Les réseaux sociaux n’échappent pas à la règle selon laquelle (L. 52-1 du code électoral), pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite.
En l’espèce, la liste qu’un candidat menait a acheté auprès de la société Facebook, pour la somme de 11,48 euros, une prestation de mise en avant d’une publication présentant les membres de sa liste et les principaux engagements de celle-ci.
Toutefois, si la mise en avant, moyennant le versement d’une somme d’argent, d’une telle publication sur le réseau social « Facebook », permettant, notamment, d’atteindre des personnes non abonnées à la page de la liste sur ce réseau social, revêt le caractère d’un procédé de publicité commerciale interdit par le premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, cette publication, qui est intervenue près de quarante jours avant la date du scrutin et qui n’était destinée qu’à durer quelques jours, a été interrompue, avant son terme, par la société Facebook.
Il ne pouvait non plus être établi que cette publicité a atteint des électeurs susceptibles d’être concernés par l’élection en cause. Dans ces conditions, le procédé mis en oeuvre par la liste du candidat ne peut être regardé comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
MM. Patrice C et André D ont, par deux protestations distinctes, demandé au tribunal administratif de Nîmes d’annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 pour l’élection des conseillers municipaux et communautaires dans la commune de Sault (Vaucluse). Par un jugement n° 2001023, 2001024 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif a rejeté ces protestations.
1° Sous le n° 441849, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 15 juillet et 8 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, et, sous le n° 442603, par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 8 août et 8 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) de faire droit à sa protestation.
2° Sous le n° 442570, par une requête et deux mémoires en réplique enregistrés les 7 août, 6 octobre et 1er décembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. C demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) de faire droit à sa protestation ;
3°) de mettre à la charge des élus de la liste conduite par M. B la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
— le code électoral ;
— le code de procédure civile ;
— la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
— la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 ;
— l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
— le décret n° 2020-571 du 14 mai 2020 ;
— la décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020 ;
— le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
— le rapport de M. Laurent Cabrera, conseiller d’Etat,
— les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. B ;
Considérant ce qui suit :
A l’issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 15 mars 2020 dans la commune de Sault (Vaucluse) les quinze sièges de conseillers municipaux et les trois sièges de conseillers communautaires ont été pourvus. Douze des sièges de conseillers municipaux et deux des trois sièges de conseillers communautaires ont été attribués à la liste « Sault avec vous », menée par M. B, maire sortant, qui a obtenu 361 voix, soit 51,49 % des suffrages exprimés, tandis que les trois autres sièges de conseillers municipaux et le dernier siège de conseiller communautaire ont été attribués à des candidats de la liste « Bien vivre à Sault », menée par M. C, qui a obtenu 340 voix, soit 48,50 % des suffrages exprimés. M. D, sous les numéros 441849 et 442603, et M. C, sous le numéro 442570, relèvent appel du jugement du 9 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs protestations respectives tendant à l’annulation de ces opérations électorales. Il y a lieu de joindre ces trois requêtes, qui sont dirigées contre le même jugement et qui présentent à juger les mêmes questions, pour statuer par une même décision.
Sur le grief tiré de la violation des dispositions de l’article L. 52-1 du code électoral :
En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral : « Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite ».
Il résulte de l’instruction, et n’est d’ailleurs pas contesté par M. B, que la liste qu’il menait a acheté auprès de la société Facebook, pour la somme de 11,48 euros, une prestation de mise en avant d’une publication présentant les membres de sa liste et les principaux engagements de celle-ci. Si la mise en avant, moyennant le versement d’une somme d’argent, d’une telle publication sur le réseau social « Facebook », permettant, notamment, d’atteindre des personnes non abonnées à la page de la liste sur ce réseau social, revêt le caractère d’un procédé de publicité commerciale interdit par le premier alinéa de l’article L. 52-1 du code électoral, il résulte de l’instruction que cette publication, qui est intervenue près de quarante jours avant la date du scrutin et qui n’était destinée qu’à durer quelques jours, a été interrompue, avant son terme, par la société Facebook et qu’il ne peut être établi qu’elle a atteint des électeurs susceptibles d’être concernés par l’élection en cause. Dans ces conditions, le procédé mis en oeuvre par la liste de M. B ne peut être regardé comme ayant été de nature à altérer la sincérité du scrutin.
