 – pourvoi n° 85-14.221.
([36]) Cour de cassation, troisième chambre civile, 23 janvier 1991 – Fougère c/ Haenauer, pourvoi n° 89-16-163.
([37]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 8 juillet 1999 – Société La Coupole c/ SCI de Bretagne et autres, pourvoi n° 97-14847.
([38]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 29 avril 1997 – Association de ball-trap club de Châtelaillon c/ commune de Châtelaillon et autres, pourvoi n° 95-16.724.
([39]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 17 janvier 1990, Société des ciments Lafarge c/ Morello, pourvoi n° 88-18.965.
([40]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 10 juillet 1991 – pourvoi n° 90-14.708.
([41]) Cour de cassation, deuxième chambre civile, 10 juin 2004 – pourvoi n° 03-10.434.
([42]) « Le bénéfice de pré-occupation et la réparation des troubles de voisinage – Examen critique du droit de nuisance consacré par l’article L. 112-16 du code de la construction et de l’habitation » – étude par Yannick Trémorin, maître de conférences à la faculté de droit et de sciences sociales de Poitiers, publiée dans La semaine juridique notariale et immobilière n° 28, le 9 juillet 2004.
([43]) Rapport remis à M. Pascal Clément, garde des Sceaux, le 22 septembre 2005 – « Avant-projet de réforme du droit des obligations (articles 1101 à 1386 du code civil) et du droit de la prescription (articles 2234 à 2281 du code civil) ».
([44]) « Pour une réforme du droit de la responsabilité civile », ouvrage sous la direction de François Terré, publié en 2011.
([45]) Devenu article L. 113-8 du même code suite à l’ordonnance n° 2020-71 du 29 janvier 2020 relative à la réécriture des règles de construction et recodifiant le livre Ier du code de la construction et de l’habitation.
([46]) « L’avant-projet de réforme de la responsabilité civile, commentaire des principales dispositions » par Jean-Sébastien Borghetti, professeur à l’université Panthéon-Assas, recueil Dalloz 2016.
([47]) Tribunal des conflits, 14 mai 2012, C3844.
([48]) Proposition de loi n° 678 portant réforme de la responsabilité civile, présentée par M. Philippe Bas et enregistré à la présidence du Sénat le 29 juillet 2020.
([49]) Proposition de loi n° 2211 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, présentée par M. Pierre Morel-À-L’Huissier et enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 19 septembre 2019.
([50]) Rapport du Gouvernement au Parlement sur la possibilité d’introduire dans le code civil le principe de la responsabilité de celui qui cause à autrui un trouble anormal de voisinage, remis en application de l’article 3 de la loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.
([51]) Proposition de loi n°996 visant à préserver les activités traditionnelles et usages locaux des actions en justice de voisins sensibles aux bruits et aux odeurs, présenté par M. Jean-Louis Thériot et enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 21 mars 2023.
([52]) Arrêt du 14 mai 2012 déjà cité.