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Une proposition de loi vise à inscrire dans la constitution l’interdiction de la pratique de la gestation pour autrui (GPA) ou “mère porteuse”.
Pour mémoire, la GPA consiste pour un couple à conclure une convention avec une femme afin que celle-ci porte un enfant qu’elle s’engage à abandonner à l’issue de sa grossesse. Désormais, il est possible de dissocier la maternité génétique de la maternité gestationnelle, par le transfert à la mère « porteuse » d’un embryon issu des gamètes des deux parents d’intention, de l’un d’entre eux et de celles d’un tiers, ou encore de deux donneurs.
Sur les 35 États membres du Conseil de l’Europe parmi les 47 qu’il comporte, la GPA est expressément interdite dans 14 d’entre eux, dont la France, et prohibée en vertu de dispositions plus générales ou non tolérée dans 10 autres. Seuls 7 États l’autorisent expressément et 4 la tolèrent. L’établissement juridique du lien de filiation entre les parents d’intention et les enfants nés d’une gestation pour autrui légalement pratiquée à l’étranger n’est possible de façon certaine que dans 13 États membres et « semble également possible » dans 11 autres États ; elle est expressément exclue dans 11 pays.
En décembre 2023, le Parlement européen a voté en faveur du certificat européen de parentalité, qui instaure une reconnaissance automatique par tous les États membres, de la parentalité établie dans un autre État membre, « quelle que soit la manière dont l’enfant a été conçu ou est né, et quel que soit le type de famille de l’enfant ».
Avec cette mesure, ceux qui ont recours à la GPA considérés comme les parents de l’enfant dans un État membre seront reconnus de ce fait comme parents dans tous les États de l’UE, même si la pratique est interdite dans leur pays d’origine et que le lien entre cette pratique et la traite est maintenant fait explicitement par une directive.
Cette pratique est illicite en France, puisqu’elle contrevient aux principes d’ordre public d’indisponibilité du corps humain et d’indisponibilité de l’état des personnes.
Cette interdiction en France, dégagée en 1991 par l’assemblée plénière de la Cour de cassation4(*), a été inscrite par le législateur aux articles 16-6, 16-7 et 16-9 du code civil par la loi bioéthique de 19945(*).
La prohibition de la GPA fait l’objet d’un large consensus dans notre pays puisque le Parlement, le comité consultatif national d’éthique ou le Conseil d’État se sont prononcés unanimement pour le maintien de cette interdiction.
Selon la Rapporteure de la Proposition de loi constitutionnelle, si cette opposition à la GPA est constante et réaffirmée dans notre droit, elle est aujourd’hui fragilisée par l’absence de sanctions civiles et pénales françaises à l’égard des couples qui y ont recours à l’étranger, dans des pays où elle est autorisée.
Selon les chiffres de certaines associations, ce sont entre 2 000 et 2 500 enfants qui naissent par GPA en France.
Tout en affirmant qu’elle ne se prononce pas sur la compatibilité de l’interdiction de la GPA posée par un État membre avec la convention européenne des droits de l’homme, la CJUE en effet déclare que les États doivent reconnaître non seulement le lien de filiation entre des enfants issus d’une gestation pour autrui et leur père biologique mais, aussi, avec le parent d’intention, en général le conjoint ou la conjointe du père, alors même que cette parenté d’intention n’existe que parce que le contrat de GPA a organisé l’effacement de la filiation d’origine de l’enfant (avis, 10 avr. 2019, aff. P16-2018-001).
Cependant, les États ont la possibilité de prévoir d’autres manières de préserver les intérêts des enfants nés de la GPA : par exemple, la Cour européenne elle-même a validé la situation dans laquelle l’Islande a déclaré mineur isolé l’enfant né par GPA aux États-Unis au profit de deux femmes, lui a nommé un tuteur d’État et l’a confié en famille d’accueil aux deux femmes (CEDH, 18 mai 2021, aff. 71552/17, VALDÍS FJÖLNISDÓTTIR AND OTHERS c/ ICELAND). Ou encore, le seul arrêt rendu par la Cour européenne en grande chambre a validé une situation italienne dans laquelle le gouvernement italien avait retiré l’enfant obtenu par GPA à ses commanditaires pour le confier à l’adoption (CEDH, 24 janvier 2017, n° 25358/12, aff. Paradiso et Campanelli c. Italie).
La rédaction proposée a pour objectif de « prohiber toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui ».
* Décision n° 94-343/344 du Conseil constitutionnel du 27 juillet 1994, concernant la loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
* Cour de cassation, Assemblée plénière, Audience publique du vendredi 31 mai 1991, n° de pourvoi : 90-20105.
* Loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des éléments et produits du corps humain, à l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal.
* D’abord visé par plusieurs décisions des juges du fond (notamment TGI Marseille, 16 décembre 1987 : JurisData n° 1987-600054,), ce principe a été consacré par la Cour de cassation dans un arrêt d’assemblée plénière du 31 mai 1991 rendu sur pourvoi dans l’intérêt de la loi formé par le Procureur général près la Cour de cassation au sujet de la légalité d’une convention de mère porteuse (Cass. ass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105 : JurisData n° 1991-001378).
Dans cette affaire, la Cour de cassation était saisie d’un arrêt de la cour d’appel de Paris (CA Paris, 15 juin 1990 : JCP G 1991.) qui infirmait un jugement du TGI de Paris du 26 juin 1989 rejetant une demande d’adoption formulée par une femme de l’enfant conçu de la rencontre du sperme de son mari et de l’ovule d’une tierce femme, à laquelle le couple, stérile, avait eu recours grâce à une association dénommée Alma mater. L’assemblée plénière a prononcé une censure sans équivoque de la décision de la cour d’appel de Paris, au nom de la violation des principes d’indisponibilité du corps humain et de l’état des personnes.
Visant les articles 6 (« On ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes moeurs ») et 1128 : (« Il n’y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet des conventions ») du code civil, l’assemblée plénière a considéré que « la convention par laquelle une femme s’engage, fût-ce à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour l’abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d’ordre public de l’indisponibilité du corps humain qu’à celui de l’indisponibilité de l’état des personnes », reconnaissant au premier le caractère de principe d’ordre public.