Sur le grief tiré du niveau de l’abstention :
En premier lieu, l’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Dans ce contexte, le Premier ministre a adressé à l’ensemble des maires le 7 mars 2020 une lettre présentant les mesures destinées à assurer le bon déroulement des élections municipales et communautaires prévues les 15 et 22 mars 2020. Ces mesures ont été précisées par une circulaire du ministre de l’intérieur du 9 mars 2020 relative à l’organisation des élections municipales des 15 et 22 mars 2020 en situation d’épidémie de coronavirus covid-19, formulant des recommandations relatives à l’aménagement des bureaux de vote et au respect des consignes sanitaires, et par une instruction de ce ministre, du même jour, destinée à faciliter l’exercice du droit de vote par procuration. Après consultation par le Gouvernement du conseil scientifique mis en place pour lui donner les informations scientifiques utiles à l’adoption des mesures nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19, les 12 et 14 mars 2020, le premier tour des élections municipales a eu lieu comme prévu le 15 mars 2020. A l’issue du scrutin, les conseils municipaux ont été intégralement renouvelés dans 30 143 communes ou secteurs. Le taux d’abstention a atteint 55,34 % des inscrits, contre 36,45 % au premier tour des élections municipales de 2014.
Au vu de la situation sanitaire, l’article 19 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a reporté le second tour des élections, initialement fixé au 22 mars 2020, au plus tard en juin 2020 et prévu que : « Dans tous les cas, l’élection régulière des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 reste acquise, conformément à l’article 3 de la Constitution ». Ainsi que le Conseil constitutionnel l’a jugé dans sa décision n° 2020-849 QPC du 17 juin 2020, ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de valider rétroactivement les opérations électorales du premier tour ayant donné lieu à l’attribution de sièges et ne font ainsi pas obstacle à ce que ces opérations soient contestées devant le juge de l’élection.
Aux termes de l’article L. 262 du code électoral, applicable aux communes de mille habitants et plus : « Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l’entier supérieur lorsqu’il y a plus de quatre sièges à pourvoir et à l’entier inférieur lorsqu’il y a moins de quatre sièges à pourvoir. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l’application des dispositions du troisième alinéa ci-après. / Si aucune liste n’a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un deuxième tour () ». Aux termes de l’article L. 273-8 du code électoral : « Les sièges de conseiller communautaire sont répartis entre les listes par application aux suffrages exprimés lors de cette élection des règles prévues à l’article L. 262. () ».
Ni par ces dispositions, ni par celles de la loi du 23 mars 2020 le législateur n’a subordonné à un taux de participation minimal la répartition des sièges au conseil municipal à l’issue du premier tour de scrutin dans les communes de mille habitants et plus, lorsqu’une liste a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés. Le niveau de l’abstention n’est ainsi, par lui-même, pas de nature à remettre en cause les résultats du scrutin, s’il n’a pas altéré, dans les circonstances de l’espèce, sa sincérité.
En l’espèce, M. D et M. C font valoir que l’abstention élevée observée à Sault lors du premier tour des élections municipales et communautaires aurait porté atteinte à la sincérité du scrutin dès lors que, plus élevée de 13 points que celle constatée lors du précédent scrutin municipal et en principe plus élevée chez les électeurs les plus âgés, elle aurait davantage pénalisé la liste menée par M. C que celle menée par M. B. Toutefois, il ne ressort de l’instruction ni que l’abstention aurait été plus forte chez les électeurs les plus âgés de la commune, ni en tout état de cause que cette abstention aurait été particulièrement préjudiciable aux candidats de la liste conduite par M. C. En l’absence de l’invocation de toute autre circonstance relative au déroulement de la campagne électorale ou du scrutin dans la commune qui montrerait, en particulier, qu’il aurait été porté atteinte au libre exercice du droit de vote ou à l’égalité entre les candidats, le niveau de l’abstention constatée, qui est en tout état de cause inférieur de près de 25 points à celui constaté au niveau national, ne peut être regardé comme ayant altéré la sincérité du scrutin.
Il résulte de tout ce qui précède que MM. C et D ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs protestations respectives.
Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. C. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. C et de M. D sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F C, à M. A D, à M. E B et au ministre de l’intérieur.
Ce site utilise des cookies, vous pouvez les refuser ou les paramétrer, en savoir plus avec notre
Cookies essentiels uniquement
Toujours activé
Le stockage ou l’accès technique est strictement nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de permettre l’utilisation d’un service spécifique explicitement demandé par l’abonné ou l’utilisateur, ou dans le seul but d’effectuer la transmission d’une communication sur un réseau de communications électroniques.
Préférences
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire dans la finalité d’intérêt légitime de stocker des préférences qui ne sont pas demandées par l’abonné ou la personne utilisant le service.
Statistiques
Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement à des fins statistiques.Le stockage ou l’accès technique qui est utilisé exclusivement dans des finalités statistiques anonymes. En l’absence d’une assignation à comparaître, d’une conformité volontaire de la part de votre fournisseur d’accès à internet ou d’enregistrements supplémentaires provenant d’une tierce partie, les informations stockées ou extraites à cette seule fin ne peuvent généralement pas être utilisées pour vous identifier.
Marketing
Le stockage ou l’accès technique est nécessaire pour créer des profils d’internautes afin d’envoyer des publicités, ou pour suivre l’internaute sur un site web ou sur plusieurs sites web ayant des finalités marketing similaires.